CONSERVER UN MAXIMUM DE TISSU DENTAIRE SAIN
Dentisterie
Conservatrice
Exercice libéral à Paris.
En 2009, Gil Tirlet et Jean Pierre Attal ont développé le concept de gradient thérapeutique dans le cadre des traitements esthétiques. En classant les traitements des plus conservateurs au plus invasifs, cette approche a placé l’économie tissulaire comme un élément central de la démarche diagnostique et thérapeutique. Cette réflexion peut être étendue à tous les domaines de l’odontologie y compris celui du traitement des lésions carieuses. Dans cette perspective, limiter le...
Différents outils permettent de faire le diagnostic et le traitement d’une lésion carieuse. Certains sont déjà bien documentés et présents dans les cabinets. D’autres sont plus récents et/ou moins utilisés. La mise en pratique de ces outils et leur optimisation permettent de conserver un maximum de tissu dentaire. En limitant le volume des cavités et des préparations, le clinicien s’inscrit dans une dynamique globale d’économie tissulaire et d’interventions a minima. Dans cet article, nous décrivons comment affiner le diagnostic, contrôler les préparations et optimiser les techniques adhésives qui permettent de conserver plus de tissus pour, in fine, conserver plus de dent plus longtemps.
En 2009, Gil Tirlet et Jean Pierre Attal ont développé le concept de gradient thérapeutique dans le cadre des traitements esthétiques. En classant les traitements des plus conservateurs au plus invasifs, cette approche a placé l’économie tissulaire comme un élément central de la démarche diagnostique et thérapeutique. Cette réflexion peut être étendue à tous les domaines de l’odontologie y compris celui du traitement des lésions carieuses. Dans cette perspective, limiter le volume des cavités répond à cette volonté d’économie tissulaire et d’interventions a minima. Mais d’autres éléments déterminent les dimensions, les limites et la morphologie d’une cavité de restauration. Dans certaines situations, pour répondre aux cahiers des charges d’une restauration en termes d’esthétique, de résistance mécanique, de longévité ou d’étanchéité du joint, il peut être nécessaire de faire un arbitrage entre ces différents paramètres et d’éliminer plus de tissus sains. Pour répondre à cette problématique, il est nécessaire de mener une réflexion sur le diagnostic des lésions, la préparation des cavités et la mise en place des restaurations en favorisant des procédures adhésives. Ces trois points sont développés dans le présent article dont l’objectif est de montrer une approche conservatrice raisonnée car la conservation ne doit pas s’ériger en dogme absolu.
Le diagnostic fait partie intégrante de la démarche thérapeutique. Le succès de tout traitement est intimement lié à la qualité du diagnostic. Ainsi, plus le diagnostic est précis, plus le choix du traitement sera adéquat. Lorsqu’il s’agit de conservation des tissus dentaires, une partie du diagnostic se fait au cours de l’examen clinique et de l’analyse des examens complémentaires (radiographies rétro-alvéolaires par exemple) mais l’autre partie du diagnostic est extemporanée. L’appréciation de la qualité des tissus au cœur de la lésion carieuse ou sous une restauration (par exemple : émail sain, infiltré ou non soutenu ; dentine nécrotique, infiltrée, affectée ou d’apposition ; présence de fêlure) ne peut se faire qu’au moment du traitement. C’est pour cela qu’il est nécessaire de disposer d’outils performants pour réaliser rapidement le bon diagnostic.
Que ce soit en vision directe ou indirecte l’utilisation d’un microscope opératoire ou de simples loupes binoculaires augmente l’ergonomie et le confort de l’opérateur. Les possibilités diagnostiques s’en trouvent également enrichies [1]. En dentisterie restauratrice par exemple, au cours de l’éviction des tissus cariés, la magnification met souvent en évidence des zones infiltrées ou des prismes d’émail non soutenus qui ne seraient pas détectables à l’œil nu (figure 1). Ces outils autorisent un grossissement qui facilite la mise en évidence des zones critiques. Ils améliorent ainsi le résultat final, la pérennité de la restauration et permettent de conserver un maximum de tissus dentaire.
