Clinic n° 11 du 01/11/2021

 

Parodontie

Philippe DOUCET  

Ancien AHU, Université de Paris.Co-fondateur de Parosphère Formation. Parodontologie et Implantologie exclusives, Paris.

Chez les patients qui présentent des parodontites sévères, la situation initiale est souvent peu engageante pour tenter la conservation car le praticien est confronté à une pathologie avancée qui associe plusieurs des éléments suivants : mauvais contrôle de plaque, inflammation, alvéolyse sévère, gingivorragies, suppurations, mobilités importantes, migrations dentaires secondaires et autres séquelles des parodontites sévères.

comme dans les autres disciplines de...


Résumé

Lorsqu’un praticien est confronté à une dent présentant une atteinte parodontale sévère ou à un patient présentant une parodontite sévère généralisée (de stade 3 ou 4), le choix se pose entre une solution conservatrice ou l’extraction et le remplacement de la dent. L’option d’extraire et d’implanter représente la plupart du temps une solution plus simple et plus rémunératrice pour le praticien, mais également plus sécurisante pour le patient pour lequel les implants dentaires représentent souvent ce qui se fait de mieux en termes de fiabilité de traitement. Pourtant, comme dans tous les domaines de la médecine, la conservation des organes doit rester une priorité, d’autant plus que la littérature montre depuis longtemps que les traitements parodontaux donnent des résultats efficaces et stables dans le temps, même dans les situations avancées.

Chez les patients qui présentent des parodontites sévères, la situation initiale est souvent peu engageante pour tenter la conservation car le praticien est confronté à une pathologie avancée qui associe plusieurs des éléments suivants : mauvais contrôle de plaque, inflammation, alvéolyse sévère, gingivorragies, suppurations, mobilités importantes, migrations dentaires secondaires et autres séquelles des parodontites sévères.

comme dans les autres disciplines de l’odontologie, le traitement des parodontites sévères et de leurs conséquences, qu’elles soient infectieuses, douloureuses, esthétiques ou fonctionnelles, doit être envisagé selon un gradient thérapeutique qui va privilégier les traitements les plus conservateurs.

dans ces situations, la principale difficulté pour le praticien réside dans la capacité à analyser :

- le pronostic de chaque dent : pour ne pas extraire une dent qui serait conservable mais également pour ne pas se lancer dans un traitement impossible ;

- la possibilité d’intégrer chaque dent dans une prise en charge globale : pour ne pas commencer le traitement d’une dent conservable sur le plan parodontal mais dont la préservation dans l’optique d’un plan de traitement global est compromise.

LE CONCEPT « D’EXTRACTION PRÉVENTIVE » EST-IL JUSTIFIÉ ?

La destruction de l’os alvéolaire au cours des parodontites a conduit certains auteurs, dans les années 2000, à développer le concept « d’extraction préventive » qui consiste à extraire une dent parodontalement atteinte plutôt que de tenter sa conservation, dans le but de préserver l’os alvéolaire et de faciliter la mise en place ultérieure d’un implant [1].

Ce concept d’extraction préventive repose sur les postulats suivants.

• Le taux de survie n’est pas prédictible après traitement parodontal.

• Le taux de survie des prothèses sur dents parodontalement atteintes est moins bon que celui des prothèses implanto-portées.

• Il y a moins de complications sur les implants que sur les dents atteintes de parodontite avancée.

• Le rapport cout/bénéfice des implants est meilleur que celui du traitement parodontal.

• Le rendu esthétique est meilleur après réhabilitation implantaire qu’après traitement parodontal.

• La satisfaction globale des patients implantés est meilleure qu’après traitement parodontal.

• Le risque d’alvéolyse supplémentaire pour cause parodontale pourrait entraîner une difficulté supplémentaire pour poser l’implant.

La littérature va globalement à l’encontre de ces principes et nous ne pouvons, bien sûr, pas soutenir un tel concept.

De façon très pragmatique, les éléments de réponse que donne la littérature aux trois questions suivantes permettent à eux seuls d’être favorable à la conservation maximale des dents, même dans des cas de parodontites avancées.

• Question 1. Le taux de survie est-il prédictible après traitement parodontal ? De nombreuses études réalisées sur des durées longues (de 10 à 30 ans) ont montré que le taux de survie dentaire après traitement parodontal est bon et compris entre 85 et 99 %, dans des cohortes de patients qui suivent une maintenance régulière [2, 3]. L’importance de la motivation et du programme de maintenance est capitale chez ces patients. Sans motivation et sans maintenance, les taux de survie sont faibles et proches de ceux des patients parodontaux qui ne reçoivent pas de traitement [4, 5] (figure 1).

