FAVORISER LA RÉUSSITE THÉRAPEUTIQUE DE LA ROG ÉVOLUTION DE LA TECHNIQUE ET CHOIX RAISONNÉ DE LA MEMBRANE
Chirurgie
Péri-implantaire
Alexis BLANC* Maxime BOUVART**
*DUCICP-DUCA, Université Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP).Exercice libéral à Nanterre.
**DUCICP, Université Paris, Hôpital Rothschild (AP-HP).Exercice libéral à Reims.
La technique de régénération osseuse guidée (ROG) a pour but d’augmenter le volume osseux insuffisant. Ses principes découlent des principes de la régénération tissulaire guidée. Cette dernière consiste à stimuler le repeuplement sélectif de la surface radiculaire par les cellules provenant du ligament parodontal, permettant ainsi une nouvelle attache avec une néoformation osseuse et cémentaire.
La régénération osseuse guidée est une technique d’augmentation du volume osseux. Depuis plus de 50 années, la technique a évolué du fait d’une meilleure compréhension des principes biologiques amenant le développement de différents types de membranes. Ces évolutions ont pour but de favoriser la prédictibilité du résultat thérapeutique en termes de gain osseux.
La technique de régénération osseuse guidée (ROG) a pour but d’augmenter le volume osseux insuffisant. Ses principes découlent des principes de la régénération tissulaire guidée. Cette dernière consiste à stimuler le repeuplement sélectif de la surface radiculaire par les cellules provenant du ligament parodontal, permettant ainsi une nouvelle attache avec une néoformation osseuse et cémentaire.
En 1957, Murray et al. [1] isolent un défaut osseux créé dans un os iliaque de chien à l’aide d’une cage en plastique. Après cicatrisation, l’intérieur de la cage est rempli par un os néoformé. Le concept de régénération osseuse guidée est né. En 1989, Dahlin et al. [2] poursuivent le même but et réussissent à régénérer de l’os autour d’implants recouverts par une membrane e-PTFE (polytétrafluoroéthylène expansé) placés dans des tibias de lapins.
Plus récemment, Buser et al. [3] puis Fugazzotto [4] et enfin Wang et Boyapati [5] définissent les principes biologiques de la ROG qui reposent sur :
– une cicatrisation de première intention. La fermeture primaire est essentiel pour créer un environnement biologique protégé des agressions mécaniques et bactériennes extérieures. Par ailleurs, une fermeture passive, sans tension au niveau des berges du lambeau, permet une cicatrisation avec moins de ré-épithélialisation, de formation collagénique et de contraction cicatricielle, entraînant ainsi moins de remodelage des tissus gingivaux ;
– une angiogenèse favorisée. La mise en place d’un biomatériau permet de maintenir et de soutenir le caillot sanguin et de créer un espace nécessaire à l’angiogenèse préalable à l’ostéogenèse. Ce volume sert d’échafaudage pour faciliter la migration et la prolifération des cellules provenant de l’os adjacent et de la moelle osseuse ;
– la protection du caillot. La mise en place d’une membrane et sa stabilisation sur le site préservent le caillot de tout mouvement du lambeau sus-jacent pendant la période de cicatrisation. Cette membrane peut être fixée par des sutures, des mini-vis ou des punaises chirurgicales (pins) ;
– le maintien d’un espace sous la membrane protégé de la contamination par les cellules gingivales. L’utilisation d’une membrane barrière permet de lutter contre l’invasion du site opératoire par les cellules conjonctives et épithéliales des tissus gingivaux voisins, réalisant ainsi une l’exclusion cellulaire.
Selon Urban et al. [6], ces thérapeutiques par ROG sont efficaces avec un gain vertical moyen de 4,2 mm. Cependant, dans la même étude clinique, les auteurs précisent que des complications sont apparues avec une fréquence d’environ 12 %.
D’après une méta-analyse de Lim et al. [7], les complications au niveau des tissus mous représentent environ 17 % des interventions. De ce fait, une gestion adéquate des tissus mous est indispensable pour optimiser les résultats de la ROG et réduire d’éventuelles complications.
Cet article est consacré aux rappels biologiques des principes de la technique de régénération osseuse guidée complétés par les critères de choix des membranes utilisées. Un ensemble de cas cliniques illustre les différentes options et modalités opératoires possibles.
Chronologiquement, la cicatrisation se déroule en 3 phases successives. Durant les 24 premières heures, un caillot sanguin fibrino-plaquettaire se forme au sein du matériau de comblement. Pendant les jours et semaines suivantes, ce caillot est éliminé par les polynucléaires neutrophiles ainsi que les macrophages pour former le tissu de granulation. Ceci représente la phase inflammatoire.
