PRÉVENTION DU RISQUE INFECTIEUX RELATIF À L’UNIT DENTAIRE
Dossier
Alexandre BAUDET* Damien OFFNER** Anne-Marie MUSSET*** Jean-Jacques MORRIER**** Céline CLÉMENT*****
*MCA, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Praticien attaché, Service d’Odontologie, CHRU, Nancy.
**MCU-PH, Université de Strasbourg, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Service d’Odontologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
***PU-PH, Université de Strasbourg, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Service d’Odontologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
****PU-PH, Université de Lyon, Faculté d’Odontologie, Département d’Odontologie pédiatrique. Service d’Odontologie (CLIN), Hospices Civils de Lyon.
*****MCU-PH, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. Service d’Odontologie, CHRU Nancy.
L’unit dentaire est un équipement incontournable du cabinet dentaire. De conception complexe, il nécessite l’attention de toute l’équipe afin d’assurer son bon fonctionnement dans des conditions optimales d’hygiène. Cet article décrit les enjeux et modalités d’entretien des surfaces externes et internes d’un unit.
L’unit dentaire (UD), interconnecté au fauteuil patient, est un dispositif alimenté en eau, air comprimé et électricité permettant de faire fonctionner les porte-instruments dynamiques (PID) et la seringue air-eau. Il comprend un système d’aspiration, des commandes à main ou au pied, un éclairage opératoire, des plans de travail et des supports de plateaux [1]. L’UD doit être parfaitement entretenu pour garantir son bon fonctionnement et prévenir la survenue d’infections associées aux soins. L’objectif de cet article est de décrire les risques infectieux relatifs à l’unit et les modalités d’entretien pour les prévenir.
Lors des soins, les surfaces externes de l’UD et du fauteuil sont contaminées par contact des gants souillés du chirurgien-dentiste et de son assistant (e), par projections de gouttelettes issues de la bouche du patient et par voie aérienne via les bioaérosols émis par les PID. Ces surfaces sont contaminées par des micro-organismes de la flore commensale, des bactéries pathogènes, virus et champignons [2]. La transmission croisée se fait principalement par manuportage lorsque les surfaces sont insuffisamment désinfectées [2, 3]. Les patients et professionnels de santé exposés peuvent être colonisés et infectés par ces micro-organismes [3, 4].
À l’achat, il est préférable de privilégier des équipements faciles à nettoyer : fauteuil lisse, sans couture, cordons lisses et commandes par touches digitales sans relief [3].
Lors des soins, la contamination des surfaces sera réduite en utilisant une double aspiration, la digue ainsi que des plateaux stérilisables ou à usage unique pour déposer les instruments. En cas de souillure par des liquides biologiques, un nettoyage immédiat avec une lingette imbibée de produit détergent-désinfectant (dD) doit être effectué suivi d’un séchage [3].
Immédiatement après la prise en charge d’un patient, l’UD et le fauteuil subissent un traitement dit de bas niveau [3, 4] qui peut être réalisé en 3 étapes (nettoyage, rinçage, désinfection) ou en 1 seule étape à l’aide d’un produit dD (gain de temps et simplicité) [2, 3]. L’entretien des surfaces externes s’effectue du haut vers le bas et du propre vers le sale par essuyage humide selon une des modalités présentées dans la figure 1.
Les désinfectants doivent répondre à plusieurs normes (tableau 1) et être utilisés selon les préconisations du fabricant : concentration, temps d’action, durée de conservation et utilisation d’équipements de protection individuelle pour se protéger des risques microbiologiques et chimiques [2].
Élément essentiel lors des soins dentaires, l’eau permet de prévenir l’échauffement généré par l’instrumentation dynamique et le rinçage du site opératoire.
L’eau de l’UD entre directement en contact du patient au niveau des muqueuses buccales, des vaisseaux sanguins, de l’os et au niveau cutané. Elle peut aussi être ingérée et inhalée sous forme d’aérosols produits par les porte-instruments dynamiques (PID). Le chirurgien-dentiste et son assistant (e) y sont eux aussi exposés par projections cutanéo-muqueuses et inhalation d’aérosols.