• Question 2. Les complications biologiques se développent-elles plus sur les dents ou sur les implants ? Il existe aujourd’hui des travaux qui permettent de comparer, chez un patient parodontal traité et stabilisé puis implanté, le risque de développer une péri-implantite par rapport au risque d’avoir une dégradation parodontale des dents restantes [6, 7]. Les résultats sont clairement au bénéfice des dents par rapport aux implants (tableaux 1 et 2). Par ailleurs, Roccuzzo, et al. [8], dans une étude prospective sur 10 ans, montrent que, chez un patient parodontal implanté et bien maintenu, le risque de perdre une dent qui présente une alvéolyse supérieure à 50 % est plutôt légèrement inférieur à celui de perdre un implant (tableau 3). Ces résultats sont confirmés par une revue de la littérature qui montre des taux de survie dentaire à 10 ans de 92 à 93 % chez les patients parodontaux bien maintenus contre 82 à 94 % pour les implants posés chez des patients parodontaux [9].

• Questions 3. Quel est la différence de coût entre traitement parodontal et traitement implantaire ? Les figures 2 et 3 comparent les prix moyens des traitements parodontaux et implantaires (hors maintenance et retraitements). De plus, Fardal, et al. [7] ont étudié, sur 43 patients atteints de parodontite et implantés depuis au moins 7 ans (119 implants), le coût moyen de retraitement des dents, en cas de récidive de la parodontite, et celui des implants, en cas d’apparition d’une péri-implantite (tableau 4). Ce coût inclut le prix des traitements médicamenteux. Ces coûts sont largement au bénéfice de la conservation des dents.

Les éléments développés ci-dessus engagent donc clairement à conserver les dents, même lorsqu’elles sont sévèrement atteintes par une parodontite. Dans cette optique, le point clé sera bien sûr de réussir à évaluer au mieux le pronostic d’une dent avec une atteinte parodontale sévère.

CRITÈRES D’ÉVALUATION DU PRONOSTIC D’UNE DENT PARODONTALEMENT COMPROMISE

Le pronostic est le jugement que porte un praticien sur la durée de vie d’une dent dans un état fonctionnel (et esthétique) correct. La conservation d’une dent est liée de façon importante à son pronostic et il est donc important de pouvoir l’évaluer correctement.

Le pronostic peut être évalué aux différents stades du traitement parodontal mais il prend tout son sens au stade de la réévaluation après traitement initial ou quelques mois après un traitement chirurgical. La pose trop précoce d’un pronostic est dangereuse en parodontie car, au stade initial, la sévérité des symptômes risque d’orienter le praticien vers l’extraction des dents alors qu’un simple débridement mécanique, associé à la prise en charge des facteurs de risques, va souvent permettre d’améliorer énormément les signes cliniques (mobilité, inflammation, suppurations, douleurs), et cela en très peu de temps (figure 4).

La possibilité de traiter et de stabiliser une dent sévèrement atteinte sur le plan parodontal relève d’une analyse complexe et multifactorielle sur laquelle plusieurs auteurs se sont penchés.

Dans le but de déterminer le pronostic d’une dent parodontale, certains auteurs comme Avila, et al. [10] ont proposé des arbres décisionnels qui sont très complets mais malheureusement trop complexes pour être exploités au quotidien (figure 5).

D’autres auteurs comme Nunn, et al. [11] ont étudié rétrospectivement une cohorte de 100 patients sur une durée de 5 à 16 ans, pour tenter de déterminer les principaux facteurs prédictifs de survie dentaire chez des patients initialement atteints d’une parodontite modérée ou sévère. Leurs résultats sont résumés dans un article de synthèse. D’après ces auteurs, les principaux facteurs initiaux prédictifs de la survie des dents parodontales sont le tabac, la profondeur de poche, la sévérité de l’alvéolyse, la mobilité, la présence d’une lésion inter-radiculaire (LIR) et la présence d’une para-fonction non traitée (sans gouttière). Les facteurs qu’ils décrivent comme étant les plus défavorables sont le tabac et la présence d’une importante mobilité.

Miller, et al. [12], en 2014, proposent une étude rétrospective qui évalue, au cours de parodontites modérées ou sévères, le caractère pronostique des 6 facteurs suivants (uniquement sur des molaires) : âge, profondeur de poche, LIR, tabac, mobilité et type de molaire. D’après cette étude, les 3 facteurs les plus négatifs pour la survie dentaire sont, par ordre d’importance, le tabac, la profondeur de poche et la mobilité. Ces auteurs présentent une grille d’évaluation du risque de perte dentaire pour raison parodontale assez intéressante (figure 6). Leurs travaux montrent qu’un score inférieur à 4,3 permet de garantir statistiquement l’absence de perte dentaire pour raison parodontale sur une durée de 15 ans.

