LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE, ALTERNATIVE AU TABAC FACTEUR DE RISQUE DANS LES THÉRAPEUTIQUES IMPLANTAIRES ?
Évaluation
Matthias VAUCHAUSSADE DE CHAUMONT* Delphine LALLOUET**
*DUCICP, Université Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP). Exercice libéral à Saint-Priest.
**DUCICP, Université Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP). Exercice libéral à Vincennes.
Malgré les connaissances concernant l’effet carcinogène de la cigarette [1] et les politiques de santé publique anti-tabac menées ces dernières années, 8,2 millions de personnes meurent de sa consommation chaque année dans le monde [2]. En France, 73 000 décès sont attribués annuellement au tabac et, même si la prévalence de la consommation quotidienne est en baisse, estimée chez...
La cigarette électronique est proposée pour remplacer la consommation de tabac à fumer dont les conséquences néfastes sur la santé générale et la cavité buccale sont bien documentées. Le but de cet article est d’établir une synthèse des connaissances scientifiques actuelles concernant le risque du vapotage sur les tissus péri-implantaires.
Malgré les connaissances concernant l’effet carcinogène de la cigarette [1] et les politiques de santé publique anti-tabac menées ces dernières années, 8,2 millions de personnes meurent de sa consommation chaque année dans le monde [2]. En France, 73 000 décès sont attribués annuellement au tabac et, même si la prévalence de la consommation quotidienne est en baisse, estimée chez les 18-75 ans à 26,9 % en 2017 et 25,4 % en 2018, cette addiction reste encore très forte [3].
Sur le plan bucco-dentaire, le risque de cancers oraux serait 5 fois plus élevé chez le fumeur par rapport au non-fumeur [4]. De même, le risque de développer une maladie parodontale évoluant vers la perte des dents serait environ 3 fois plus élevé chez le fumeur [5]. Le tabac est également responsable d’une vasoconstriction qui induit un retard de cicatrisation dans les thérapeutiques chirurgicales [6].
Dans le but de favoriser le sevrage tabagique, il a été proposé d’utiliser une vapoteuse ou cigarette électronique (e-cigarette). Ce dispositif imaginé par Hon Link en 2003 [7] fait son apparition sur le marché en 2005. Du dispositif jetable à celui rechargeable en passant par la e-cigarette personnalisable, il existe de nombreux types de cigarettes électroniques. Elles fonctionnent toutes à l’aide d’un liquide (ou e-liquide) contenu dans un réservoir chauffé à environ 60 °C par une résistance électrique alimentée par une batterie. L’ensemble est relié à un bec pour inhaler la vapeur produite. Contrairement à la cigarette classique où le tabac est carbonisé pour produire les fumées inhalées, le liquide de la vapoteuse est transformé en aérosol par chauffage, sans combustion directe. Ce liquide présente une concentration en nicotine qui varie de 0 à 20 mg/ml environ, associée à des solvants et à différents ingrédients dont des arômes naturels ou artificiels. En termes de nombre de bouffées inhalées, 10 ml de e-liquide équivaudrait à la consommation de 200 cigarettes traditionnelles [8].
L’usage de ce dispositif semble une alternative intéressante à la cigarette dans les tentatives de sevrage tabagique en raison de l’absence de produits de combustion [9] (figure 1). Malgré une efficacité discutée, ce dispositif paraît aider les utilisateurs motivés à limiter leur consommation de tabac [10]. L’usage exclusif de la cigarette électronique permettrait de limiter la quantité de produits toxiques inha lés et de diminuer les risques de cancer. Enfin, l’utilisation de la e-cigarette serait plus efficace dans la réduction de la consommation de tabac que les patchs [11].
Toutefois, les risques à long terme sont mal connus et doivent être évalués. Ainsi, d’après Watkins et al. [12], les non-fumeurs et particulièrement les jeunes qui vapotent de manière récréative seraient 3 fois plus susceptibles de commencer à fumer que les non-utilisateurs de la e-cigarette.
