Clinic n° 11 du 01/11/2021

 

Revue de presse

Internationale

Vincent FOUQUET  

La résistance à l’usure est l’une des propriétés physiques les plus importantes que les praticiens et les patients recherchent dans les dents destinées à être utilisées sur une prothèse amovible. Bien que l’usure mécanique à la fonction varie d’un patient à l’autre, l’usure excessive peut entraîner des conséquences nombreuses et variées telles que la perte de dimension verticale d’occlusion, une modification de la trajectoire des mouvements masticatoires, la perte...


La résistance à l’usure est l’une des propriétés physiques les plus importantes que les praticiens et les patients recherchent dans les dents destinées à être utilisées sur une prothèse amovible. Bien que l’usure mécanique à la fonction varie d’un patient à l’autre, l’usure excessive peut entraîner des conséquences nombreuses et variées telles que la perte de dimension verticale d’occlusion, une modification de la trajectoire des mouvements masticatoires, la perte d’efficacité masticatoire ainsi que la fatigue des muscles masticatoires. Une résistance élevée à l’usure « attritive » peut contribuer à la longévité globale de la prothèse dentaire. Même si elles présentent de nombreux avantages par rapport aux dents en porcelaine, les dents de prothèse du commerce en résine acrylique ont été critiquées en raison de leur faible résistance à l’usure. D’ailleurs, depuis peu, seules des dents résines persistent sur le marché dentaire. Au cours des trois dernières décennies, les fabricants ont tenté d’améliorer la résistance à l’usure des dents en résine acrylique par l’utilisation de différents monomères, l’ajout d’agents de réticulation, l’ajout de charges organiques et inorganiques et de modifications des agents de couplage. Depuis quelques temps, la CFAO s’est dotée de la fabrication additive autrement appelée impression 3D et plus particulièrement d’une méthode de fabrication additive appelée la stéréolithographie (SLA) qui est particulièrement utilisée en dentisterie.

La stéréolithographie est un procédé de fabrication additive qui consiste à former un objet couche par couche à partir d’une résine liquide photo-polymérisable par un laser UV. Des résines pour la fabrication de dents pour prothèses adjointes par SLA sont apparues, ce qui apporte un intérêt clinique certain en raison de leurs avantages possibles par rapport aux dents du commerce comme la production interne à faible coût, des délais d’exécution plus rapides, des résultats précis et cohérents et des dents aux formes personnalisées pour une meilleure occlusion.

L’objectif de cette étude in vitro est d’évaluer la résistance à l’abrasion 3 corps des dents en résine imprimée en 3D par rapport à diverses dents de prothèse fabriquées en usine disponibles dans le commerce. L’hypothèse nulle étant qu’aucune différence n’existerait dans la résistance à l’usure entre les matériaux des dents imprimées en 3D et ceux des dents du commerce usées par un antagoniste en zircone.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Au total, 88 premières molaires maxillaires ont étés testées : 24 proviennent de la gamme Classic de Dentsply Sirona en PMMA (C), 20 sont des SR Postaris Double cross-linking de Ivoclar-Vivadent (DCL), 20 sont des Portrait Interpenetrating polymer network de Dentsply Sirona (IPN) et 24 ont été fabriquées en impression 3D avec de la résine Denture Teeth A2 de Formlabs sur une imprimante Form 2 de Formlabs (F). L’épaisseur de couche choisie pour la fabrication additive des dents est de 50 µm et le procédé de post-traitement est celui préconisé par le fabricant. Toutes les dents ont été coulées dans de la résine acrylique pour être coupées afin d’obtenir un échantillon cylindrique avec une surface occlusale plane et polie au grain 600. Cela est un protocole relativement standard pour les tests in vitro d’usure.

Pour simuler la mastication et le bol alimentaire, un milieu artificiel a été créé par l’incorporation dans de l’eau distillée de billes de PMMA de façon à recouvrir la surface de l’échantillon précédemment poli.

Une pointe mousse sphérique de zircone monolithique de 3 mm de diamètre est appliquée à la surface de la dent à une fréquence de 1,7 Hz, ce qui correspond à une charge de 36 à 40 N. Une fois la charge maximale atteinte au contact de la dent, la pointe pivote sur elle-même de 30° dans le sens horaire puis de 30° dans le sens anti-horaire pour simuler un cycle masticatoire.

Tous les 50 000 cycles, les échantillons sont nettoyés et le milieu artificiel changé jusqu’à ce qu’un total de 200 000 cycles soit atteint. Les échantillons sont numérisés avec un scanner de laboratoire 3Shape E3 pour en déduire la perte de matériau due à l’usure.

PERTINENCE CLINIQUE

Les résultats de l’étude montrent que les dents fabriquées par impression 3D (F) ont mieux résisté à l’abrasion 3 corps (profondeur de l’usure de 0,016 mm) par rapport aux dents du commerce (DLC : 0,036 mm ; C : 0,058 mm ; IPN : 0,035 mm). La différence entre le groupe F et les groupes des dents du commerce (C, DLC et IPN) est statistiquement significative. Ce résultat montre que, dans cette étude, la résine pour impression 3D est 2 à 3,5 fois plus résistante à l’abrasion 3 corps que les dents du commerce.

Cela démontre une fois de plus que les résines d’impression 3D ont, dans certaines indications, des propriétés satisfaisantes et parviennent à surpasser sur certains points les dents du commerce qui sont fabriquées dans des conditions optimales en usine. Néanmoins, ce résultat doit absolument être nuancé car il ne faut pas oublier qu’une seule caractérisation (celle de l’usure) a été réalisée. En effet, les propriétés mécaniques de base (flexion 3 points, ténacité, résilience…) n’ont pas été mesurées tout comme les caractéristiques esthétiques. Celles-ci sont bien moins satisfaisantes à l’utilisation clinique pour les dents imprimées. Enfin, la biocompatibilité au long cours de ces résines imprimées et les produits de relargage libérés dans la cavité buccale sont toujours grandement discutés.