Clinic n° 11 du 01/11/2021

 

Éditorial

Serge ARMAND  

Depuis une vingtaine d’années, l’odontologie a bénéficié des progrès considérables réalisés dans le domaine médical, notamment par la prise en compte des facteurs biologiques dans l’évolution des protocoles thérapeutiques.

En tant que responsable de la consultation d’implantologie au CHU, j’ai pu faire ce constat et suivre l’évolution de cette discipline qui a considérablement bouleversé tous les schémas thérapeutiques depuis plus de trente ans en apportant...


Depuis une vingtaine d’années, l’odontologie a bénéficié des progrès considérables réalisés dans le domaine médical, notamment par la prise en compte des facteurs biologiques dans l’évolution des protocoles thérapeutiques.

En tant que responsable de la consultation d’implantologie au CHU, j’ai pu faire ce constat et suivre l’évolution de cette discipline qui a considérablement bouleversé tous les schémas thérapeutiques depuis plus de trente ans en apportant des solutions à des situations cliniques parfois très difficiles à résoudre avec des traitements conventionnels.

Malheureusement, nous assistons à deux types de phénomènes inquiétants qui doivent retenir toute notre attention :

- la fréquence et l’augmentation exponentielle des péri-implantites dont l’étiologie multifactorielle rend le traitement difficile et aléatoire ;

- une dérive non justifiée vers l’adoption de l’implantologie comme traitement de première intention.

Sans vouloir jeter le discrédit sur qui que ce soit, je pense que le manque de formation chirurgicale et prothétique dans cette discipline ainsi que son attrait lucratif sont à l’origine de bon nombre de problèmes auxquels nous sommes confrontés actuellement.

Il faut prendre conscience que l’intégration d’un système inerte, l’implant, dans un milieu biologique en évolution permanente ne permet pas d’affirmer qu’un implant remplace une dent avec toutes ses spécificités. Il est donc important de retarder l’échéance de l’implant et de ne poser l’indication d’un traitement implantaire qu’en dernier recours.

Nous pouvons nous appuyer pour cela sur trois disciplines de base de l’omnipraticien, qui ont connu depuis dix ans une évolution, on pourrait même parler de révolution, dans leurs concepts thérapeutiques.

La dentisterie restauratrice et adhésive

L’apparition de nouveaux matériaux et de nouveaux protocoles de collage plus fiables avec une biocompatibilité accrue et une invasivité a minima a permis le rapprochement de la dentisterie restauratrice et des traitements prothétiques traditionnels.

À titre d’exemple, nous recevions souvent en consultation de jeunes patients pour réaliser un traitement implantaire dans les cas d’agénésie d’incisive latérale maxillaire. La difficulté de ce traitement et le résultat clinique terminal souvent décevant font que nous préférons actuellement mettre en place des bridges collés sur une seule ailette du fait de leurs nombreux avantages : traitement peu invasif, court et peu douloureux, avec un coût nettement moindre et un résultat esthétique plus prédictible.

L’endodontie

Cette discipline très difficile a bénéficié de progrès considérables. L’apparition de nouveaux protocoles, de nouveaux matériaux, des aides optiques et de la micro-chirurgie permet de conserver des dents qui étaient condamnées à l’avulsion il y a encore peu de temps.

La parodontologie

Elle est la discipline qui réunit toutes les autres et l’évolution de ses concepts thérapeutiques n’a jamais cessé. Initialement, les objectifs des traitements parodontaux étaient de stopper la maladie parodontale par l’identification des facteurs étiologiques et de réaliser les traitements conservateurs des dents concernées.

Si ces objectifs sont toujours d’actualité, ils sont complétés à l’heure actuelle par l’ambition de reconstruire et de stabiliser les tissus pathologiquement perdus.

Mon propos n’est pas de faire le procès de l’implantologie mais de militer pour une omnipratique fondée sur le concept de gradient thérapeutique utilisant progressivement tous les protocoles actuellement à la disposition des praticiens pour conserver le plus longtemps possible les dents naturelles.

La question qu’il faut se poser n’est pas « Combien d’implants ai-je posé cette année ? » mais « Combien de dents ai-je pu sauver et conserver cette année ? »

Serge ARMAND

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