RETRAITEMENT DES DISPOSITIFS MÉDICAUX À USAGE MULTIPLE : RELEVEZ LE DÉFI !
Dossier
Alexandre BAUDET* Elisabetta MERIGO** Laurence LUPI*** Céline CATTEAU****
*MCA, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Praticien attaché, Service d’Odontologie, CHRU Nancy.
**MCU-PH, Université Côte d’Azur, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Service d’Odontologie, CHU Nice.
***PU-PH, Université Côte d’Azur, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Service d’Odontologie, CHU Nice.
****MCU-PH, Université Lille, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Service d’Odontologie, CHU Lille.
La vigilance du praticien doit s’exercer sur le traitement des dispositifs médicaux (DM) afin de prévenir les infections associées aux soins. Après avoir été utilisé, chaque DM devra idéalement être stérilisé. Cet article passe en revue les procédures de traitement et stérilisation des DM réutilisables, en apportant une vision pragmatique applicable au quotidien.
L’exercice de la chirurgie dentaire comporte de nombreux actes invasifs dans un milieu naturellement septique. Il impose l’utilisation d’un ensemble complexe et varié de dispositifs (instruments, appareils) réutilisables. Pour assurer la protection de tous et travailler en sécurité, ces dispositifs doivent faire l’objet d’un traitement adapté entre deux utilisations afin de réduire leur contamination (figure 1). De manière générale, le traitement requis dépend du niveau de risque infectieux associé au dispositif médical (DM) [1] (tableau 1). En odontologie, dès lors que le DM à traiter est immergeable et thermorésistant, la stérilisation sera toujours préférée puisqu’elle est à la fois la plus efficace et la plus reproductible des méthodes disponibles. Des référentiels sont à la disposition des praticiens pour les guider dans la mise en œuvre des traitements adaptés aux différents DM [1-4].
La stérilisation des DM implique une chaîne d’étapes se déroulant selon le principe de « marche en avant » (figure 2), dans laquelle chaque étape conditionne la suivante et l’atteinte in fine de l’état stérile.
C’est la seule opération effectuée en dehors de la salle de stérilisation. Elle consiste à immerger les DM dans une solution détergente-désinfectante (dD) répondant a minima à des normes de bactéricidie et levuricidie (tableau 2). Elle doit être réalisée aussitôt la séance de soins terminée. Son objectif est double : éviter que les matières organiques ne sèchent de manière à faciliter le nettoyage des DM et réduire la population de micro-organismes afin de protéger l’environnement du cabinet dentaire et le personnel appelé à les manipuler [1-3].
Pour que celle-ci soit efficace, les DM doivent être préalablement débarrassés par essuyage de toute trace de matériau (pâte, ciment…) et totalement immergés dans la solution. Le choix du bac de trempage est uniquement guidé par des considérations pratiques (figure 3). La dilution de la solution dD et la durée de trempage seront conformes aux instructions d’utilisation du produit. La solution dD sera renouvelée au minimum quotidiennement, de préférence à l’ouverture du cabinet, et dès que celle-ci sera trouble.
Dès la fin du temps de trempage, les DM sont débarrassés du bac de pré-désinfection et rincés sous un filet d’eau du réseau pour éliminer les salissures et le produit de pré-désinfection [1, 2] (figure 4). Afin de limiter les interactions entre différents produits, il est conseillé de recourir à un produit dD à usage multiple, utilisable tant pour la pré-désinfection que pour le nettoyage [3].
Bien que ce ne soit pas souhaitable, si l’opération de nettoyage doit être différée, les DM seront immergés dans de l’eau faiblement minéralisée afin d’éviter le séchage des souillures résiduelles [3].
Le nettoyage peut être manuel ou mécanisé. Un pré-nettoyage aux ultrasons complémentaire au nettoyage manuel ou mécanisé peut être effectué [1, 2] mais il est insuffisant pour garantir à lui seul le nettoyage correct des instruments avant stérilisation [3]. Le résultat final de l’opération de nettoyage est lié à 4 facteurs interdépendants qui constituent le cercle de Sinner (figure 5). L’efficacité du nettoyage mécanisé est souvent bien meilleure, en raison de sa reproductibilité.
