UNE PETITE TACHE NOIRE À NE PAS MANQUER
Dermatologie
Agathe LOUISY* Manon DOMART** Mathilde SEIGNEUR*** Tomas BAGOURD**** Pierre KERIBIN***** Maxime GUILLEMIN****** Émilie HASCOET******* Alexandra CLOITRE******** Philippe LESCLOUS********* Élisabeth CASSAGNAU**********
*Unité fonctionnelle de Chirurgie orale, Service d’Odontologie restauratrice et chirurgicale, CHU Hôtel-Dieu, Nantes.
**Chef du service d’Anatomie et Cytologie pathologiques, CHU Hôtel-Dieu, Nantes.
Une patiente de 56 ans consulte pour la découverte fortuite par son praticien d’une pigmentation brune en postérieur de sa 27.
Aucun antécédent médico-chirurgical notable n’est à signaler. Cette patiente ne prend aucun traitement médicamenteux. On peut noter un tabagisme sevré depuis 1 an, évalué à 12,5 paquets/année (10 cigarettes par jour pendant 25 ans).
À l’examen endobuccal, on constate une hygiène...
Une patiente de 56 ans consulte pour la découverte fortuite par son praticien d’une pigmentation brune en postérieur de sa 27.
Aucun antécédent médico-chirurgical notable n’est à signaler. Cette patiente ne prend aucun traitement médicamenteux. On peut noter un tabagisme sevré depuis 1 an, évalué à 12,5 paquets/année (10 cigarettes par jour pendant 25 ans).
À l’examen endobuccal, on constate une hygiène bucco-dentaire satisfaisante. Lors de cet examen, on note une macule unique ovalaire de 5 x 2 mm, bien circonscrite, de coloration grise/noire au niveau du pilier gauche du voile du palais (figure 1). Cette lésion est indolore et non indurée. La patiente n’avait jamais remarqué cette lésion et ne sait donc pas depuis combien de temps elle est présente.
Devant l’absence de facteur pouvant expliquer la présence d’une telle lésion et compte tenu de sa faible taille apparente, une exérèse est décidée afin d’en préciser la nature histologique. En effet, malgré l’absence de toute symptomatologie, un diagnostic de mélanome malin ne peut être totalement exclu.
Au sein du tissu conjonctif, des lésions inflammatoires chroniques granulomateuses sont retrouvées au contact d’un matériel exogène de couleur noire non réfringent en lumière polarisée et donc probablement pas d’origine métallique (figure 2). Il existe une réaction inflammatoire périphérique. Il n’y a aucun argument en faveur d’une lésion tumorale mélanique. L’exérèse est complète.
La patiente est revue en consultation postopératoire 3 semaines après l’exérèse. Les résultats histologiques lui sont communiqués et nous la rassurons sur la nature bénigne de la lésion. Aucun suivi spécifique n’est à prévoir. Son praticien est informé.
Devant une lésion pigmentée unique chez une patiente sans antécédent notable, le mélanome malin, même si sa prévalence est faible, doit toujours être évoqué. D’autres étiologies plus fréquentes doivent être aussi discutées, non tumorales, comme une pigmentation d’origine médicamenteuse (ici exclue) ou une macule mélanique essentielle, voire une mélanose tabagique (ici exclue aussi), ou tumorale bénigne comme un nævus mélanocytaire intra-buccal. Les résultats histologiques permettent d’exclure toutes ces hypothèses puisqu’aucune présence mélanocytaire n’est retrouvée au sein du prélèvement. Dès lors, l’hypothèse d’une pigmentation d’origine iatrogène est à privilégier. La plus fréquente est le tatouage muqueux lié à l’inclusion de particules d’amalgame au cours d’une avulsion. Cependant, en l’absence de réfringence (comme souligné dans le rapport histologique), nous ne pouvons retenir cette hypothèse. Il reste la possibilité d’un tatouage accidentel à l’encre d’un stylo par exemple, mais la patiente n’a aucun souvenir à ce sujet.
Une lésion pigmentée de la muqueuse buccale doit systématiquement faire redouter un mélanome malin et donc être soigneusement investiguée. Au moindre doute, une biopsie, ou une exérèse en cas de lésion de petite taille, doit être réalisée, le diagnostic étant histologique.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.