LES CONTENTIONS FIBRÉES : INDICATIONS ET RECOMMANDATIONS
Orthodontie
et Parodontie
Valérie ROMAIN* Franck MOATTY** Carole ECHAVE*** Pierre ARMAGNAC**** Fabienne JORDANA*****
*Exercice libéral, Paris.
**Exercice libéral, Paris.
***Exercice libéral, Paris.
****Exercice libéral, Strasbourg.
*****Enseignant-chercheur et MCU-PH, Nantes.
Conjuguant les atouts de la dentisterie adhésive aux propriétés des fibres de verre, les contentions fibrées représentent une solution de choix adaptable à un large éventail d’applications cliniques. L’assurance d’une stabilisation qui s’adapte mécaniquement aux contraintes présentes ainsi que leurs excellentes qualités esthétiques séduisent un nombre croissant de praticiens, tout comme de patients. Toutefois, le suivi rigoureux des indications et recommandations relatives...
Les contentions fibrées bénéficient de propriétés très intéressantes, résultat de leur composition unique de fibres de verre incorporées dans une matrice de résine composite. Leurs excellentes qualités esthétiques, leur grande résistance mécanique et leur longévité sont tout aussi appréciées des praticiens que des patients, d’autant plus que les contentions en fibres de verre respectent l’intégrité du tissu dentaire dont la valeur est inestimable.
Elles peuvent répondre à une multitude de situations cliniques dès lors qu’il s’agit de stabiliser le positionnement dentaire du patient, que ce soit durablement, en contention post-orthodontique ou en contention parodontale, ou encore transitoirement jusqu’à la pose d’implants. C’est pourquoi le choix des contentions fibrées s’inscrit généralement dans le cadre d’un échange pluridisciplinaire avec l’orthodontiste, le parodontiste et le dentiste traitant du patient. La pose des contentions de fibres de verre doit néanmoins respecter certaines indications spécifiques ainsi qu’un protocole rigoureux sous champ opératoire étanche pour maximiser leur pronostic.
Conjuguant les atouts de la dentisterie adhésive aux propriétés des fibres de verre, les contentions fibrées représentent une solution de choix adaptable à un large éventail d’applications cliniques. L’assurance d’une stabilisation qui s’adapte mécaniquement aux contraintes présentes ainsi que leurs excellentes qualités esthétiques séduisent un nombre croissant de praticiens, tout comme de patients. Toutefois, le suivi rigoureux des indications et recommandations relatives à la pose des contentions fibrées est primordial afin de garantir leur succès.
Les contentions fibrées sont des polymères constitués d’une matrice de résine composite et de fibres incorporées qui jouent le rôle de renfort. Cette association unique permet de générer une nouvelle combinaison de propriétés intéressantes, répondant aux exigences cliniques des contentions.
Avec la commercialisation depuis 2000 de la fibre everStick®, élaborée par le groupe de recherche du Pr Vallittu (Université de Turku, Finlande), les fibres de verre sont devenues le matériau de référence pour les contentions fibrées. Elles se présentent sous forme de faisceaux de fibres de verre silanées unidirectionnelles de haute densité, au sein d’une matrice polymère-monomère de bisphénol A-glycidyl méthacrylate et de polyméthylméthacrylate, à l’état de gel. De plus, une gaine externe de polyméthylméthacrylate englobe ces fibres de verre et se dissout partiellement au contact d’une résine, rendant la surface du faisceau irrégulière et poreuse.
Les microalvéoles formées sont à l’origine de micro-rétentions qui vont autoriser un double ancrage, à la fois chimique et mécanique, lors de l’interpénétration des fibres de verre par la résine. C’est ce double ancrage qui est la clé de voûte des contentions fibrées, augmentant les facteurs de résistance de la fibre [1]. Ainsi, la résistance à la flexion des fibres everStick® équivaut à celle de l’or ou du chrome-cobalt avec 1 280 MPa [2]. L’adjonction de fibres everStick® à de la résine acrylique permet d’atteindre une résistance à la fatigue de 1,2 million de cycles versus 36 000 cycles avec un maillage métallique et 13 000 cycles pour l’acrylique seul [3], ce qui suggère un meilleur pronostic et une plus grande longévité des contentions fibrées face à l’application répétée des charges masticatoires et occlusales. Bien que les auteurs ne disposent pas à ce jour de recul clinique sur l’utilisation de produits issus d’autres marques, le protocole de pose des contentions fibrées devrait pouvoir s’appliquer aux autres fibres de verre de composition similaire.
Les contentions fibrées sont résistantes, semi-permanentes voire permanentes, non mutilantes et réversibles. Elles servent principalement à maintenir le positionnement dentaire, après un traitement d’orthodontie ou parodontal, en prévenant le risque de migrations.