Il repose sur le phénomène de cavitation et n’est adapté qu’aux instruments métalliques. Ceux-ci ne doivent jamais être déposés directement sur le fond de la cuve (figure 6). Pour les DM de faibles dimensions, telles les fraises, il est conseillé de les déposer dans un contenant métallique ou en verre rempli de solution et placé en immersion dans la cuve [5].
Très chronophage et opérateur-dépendant, il peut être conseillé de le réserver aux salissures très incrustées. Cette opération consiste à nettoyer à l’aide d’une brosse à brins synthétiques (et d’un écouvillon pour les DM creux telles les canules d’aspiration) les DM immergés dans une solution dD (figure 7). L’utilisation de brosses à brins métalliques est déconseillée pour ne pas détériorer l’état de surface des DM. Les DM sont ensuite rincés à l’eau du réseau puis séchés manuellement au moyen d’un non tissé propre ou mécaniquement à l’aide d’une sécheuse. Afin qu’ils ne deviennent pas un réservoir de micro-organismes, les brosses et écouvillons doivent être désinfectés et renouvelés régulièrement [1, 3].
Les laveurs-désinfecteurs (figure 8) conformes à la norme NF EN ISO 15883 sont la solution de choix pour un nettoyage performant et reproductible des DM. Ils permettent un gain de temps et diminuent le risque de blessure. Outre un nettoyage automatisé, les laveurs-désinfecteurs permettent une désinfection à la chaleur humide. Selon le couple temps/température, une désinfection de bas niveau ou de niveau intermédiaire sera obtenue. Pour les DM non critiques et les DM thermosensibles, le traitement en laveur-désinfecteur prend donc tout son intérêt [1, 2].
Le conditionnement ayant pour but de protéger les DM propres de toute recontamination en attendant leur stérilisation, il doit être réalisé rapidement après l’étape de nettoyage. Seuls les DM propres, secs et en bon état seront conditionnés [1]. Les DM doivent donc être inspectés minutieusement, si besoin avec une loupe (fraises, instruments endodontiques…). Tout DM visuellement sale ou comportant des traces est renvoyé à l’étape de nettoyage. En cas de défaut, il est réparé ou mis au rebut, par exemple en présence de signes de corrosion [2].
Plusieurs types de conditionnement existent, les plus répandus étant les sachets et gaines en papier et plastique parmi lesquels il convient de privilégier ceux pourvus d’un indicateur de passage (figure 9) et dont la fermeture se fait par thermo-soudage (figure 10).
En odontologie, le procédé de stérilisation recommandé est le traitement thermique à la vapeur d’eau saturée au moyen d’un autoclave de classe B, marqué CE 93/42/CEE et conforme à la norme NF EN 13060+A1 (figure 11). Compte tenu du risque de transmission d’agents transmissibles non conventionnels associé aux actes de chirurgie dentaire, un cycle dit « Prion » caractérisé par un plateau de 18 minutes à 134 °C doit être utilisé [1, 3].
La libération de la charge de l’autoclave s’accompagne de l’inspection des emballages de manière à s’assurer de leur intégrité et de l’absence d’humidité. À cette étape, le cycle de stérilisation doit aussi être validé par le contrôle des paramètres du cycle de stérilisation fournis sur le ticket ou le diagramme délivré par l’autoclave (figure 12), de l’indicateur physico-chimique (figure 13) et des indicateurs de passage présents sur les emballages (figure 9). En l’absence de défaut, les emballages sont étiquetés [1, 2] (figure 14).
Pour préserver l’intégrité du conditionnement de l’état stérile, il est recommandé de stocker les DM à une température ambiante comprise entre 18 et 25 °C et à l’abri de la lumière naturelle directe et de l’humidité, dans un local adapté, propre et facile à nettoyer [6]. La gestion des stocks fera appel à un classement rationnel des DM afin de les faire sortir par ordre d’entrée en stock. La durée de stérilité dépend du type d’emballage et des conditions de stockage. Elle est généralement de 2 à 3 mois pour un emballage simple en papier et plastique thermo-soudé [3].