Le tableau 5 fait la synthèse de l’importance des différents facteurs cliniques sur la survie des dents chez les patients parodontaux. Parmi les facteurs étudiés, il semble que le tabac, la mobilité et le diabète non équilibré soient les facteurs les plus défavorables. Les lésions inter-radiculaires représentent souvent aux yeux des praticiens un facteur pronostique très négatif. La littérature n’abonde pas forcément en ce sens et de nombreux travaux ont montré que des dents présentant des LIR peuvent être maintenues des années avec succès grâce à un traitement parodontal adapté [13]. De la même façon, la présence d’une alvéolyse horizontale sévère ne doit pas être considérée à elle seule comme un critère de mauvais pronostic. La possibilité de traiter de façon fiable et de conserver à long terme les dents de patients présentant une parodontite sévère est confirmée dans de nombreux travaux [3, 8].

La question du traitement et du pronostic des dents présentant une atteinte parodontale sévère isolée a également été étudiée. Cortellini, et al. [13] proposent une étude prospective randomisée sur 5 ans dans laquelle ils sélectionnent 50 dents avec un mauvais pronostic présentant une lésion endo-parodontale et/ou des défauts parodontaux sévères (allant jusqu’à l’apex) : 25 dents sont traitées par chirurgie de régénération et 25 dents par extraction et remplacement par implant ou bridge. Dans le groupe avec extraction, le taux de survie des prothèses à 5 ans est de 100 %, avec 17 % de complications biologiques au niveau des dents piliers de bridges ou des implants. Dans le groupe avec régénération, le taux de survie est de 92 % (2 extractions à 1 an), avec un taux de complications biologiques de 16 % sur les 23 autres dents traitées. Pour que la fiabilité du traitement des défauts parodontaux sévères puisse être assurée, il faudra néanmoins que les dents à traiter présentent un certain nombre de caractéristiques dont les plus importantes sont la stabilité de la dent (absence de mobilité), qui peut être obtenue par une contention, la morphologie du défaut intra-osseux (à 3 ou 4 parois) et l’accessibilité du défaut à la décontamination [15].

Face à un patient parodontal, toute la problématique du pronostic réside dans cette question : est-on capable, chez ce patient, de traiter et de stabiliser la maladie parodontale ? L’aspect technique des traitements parodontaux reste relativement simple dans la plupart des situations. La véritable difficulté de prise en charge réside dans le contrôle des facteurs de risque du patient et notamment les facteurs de risque modifiables que sont le contrôle de plaque, le tabac et le diabète. Si ces facteurs de risque sont contrôlés par le patient et si le traitement parodontal est réalisé dans de bonnes conditions, la plupart des parodontites, même sévères, sont de bon pronostic à long terme. Si ces facteurs de risque ne sont pas modifiés, l’évolution de la maladie vers la perte des dents reste une fatalité mais l’extraction des dents et leur remplacement par des implants seront également voués à un échec à court ou moyen terme car les facteurs de risque des parodontites sont globalement les mêmes que ceux des péri-implantites.

Certaines situations locales vont néanmoins orienter rapidement vers l’extraction :

- la répétition d’épisodes infectieux aigus avec traitements successifs inefficaces ;

- l’évolution négative des paramètres parodontaux (alvéolyse, profondeur de poche…) malgré la prise en charge du patient ;

- l’impossibilité de traiter de façon fiable les séquelles fonctionnelles d’une parodontite (forte mobilité, douleur, migration) ;

- la présence d’une lésion infra-osseuse (LIO) avec morphologie défavorable (1 ou 2 murs osseux) et poche profonde persistante et évolutive.

AUTRES CRITÈRES DE CONSERVATION OU D’EXTRACTION D’UNE DENT PARODONTALE

Chez un patient parodontal, la possibilité de stabiliser l’évolution de la parodontite n’est pas un critère suffisant pour décider de la conservation d’une dent. En effet, il est important d’anticiper l’intégration de ces dents avec un support parodontal réduit dans un projet de réhabilitation globale. Si l’on considère cette approche globale, certaines dents qui pourraient être stabilisées sur le plan parodontal devront tout de même être extraites car leur atteinte parodontale ne leur permet pas de répondre à certains critères sur différents plans.

