DÉSINFECTION DES EMPREINTES DENTAIRES
Dossier
Marilyne SENG* Mariette CAÏONE** Maï-Linh TRAN*** Anne-Sophie VAILLANT**** Céline CLÉMENT*****
*Ancienne AHU, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département d’Orthopédie dento-faciale. CHRU Nancy, Service d’Odontologie.
**AHU, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. CHRU Nancy, Service d’Odontologie.
***AHU, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département d’Orthopédie dento-faciale. CHRU Nancy, Service d’Odontologie.
****CORROY MCU-PH, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département de Prothèse. CHRU Nancy, Service d’Odontologie.
*****MCU-PH, Université de Lorraine, Faculté d’Odontologie, Département de Santé publique. CHRU Nancy, Service d’Odontologie.
Phase essentielle du traitement des empreintes, la désinfection trouve sa justification dans le risque avéré de contamination croisée pour toute personne en contact avec les agents infectieux présents dans les liquides biologiques (patient, praticien, assistante, prothésiste, coursier…). Sa mise en œuvre rigoureuse s’avère indispensable.
Définie par l’AFNOR comme la « réduction du nombre de micro-organismes dans ou sur une matrice inanimée, obtenue grâce à l’action irréversible d’un produit sur leur structure ou leur métabolisme, à un niveau jugé approprié en fonction d’un objectif donné » [1], la désinfection des empreintes doit être systématique et efficace [2]. Les matériaux sont en contact avec des liquides biologiques (salive, sang…), donc contaminés par des micro-organismes, d’où un risque de contamination croisée [3].
Les deux agents désinfectants les plus étudiés pour la désinfection des empreintes sont le glutaraldéhyde et l’hypochlorite de sodium. Le glutaraldéhyde provoquant des irritations importantes au niveau de la peau, des yeux et des voies respiratoires ainsi que des allergies cutanées et respiratoires, il ne doit être utilisé que dans les cas où aucune autre alternative n’est envisageable. S’il est utilisé, tout contact avec la peau et les muqueuses doit être évité (port de gants, masque et lunettes de protection) de même que toute inhalation de vapeurs (réduction du nombre de travailleurs dans la zone d’utilisation, utilisation d’une extraction d’air et aération des locaux) [4]. Ainsi, l’hypochlorite de sodium est à privilégier dans la plupart des cas, selon les recommandations françaises [5]. La dilution (tableau 1) de ce produit doit être réalisée au moment de la désinfection et la solution obtenue, instable, doit être conservée au maximum 24 heures à l’abri de la lumière. D’autres produits désinfectants prêts à l’emploi sont commercialisés. Pour leur utilisation, il est nécessaire de se référer aux normes des produits désinfectants pour dispositifs médicaux. Selon les propriétés du matériau à empreinte utilisé, on optera pour une technique de désinfection plutôt qu’une autre (figure 1).
Les matériaux à empreinte sont habituellement classés en matériaux élastiques – hydrocolloïdes (alginates…) et élastomères (polyéthers, silicones et polysulfures) – et matériaux inélastiques, tels que la pâte oxyde de zinc-eugénol (figure 2).
Classiquement indiqués pour la réalisation de modèles d’étude ou antagonistes, les alginates présentent une grande susceptibilité aux phénomènes d’imbibition et de synérèse [13]. Les polyéthers utilisés en prothèses fixée et amovible sont relativement hydrophiles [13], comme les pâtes oxyde de zinc-eugénol mises en œuvre pour les empreintes secondaires en prothèse amovible.
Les élastomères de silicone employés en prothèse fixée et orthodontie comptent parmi les matériaux plus hydrophobes, au même titre que les polysulfures destinés aux enregistrements muco-dynamiques en prothèse amovible [12, 13].
Le traitement de désinfection doit à la fois être efficace et induire peu de déformations. La stabilité dimensionnelle d’un matériau est inversement corrélée à son hydrophilie à cause de mécanismes hydro-cinétiques. La procédure de désinfection des matériaux hydrophobes s’affranchit plus facilement des contraintes induites par le risque de variations dimensionnelles que celles des alginates, polyéthers et pâtes oxyde de zinc-eugénol qui requièrent plus de précautions du fait de leur sensibilité aux déformations (figure 3).