Ce tissu est riche en vaisseaux sanguins qui permettent l’apport du matériel biologique – macrophages, facteurs de croissance, cytokines, protéine osseuse morphogénétique (BMP) –, nécessaire à l’ostéogenèse. Cette phase proliférative aboutit à la formation d’un os « tissé » immature ou woven bone. Ce tissu néoformé va se minéraliser secondairement avant d’être transformé en un os lamellaire mature par un second remodelage durant la phase de maturation.
Environ 6 à 9 mois sont nécessaires pour combler totalement les espaces « cicatriciels » initialement remplis par le caillot sanguin. La moelle osseuse fournit une source importante de cellules mésenchymateuses pluripotentes indifférenciées qui peuvent être transformées en cellules ostéogéniques.
Lorsque l’on soulève un lambeau, les vaisseaux sanguins sont altérés, entraînant un apport sanguin qui va permettre l’angiogenèse et initier la cascade biologique de la régénération tissulaire.
La réalisation des perforations corticales au niveau du site à régénérer permet de créer un passage depuis l’espace médullaire de l’os spongieux richement vascularisé jusqu’à la zone opérée. Ceci permettrait un apport supplémentaire de cellules progénitrices. Ainsi, Danesh-Sani et al. [8] montrent que les perforations corticales influencent favorablement la quantité d’os nouveau et augmentent significativement le nombre de néovaisseaux après 7 mois de cicatrisation.
D’après Cucchi et al. [9], une stabilité adéquate de la membrane est requise afin d’éviter les micromouvements du caillot sous-jacent, permettant la formation d’un nouveau réseau vasculaire très sensible aux contraintes mécaniques.
Ainsi, Dimitriou et al. [10] ont montré in vivo que la néoformation osseuse est plus rapide et plus organisée dans les défauts où le comblement est protégé par une membrane stable. Celle-ci doit être suffisamment rigide pour résister à la pression des tissus gingivaux qu’elle supporte durant la période de cicatrisation [11].
Les membranes non résorbables bénéficient de propriétés mécaniques adéquates, surtout celles renforcées par des armatures [9] qui permettent un maintien durable des propriétés mécaniques au cours du temps contrairement aux membranes résorbables en collagène. Ces dernières présentent des propriétés mécaniques insuffisantes et se détériorent très nettement en milieu humide ainsi qu’au cours de leur résorption [12], amenant un effondrement progressif du support sous la pression gingivale.
D’un point de vue clinique, il est parfois complexe de stabiliser les membranes collagéniques car elles perdent leur rigidité avec l’imprégnation sanguine [12].
Au-delà du maintien de la rigidité de la membrane, il est nécessaire de l’ancrer sur le support osseux. Pour cela, la membrane peut être stabilisée par des sutures [13] ou par la vis de couverture de l’implant. D’autres techniques privilégient l’utilisation de vis d’ostéosynthèse en « piquets de tente » (figure 1), placées principalement dans la corticale vestibulaire, dont le but est non seulement d’espacer la membrane mais surtout de stabiliser le biomatériau.
Des grilles en titane peuvent également servir d’armature dans le but de stabiliser le biomatériau, surtout si le volume osseux à régénérer est important et présente une composante verticale. Ces grilles peuvent être ajustées, découpées et stérilisées par le praticien (Grille titanium mesh, IPP Pharma®) (figures 2 à 8), ou conçues par des techniques de CFAO à partie de l’examen cone beam pré-opératoire du patient (Grille Yxoss CBR®, ReOss®, Geistlich®) (figures 9 à 17).
Les premières membranes utilisées dans les techniques de ROG étaient non résorbables conçues et conçues en polytétrafluoroéthylène expansé (e-PTFE). Celles-ci avaient la capacité d’empêcher la migration des cellules gingivales non ostéogéniques lors de la cicatrisation tout en étant perméables aux fluides et gaz.
L’inconvénient de la membrane e-PTFE réside dans sa fréquence d’exposition élevée conduisant souvent à la perte de tout ou partie du greffon. Ceci représente la complication la plus fréquemment rapportée lors des interventions de ROG. Ainsi, selon Ling et al. [14], la fréquence d’exposition de la membrane atteindrait environ 47 % des cas traités. Lorsque cette membrane e-PTFE est exposée, le diamètre de ses pores, qui est compris entre 0,5 et 30 microns, permettrait la migration bactérienne depuis le milieu buccal jusqu’au sein du site [11].
