Clinic n° 03 du 01/03/2022

 

Dossier

Frank POURRAT*   Paul SAULUE**  


*Spécialiste qualifié en Orthopédie dento-faciale, Membre titulaire de la Société Française d’Orthopédie dento-faciale, Exercice salarié en Orthodontie, Blaye.
**Ancien AHU Faculté d’Odontologie de Bordeaux, Spécialiste qualifié en Orthopédie dento-faciale, Membre titulaire du Collège Européen d’Orthodontie, Titulaire du Certificat d’Excellence en pratique orthodontique (BLSFO), Exercice libéral en Orthodontie, Agen.

Les choix thérapeutiques de l’agénésie de l’incisive latérale maxillaire sont souvent délicats et complexes à appréhender. Ce dossier se clot sur un outil d’aide à la décision thérapeutique qui prend en compte l’ensemble des critères faciles ou difficiles et quantifie la difficulté de prise de décision.

Nous l’avons vu, la gestion de l’agénésie unilatérale de l’incisive latérale maxillaire est particulièrement difficile car de nombreux critères interviennent pour décider du choix thérapeutique. Il persiste malgré tout de nombreuses inconnues au moment du plan de traitement et des propositions faites avec les autres spécialistes au patient et à ses parents. Les agénésies bilatérales simplifient une partie de la réflexion, dans la mesure où la dent controlatérale n’existe pas.

Aussi, nous vous proposons d’évaluer la difficulté du choix de traitement à l’aide du tableau 1 incrémenté de critères colorés en vert, orange et rouge définissant la difficulté plus ou moins importante de prise en charge. Ne sont pas inclus la passion ou la compétence de chacun des thérapeutes.

COMMENT UTILISER CE TABLEAU ?

Il est composé de deux parties. Une partie dans l’option de la fermeture de l’espace de l’agénésie et une partie dans le sens de l’ouverture. Chacune d’elles reprend les critères énoncés du premier article de ce dossier.

Le lecteur, face à ses propres patients, pourra ainsi se laisser guider par le nombre de feux verts ou rouges dans l’un ou l’autre des tableaux, ou les deux. Bien que certaines analyses de patients semblent donner un plan de traitement aisé, il est des patients pour lesquels il est très difficile de choisir. Une approche pluridisciplinaire sera nécessaire pour offrir au patient et à ses parents la meilleure décision thérapeutique.

Afin de reconnaître les différents projets faciles ou difficiles, la facilité de décision est ici illustrée par un cas clinique. En revanche, dans un deuxième cas, la proposition d’ouverture ou de fermeture ne semble pas suffisamment évidente pour que le praticien seul puisse décider et offrir au patient et à ses parents le meilleur compromis. Il est donc primordial de rassembler les connaissances et le savoir-faire de chacun pour entrevoir le meilleur bénéfice/risque/sécurité thérapeutique des patients. Toutefois, des critères plus sélectifs peuvent aussi intervenir sur la réalisation plus ou moins facile du traitement comme, sans un ordre bien précis de difficulté : le modelage des canines en forme de latérales, le temps de traitement, l’ancrage nécessaire, la fente labio-palatine, les risques de résorptions radiculaires, la temporisation, le traitement adulte, la présence des dents temporaires, les compétences professionnelles.

CAS N° 1

La patiente, âgée de 11 ans le jour de la consultation ( évaluation de difficulté à l’ouverture des espaces), a une motivation faible ( évaluation de difficulté à l’ouverture). Les conditions socio-économiques sont faibles ( évaluation de difficulté à l’ouverture). Structure de classe II squelettique ( évaluation de difficulté à l’ouverture). Les relations inter-arcades sont de classe 2 dentaire avec une dysharmonie dento-maxillaire importante ( évaluation de difficulté à l’ouverture). Le sourire n’a pas une apparence fermée et la ligne du sourire est correcte ( favorable à la fermeture). Les canines supérieures n’ont ni une forme ( favorable à la fermeture), ni une acuité cuspidienne ( favorable à la fermeture), ni une teinte défavorable à leur positionnement antérieur ( favorable à la fermeture). La 13 est déjà au contact de la 11 ( favorable à la fermeture). La 12 controlatérale n’est pas très large ().

Le praticien, orthodontiste ou non, pourra prendre seul la décision d’un traitement par la fermeture des espaces en conciliant les extractions de prémolaires inférieures et l’incisive controlatérale. Si cette patiente avait eu une agénésie des 2 incisives latérales, la réflexion thérapeutique aurait été encore plus simple puisque la question de l’extraction de la 22 ne se serait pas posée.

CAS N° 2

Patient âgé de 15 ans le jour de la consultation ( favorable à l’ouverture de l’espace). La motivation et l’adhésion ( compliance) à la fois des parents et du patient ne sont pas élevées pour proposer un traitement pluridisciplinaire ( défavorable à l’ouverture). La typologie est brachy-faciale ( favorable à l’ouverture). La structure est de classe II squelettique ( défavorable à l’ouverture). La classe dentaire est de classe 2 sans DDM ( défavorable à l’ouverture). Le profil des tissus mous est rétrusif ( favorable à l’ouverture). Le sourire est d’apparence très fermé, pauvre, avec une ligne du sourire droite ( favorable à l’ouverture). L’incisive controlatérale est riziforme ( défavorable à l’ouverture). Les canines sont de taille correcte avec une acuité cuspidienne importante et une teinte acceptable ( favorable à l’ouverture). Le parodonte ne pose pas de problème particulier par rapport à son phénotype ( favorable à l’ouverture). Une proposition de chirurgie maxillo-faciale de type Dalpont d’avancée mandibulaire semble être une bonne proposition pour l’ouverture et pour obtenir un compromis acceptable, avec la pose d’un ou de deux implants ou la reconstruction de la 22. Une deuxième proposition peut être faite dans le sens de l’ouverture par le biais d’un dispositif de correction de classe II, malgré l’âge du patient. In fine, ni le patient ni les parents n’adhérent à ces deux propositions et le choix final de compromis se soldera par la fermeture de l’espace de l’agénésie avec un modelage de la canine et une reconstitution de la 22.

CONCLUSION

Par le biais de ce tableau récapitulatif des critères de décision thérapeutique, tous les odontologistes peuvent trouver les moyens d’échanger tant avec les diverses spécialistes qu’avec les patients et leurs parents qui ont souvent une vision différente de nos approches professionnelles. Le fait d’évaluer la difficulté ou la facilité de l’exécution de chaque critère donne une lecture franche mais nous laisse libre de notre exécution.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.