FAVORISER LA RÉUSSITE THÉRAPEUTIQUE DE LA ROG SÉLECTION DU BIOMATÉRIAU DE COMBLEMENT ET GESTION DES TISSUS MOUS
Chirurgie
Péri-implantaire
Maxime BOUVART* Alexis BLANC**
*DUCICP, Université Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP). Exercice libéral à Reims.
**DUCICP-DUCA, Université Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP). Exercice libéral à Nanterre.
Dans le but de favoriser la réussite d’une thérapeutique par ROG, au-delà du choix raisonné d’une membrane décrit dans la première partie, il est nécessaire de sélectionner avec pertinence un biomatériau de comblement et d’utiliser une technique opératoire adaptée.
Dans le cadre des régénérations osseuses, il est possible d’utiliser différents biomatériaux : de l’os autogène, allogénique, des...
Cette deuxième partie est consacrée à deux facteurs essentiels influant sur la prédictibilité du résultat des techniques de ROG. Il est ainsi abordé le choix du biomatériau de comblement ainsi que les modalités de fermeture du site opératoire.
Dans le but de favoriser la réussite d’une thérapeutique par ROG, au-delà du choix raisonné d’une membrane décrit dans la première partie, il est nécessaire de sélectionner avec pertinence un biomatériau de comblement et d’utiliser une technique opératoire adaptée.
Dans le cadre des régénérations osseuses, il est possible d’utiliser différents biomatériaux : de l’os autogène, allogénique, des xénogreffes et différents substituts osseux synthétiques, utilisés seuls ou associés.
Malgré de nombreuses publications en recherche clinique et les développements issus de l’ingénierie tissulaire, aucun substitut osseux ne semble s’imposer comme une référence. Longtemps considéré comme tel, l’os autogène seul ou en association avec un autre matériau permet-il de favoriser les conditions du succès d’une ROG ?
D’après Sanz et al. [1], parmi les qualités requises dans le cahier des charges d’un biomatériau osseux idéal, on peut citer la biocompatibilité, la biodégradabilité, l’ostéo-conductivité, l’ostéo-inductivité, la porosité, les propriétés de surface, les propriétés mécaniques, les capacités angiogéniques, mais également la facilité d’utilisation et le coût réduit (figure 1).
Concernant la néoformation osseuse, il faut différencier les capacités ostéo-conductrices et ostéo-inductrices. Dans le premier cas, le biomatériau, biologiquement inerte, sert de de support « passif » à la néoformation osseuse. Ainsi, d’après Saito et al. [2], une porosité supérieure à 300 microns permettrait de favoriser l’angiogenèse au sein du biomatériau. L’ostéo-induction quant à elle correspond à la capacité du biomatériau à induire un recrutement local de cellules mésenchymateuses et à permettre le déclenchement d’une cascade biologique provoquant la néoformation osseuse.
De manière très succincte, il est possible de distinguer les trois catégories de biomatériaux précités selon des caractéristiques majeures en termes d’origine, et donc de risque potentiel de transmission depuis le donneur, de capacité ostéo-inductrice et de résorbabilité.
Longtemps considéré comme le matériau de référence [3], il présente cependant quelques inconvénients : augmentation de la morbidité liée à la nécessité d’un deuxième site chirurgical pour le prélèvement, ce qui aboutit aussi à un temps opératoire augmenté et volume d’os autogène intra-buccal disponible limité.
Ainsi, d’après Sbordone et al. [4] et Jo et al. [5], en raison d’un rapport coût/bénéfice/risque plus favorable, l’os autogène est désormais supplanté aux États-Unis par l’os allogénique et en Europe par les xénogreffes.
Utilisé en blocs, ces biomatériaux présentent une tendance à subir une résorption importante, nettement plus marquée pour les blocs d’origine extra-orale. Pour les greffons iliaques utilisés en onlay, cette résorption peut atteindre jusqu’à 87 % à la mandibule et 100 % au maxillaire à 6 ans [4]. De même, pour Misch [6] ou Cordaro et al. [7], les blocs ramiques et symphysaires se résorbent de 20 à 25 % dès 6 mois post-opératoire.
Cependant, malgré cette tendance à la résorption lorsqu’il est utilisé seul et en bloc, l’os autogène possède des caractéristiques intéressantes. En effet, il est de nos jours le seul matériau ostéogénique, bien que la plupart des cellules ostéogéniques meurent lors du prélèvement. Il est ostéo-inducteur, c’est-à-dire capable d’induire une différenciation cellulaire pour synthétiser une matrice osseuse minéralisable. Il est également biocompatible car il contient les cellules ainsi que les facteurs de croissance spécifiques du patient.