On sait également que les aides optiques améliorent la précision des préparations dentaires [2]. Ces outils ont révolutionné les possibilités thérapeutiques de nombreuses procédures. C’est seulement équipé de tels instruments qu’il devient possible de réaliser des préparations extrêmement fines. Le contrôle visuel peut alors dépasser le 10e de millimètre. La réalisation de facettes pelliculaires en céramique s’est ainsi développée, rendant ces traitements compatibles avec une réduction minimale et contrôlée de tissus sains (figure 2).
Même si aucune revue systématique de la littérature ne montre à ce jour de différence de longévité entre des restaurations réalisées avec ou sans champ opératoire, la pose de la digue dentaire permet d’optimiser les procédures adhésives. Elle offre de nombreux avantages au cours des étapes clés de la réalisation de restaurations adhésives directes comme indirectes.
Indéniablement, la mise en place de la digue dentaire permet un meilleur contrôle visuel des surfaces dentaires. Une fois installée, elle joue un rôle de déflecteur gingival et donne accès à des zones initialement intra-sulculaires, voire sous-gingivales dont l’examen visuel est parfois même impossible sans champ opératoire. C’est le cas des caries juxta ou sous-gingivales (figure 3). Les régions distales des dernières dents d’arcade sont également souvent concernées. Une fois la gencive refoulée, le diagnostic tissulaire de la dent est possible. Les étapes soustractives d’élimination de la carie atteignent un meilleur niveau de précision et se limitent alors au strict nécessaire [3]. Le positionnement des limites intra-sulculaires est maîtrisé. Le contrôle de la qualité de l’émail et de la dentine devient extrêmement rigoureux (figure 4).
L’étanchéité obtenue sous champ opératoire permet également de bien respecter les impératifs des procédures adhésives qui tolèrent mal l’humidité. Ainsi, la mise en place de la digue offre l’opportunité de coller immédiatement sur les surfaces dentaires assainies. Il devient dès lors possible d’ajouter de la matière à la dent délabrée (figures 5, 6 et 7). Le regard du clinicien et son attitude s’en trouvent nécessairement modifiés (cf. supra. Scellement dentinaire immédiat). Chaque fois qu’une stratégie adhésive est mise en place, c’est une stratégie additive qui se dessine pour la suite du traitement. La digue dentaire participe donc à la mise en place de conditions favorables à une dentisterie plus conservatrice.
Que la lésion soit superficielle ou profonde, l’élimination des tissus carieux se doit d’être la plus minutieuse. L’objectif du clinicien est d’emporter le moins de tissus sains possible au cours de l’excavation de la dentine infectée. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur l’examen visuel. La sensation tactile a longtemps été de mise (avec la recherche du cri dentinaire par exemple) mais elle reste subjective, peu précise et largement remise en question. Différents systèmes permettent d’optimiser l’analyse et d’assister le praticien à cette étape.
Les colorants ou révélateurs de carie (Caries Detector, Kuraray ou Snoop, Pulpdent par exemple) mettent en évidence les protéines de collagène dénaturées. Leur mise en œuvre est extrêmement rapide : le produit est déposé sur la surface à analyser à l’aide d’une micro-brosse. Il ne nécessite pas de temps de pose pour agir. Après rinçage, une cartographie des zones cariées se dessine, facilitant ainsi leur élimination (figure 8). Cet outil est efficace et peu coûteux. L’opérateur ayant une vision occlusale de la cavité, l’utilisation d’un colorant aux couleurs vives permet d’attirer son regard dans les zones latérales ou de contre-dépouille parfois oubliées (figure 9).
Les produits de dégradation de la carie ainsi que la porphyrine endogène de certaines bactéries impliquées dans la carie présentent un comportement différent de celui des tissus dentaires sains lorsqu’ils sont exposés à certaines longueurs d’onde [4]. Ainsi, soumis à une lumière comprise entre 370 nm et 488 nm de longueur d’onde (lumière bleue - violette), l’émail et la dentine présentent une fluorescence verte alors que la porphyrine, présente dans les tissus cariés, a un comportement de fluorescence rouge. Le contraste est alors saisissant entre les tissus sains et infiltrés. Différentes caméras faisant appel à diverses technologies permettent cela (Vistacam®, Dürr ; Soprolife®, Acteon). Le dispositif peut également être couplée à un microscope (Extaro® 300, Zeiss). L’onde de fluorescence est alors émise par le microscope permettant une excavation simultanée de la carie (figure 10).
