INFLUENCE DU SEUILLAGE SUR LA RECONSTRUCTION CBCT 3D EN IMPLANTOLOGIE
Imagerie
Médicale
Thibault DROUHET* Norman CHICHE DUCICP** Rufino FELIZARDO*** Olivier FROMENTIN****
*AHU, Pitié Salpêtrière – Charles Foix, DUCICP, Université de Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP), Exercice libéral à Paris.
**Université de Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP). Exercice libéral à Clichy.
***MCU-PH, Université de Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP).
****PU-PH, Responsable du DUCICP, Labo URB2i, Université de Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP).
La planification implantaire et prothétique est déterminée par une analyse pré-prothétique [1]. Selon Vercruyssen et al. [2] et Poeschl et al. [3], l’utilisation d’un CBCT associée à un logiciel d’imagerie améliore la précision et la sécurité lors de la procédure chirurgicale implantaire. Plusieurs techniques ont été...
Dans le cadre de la chirurgie implantaire guidée, plusieurs étapes numériques sont obligatoires pour réaliser une planification et créer un guide chirurgical. Chaque étape génère des écarts par rapport aux données recueillies. L’une des origines de ces écarts est le réglage du seuillage du fichier DICOM.
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact du seuillage d’un fichier DICOM sur les variations dimensionnelles de la reconstruction 3D d’un échantillon scanné par tomographie à faisceau conique (CBCT, Cone Beam Computerized Tomography).
La planification implantaire et prothétique est déterminée par une analyse pré-prothétique [1]. Selon Vercruyssen et al. [2] et Poeschl et al. [3], l’utilisation d’un CBCT associée à un logiciel d’imagerie améliore la précision et la sécurité lors de la procédure chirurgicale implantaire. Plusieurs techniques ont été proposées depuis la description du concept [2]. Parmi celles-ci, la technique du double scan, telle que décrite par Verstreken et al. [4], permet d’apparier deux fichiers numériques obtenus avec utilisation d’un CBCT : d’une part, le projet prothétique et, d’autre part, l’acquisition radiologique du patient édenté. Les données combinées des fichiers permettent une planification tridimensionnelle de la situation implantaire.
Le guide chirurgical issu de la planification permet d’optimiser le forage et le positionnement de l’implant. Pour Gallardo et al. [5], le principal enjeu des protocoles de chirurgie guidée est la cohérence entre le projet virtuel et la situation clinique après la chirurgie.
Les guides stéréolithographie sont utilisés soit pour la chirurgie implantaire concernant les édentements partiels où le guide à appuis dentaire sera privilégié car il offre une précision la plus importante, soit pour les interventions concernant le traitement chirurgical de l’édentement complet où les guides à appuis muqueux ou osseux seront préférés.
Pour Ozan et al. [6], un guide supporté par une muqueuse doit être plus précis et fiable qu’un guide à appui osseux. De nombreux auteurs ont évalué la précision des protocoles de chirurgie guidée en étudiant la déviation linéaire et angulaire ainsi que la position de l’apex par rapport à la planification initiale [5, 7-14].
Al-Rawi et al. [15] ont mentionné diverses sources d’erreur lors de la planification de l’implant. Pour ces auteurs, les écarts proviennent de l’acquisition des données, de l’algorithme logiciel qui traite les données collectées, de la fabrication du guide chirurgical et, enfin, du protocole chirurgical. Concernant l’acquisition des données, la fonction de recalage du logiciel d’imagerie permet de faire correspondre les données radiographiques collectées à partir du CBCT avec celles du projet prothétique qui, dans le cas de la technique dual-scan, sont également numérisées à l’aide d’un CBCT au format DICOM. Pour ce faire, le logiciel d’imagerie fait correspondre plusieurs paires de points identiques sur le CBCT du patient et sur le projet prothétique numérisé. Pour Wouters et al. [16], une zone floue entoure systématiquement un objet scanné par CBCT et la définition d’une valeur optimisée de seuillage s’avère essentielle pour garantir la précision de la reconstruction 3D de l’objet étudié. Ainsi, concernant le traitement numérique des fichiers DICOM, la première étape consiste à fixer un intervalle de seuillage pour obtenir une reconstruction 3D de l’objet scanné. Pour Tapie et al. [17], le seuillage est une méthode de segmentation d’image permettant de passer d’une image en niveaux de gris en une image en noir et blanc (figure 1). Le nuage de points utilisé pour mailler le STL est généré à la frontière entre le noir et le blanc. La reconstruction 3D obtenue à partir du seuillage correspond à ce fichier STL sur lequel sera effectué la planification implantaire (figure 2).