Selon le dernier avis du Haut Conseil de la Santé Publique datant de 2016, la prévalence d’utilisateurs de la cigarette électronique a progressé de 7 à 18 % entre 2012 et 2013, dont environ 3 % pour un usage quotidien chez les vapoteurs de 15 à 75 ans [13].
Dans la combustion du tabac, en complément de la nicotine inhalée, des substances telles que le monoxyde de carbone, l’oxyde d’azote, le cyanure d’hydrogène, l’arsenic, le cadmium, le formaldéhyde et des goudrons ont été identifiées, soit environ 7 000 substances chimiques dont 70 considérées comme cancérogènes [14] (figure 2).
La toxicité de ces produits inhalés est pour partie imputée à une trentaine de produits ou additifs servant à fabriquer les cigarettes (colle, colorants, modificateurs de combustion, humectant, conservateur, exhausteurs de goût), dont environ un tiers (acétaldéhyde, furfural, acide 2-éthylhexanoïque), est classé comme cancérogène, mutagène ou reprotoxique (CMR). Selon le rapport de 2016-2020 de l’ANSES [15], ces produits CMR sont interdits par la règlementation européenne mais sont néanmoins présents dans environ 4 % des cigarettes vendues sur le marché.
Concernant l’impact sur les thérapeutiques implanto-prothétiques, de nombreux travaux rapportent les effets néfastes du tabac sur l’ostéo-intégration et, d’une manière plus générale, sur l’apparition de l’essentiel des complications biologiques implantaires [16-18]. Ainsi, son usage régulier est décrit comme un facteur impactant négativement le taux de survie implantaire, la perte osseuse péri-implantaire, les paramètres cliniques de l’inflammation gingivale ou le résultat des chirurgies gingivales [19, 20]. Les produits contenus dans les fumées de combustion du tabac sont impliqués dans les difficultés de cicatrisation gingivale ainsi que dans la perte osseuse péri-implantaire [21, 22].
Concernant la cigarette électronique, les ingrédients composant les liquides vaporisés diffèrent selon les marques proposées et la législation des États où ils sont distribués.
D’après l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) [23], dans l’ensemble des produits proposés en Europe par environ 700 fabricants et importateurs, il est possible de retrouver :
– un diluant tel que le propylène-glycol (PG) et/ou le glycérol (glycérine végétale, VG) ou éventuellement du 1,3 propylène-glycol, parfois de l’eau et de l’éthanol. La plupart de ces liquides pour cigarette électronique ont un ratio PG/VG de 50/50 ;
– de la nicotine ou des sels de nicotine formés avec différents acides organiques (acide benzoïque, citrique, lactique, lévulinique, malique, pyruvique, salicylique ou tartrique), dans une concentration maximale de 20 mg/ml, conformément à la réglementation ;
– entre 1 et 15 ingrédients supplémentaires à fonction aromatisante, les plus fréquents étant les dérivés de la vanilline, du maltol, du menthol ou des esters aux odeurs fruitées. On retrouve également des sucres et édulcorants (glucose/fructose, sucralose), des acides utilisés dans les sels de nicotine et des extraits de plantes.
Parmi les produits testés par l’Anses, une proportion limitée à moins de 4 % contenait des ingrédients interdits par la réglementation européenne en tant que produits CMR (acétaldéhyde, furfural, l’alcool furfurylique) ou d’autres composés tels que la caféine, la taurine et certaines vitamines (D et E).
Par ailleurs, des composés carbonylés formés lors de la génération de l’aérosol par chauffage du liquide ont été retrouvés (formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine) ainsi que des métaux lourds provenant de sa contamination et plus probablement de migration depuis le dispositif de vapotage (nickel, chrome, plomb, cadmium, cuivre, arsenic). Ainsi, d’après Rubinstein et al. [24], la vapeur inhalée contiendrait certains composés chimiques similaires à la fumée des cigarettes mais également d’autres produits spécifiques également toxiques ou cancérogènes probables (acrylonitrile, acrylamide, oxyde de propylène, crotonaldéhyde) (figure 3).