Critère esthétique

Les parodontites entraînent des séquelles esthétiques inéluctables du fait de la rétraction tissulaire induite par la maladie. La prise en charge de ces séquelles doit passer en priorité par une acceptation du patient qui se fait en général naturellement et sans doléance particulière. Dans certains cas (rares), la demande de correction des séquelles esthétiques du patient est forte. Si cela est le cas, les techniques de dentisterie restauratrice doivent être privilégiées. L’extraction d’une ou de plusieurs dents peut être proposée de façon exceptionnelle en dernier recours. Les séquelles esthétiques des migrations secondaires doivent être traitées par orthodontie.

Critère prothétique

La gestion des édentements chez les patients parodontaux doit nous amener à une réflexion sur la conservation de certaines dents dont la situation parodontale pourrait être stabilisée, mais dont la valeur biomécanique et/ou la position stratégique va nous contraindre à envisager leur extraction pour raison prothétique. Trois exemples peuvent être cités ici en particulier.

• Le cas des édentement compensés par des bridges. La loi de Ante a dicté en prothèse une règle qui stipule que, pour pouvoir garantir une certaine longévité dans le temps, les dents piliers de bridge doivent avoir un rapport couronne/racine favorable. Un rapport inférieur ou égal à 2/3, voire de 1/1, est souvent évoqué. En réalité, la valeur du rapport couronne/­racine est une donnée trop limitée pour décider de l’utilisation d’une dent parodontale comme pilier de bridge. En prothèse parodontale de contention par exemple, des dents avec des rapports couronne/racine inférieurs à 1/1 peuvent être utilisées avec fiabilité, dans des bridges de grande étendue [16]. Néanmoins, dans certaines situations, le support parodontal est si faible que la dent ne pourra pas être exploitée prothétiquement et devra être extraite.

• Le cas des incisives mandibulaires. Lorsqu’une ou deux incisives mandibulaires doivent être extraites pour raison parodontale et remplacées par un bridge conventionnel, la conservation des deux autres incisives n’est souvent pas retenue et l’on préfèrera souvent s’orienter vers un bridge de canine à canine qui est une solution très fiable à long terme et plus simple de réalisation et d’entretien.

• Le cas des patients réhabilités par prothèse amovible partielle (PAP). Lorsque les édentements d’un patient parodontal doivent être compensés par PAP, les dents supports de crochets et d’appuis occlusaux doivent comporter une valeur biomécanique résiduelle compatible avec les forces auxquelles elles vont être soumises. Par ailleurs, il est souvent conseillé d’extraire des dents dont le pronostic est réservé à moyen terme et dont l’extraction entraînera la nécessité de refaire complètement la prothèse, alors même que certaines de ces dents pourraient être conservées si une solution prothétique plus évolutive, par exemple une solution implantaire, était envisagée.

Critère chirurgical

Certains traitements chirurgicaux peuvent nécessiter l’extraction d’une dent présentant une atteinte parodontale sévère, même si celle-ci aurait pu être stabilisée. C’est par exemple le cas lorsqu’une augmentation osseuse verticale doit être réalisée sur une zone qui jouxte une dent avec une alvéolyse beaucoup plus importante sur la face bordant l’édentement que sur la face opposée. Dans ce cas, l’extraction de cette dent peut être indiquée dans le but de pouvoir reconstruire un meilleur volume osseux et également de diminuer le risque infectieux sur la zone augmentée pendant la période de maturation de la greffe.

Critère infectieux

À l’issu d’un traitement parodontal complet, une dent peut présenter un foyer infectieux résiduel (poche > 5 mm avec saignement au sondage). Si cette dent est totalement asymptomatique et fonctionnelle, il peut être décidé de la conserver malgré tout, en prévenant le patient du caractère probablement évolutif de la situation de cette dent. La décision de conservation ou d’extraction d’une telle dent se fera au fur et à mesure des séances de maintenance à l’issue d’une réflexion, d’une part, sur l’état de santé du patient et, d’autre part, sur le risque que ce foyer infectieux résiduel vienne dégrader l’état d’une dent (ou d’un implant) adjacente ou qu’il vienne compromettre le résultat d’une procédure « sensible » à proximité.

Rapport pronostic/coût/alternative thérapeutique

Dans le cas d’une lésion parodontale sévère isolée, le traitement parodontal présente quasiment toujours un rapport pronostic/coût supérieur à celui d’une extraction suivie de la mise en place d’une prothèse (bridge ou implant), sauf si la dent cumule d’autres problèmes (endodontique, carieux, occlusal…). Dans ces cas-là, le rapport pronostic/coût peut devenir rapidement défavorable par rapport à l’extraction et à la mise en place d’un implant.