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’incidence du paramétrage du seuillage sur les variations dimensionnelles de la reconstruction 3D de l’objet scanné. L’hypothèse nulle est qu’il n’existe pas de différences quant aux dimensions de la reconstruction 3D de l’objet scanné avec des paramétrages de seuillage différents.
Le protocole de l’étude a été composé de deux étapes. Tout d’abord, l’échantillon a été scanné à l’aide d’un CBCT (fichier DICOM) puis numérisé avec un scanner optique (fichier STL). Ensuite, une comparaison métrologique a été effectuée.
Afin de minimiser les écarts liés à l’acquisition de l’échantillon de référence, il est essentiel que l’échantillon choisi soit fabriqué avec un matériau générant peu d’artefacts sur le CBCT. L’idéal serait de réaliser l’étude sur un CBCT issu d’un patient. Cependant, cela engendrerait des sources de dispersion supplémentaire (artefacts radiologiques) liées à la géométrie complexe des pièces anatomiques ainsi qu’aux différentes densités des tissus et des matériaux tels que les restaurations dentaires (céramique et métallique), la dent (émail et dentine) et l’os (cortical et spongieux).
Ainsi, un échantillon ayant une forme simple et une densité homogène en matériau plastique industriel a été sélectionné pour éviter ces inconvénients. Pour cela, une forme géométrique parallélépipédique standardisée d’une brique Lego a ete retenue (Lego Brick 2 × 4 ID : 4211386/3002).
L’echantillon a ete radiographie par un CBCT Planmeca ProMax 3D MaxR (Planmeca) avec les parametres 90 kV et 7,1 mA. La resolution CBCT etait de 75 µm.
Les données DICOM de l’échantillon ont été importées dans le logiciel de planification (BSP) Blue Sky Plan® (Blue Sky Bio).
Parallèlement, l’échantillon a également été numérisé à l’aide d’un scanner optique de laboratoire Dental Wings 7Series® (Dental Wings) pour obtenir un fichier STL considéré comme la référence numérique de l’échantillon étudié (ou Référence STL).
Un radiologue a sélectionné des valeurs de seuillage extrêmes pour lesquelles la représentation 3D de l’objet scanné semblait la plus réaliste. La sélection a été répétée 5 fois et des valeurs extrêmes moyennes (- 799 et 188) ont été choisies comme valeurs de seuillage successivement paramétrées dans le logiciel BSP (figure 3).
Six fichiers STL du seuillage – 799 (STLmin) et 6 fichiers STL du seuillage 188 (STLmax) ont été exportés depuis le logiciel de planification BSP puis importés dans un logiciel de métrologie et d’inspection GOM Inspect®.
La précision de l’outil d’exportation BSP du fichier a été évaluée à l’aide du logiciel GOM Inspect® en mesurant l’écart entre les valeurs des 6 fichiers STLmin. La même procédure a été effectuée entre les 6 fichiers STLmax.
L’exactitude de la procédure d’importation dans le logiciel GOM a été évaluée en important deux fois chaque fichier STL puis en le comparant avec lui-même.
Un calcul d’écart entre les différents STL a été réalisé. L’écart entre les fichiers STLmin par rapport aux fichiers STLmax a été évalué. Une cartographie d’écart entre les deux STL a ainsi été calculée. Les variations dimensionnelles entre les seuillages min et max ont été évaluées en comparant chacun des 6 fichiers STLmin avec les 6 STLmax. Ainsi, 36 tests de mesure d’écarts ont été réalisés.
Enfin la comparaison des fichiers STLmin ou STLmax avec le fichier Référence STL a été effectuée à l’aide du même logiciel.
Les différents écarts mesurés entre les fichiers STL ont été comparés et présentés sous forme descriptive. Un test de Student a permis de comparer les valeurs moyennes des fichiers STLmin avec les fichiers STLmax. Le niveau de signification a été fixé à p < 0,05.