En matière de santé bucco-dentaire, chez les vapoteurs, on remarque une susceptibilité accrue à l’apparition de douleurs linguales ou jugales [25] ou de lésions muqueuses à type de stomatite nicotinique, de langue villeuse et de chéilite angulaire [26]. Cependant, la littérature récente ne rapporte pas de conclusion fiable sur l’incidence de la e-cigarette dans le risque de cancer de la cavité buccale [27]. Alors que le vapotage semble une alternative sans danger au tabac, quelques travaux rapportent tout de même l’apparition d’effets indésirables, notamment au niveau parodontal [28-30].
Cet article synthétise les données scientifiques récentes concernant les effets de la cigarette électronique sur la santé péri-implantaire.
Cette revue systématique de la littérature est conduite pour répondre à la question suivante : « Quel est l’impact de l’utilisation de la cigarette électronique ou vapotage sur les tissus gingivaux et osseux péri-implantaires ? » La recherche bibliographique a été réalisée sur les 10 dernières années et limitée aux publications en langue anglaise accessibles sur la base de données Pubmed/Medline. L’équation de recherche a été [(vaping (MESH Term) or electronic nicotine delivery systems (MESH Terms) or electronic cigarette (MESH Term) or e-cig*) and (dental implant* (MESH Term) or gingiva (MESH Term) or bone loss)].
• Les études in vitro concernant les effets biologiques des produits utilisés ou générés lors du vapotage.
• Les études cliniques randomisées ou non ainsi que les revues et les revues systématiques de la littérature évaluant ou rapportant les effets de la cigarette électronique en étudiant des paramètres parodontaux ou péri-implantaires mesurables : PI (indice de plaque), BOP (saignement au sondage), PD (profondeur de poche), CBL (perte osseuse cervicale).
• Les publications rapportant les travaux exclusivement en rapport avec la cigarette traditionnelle ou avec d’autres moyens de consommation du tabac que la cigarette électronique (pipe à eau, chicha…).
• Les résumés de communication ou de poster ainsi que les rapports de cas cliniques.
La recherche dans la base de données Medline a permis d’identifier 70 publications. La lecture des titres puis des résumés ainsi que l’application des critères d’inclusion/exclusion ont entraîné le retrait de 40 articles non pertinents. En complément des 30 publications retenues, 2 articles ont été ajoutés après une recherche manuelle (figure 4).
Au total, 32 publications ont été retenues dans cette revue de la littérature consacrée aux effets de la cigarette électronique sur les tissus parodontaux et péri-implantaires. Elle se compose de la façon suivante : 8 études in vitro concernant des cultures cellulaires, 19 études cliniques dont 2 études contrôlées randomisées, 5 revues de la littérature sur des thèmes étudiés similaires dont 2 revues systématiques publiées en 2019 et 2020.
De l’ensemble des publications retenues, il est possible de dégager quelques éléments de réponse concernant les effets du vapotage sur la santé péri-implantaire.
Les 8 études in vitro retenues dans cette étude [31-38] rapportent la toxicité des gaz vapotés sur l’écosystème buccal. Ces effets s’apparentent beaucoup à ceux décrits pour le tabac.