Cliniquement, différentes techniques permettent de prélever de l’os autogène, soit en « rognant » l’os à l’aide d’instruments réutilisables (Bone Scrapers, Dexter) ou jetables (SafeScraper®, Micross-Meta®, Delynov) (figures 2 à 4), soit en prélevant un bloc osseux et en le broyant à l’aide d’un dispositif spécifique, broyeur mécanique ou moulin à os (Master-mill®, Meisinger) (figures 5 et 6).
Selon Cabalé-Serano et al. [8], l’os cortical « scrapé » a montré qu’il contenait de nombreuses protéines pouvant relarguer des facteurs de croissance (TGF-ß1,2, IGF) dans la matrice extra-cellulaire, favorisant ainsi l’angiogenèse et l’ostéogenèse.
Il est similaire à l’os autogène en termes de composition avec, en plus, l’avantage d’une large disponibilité, ce qui évite le recours à un second site opératoire pour le prélèvement.
Selon Tulasne et Andréani [9], l’os allogénique seul n’a pas de pouvoir ostéogénique mais peut bénéficier de capacités ostéo-inductives. Son principal inconvénient réside dans le risque éventuel de transmission d’une pathologie ou d’une réaction immunitaire en rapport avec le donneur, bien qu’il n’existe aujourd’hui aucun cas de contamination rapporté.
En fonction des différents traitements effectués sur l’os humain prélevé, il existe 3 catégories d’os allogénique :
– l’os lyophilisé non déminéralisé (FDBA) ;
– l’os lyophilisé déminéralisé (DFDBA), qui permet grâce à la déminéralisation de libérer les cellules matricielles et d’être ostéo-inducteur ;
– l’os délipidé-déprotéinisé (Biobank®, Puros®) : les protéines matricielles non collagéniques sont éliminées, ce qui supprime tout pouvoir ostéo-inducteur.
Par ailleurs, il existe une large hétérogénéité dans les sources de cet os allogénique qui peut provenir de prélèvements effectués soit sur des têtes fémorales de donneurs vivants lors d’interventions d’arthroplastie de la hanche, soit sur des os longs de sujets décédés. Ceci complique d’autant la reproductibilité des résultats attendus en termes de résorption.
Ce sont des biomatériaux osseux issus d’une espèce différente. L’os minéral bovin déprotéiné (DBBM, à titre d’exemple le Bio-Oss®) est un des matériaux le plus documentés en chirurgie buccale. Il possède une structure très similaire à celle de l’os humain. Bien qu’impossible à écarter totalement, le risque de réaction immunitaire ou de transmission d’une pathologie s’avère très faible et n’a jamais été rapporté.
Par le traitement physico-chimique qu’il subit lors de sa fabrication, il est exempt de composants biologiques et n’a donc aucune capacité ostéo-inductrice. Utilisé seul, il est ostéo-conducteur et présente une vitesse de résorption très lente.
Ainsi, dans une étude animale, Janner et al. [10] comparent le niveau de néoformation osseuse au sein d’un défaut standardisé obtenu après utilisation d’une xénogreffe bovine seule ou associée à une membrane, ou avec de l’os autogène particulé seul ou avec membrane. Les résultats montrent que l’adjonction d’os autogène particulé associé à une membrane améliore le résultat obtenu en termes d’os néoformé par rapport à une xénogreffe bovine. Les résultats les plus favorables sont obtenus avec un ratio xénogreffe/os autogène d’environ 1/1 [11].
Appelés aussi biomatériaux synthétiques (phosphates tricalciques, céramiques, hydroxyapatites de synthèse, carbonates de calcium, bio-verres), ils ont le principal avantage de ne présenter aucun risque de transmission d’agents pathogènes comme pour les matériaux précédents. En revanche, ils n’ont aucune capacité ostéo-inductrice. Leur vitesse de résorption est variable et dépend du type de substitut, de sa composition et de sa porosité. Très lente pour de l’hydroxyapatite synthétique, la résorption sera plus rapide, environ quelque mois, pour des phosphates tricalciques.
Des quelques caractéristiques biologiques évoquées précédemment, il apparaît que le biomatériau idéal n’existe pas. En effet aucun matériau utilisé seul ne peut prétendre bénéficier d’un potentiel ostéo-conducteur, ostéo-inducteur et d’un degré de résorbabilité optimale sur le plan biologique pour induire une néoformation osseuse maximale.
Ainsi, il semble intéressant d’utiliser un mélange de différents biomatériaux afin de profiter de leurs potentiels respectifs et ainsi favoriser une néoformation osseuse stable dans le temps (figure 7).
D’après de nombreux auteurs [10-12], les mélanges d’os autogène/xénogreffe avec un ratio égal ou légèrement supérieur en os autogène semblent apporter les meilleurs résultats. Dans une série de cas, Urban et al [12] rapportent des gains osseux d’environ 7 mm horizontalement et 5 mm verticalement.