La combinaison des connaissances histopathologiques actuelles et des technologies de détection de la carie par des colorants ou par fluorescence permet de préserver plus de tissus durs (émail et dentine) mais également plus de pulpe vivante [5] en limitant la survenue d’effractions pulpaires iatrogènes (figure 11).
Nous l’avons vu, les outils technologiques à notre disposition permettent une grande précision dans la détection de la carie. Lorsque les performances diagnostiques augmentent, un risque de surtraitement apparaît. Ainsi, on peut se demander si le clinicien doit éliminer l’intégralité des tissus dentinaires cariés, même profonds, au risque parfois d’accrocher une corne pulpaire et de compromettre la vitalité pulpaire (figure 11).
Même s’il existe des stratégies de coiffage ou de pulpectomie partielle par exemple, il est souhaitable d’éviter toute exposition pulpaire. On peut se demander, en présence d’un statut pulpaire normal à l’examen clinique, si l’élimination des dernières couches de dentine est nécessaire. L’histopathologie des tissus carieux permet de distinguer, entre autres, la dentine infectée de la dentine affectée. La dentine infectée, plus superficielle, est extrêmement dénaturée, les valeurs d’adhérence y sont mauvaises et son élimination doit être complète. La dentine affectée qui se trouve un peu plus en profondeur, avant la dentine tertiaire (ou d’apposition), est partiellement déminéralisée mais encore capable d’être raisonnablement hybridée par un système adhésif [6]. Cliniquement, cette distinction entre les tissus reste difficile et approximative [7]
Alleman et Magne [6] ont proposé en 2012 un protocole d’éviction partielle de la carie avec pour objectifs d’éviter toute effraction pulpaire et de créer une zone périphérique de dentine parfaitement saine sur laquelle on pourra coller avec des valeurs d’adhérence maximales (figure 12). La zone périphérique se caractérise par l’absence de coloration au révélateur de carie, une surface minimale de 1 à 3 mm de dentine superficielle totalement indemne de carie, une jonction amélo-dentinaire ainsi qu’un émail parfaitement sains. En regard du plafond pulpaire, il peut alors persister de la dentine cariée. L’idée est que la carie résiduelle est alors enfermée hermétiquement au sein d’un pourtour périphérique collé. Les bactéries ainsi privées d’apports nutritifs ne font plus évoluer la lésion (figure 13).
Le temps est également laissé libre aux odontoblastes d’entamer un processus de cicatrisation et d’apposition de dentine tertiaire. La littérature [8, 9] semble même montrer que l’élimination totale de la dentine infectée n’est pas indispensable à la réussite du traitement. Cette stratégie permet de limiter le risque d’effraction pulpaire et, ainsi, de préserver plus de tissus durs et plus de pulpes vitales.
La puissance et la performance de nos outils modernes se mettent au service d’une conservation maximale de tissus dentaires. Le clinicien devient capable de n’éliminer plus que le strict nécessaire. Le contrôle des lésions, des épaisseurs et des formes de préparation avec de forts grossissements autorise un nouveau degré de précision. Paradoxalement, il devient d’autant plus difficile de prendre du recul et le clinicien ne doit pas pour autant perdre de vue la vision globale de son traitement.
Tous les outils modernes précédemment évoqués ont ouvert une nouvelle dimension quant à la préservation de l’émail et de la dentine. Il s’agit désormais d’associer la préservation tissulaire à l’échelle microscopique avec la préservation de l’organe dentaire dans son ensemble en prenant en compte l’échelle de la dent, celle de la cavité buccale (nature de l’antagoniste et occlusion par exemple) et même celle de l’individu dans son environnement (facteurs de risques).
S’il est souvent possible de conserver les tissus lorsqu’on est sous champ opératoire, encore faut-il pouvoir les maintenir en fonction dans leur environnement (occlusal par exemple). Dans le cadre de la prise en charge des pertes de substances, une problématique fait souvent irruption, celle du recouvrement préventif des cuspides fragilisées par le délabrement préexistant. L’évaluation semble devoir se faire au cas par cas. Cependant, la littérature scientifique permet d’identifier quelques facteurs de risque qui permettront, lorsqu’ils se cumulent, de trancher en faveur de la conservation ou d’un recouvrement de cuspide.
