Clinic n° 04 du 01/04/2022

 

Revue de presse

Internationale

Philippe FRANÇOIS  

La restauration de la dent dépulpée représente une part importante de l’activité libérale restauratrice d’un chirurgien-dentiste. La qualité de ce traitement est indispensable pour le pronostic mécanique de la dent au long cours, l’esthétique de la restauration mais également pour protéger l’équilibre biologique permis par le traitement endodontique. C’est finalement un véritable prolongement de l’acte endodontique pour mener au succès clinique au long cours. Le...


La restauration de la dent dépulpée représente une part importante de l’activité libérale restauratrice d’un chirurgien-dentiste. La qualité de ce traitement est indispensable pour le pronostic mécanique de la dent au long cours, l’esthétique de la restauration mais également pour protéger l’équilibre biologique permis par le traitement endodontique. C’est finalement un véritable prolongement de l’acte endodontique pour mener au succès clinique au long cours. Le spectre des options de restauration à la disposition des praticiens ne cesse d’augmenter grâce aux progrès réalisés en matière de collage ou dans la chimie des polymères, de la sortie exponentielle de nouveaux matériaux prothétiques sur le marché et d’innovation dans les processus de fabrication numérique additive ou soustractive.

Les situations cliniques sont multiples, générant pour chaque praticien une dose d’incertitude, une série de questions auxquelles il doit répondre en quelques minutes en per-opératoire, parfois même un stress lors de la survenue de complications per-opératoires. Le choix est systématiquement pris selon nos connaissances, notre expérience, nos préférences ou celles du patient, aucun praticien ni aucune philosophie de traitement ne pouvant se targuer d’avoir la solution systématique à toutes les situations. Il va de soi que cet article pourra être vu comme un état actuel des connaissances à haut niveau de preuve et non comme une réponse « absolue » à tous les débats.

Ainsi, ce choix est extrêmement complexe et certaines questions reviennent en boucle pour chaque praticien. Quand faut-il faire la restauration définitive après le traitement endodontique ? À partir de quelle perte de substance basculer d’une restauration directe à une restauration indirecte ? Dans le cas d’une restauration indirecte, faut-il faire une restauration partielle collée, une endo-couronne ou une couronne conventionnelle ? Quel matériau choisir pour cette restauration ? Faut-il utiliser un tenon et, si oui, en quel matériau ? Que faut-il modifier en présence d’une dent fêlée ?

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

Cet article, fondé sur une revue de la littérature, élaboré par des experts membres de la ESE (European Society of Endodontics) et validé par cette même société savante vise à donner des éléments de réponse à l’ensemble de ces questions afin d’aider au mieux le praticien dans son choix.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Ce papier est un avis d’experts fondé sur une revue de littérature, sans méthodologie d’inclusion particulière des articles visant à discuter point par point les questions que nous avons formulées dans l’introduction. Il va de soi qu’il pourrait ainsi être considéré comme à faible niveau de preuve. Cependant, face à la renommée scientifique de ses auteurs, de la société savante qui l’émet et de la citation d’un grand nombre d’articles de référence sur ces sujets variés, il fait un excellent rappel de l’état actuel « consensuel » sur ces sujets.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

• Concernant le délabrement dentaire initial (post-endodontique) avant la réhabilitation définitive de la dent, celui-ci est montré comme étant un facteur clé du pronostic mécanique de la dent au long cours mais également, par certaines études, comme influençant le taux de succès endodontique. Ainsi, le pronostic d’une dent est plus guidé par son délabrement que par son état pulpaire (pulpée/dépulpée).

• Pour les dents fortement délabrées, la présence d’un cerclage périphérique (également appelé ferrule effect en anglais), qui pourrait se définir comme « un collet de dentine supramarginal circonférentiel adéquat pour retenir une restauration prothétique », est un facteur pronostique important de survie. Le consensus sur sa hauteur et son épaisseur n’est pas très clair (mais 2 mm de hauteur et d’épaisseur est une valeur couramment retrouvée).

• Dans la majorité des cas (mais non systématiquement), quand la dent est dépulpée et qu’une paroi proximale est manquante, une restauration avec recouvrement cuspidien est indiquée pour renforcer mécaniquement la dent. Celle-ci peut être partielle (onlay, overlay) ou complète (endo-couronne, couronne) dans le respect de la préservation tissulaire.

• Les dents fêlées bénéficient d’un recouvrement systématique post-traitement endodontique.

• En absence de ferrule ou en présence de ferrule restreint, les philosophies extrêmement minimalement invasives collées (restaurations partielles) semblent prometteuses en rapport à leur préservation tissulaire accrue mais les études à haut niveau de preuve manquent. L’utilisation d’un tenon pourrait être intéressante sur les incisives et les prémolaires dans ce contexte particulier.

• Dans tous les autres cas (molaires, présence de ferrule), l’utilisation d’un tenon n’améliore pas la survie de la dent. Il n’y a aucun consensus qui se dégage sur l’utilisation d’un matériau plutôt qu’un autre pour la réalisation éventuelle d’un tenon quand celui-ci est indiqué par le praticien. La bonne mise en œuvre du protocole d’assemblage de ce tenon semble bien plus importante que le choix du matériau.

• Les endo-couronnes/overlays semblent une alternative intéressante pour la restauration de molaires fortement délabrées. Leur utilisation plutôt que celle d’un tenon mérite d’être considérée dans ces indications.

CONCLUSION ET PERTINENCE CLINIQUE

Le consensus sur la restauration de la dent dépulpée, bien souvent très délabrée, est loin d’être obtenu et de nombreuses questions restent en suspens. Cet article offre cependant un état actuel des connaissances fortes sur la restauration de la dent dépulpée. Les approches plus récentes et extrêmement minimalement invasives sont moins étudiées : cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les appliquer, bien au contraire… Pour pouvoir les indiquer, les appliquer efficacement et repousser les limites établies, il est toujours nécessaire de connaître ce qui est déjà montré avec un fort niveau de preuve : établir de nouvelles preuves de façon certaine prend toujours du temps.