Au niveau moléculaire, les interactions avec les tissus environnants se traduisent notamment par :
– des dommages de l’ADN des cellules exposées (fibroblastes et cellules de l’épithélium gingival) aux vapeurs d’e-cigarette [31] ;
– une accumulation intracellulaire de produits dérivés réactifs de l’oxygène (Reactive Oxygen Species) qui augmenteraient la carbonylation des protéines et la libération de cytokines pro-inflammatoires (IL-8 et PGE2) à l’origine d’une réponse inflammatoire ainsi que d’un stress oxydatif cellulaire [31] ;
– une altération du métabolisme intracellulaire induisant des anomalies fonctionnelles. Ainsi Shaito et al. constatent une diminution de l’expression de la protéine de jonction connexine 43 se traduisant par une altération de la communication intercellulaire des cellules souches [35]. De plus, Rouabhia et al. rapportent une diminution de la protéine actine-F impliquée dans l’adhésion des ostéoblastes [38] ;
– une diminution de la concentration en phosphatase alcaline, marqueur de la formation osseuse, en rapport avec l’accélération de la dégradation des tissus osseux minéralisés [38] ;
– une augmentation significative de l’activité des enzymes cytoplasmiques lactates déshydrogénases, marqueur de cytotoxicité, rapidement libérées lors de dommages de la membrane plasmatique cellulaire. Cette activité augmentée signe l’accentuation de l’apoptose cellulaire de l’épithélium gingival [34].
Au niveau cellulaire, de nombreuses répercussions délétères sont rapportées tant au niveau de la morphologie des cellules étudiées (fibroblastes, cellules épithéliales, cellules souches) que de leurs fonctions, avec notamment une inhibition de la communication, une diminution de leur différenciation et de leur prolifération ainsi qu’une sénescence accélérée. L’ensemble de ces altérations se traduit par une apoptose augmentée.
Selon Sundar et al. [31], l’exposition de fibroblastes ou de cellules épithéliales aux vapeurs aromatisées de e-cigarette augmenterait de manière significative le stress oxydatif et provoquerait des dommages persistant au niveau de l’ADN. Cela induirait des réponses pro-inflammatoires et pro-sénescentes au sein des cellules des tissus parodontaux.
D’après Alanazi et al. [36], en cas d’exposition à des vapeurs avec ou sans nicotine ou encore à des fumées de combustion du tabac, l’activité fibroblastique diminue et l’apoptose augmente. Ces observations sont maximales avec la fumée de combustion du tabac, elles s’amoindrissent avec des vapeurs nicotinées et sont minimales avec des vapeurs sans nicotine. Ces résultats sont à rapprocher de ceux des travaux de Sancilio et al. [33] qui rapportent une augmentation de la cytotoxicité cellulaire corrélée avec le temps d’exposition aux vapeurs nicotinisées. De plus, d’après Shaito et al. [35], le risque de perte du potentiel de différenciation et de prolifération des cellules souches en cellules ostéogéniques serait similaire entre une exposition à la fumée de cigarettes ou aux vapeurs nicotinées des vapoteuses. Enfin, Rhouabia et al. [38] signalent une diminution significative de l’adhésion et de la croissance ostéoblastiques sur des disques en titane exposés à la fumée de tabac ou à la vapeur d’e-cigarette avec nicotine. Cependant, si ce phénomène est plus élevé lors d’exposition aux fumées de tabac, il diminue avec des vapeurs nicotinées de vapoteuse et s’affaiblit encore pour des vapeurs sans nicotine.
Malgré les limites propres aux études in vitro dans la généralisation des résultats, ces données montrent les effets biologiques potentiellement néfastes des aérosols de cigarettes électroniques exacerbés par la nicotine ou les arômes artificiels. Ainsi, même si les vapeurs de e-cigarette apparaissent moins toxiques que la fumée de tabac, elles pourraient ralentir la cicatrisation tissulaire en potentialisant l’inflammation des tissus endommagés.
Concernant les thérapeutiques implanto-prothétiques, il est reconnu qu’un environnement inflammatoire chronique est source d’échec implantaire à plus ou moins long terme. Or, l’exposition aux vapeurs de e-cigarette semble favoriser l’inflammation de manière similaire à la fumée du tabac. Les résultats de différentes études cliniques qui mesurent le niveau de médiateurs de l’inflammation comme les cytokines pro-inflammatoires (TNF-alpha, IL-1-bêta, IL-6, IL-8, MMP) ou anti-inflammatoires (IL-4, IL-9, IL-10 et IL-13) convergent dans ce sens [28, 29, 39-44]. Néanmoins, cette inflammation s’avère moins importante chez le vapoteur que chez le fumeur.