L’analyse de la littérature ne révèle pas à ce jour de consensus sur les dimensions minimales qui doivent conduire au recouvrement de tout ou partie de la table occlusale. Les cavités mésio-occluso-distales sont tout de même les plus propices à la déflection cuspidienne. Ainsi, les crêtes marginales qui assurent la conservation de la rigidité de la dent doivent être conservées à chaque fois que cela est possible [10]. Dans le design de la cavité, c’est la profondeur qui semble être le facteur le plus critique [11] (figure 14). Plus la cavité est profonde, plus il y a de risque de fragiliser les cuspides résiduelles.
La conservation d’un maximum de tissus sains est une priorité mais ne doit pas compromettre la préservation de la dent dans son ensemble. L’existence de fêlures visibles et détectables doit alerter le praticien tant sur les forces subies par la dent dans le passé que sur celles à venir (figure 15). Lorsqu’elles sont trop importantes, le recouvrement cuspidien permet de rétablir l’orientation des forces occlusales en direction centripète (vers le centre de la dent) et non dans le sens de l’écartement des fêlures. Les restaurations prennent alors la forme d’onlays ou d’overlays en céramique qui recouvrent tout ou partie de la table occlusale (figures 16 à 18). La ceinture d’émail périphérique qui assure la rigidité de la dent est conservée. Cette solution biomimétique permet, en présence d’un délabrement modéré à sévère, de rétablir prothétiquement le dôme d’émail occlusal naturel sur lequel les forces s’exercent en compression [12] (figure 19).
On sait que la perception et la force masticatoire développée diffèrent en fonction de la proprioception et des relations avec la ou les dents antagonistes. Le comportement biomécanique est ainsi soumis à plus de contrainte si l’antagoniste est une prothèse sur implant en zircone monolithique qu’une prothèse adjointe en résine par exemple. Ainsi, le choix pourra être influencé en fonction de la nature de l’antagoniste.
Une analyse fine au cas par cas se doit d’être réalisée (figure 16). Les occlusions statique et dynamique sont évaluées afin d’identifier à quel point les cuspides en question seront sollicitées. Lorsque la protection canine est dominante, les cuspides guides des secteurs prémolo-molaires sont moins sollicités. En présence d’une fonction dite de groupe, où toutes les dents postérieures participent aux entrées et sorties de cycle masticatoire, il faudra être vigilant si une cuspide guide est fragilisée et parfois s’orienter vers son recouvrement.
La position de la limite pour les restaurations situées en vestibulaire joue un rôle important [13]. Le paramètre esthétique peut entrer en compte dans la décision de recouvrement et, surtout, dans la décision de recouvrir tout ou partie de la face vestibulaire de la dent en question. En effet, bien que les matériaux céramiques et les systèmes adhésifs soient extrêmement biomimétiques, ils ne sont pas parfaits. Un joint de collage entre la céramique et l’émail peut être disgracieux lorsqu’il se trouve au milieu de la face vestibulaire d’une dent visible (figures 20 et 21). Il est alors possible de biseauter la limite de préparation et/ou d’avoir recours à l’utilisation de céramiques relativement translucides pour optimiser la zone de transition. Si nécessaire, le recouvrement de la totalité de la face vestibulaire peut être envisagé aux dépens de la préservation tissulaire maximale. La restauration prend alors la forme d’un veneerlay (combinaison d’une facette et d’un onlay) (figure 22).
Le recouvrement systématique des cuspides n’est pas conseillé. La perte tissulaire engendrée augmente largement le risque de fractures aux conséquences souvent dramatiques pour la dent dans son ensemble [14]. Néanmoins, en présence de certains facteurs de risque biomécaniques ou pour des raisons esthétiques, un recouvrement partiel ou total peut être envisagé.
Le scellement dentinaire immédiat (IDS) est une procédure adhésive. Il consiste en la création d’une couche hybride sur toutes les plages dentinaires exposées immédiatement après l’élimination des tissus cariés, non sains et/ou non soutenus. Ce protocole offre de nombreux avantages comme l’amélioration des valeurs d’adhésion de la restauration finale, la protection immédiate du complexe dentinopulpaire ou encore la diminution des sensibilités post-opératoires. Il s’inscrit également dans une démarche contemporaine de préservation tissulaire maximale. Il modifie néanmoins le substrat sur lequel la restauration indirecte est assemblée, ce qui a des répercussions cliniques.