Les conduites d’eau des UD présentent un environnement favorable au développement de biofilms (figure 2) qui relarguent alors des micro-organismes dans l’eau pouvant inclure des bactéries pathogènes opportunistes telles que Pseudomonas aeruginosa et Legionella pneumophila. La contamination de l’eau d’UD a été responsable d’infections chez des enfants et patients immunodéprimés et du décès de patients âgés [5].
Afin de maîtriser cette contamination, l’utilisation de produits chimiques désinfectants est recommandée en association avec des procédures physiques [2, 3].
Concernant les moyens physiques [3, 5] :
– des purges de 20 à 30 secondes doivent être réalisées en début de journée pour renouveler l’eau ayant stagnée toute la nuit dans l’UD, puis après chaque prise en charge de patient (figure 3) ;
– des valves anti-reflux et joints anti-retours doivent être installés (tubulures de l’UD ou à la tête des PID) afin d’éviter le reflux de liquide de la cavité buccale du patient dans les circuits de l’UD. Ceux-ci demandent entretien et remplacement réguliers pour éviter leur colonisation et leur usure ;
– une filtration de l’eau alimentant l’UD est recommandée. La meilleure solution est d’installer un réservoir amovible externe (figure 4) alimenté manuellement par de l’eau du réseau filtrée (figure 5).
Concernant le traitement chimique, de nombreuses solutions existent sur le marché mais toutes ne se valent pas [3]. Plusieurs traitements en continu ont fait la preuve de leur efficacité. Ils semblent offrir de meilleurs résultats lorsque leur utilisation est précédée d’un traitement initial (chocage) qui permet de retirer le biofilm initialement présent [6, 7]. Les traitements périodiques/intermittents sont moins efficaces à moyen-long termes que ceux en continu [8].
La qualité microbiologique de l’eau de sortie de l’UD ainsi que l’efficacité des moyens physiques et chimiques mis en œuvre sont idéalement contrôlés chaque année par prélèvements d’eau avec analyses microbiologiques [5].
Indispensable lors des soins dentaires, l’aspiration apporte confort au praticien et au patient et réduit l’aéro-biocontamination (figure 6).
Ce système est en contact avec divers débris organiques et liquides biologiques chargés en micro-organismes (figure 7). Le rapport surface/volume des tuyaux d’aspiration ainsi que l’environnement humide sont favorables au développement de biofilms. Plusieurs études relatent une contamination avérée de ce système [9, 10]. Ce ne serait pas un problème si le flux induit par ce système n’allait que dans un sens. En réalité, un phénomène de reflux a été décrit lorsque le patient ferme la bouche sur la canule d’aspiration (figure 8). Le flux change alors de sens pendant un bref instant, avant d’être réaspiré [11]. Ainsi, le risque de contamination croisée existe et un entretien adéquat du système est exigé.
Le système d’aspiration est constitué de différents éléments (figure 9) qui ne subiront pas tous le même entretien :
– les canules pour la pompe à salive sont à usage unique pour chaque patient ;
– les canules et embouts pour l’aspiration à haute vélocité (aspiration chirurgicale) sont soit à usage unique et jetés après chaque patient, soit réutilisables et suivent le cycle de stérilisation [2, 3] ;
– les connecteurs sont en métal ou en plastique thermorésistant. Bien qu’aucun guide ni article ne traite de leur entretien, il semble pertinent de les nettoyer et désinfecter en laveur-désinfecteur quotidiennement. L’intégrité du joint après traitement doit être vérifié, il sera remplacé si nécessaire (figure 10) ;
– les tuyaux doivent être nettoyés et désinfectés par aspiration d’une solution dD adaptée après tout acte sanglant et en fin de journée [12] (figure 11). Un rinçage à l’aide d’un demi-litre d’eau après tout autre acte est recommandé [2, 3]]. Un traitement détergent et détartrant doit également être régulièrement apporté aux tubulures, en accord avec les recommandations des fabricants ;
– les filtres à usage quotidien doivent être jetés chaque fin de journée ; ceux réutilisables doivent être nettoyés et désinfectés quotidiennement [2] soit en laveur-désinfecteur si le filtre est thermorésistant, soit manuellement à l’aide d’une brosse et d’une solution dD. Après traitement, il convient de vérifier l’intégrité des filtres et de les renouveler si nécessaire.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.