Pour Ibraheem et al. [44], les vapeurs inhalées de e-cigarette entraînent une augmentation significative de la concentration en protéines RANKL et ostéoprotégérine (OPG) produites par les ostéoblastes. Ce mécanisme de défense physiologique intervient en réponse à l’augmentation du niveau des cytokines pro inflammatoires. RANKL et OPG étant indispensables pour réguler le remodelage osseux, l’OPG circulante serait produite en excès pour se lier à RANKL et l’inactiver, limitant l’ostéo-clastogenèse et, ainsi, la résorption osseuse [44].
Sur le plan clinique, la consommation de tabac à fumer ou l’usage d’une e-cigarette n’aurait pas d’incidence sur la composition de la flore bactérienne parodontopathogène (A. actinomycetemcomitans, P. gingivalis, T. denticola) prélevée dans le biofilm subgingival. Ainsi, d’après Aldahkheel et al., la quantité de ces différents types de bactéries serait similaire chez le fumeur et le vapoteur [45].
Néanmoins, d’après les résultats d’une étude longitudinale récente [30], le risque de développer une gingivite ou une parodontite serait significativement plus élevé chez les vapoteurs de e-liquide nicotiné par rapport aux non-vapoteurs. Les auteurs précisent que cette tendance s’accroît par la consommation de cannabis ou autres drogues illicites.
En comparant les résultats des études cliniques rapportant l’évaluation des paramètres parodontaux chez le fumeur, le vapoteur de e-liquide nicotiné et le non-fumeur/non vapoteur, la synthèse s’avère contrastée [28, 39, 40, 43-46].
L’aggravation de ces paramètres cliniques corrélée à l’augmentation significative des cytokines pro-inflammatoires (TNF-alpha, IL-1-bêta) s’avère toujours plus importante chez les fumeurs que chez les vapoteurs de e-liquide nicotiné par rapport aux vapoteurs sans nicotine ou aux non-fumeurs [39, 40, 43]. Ainsi, l’aggravation de l’indice de plaque (IP) et l’augmentation des profondeurs de poche (PD), mais également la diminution de l’indice de saignement (BOP) apparaissent significativement plus importantes chez les fumeurs et les vapoteurs de e-liquide nicotiné par rapport aux non-fumeurs ou non-vapoteurs. De même, les symptômes oraux (douleurs dentaires et gingivales, saignements) auto-évalués et rapportés par les patients sont plus importants chez les fumeurs que chez les vapoteurs [28, 46]. Ce constat, rapporté dans deux revues de la littérature récente [47, 48], souligne l’importance de la motivation à l’hygiène chez le fumeur comme chez le vapoteur pour limiter le risque lié aux produits inhalés, potentialisé par une mauvaise hygiène bucco-dentaire.
Selon Sinha et al. [43], les vapeurs de e-liquide nicotiné entraîneraient une vasoconstriction des vaisseaux sanguins supra-périostés plus limitée par rapport à celle induite par la fumée de tabac, ce qui expliquerait la diminution du BOP moins importante chez les vapoteurs avec nicotine par rapport aux fumeurs. Cette hypothèse semble corroborée par les résultats des travaux de Alqahtani et al. [49] et Mokeem et al. [50] qui montrent que les niveaux de cotinine intrasulculaire, métabolite prédominant de la nicotine, seraient similaires ou moins élevés chez les vapoteurs que chez les fumeurs de tabac.