Le flux numérique de travail de ces deux derniers tests est présenté dans la figure 4.
La précision de l’outil d’exportation BSP concernant le fichier STL, évaluée en fonction des écarts mesurés entre les 6 fichiers STLmax, a montré une variabilité extrêmement réduite (0,0110 ± 0,0001 mm) parmi les 66 519 mesures d’écart comparées. La même évaluation a été réalisée avec les 6 fichiers STLmin et a montré des résultats similaires entre les données collectées (tableau 1).
La précision de la procédure d’importation dans le logiciel GOM correspond à l’écart entre deux STL identiques importés dans le logiciel. Les résultats ont montré une variabilité nulle pour les 6 fichiers STLmin et STLmax.
Les variations dimensionnelles entre les 6 fichiers STLmin et STLmax sont présentées dans le tableau 2.
La valeur moyenne des 36 tests réalisés (11 085 valeurs par test) montre un écart constant entre les différents fichiers STL étudiés. La moyenne de toutes les valeurs d’écart entre STLmin et STLmax est de 0,44 mm ± 0,004.
La comparaison des moyennes d’écarts obtenues est statistiquement significative (p < 0,001). 95 % des valeurs de ces écarts étaient comprises entre 0,3 et 0,7 mm, à l’exception de 2 valeurs extrêmes (- 3,98 et 3,99 mm) liées à des artefacts de reconstruction tridimensionnelle (tableau 2, figure 5).
Les résultats des mesures d’écarts entre STLmin ou STLmax avec le fichier Référence STL sont présentés dans le tableau 3. La comparaison de l’écart moyen entre STLmin ou STLmax avec Référence STL est statistiquement significative (p < 0,001).
L’hypothèse nulle est donc rejetée car il existe une différence significative quant aux dimensions des reconstruction 3D de l’objet avec des paramétrages de seuillage différents.
Les données acquises lors du CBCT contribuent à la fabrication d’un guide permettant une amélioration du positionnement des implants après une planification en fonction du projet prothétique.
Dans la présente étude, les mesures des écarts entre deux fichiers STL utilisant le même seuillage et les mesures des écarts entre deux STL identiques après importation dans le logiciel GOM Inspect se sont avérées nulles. L’algorithme qui a généré les fichiers STL à partir du logiciel BSP et permis l’importation des fichiers STL dans le logiciel GOM Inspect n’a conduit à aucune variation dimensionnelle.
Concernant la variabilité des données par rapport au réglage du seuillage, les résultats de cette étude montrent que le seuillage influence les dimensions de la reconstruction tridimensionnelle de l’échantillon scanné. Les écarts dimensionnels moyens entre les deux valeurs de seuillage étudiées ont présenté une variabilité d’environ 0,44 mm. Les valeurs de seuillage fixées ont conduit à une reconstruction tridimensionnelle avec des dimensions significativement différentes de la référence. Ainsi, une variabilité moyenne d’environ 0,11 à 0,16 mm a été trouvée par rapport à la référence. Les résultats de cette étude suggèrent que la variation de seuillage influence la reconstruction tridimensionnelle nécessaire à la construction d’un guide chirurgical selon le protocole décrit par Verstreken et al. [4].
Wouters et al. [16] ont tenté de définir le seuillage optimal qui conduirait à la reconstruction tridimensionnelle la plus précise possible. Dans leur étude, un guide radiologique a été numérisé par CBCT et à l’aide d’un scanner optique. Les variations entre les différents seuils du CBCT et du fichier STL de référence du scanner optique ont été évaluées. Une variation moyenne de 0,15 mm a été signalée. Ces valeurs sont en accord avec les résultats de l’étude réalisée.
Les écarts de données obtenus selon les paramètres de seuillage expliquent en partie certaines des imprécisions relevées par de nombreux auteurs lors de l’utilisation des guides chirurgicaux [5-14]. Ozan et al. [6] ont rapporté une déviation du col de l’implant de 1,11 ± 0,7 mm ainsi qu’une déviation de l’apex de 1,41 ± 0,9 mm. Les résultats de la présente étude représentent de 7 à 36 % de l’écart observé par les auteurs par rapport à l’écart du col de l’implant et du positionnement de l’apex de l’implant.