Le développement de membranes en PTFE denses (d-PTFE), ayant des diamètres de pores plus réduits (0,2-0,3 micron) a permis de diminuer fortement leur taux d’exposition. D’après les données de la littérature, les fréquences d’exposition sont limitées à environ 12 à 15 % [15-17]. De ce fait, leur tolérance à l’exposition est supérieure à celle des e-PTFE.
Un autre inconvénient de ces membranes d-PTFE ou e-PTFE est le fait qu’elles sont non résorbables. Elles nécessitent donc d’être déposées, ce qui augmente la morbidité et ajoute une étape chirurgicale au traitement (figures 18 à 21).
Ainsi, dans les années 1990, les membranes en collagène résorbables ont été proposées afin, entre autres, de s’affranchir de cette chirurgie de dépose [18].
De plus, l’objectif de l’utilisation de ces membranes résorbables est d’empêcher les cellules gingivales non ostéogéniques (fibroblastes, cellules épithéliales) de les traverser pour éviter une fibrose, tout en permettant aux fluides vasculaires de participer à la nutrition de la greffe (figure 22).
D’après Meyer et al. [11] et Cucchi et al. [17], leur fréquence d’exposition dépend également de nombreux facteurs mais reste du même ordre que celle des membranes d-PTFE.
Pour Jimenez-Garcia et al. [19], les membranes en d-PTFE ou celles résorbables en collagène bénéficient d’une relative tolérance à l’exposition, évitant de déposer systématiquement le greffon. Néanmoins, la perte du volume greffé en rapport avec cette exposition peut atteindre 74 %.
L’inconvénient principal de ces membranes résorbables en collagène est lié à l’absence de possibilité d’incorporer un renfort rigide contrairement aux membranes PTFE à armature titane. Seules, elles ne pourront pas assurer la stabilité de la greffe si ces dernières sont soumises à des contraintes mécaniques importantes.
Selon Urban et al. [13], la membrane résorbable en collagène serait indiquée pour des augmentations osseuses horizontales alors que, pour les augmentations verticales, il sera préférable d’ajouter une structure rigide et donc d’utiliser une membrane non résorbable armée titane afin de l’étayer.
Un autre inconvénient réside dans la durée de l’effet barrière difficile à évaluer en raison de la résorbabilité de ces membranes en collagène. En effet, contrairement aux membranes PTFE, cet effet barrière essentiel va diminuer en même temps que s’effectue la dégradation collagénique. Il est d’ailleurs difficile d’estimer la durée réelle de l’effet barrière d’une membrane résorbable, les fabricants communiquant principalement sur le temps de résorption complète du produit.
Les membranes collagéniques naturelles présentent une dégradation rapide, évaluée à quelques semaines seulement selon certaines firmes. Pour tenter d’augmenter le délai avant résorption, une modification par réticulation du collagène a été proposée. Cependant, Jimenez-Garcia et al. [19] ne montrent pas de différence significative en termes de volume osseux obtenu entre membranes en collagène réticulé ou non. De plus, selon Becker et al. [15], ces membranes de collagène réticulées présenteraient un taux d’exposition supérieur à celui des membranes en collagène non réticulé, respectivement 30 % et 13 %, ainsi qu’une inflammation et un oedème post-opératoire plus importants.
Au-delà du matériau de ces membranes, PTFE, collagène naturel ou réticulé, souvent spécifique d’une technique de ROG ou d’une modalité opératoire, le choix repose également sur d’autres paramètres souvent subjectifs comme la facilité de manipulation, l’élasticité après imprégnation sanguine ou la capacité à ne pas se déchirer lorsqu’elle est fixée avec des pins (figures 23 à 34).
D’après Urban et al. [6], les gains osseux verticaux moyens rapportés dans les interventions de ROG seraient d’environ 4,4 mm avec les membranes non résorbables (4,3 mm pour les e-PTFE et 5 mm pour les d-PTFE) contre 3,5 mm pour les membranes résorbables (4,2 mm pour les réticulés et 2,7 mm pour les membranes collagènes natives). D’après Elnayef et al. [20], les gains moyens des ROG horizontales seraient quant à eux d’environ 3,6 mm.
À l’issue de cette première partie, il apparaît que la compréhension des principes biologiques permet d’étayer scientifiquement le choix réfléchi d’un type de membrane dans une technique de régénération osseuse guidée. Toujours dans le but d’optimiser la prédictibilité de cette thérapeutique, la deuxième partie de cet article vise à préciser quelques notions essentielles concernant les différents biomatériaux de comblement disponibles pour une ROG ainsi que les modalités de la technique opératoire.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.