Dans ces situations, nous voyons donc que ce n’est pas la situation parodontale de la dent seule qui va nous faire décider de sa conservation, mais la situation de la dent dans son contexte. C’est donc toujours dans une logique de prise en charge globale qu’il faudra décider de la conservation ou de l’extraction d’une dent chez un patient parodontal.

CAS CLINIQUE

La figure 7 illustre le cas d’une patiente de 28 ans, en bonne santé, non fumeuse, atteinte d’une parodontite généralisée de stade 4 grade C. Cette parodontite est caractérisée initialement par une alvéolyse sévère, une inflammation généralisée importante, des poches parodontales profondes sur plus de la moitié des sites et des migrations secondaires. Les mobilités sont importantes sur de nombreuses dents et les dents 11 et 21 ont été perdues pour raison parodontale. La sévérité de l’alvéolyse sur certaines dents, les mobilités et la situation occlusale complexe pourraient donner envie de s’orienter d’emblée vers des extractions multiples. Pourtant, en respectant les critères d’évaluation du pronostic, en éduquant la patiente et en contrôlant ses facteurs de risque, nous pouvons l’orienter vers un traitement conservateur.

Dans ce cas, le traitement a été mené en trois phases.

• Phase 1 :

- deux séances de surfaçage radiculaire ;

- réévaluation à 3 mois ;

- chirurgies parodontales de régénération sur les secteurs postérieurs 1, 2 et 4 ;

- maintenance parodontale.

• Phase 2 :

- extraction des dents 12 et 22 pour raison orthodontique (levée de l’inversé d’articulé compliqué) ;

- réalisation d’une nouvelle PAP ;

- traitement orthodontique ;

- contentions de 33 à 43, de 13 à 16 et de 23 à 26.

• Phase 3 :

- extraction de 13 (nécessaire à la réalisation de la greffe osseuse) et réalisation d’une nouvelle PAP ;

- greffe osseuse de 13 à 22 ;

- implants et prothèse transvissée de 13 à 22 ;

- facette sur 23 ;

- dépose des contentions de 14 à 17 et de 24 à 27.

La figure 7 présente les principales étapes du traitement et le résultat à 9 ans. Seules 3 extractions ont été réalisées et ceci pour des raisons non parodontales (orthodontique et chirurgicale). Pendant ces 9 ans, des séances de maintenance ont été réalisées tous les 4 ou 5 mois. La comparaison des deux bilans rétro­alvéolaires montre un gain osseux conséquent sur plusieurs sites. Les sondages réalisés tous les ans montrent une quasi-absence de poche supérieure à 4 mm. La contention par fil collé de 33 à 43 a été recollée 4 fois en 9 ans.

CONSERVER UNE DENT PARODONTALEMENT ATTEINTE : UNE PHILOSOPHIE

Face à un patient présentant une parodontite sévère ou face à une dent présentant une lésion parodontale isolée sévère, le choix du praticien va en général se faire entre la mise en place d’un traitement parodontal conservateur ou l’extraction et le remplacement de la ou des dents par une solution implantaire. La représentation que se font nombre de patients et de praticiens sur les avantages et inconvénients de ces deux options n’est pas forcement étayée par la littérature (tableau 6).

La solution du traitement parodontal est manifestement au bénéfice du patient. Cette approche conservatrice chez les patients présentant des parodonties sévères est une véritable philosophie. Elle nécessite une organisation importante, la mise en place de techniques motivationnelles efficaces, l’organisation d’un planning de maintenance parodontale au cabinet et, probablement, un certain compromis en termes de rentabilité.

CONCLUSION

Lorsque la question de la conservation d’une ou de plusieurs dents se pose chez un patient atteint d’une parodontite sévère, il est important de garder en tête les points suivants.

• Les traitements parodontaux donnent des résultats au moins équivalents aux traitements implantaires à long terme.

• La devise d’Hippocrate « ne pas nuire » s’applique à tous les patients et, à résultat équivalent, il faut toujours penser au gradient thérapeutique et privilégier les traitements les plus conservateurs et les moins invasifs. L’acte irréversible qu’est l’extraction doit se faire en dernier recours.

• Ne pas poser un pronostic avant la réalisation d’une thérapeutique initiale et la gestion des facteurs de risque.

• Le patient qui présente une parodontite sévère est un patient malade qui est également à haut risque péri-implantaire. L’extraction de ses dents ne résoudra ni sa pathologie ni son niveau de risque. Seule une prise en charge individualisée de son risque parodontal permettra de traiter et de conserver efficacement ses dents et les éventuels implants qui lui seront posés.

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Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.