De plus, la procédure de seuillage du fichier DICOM doit être effectuée 2 fois dans un protocole dual scan, tel que décrit par Verstreken et al. [4], amplifiant ainsi l’imprécision moyenne totale générée lors de la reconstruction numérique finale. Ceci permet de remettre en question l’utilisation de cette méthode.
Comme décrit par Bencharit et al. [18] chez un patient édenté partiel, l’utilisation d’un fichier STL contenant le projet prothétique, technique utilisée pour décrire le concept de chirurgie guidée [19, 20], pourrait limiter l’influence du réglage du seuillage lors de l’utilisation d’un fichier DICOM.
Cependant, le seuillage n’est pas la seule source d’imprécision ayant un impact sur la planification d’une procédure guidée. Vercruyssen et al. [2] ont également souligné que d’autres facteurs tels que l’insertion du guide, l’impact de l’anesthésie locale et la distribution des ancrages du guide pendant la chirurgie pourraient également augmenter ces inexactitudes. Les résultats de la présente étude doivent être interprétés en tenant compte des limites inhérentes à la géométrie et au matériau de l’échantillon de référence. En effet, l’échantillon de référence présente une forme standardisée ou canonique, loin de la complexité des pièces anatomiques. De plus, il est fabriqué avec un matériau qui ne génère que de petits artefacts sur le CBCT. Avec une technique de double scan, les éléments numérisés présentent une géométrie complexe ainsi que des densités diverses qui pourraient augmenter les écarts. En situation clinique, les erreurs sont considérablement accentuées par le fait que le niveau de gris des différentes structures anatomiques sont très variables, contrairement au cube de Lego. Il faut non pas utiliser une valeur seuil mais un ensemble de valeurs seuils. Ceci d’autant plus que le CBCT à une très faible résolution en densité. C’est la raison pour laquelle certains auteurs ont proposé l’utilisation de marqueurs fiduciaires [21].
En conclusion, le fichier DICOM d’un patient présente des variations dimensionnelles en fonction du paramétrage de seuillage. Par conséquent, le guide chirurgical peut être légèrement sur ou sous-dimensionné, ce qui influencera la position future des implants.
Compte tenu des résultats de l’étude et des éventuelles différences de géométrie entre les reconstructions 3D à partir de différents seuillages, il serait préférable de privilégier un guide muqueux qui tolérerait plus d’erreurs grâce à la compressibilité des tissus mous. En fait, un guide supporté osseux sous-dimensionné conduirait à un positionnement incorrect du guide chirurgical sur la surface osseuse.
Les données issues de cette étude montrent que l’étape de seuillage ne peut être négligée. En effet, c’est une étape importante car elle impacte les dimensions de l’objet reconstruit et aura une incidence sur la superposition des fichiers DICOM et STL et, donc, sur la position finale des implants. En extrapolant, durant un protocole de planification en double scan, la procédure de seuillage sera réalisée deux fois (sur le CBCT du patient et sur le CBCT du projet prothétique) afin de les faire correspondre. L’erreur moyenne obtenue sera donc doublée. Ceci laisse à penser qu’il faut privilégier les techniques fondées sur la fusion STL-DICOM.
Ainsi, les logiciels d’imagerie utilisés dans la planification d’implants devraient générer des algorithmes pour que lors du matching, le seuillage soit automatiquement défini. Ainsi, le volume reconstruit à l’aide du fichier DICOM du patient sera dimensionnellement plus proche du fichier STL du projet prothétique.
Les résultats de cette étude permettent de rejeter l’hypothèse nulle.
Le réglage du seuillage a une influence significative sur la géométrie de la reconstruction tridimensionnelle de l’échantillon scanné. D’autres études métrologiques sont nécessaires pour évaluer des sources supplémentaires de divergences dans un protocole de traitement de données numériques mis en oeuvre dans un protocole de double scan.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Les auteurs tiennent à remercier les Dr J. Assouline et S. Bordeaux pour leur contribution à la préparation du manuscrit et le Dr A. Bergeaud pour les suggestions statistiques.