Le protocole de l’IDS a subi de nombreuses évolutions au cours des 20 dernières années mais il est désormais bien codifié. Des instructions claires et séquencées ont été proposées par Magne [15]. Immédiatement après l’exposition d’une dentine fraîchement coupée, l’application du système adhésif se fait selon les recommandations du fabricant - systèmes en 2 ou 3 temps : mordançage (± primaire d’adhésion) et adhésif - en couche épaisse puis il est polymérisé (figure 23). La préparation, la finition des limites, l’empreinte et l’assemblage de la restauration ne se font qu’après cette étape. Ainsi, contrairement à un flux conventionnel, la plaie dentinaire est scellée au meilleur instant, ce qui optimise la qualité de la couche hybride.
Juste après l’obtention de cette couche hybride qui réalise concrètement le scellement immédiat de la dentine, il est possible d’ajouter de petites touches de composite dans des zones stratégiques (figure 24). Une fois l’IDS réalisé, l’opérateur peut se concentrer sur la configuration géométrique de la cavité. Les restaurations indirectes ne peuvent être insérées en présence de zones de contre-dépouille. Jusqu’alors, le clinicien était contraint d’éliminer les tissus responsables de la contre-dépouille, même s’ils étaient sains, pour la bonne insertion de la pièce (figure 25). Dès lors que l’IDS est réalisé sur l’ensemble des plages dentinaires exposées, les zones de contre-dépouille peuvent être consolidées par des apports de résine composites chargées, ce qui évite un délabrement plus important (figure 26). Cette stratégie additive est rendue possible grâce à l’IDS qui permet de conserver des volumes importants de tissus sains et d’éviter le recouvrement de certaines cuspides.
En plus d’un changement de perspective, passant d’une dentisterie soustractive à une dentisterie additive, l’IDS augmente très largement les valeurs d’adhérence des restaurations finales, et ce pour plusieurs raisons. La principale est que l’hybridation réalisée immédiatement ne laisse pas le temps au réseau de collagène dentinaire de s’effondrer. La pénétration du système adhésif au sein de la dentine est maximale, la qualité du collage optimisée. Cette augmentation conséquente des valeurs d’adhérence de la restauration finale est telle qu’elle permet au praticien de s’affranchir de toute rétention mécanique pour la réalisation de la restauration finale. Supprimer la rétention des éléments prothétiques est un bouleversement majeur en dentisterie. Le design de l’ensemble des préparations pour les restaurations dites conventionnelles - boîtes proximales, encastrement d’inlays, couronnes périphériques, ancrages corono-radiculaires par inlay-cores - a été pensé pour créer de la rétention. Ces formes de préparation répondaient à la nécessité d’obtenir une rétention mécanique par friction pour l’assemblage de la restauration. Grace à l’IDS, de nouvelles formes de préparations contemporaines se sont développées ne reposant plus que sur l’adhésion pour assurer le maintien de la pièce prothétique (figure 27). Ce changement de paradigme est capital en matière de conservation tissulaire. Dès lors que l’IDS est réalisé et les zones de contre-dépouille comblées, la ceinture d’émail périphérique n’a plus à être préparée. La biomécanique de la dent s’en trouve renforcée et sa longévité sur l’arcade aussi.
Les connaissances et les technologies dont nous disposons aujourd’hui nous permettent d’atteindre un niveau ultra-conservateur de l’émail et de la dentine. Toutefois, certains gestes soustractifs sont encore nécessaires pour la préservation de la dent dans son ensemble (tissus durs et pulpe vitale) ou encore pour la réussite esthétique. Les connaissances histo-anatomiques, une approche biomimétique ainsi que le respect des protocoles adhésifs aujourd’hui bien codifiés garantissent que ces choix restent raisonnés et minimalement invasifs. Le but de nos traitements est non pas de conserver le moindre prisme d’émail mais bel et bien de préserver l’esthétique et la fonction de l’intégralité de l’organe dentaire pour le plus longtemps possible.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.