La dernière étape chirurgicale d’une augmentation osseuse, quelle que soit la technique, consiste en la fermeture des sites. Particulièrement dans les interventions de ROG, la difficulté réside dans la relaxation des lambeaux, indispensable pour obtenir une fermeture muqueuse passive. Pour Retzepi et Donos [13] et Urban et al. [14], cette gestion des lambeaux et aussi des sutures représente une étape clé dans la réussite de la thérapeutique.
Selon Ronda et Stacchi [15] et Moses et al. [16], si la greffe n’est pas recouverte intégralement par les lambeaux, une réponse inflammatoire et infectieuse peut se produire, conduisant à une dégradation précoce de la membrane, ce qui peut entraîner une perte partielle ou totale du greffon [17].
En plus de recouvrir le site de la ROG, la passivation des lambeaux permet de suturer sans tensions. En effet, selon une étude de Burkhardt et Lang [18], une tension supérieure à 0,1 N au niveau des lambeaux augmenterait significativement le risque d’exposition du site. Pour ces auteurs, si un point de suture avec un fil 7/0 lâche, la tension induite était trop élevée. Selon Rosenquist [19] ou Ronda et Stacchi [15], pour obtenir une fermeture pérenne, il est nécessaire d’inciser le périoste, puis d’étirer les fibres élastiques du lambeau à l’aide de décolleurs ou de ciseaux de Metzenbaum. L’incision du périoste devra être superficielle pour ne pas léser les structures sous-jacentes. Dans le cas contraire, outre le risque de lésions nerveuses, une incision trop profonde peut provoquer un saignement qui compliquera le geste chirurgical et augmentera les suites post-opératoires en provoquant un hématome.
Pour cela, des techniques peu invasives permettant l’élongation des fibres de collagène sont décrites dans la littérature. Ces procédures consistent en l’utilisation de décolleurs [20] ou d’instruments sécants spécifiques [21].
Urban et al. [22] proposent une classification des techniques de sutures des lambeaux en fonction de deux critères : la profondeur du vestibule et l’état du périoste. Cette technique varie en fonction du site et du volume greffé. Un vestibule peu profond complique l’intervention car il faut étirer davantage les fibres élastiques dans le but de coapter les berges sans tensions. De plus, une faible profondeur vestibulaire est fréquemment associée à un volume greffé important.
Lorsque la ROG est localisée au maxillaire antérieur, une dissection du muscle sub-orbiculaire pourra être effectuée. Une plastie gingivale est souvent nécessaire par la suite pour augmenter le vestibule et ramener du tissu kératinisé en situation vestibulaire. Ce dernier fait fréquemment défaut car la ligne de jonction mucco-gingivale se trouve décalée en raison de la traction des lambeaux lors de la fermeture du site greffé. Par ailleurs, lorsqu’un patient a subi une ou des précédentes greffes, le périoste peut devenir cicatriciel, ce qui complique la relaxation. Il s’épaissit et il est plus difficile d’obtenir une élasticité du lambeau. D’après Triaca et al. [23], une périosto-plastie peut s’avérer indiquée, le risque étant de perforer le lambeau.
Ainsi, en dehors de la région palatine où la relaxation s’avère quasi impossible, selon le site de l’augmentation osseuse, la relaxation du lambeau sera abordée de différentes façons. Au maxillaire, en vestibulaire, la relaxation ne comporte pas de difficultés particulières. Par contre, dans les secteurs postérieurs mandibulaires, en vestibulaire, l’incision périostée devra être délicate dans la région du foramen mentonnier pour ne pas en léser ses branches (figures 8 à 10).
À la mandibule, en lingual, les zones rétro-molaires et molaires ne nécessitent aucune incision pour la relaxation. Un décollement jusqu’au muscle mylo-hyoïdien permet de séparer le lambeau de ses fibres en utilisant un instrument mousse comme un décolleur (figures 11 et 12).
Dans cette région, au niveau prémolaire, l’insertion du mylo-hyoïdien est très basse. Il peut être alors nécessaire d’inciser le périoste avec précaution pour relaxer cette partie du lam beau ou d’étirer les fibres collagéniques du périoste avec un décolleur (figure 13).
À l’issue de cette présentation des facteurs essentiels favorisant la réussite thérapeutique d’une intervention de régénération osseuse guidée, il apparaît qu’il a été proposé différentes procédures utilisant des matériaux variés et des techniques différentes afin d’obtenir une augmentation du volume osseux.
Les conditions de la réussite thérapeutique passent, en complément du choix d’une membrane, par la sélection pertinente d’un biomatériau ainsi que par la maîtrise de la fermeture du site opératoire. Enfin, si les protocoles opératoires peuvent varier, les principes de base demeurent. Une bonne compréhension de ces derniers permet de favoriser le succès de cette thérapeutique en assurant la fiabilité et la reproductibilité de la procédure chirurgicale réalisée.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.