Pour les matériaux hydrophiles, la pulvérisation induit un faible risque de variation dimensionnelle [14] et est facile à mettre en œuvre (figure 4). Cette technique présente toutefois le risque d’une vaporisation non uniforme sur la totalité de l’empreinte, en particulier dans les zones de contre-dépouille. Après pulvérisation, l’empreinte est stockée dans un milieu saturé en humidité (figure 5) pendant une dizaine de minutes puis rincée à l’eau (figure 6).
Une méthode intermédiaire consiste à immerger l’empreinte 2 minutes dans une solution désinfectante. Un papier absorbant est immergé dans le même désinfectant et placé avec l’empreinte dans un sachet hermétique pendant 20 à 30 minutes puis l’empreinte est rincée. Cette méthode permet une désinfection efficace et homogène tout en minimisant le risque de variation dimensionnelle [14, 15].
Les alginates (tableau 2), en raison de leur forte hydrophilie, sont les matériaux à empreinte les plus contaminés et les plus sensibles aux variations dimensionnelles.
Leur immersion est déconseillée en raison des phénomènes d’imbibition. Selon la concentration et le temps d’immersion, des variations dimensionnelles plus ou moins sévères peuvent survenir. La désinfection par pulvérisation affecte peu la stabilité dimensionnelle mais son efficacité est discutée. La méthode intermédiaire apparaît donc comme une alternative à la pulvérisation [14, 15].
L’immersion des polyéthers est déconseillée en raison de leur hydrophilie qui entraîne un risque de variation dimensionnelle et d’altération de l’état de surface.
La pulvérisation réduirait le risque de déformation de l’empreinte mais son efficacité antimicrobienne est discutée. La méthode intermédiaire est donc préconisée pour ce type de matériau [15].
Les matériaux à empreinte à base d’oxyde de zinc-eugénol (tableau 3) sont des matériaux relativement hydrophiles qui présentent une bonne stabilité dimensionnelle [12].
Il est donc préconisé de les immerger dans une solution à base d’iodophores (1:213) pendant 10 minutes [10]. L’immersion dans une solution désinfectante de glutaraldéhyde à 2 % pendant 10 minutes a également été évoquée [15], à condition de respecter les précautions liées à ce produit.
L’utilisation de solution chlorée est déconseillée car engendrant des variations dimensionnelles [15].
Les matériaux hydrophobes sont moins sensibles aux déformations que les matériaux hydrophiles ; l’immersion (figure 7) est préférable à la pulvérisation car elle permet une exposition uniforme de toutes les surfaces de l’empreinte que ne garantit pas la pulvérisation [11].
Une désinfection efficace des silicones (tableau 4) par addition peut être obtenue par immersion dans l’hypochlorite de sodium à 0,5 % durant au moins 10 minutes. Les recommandations françaises conseillent un temps d’application du désinfectant de 15 minutes [5].
Les résultats publiés ne mentionnent pas d’altération dimensionnelle pour une immersion dans l’hypochlorite de sodium à 0,5 % allant jusqu’à 30 minutes [17, 19].
Une efficacité désinfectante est obtenue dès 5 minutes d’immersion d’un silicone (tableau 5) par condensation dans l’hypochlorite de sodium à 0,5 % [3].
Ces matériaux sont plus ou moins sensibles aux déformations [19]. D’après la littérature, la durée d’immersion peut être portée à 30 minutes [15].
Les silicones par condensation peuvent donc être désinfectés par immersion durant 5 à 30 minutes dans de l’hypochlorite de sodium à 0,5 %.
Les polysulfures (tableau 6) peuvent être désinfectés par une immersion d’une durée de 30 minutes dans de l’hypochlorite de sodium à 0,5 % afin d’allier efficacité antimicrobienne et innocuité dimensionnelle [16].
L’enjeu de la désinfection des empreintes réside dans l’équilibre entre efficacité antimicrobienne et stabilité dimensionnelle.
Dernièrement, l’empreinte optique a permis de s’affranchir des contraintes liées à la désinfection. Elle s’est cependant accompagnée de problématiques similaires à celles des empreintes physiques, à savoir la précision dans le cas des empreintes globales d’arcade notamment [13].
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.