L’intérêt majeur des contentions avec fibres de verre réside dans l’utilisation de composites esthétiques qui répondent à une demande additionnelle d’harmonisation du sourire. Elles sont notamment utiles dans les cas de microdontie, d’agénésie, d’effet disgracieux d’angle cassé, de diastème ou bien de triangle noir (figures 1 à 4).
Comme il s’agit d’une technique non invasive, respectant le principe de préservation tissulaire, elles peuvent aussi être envisagées lors de situations cliniques transitoires telles que la temporisation implantaire, sans compromettre la restauration future.
Enfin, l’association des fibres de verre et des matériaux composites permet parfois d’apporter aux patients une alternative thérapeutique prothétique et de suppléer à d’autres traitements qui, pour divers motifs, seraient contre-indiqués.
C’est pourquoi, étant donné le large champ d’application des contentions fibrées, le choix de pose de ces dernières ne peut être pris raisonnablement qu’après un échange pluridisciplinaire avec les autres praticiens prenant en charge le patient (orthodontiste, parodontiste, chirurgien-dentiste traitant).
La période de contention vient dans le prolongement du traitement d’orthodontie et fait partie intégrante de celui-ci. Elle vise à assurer la stabilité des résultats obtenus en évitant la récidive, qui reste actuellement le problème le plus difficile à résoudre en orthodontie [4].
La contention fibrée représente une alternative aux fils collés métalliques et s’inscrit dans la demande esthétique croissante des patients pour des méthodes qui « ne se voient pas ». Grâce à l’utilisation de composites de restauration nano-chargés qui permettent de caractériser très finement une dent [5], il est désormais possible de créer des contentions aux limites invisibles, avec un mimétisme remarquable (figures 5 et 6).
Cette technique offre également au patient une solution de contention fixe, peu contraignante, compatible avec un degré de coopération amoindri après plusieurs années de traitement d’orthodontie. Elle présente l’avantage d’être évolutive et adaptative au cours de la vie du patient, paramètre majeur lorsque l’on sait que les contentions sont souvent posées chez de jeunes adolescents.
La contention fibrée parodontale est très appréciée des patients et des thérapeutes quand il s’agit de redonner une aisance fonctionnelle et sociale à un sourire que l’on pensait définitivement perdu. Elle stabilise les dents mobiles, redonnant confiance au patient et permettant au praticien d’effectuer la maintenance parodontale sans appréhension [6, 7]. Les triangles noirs disgracieux, conséquence des récessions parodontales, peuvent en outre être estompés à l’aide des matériaux composites esthétiques (figures 7 à 10).
Cette contention de la dernière chance laisse le temps au patient et à l’équipe thérapeutique de préparer le remplacement des dents antérieures trop mobiles dont le pronostic est compromis sur le long terme.
La contention fibrée permet donc de suivre l’évolution parodontale du patient pas à pas, jusqu’à avoir recours à des techniques de résection radiculaire pour intégrer à la contention la couronne naturelle des dents qui n’ont pu être conservées.
La technique de la contention fibrée avec adjonction est un traitement d’attente pour un jeune adolescent ou un traitement permanent pour un adulte qui ne peut pas (ou ne souhaite pas) recevoir d’implant. Il s’agira dans ce cas d’adapter et de renouveler la contention fibrée au cours de la vie du patient et en fonction des besoins. Le renouvellement de la contention fibrée avec adjonction n’a aucune limite dans le temps, dans le sens où l’intégrité tissulaire des dents adjacentes à l’édentement n’est pas mise en jeu.
Entre 2008 et 2021, plus de 900 contentions fibrées avec 1 ou 2 adjonctions ont été posées avec succès au sein d’un cabinet spécialisé. Parmi les performances réalisées, on note le maintien en place de plusieurs contentions fibrées avec adjonction de deux incisives contiguës au maxillaire ou à la mandibule. Les contentions avec fibres de verre montrent une fois de plus l’étendue de leur champ d’application et leur possibilité de repousser les limites thérapeutiques, pour un meilleur service rendu au patient.
La réalisation de contentions fibrées s’effectue en méthode directe, avec un plateau technique appartenant essentiellement à l’arsenal classique du chirurgien-dentiste, et est relativement peu onéreuse. La durée d’intervention pour une arcade varie de 1 h 30 pour un cas « simple », à plusieurs heures lorsqu’il s’agit d’une ré-harmonisation de sourire avec un possible remplacement de dent absente (agénésie, absence post traumatique…). Ces éléments sont à prendre en considération, aussi bien du point de vue de l’organisation au sein du cabinet que de la préparation physique et psychologique du praticien. Ces procédures sont exigeantes en termes de rigueur opératoire et la mise en place d’un champ opératoire étanche ou d’une digue dentaire est impérative. De plus, un niveau de concentration optimal est requis tout au long de la séance.