Néanmoins, tout comme chez le fumeur, le faible saignement au sondage constaté chez le vapoteur avec nicotine masque la réalité clinique de l’inflammation ainsi que celle de la dégradation tissulaire péri-implantaire et parodontale. Le BOP se révèle plus ici un marqueur de la vasoconstriction supra-périostée que celui de la sévérité d’une inflammation en réaction à un processus infectieux ou traumatique.
Par ailleurs, il est important de souligner le manque de données cliniques comparatives concernant l’inhalation des vapeurs avec/sans nicotine et avec/sans arôme afin d’évaluer le degré de toxicité de ces produits sur les tissus gingivaux et péri-implantaires.
Enfin, sur les 18 études cliniques retenues, seulement 4 études évaluent les paramètres tissulaires péri-implantaires et les niveaux de cytokines pro-inflammatoires [39-41, 43].
Deux publications comparent vapoteurs avec nicotine versus non-fumeurs [39, 43] et 2 autres évaluent les différences entre vapoteurs avec nicotine, fumeurs et non-fumeurs [40, 41]. Dans ces 4 études, les patients suivis présentent des implants en fonction depuis au moins 3 ans.
Concernant les différents paramètres péri-implantaires, des valeurs similaires sont rapportées, avec des profondeurs de poches significativement plus élevées ainsi que des pertes osseuses plus sévères chez les vapoteurs que chez les non-fumeurs. La perte osseuse apparaît toutefois significativement moins importante chez les vapoteurs que chez les fumeurs. Néanmoins, les résultats concernant l’évaluation de la perte osseuse sont à pondérer en raison de l’absence de standardisation des procédures radiographiques.
Concernant l’indice de plaque, il n’y a pas de différence significative entre les vapoteurs et les non-fumeurs dans ces études.
En corrélation avec la perte osseuse, les niveaux de cytokines pro-inflammatoires retrouvés dans le fluide sulculaire péri-implantaire s’avèrent significativement plus élevés chez les vapoteurs par rapport aux non-fumeurs. Ainsi, l’étude pilote de Ar Rejaie et al. [41] évalue dans le fluide péri-implantaire la quantité de cytokine IL-1ß et d’enzyme MMP9 de patients vapoteurs, fumeurs et non-fumeurs. Ces molécules impliquées dans la destruction de la matrice extracellulaire sont retrouvées à des taux significativement plus élevés chez les vapoteurs et les fumeurs en comparaison avec les non-fumeurs.
Comme le suggèrent les conclusions des publications sélectionnées dans le cadre de cette revue de la littérature [29, 30, 39-43], les vapeurs d’e-cigarette apparaissent moins nocives pour les tissus péri-implantaires que les fumées du tabac. Néanmoins, le risque inflammatoire s’avère plus élevé chez les vapoteurs que chez les non-fumeurs [51].
Les auteurs de ces publications soulignent le nombre insuffisant d’études cliniques ainsi que les durées d’observation trop faibles pour déterminer précisément les conséquences de cette addiction sur la survie implantaire et la santé péri-implantaire.
La littérature scientifique récente rapporte un effet toxique des e-liquides et des vapeurs de cigarettes électroniques reposant essentiellement sur des études in vitro. Les études cliniques sont peu nombreuses et leurs résultats hétérogènes ne permettent pas encore de déterminer précisément l’intérêt ou les dangers de l’e-cigarette comme substitut au tabac à fumer dans le sevrage des utilisateurs quotidiens.
Cette revue systématique de littérature montre que la cigarette électronique est associée à une inflammation tissulaire et une résorption osseuse péri-implantaire potentiellement moins sévères que chez le fumeur mais significativement supérieures que chez le non-fumeur. La différence entre vapoteurs et non-fumeurs est d’autant plus marquée que le e-liquide est nicotiné ou concentré en arômes artificiels.
En l’état actuel des connaissances, le vapotage d’un liquide contenant une proportion plus ou moins importante de nicotine (0-20 mg/ml) et d’autres substances chimiques doit être considéré comme un facteur de risque potentiel de complications dans les thérapeutiques implantaires.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.