Les porte-instruments dynamiques (PID) doivent faire l’objet d’une vigilance particulière. Le risque de contamination croisée associé à leur utilisation est documenté [7]. Du fait de leur complexité, il n’est pas possible de les traiter strictement de la même manière que les autres DM (figure 1).
Après une purge de 20 à 30 secondes effectuée au fauteuil, les PID sont déconnectés, pré-désinfectés par essuyage avec une lingette dD et enveloppés dans celle-ci jusqu’à l’étape suivante afin de conserver l’humidité et empêcher le séchage des souillures [3]. Leur nettoyage externe et interne nécessite l’utilisation d’un automate dédié permettant idéalement de les mettre en rotation et d’assurer les étapes de pré-nettoyage, rinçage, nettoyage, séchage et lubrification (figure 15). Le nettoyage en laveur-désinfecteur est également possible avec une rampe dédiée, après vérification auprès du fabricant de la compatibilité du PID avec ce type de traitement, mais n’assure pas la lubrification [8].
Si la chaîne de stérilisation est soumise à une obligation de résultat, le contrôle de celui-ci ne peut se faire qu’indirectement et passe par la validation des équipements et la traçabilité de la stérilisation.
La validation des équipements (laveur-désinfecteur, autoclave, automate…) passe par leur qualification à l’installation et leurs requalifications périodiques ainsi que par un entretien adapté régulier. La souscription d’un contrat de maintenance des équipements est fortement conseillée. L’entretien courant peut, quant à lui, être confié à l’équipe soignante [1]. Toutes les opérations de maintenance doivent être consignées dans un classeur de maintenance en précisant la date, l’identité de l’opérateur et la description de l’opération effectuée.
Outre la traçabilité des contrôles de routine effectués à chaque cycle de stérilisation et évoqués plus haut, la traçabilité des performances du stérilisateur doit être mise en place. Elle permet de s’assurer de l’efficacité de la stérilisation en validant les performances de l’autoclave. Elle passe par l’utilisation d’un dispositif d’épreuve normatif pour confirmer la bonne pénétration de la vapeur d’eau au sein de la charge de l’autoclave. En ce sens, un test de Bowie Dick est classiquement utilisé chaque jour ou à chaque nouvelle utilisation de l’autoclave si celui-ci n’est pas utilisé quotidiennement [2]. En odontostomatologie, le test Hélix peut être plus pertinent pour son efficacité sur les corps creux. En complément, un test de vide doit être réalisé hebdomadairement et lorsque l’autoclave est vide et de préférence froid [9]. Ce test permet de s’assurer que le dispositif est bien capable de créer le vide nécessaire au contact intime entre la vapeur d’eau et la charge à stériliser. Un cahier de stérilisation consignera les résultats de ces tests et, pour chaque cycle, son numéro avec sa date, le descriptif de la charge, le diagramme d’enregistrement des paramètres physiques du cycle. La SF2S recommande de conserver ces documents au moins 5 ans [6].
En pratique, les procédures de traitement des instruments réutilisables sont bien connues mais le volume et le flux des instruments à traiter peuvent conduire à s’écarter des recommandations. La recherche de la systématisation et de la reproductibilité est le garant de la qualité des traitements. Il peut également paraître utile de mentionner qu’une hygiène des mains adaptée et l’utilisation d’équipements de protection individuelle adéquats sont indispensables lors de la mise en œuvre des traitements [10]. Rappelons aussi que la stérilisation des DM doit s’intégrer dans une démarche globale de prévention des infections croisées au cabinet dentaire dont un des maillons faibles est peut-être la désinfection des surfaces et des DM non immergeables (par exemple, lampe à photopolymériser, vibreur…) qui se fait par essuyage au moyen de lingettes (pré) imprégnées d’un produit dD, technique très opérateur-dépendante (essuyage plus ou moins complet, pression plus ou moins forte exercée sur la surface) [11]. Afin de limiter la contamination du matériel qui serait entreposé à proximité du poste de soins, il est donc vivement recommandé de laisser les plans de travail libres et de penser l’agencement du cabinet dentaire dans ce sens.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.