Certaines contre-indications locales peuvent remettre en question la réalisation de la contention collée en fibres de verre. Elles sont à pondérer selon le rapport bénéfice/risque et la situation individuelle du patient.
La supraclusion sans surplomb est la seule contre-indication absolue. L’espace minimum indispensable à la bonne mise en œuvre des matériaux est de 0,6 mm de canine à canine, en occlusion statique. Un léger polissage des crêtes marginales peut toujours être envisagé, bien qu’il ne permette qu’un gain d’espace négligeable, de l’ordre de 0,1 mm.
La détection d’une pulsion linguale, d’une déglutition atypique, d’un bruxisme ou d’habitudes néfastes (succion du pouce, onychophagie…) est primordiale pour éviter les écueils. L’instauration d’un dialogue avec le patient est la clé pour l’accompagner dans le traitement de ses parafonctions et dysfonctions et s’assurer de la pérennité de sa contention fibrée.
La bosse canine possède une forte intensité colorimétrique qu’il faut estomper, sans tailler la dent. Il est donc souhaitable de planifier en amont l’ingression des canines à maquiller en pseudo-incisives latérales et les positionner le plus en palatin possible.
Une contention étendue jusqu’à la première prémolaire, avec un maintien en mésial et en distal de ces canines, doit être prévue. Les canines anciennement en rotation ou en traction présentent des forces récidivantes considérables qui nécessitent un renfort supplémentaire.
De manière à créer un beau profil d’émergence, la dent riziforme doit être placée au centre de l’espace, dans le sens aussi bien mésio-distal que vestibulo-lingual.
Le praticien devra travailler en collaboration étroite avec l’orthodontiste, et ce dès le début du traitement. Les microdonties légères ne sont pas toujours visibles au premier coup d’œil et l’une des erreurs à éviter est de vouloir fermer les diastèmes à tout prix. Les proximités radiculaires tendent à provoquer des réouvertures d’espace que les contentions fibrées ne sont pas capables d’empêcher. De plus, laisser de l’espace en proximal de part et d’autre de la dent concernée permet de corriger son profil d’émergence, tout en créant un espace biologique nécessaire à une belle papille.
L’espace prévu pour l’adjonction doit être symétrique et égal à l’espace occupé par la dent controlatérale ou, si celle-ci n’existe pas – cas d’agénésie de 12 et 22 par exemple (figures 11 à 14) –, à l’espace destiné à l’adjonction de la dent controlatérale. La séance de pose de la contention fibrée doit être planifiée au plus près de la dépose de l’appareillage orthodontique du patient, immédiatement après dans l’idéal, pour éviter des déplacements dentaires indésirables. Des dérives mésio-distales des dents adjacentes aux espaces ménagés peuvent se produire en l’espace de quelques jours, voire quelques heures selon certains auteurs [4], compromettant le résultat esthétique de l’adjonction.
Une étude statistique rétrospective sur près de 5 000 patients au sein d’un cabinet spécialisé dans la pose de contention fibrée met en évidence le très bon pronostic de cette technique [8] : 86,60 % des contentions collées dites simples, sans adjonction de dent, n’ont manifesté aucune complication sur une période de 10 ans (figure 15) ; les contentions avec adjonction d’une ou de plusieurs dents ont quant à elles eu un taux de succès de 80,80 % à 6 ans (figure 16).
Il est important de noter que la plupart des complications apparues étaient réparables par simple réintervention et que moins de 1 % des contentions fibrées, avec ou sans adjonction, ont eu besoin d’être déposées et reprises intégralement. Ce sont les contentions fibrées maxillaires qui ont été les plus sujettes aux complications (77,72 % pour les contentions fibrées sans adjonction et 93,83 % pour les contentions fibrées avec adjonction) : ce résultat est probablement en rapport avec les contraintes occlusales propres à l’arcade maxillaire.
Le protocole établi pour cette étude ne semble pas opérateur-dépendant car les scores de complications sont à peu près identiques entre les deux praticiens du cabinet (tableaux 1 et 2).
Les contentions collées en fibres de verre restent donc une solution thérapeutique de choix, d’une grande pérennité. Les contentions fibrées avec adjonction sont plus sujettes aux complications mais les avantages non négligeables procurés par cette alternative prothétique, bien souvent moins invasive, font que leur pronostic reste très satisfaisant.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.