Clinic n° 10 du 01/10/2021

 

Occlusion

Dysfonctions

François GRAUX*   Mathilde SAVIGNAT**  


*MCU-PH, département de Prothèses, UF Occlusodontie.
**MCU-PH, département des Sciences anatomiques, UF Occlusodontie, Faculté de Chirurgie dentaire, Service d’Odontologie, CHU de Lille.

De nombreuses études ont été réalisées sur les troubles du sommeil afin d’évaluer leur retentissement sur la qualité de vie des patients ainsi que leur participation dans le déclenchement ou l’aggravation de certaines pathologies générales. Le syndrome d’apnées/hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), caractérisé par une perturbation de la ventilation durant le sommeil, occupe une part importante de ces travaux [1,

Résumé

Cet article est destiné à montrer les rapports qui existent entre les orthèses d’avancée mandibulaire qui sont utilisées pour le traitement du syndrome d’apnée du sommeil et les dysfonctions cranio-mandibulaires. Après quelques notions sur le syndrome d’apnée/hypopnée du sommeil ainsi que sur les recommandations thérapeutiques principales, les principaux types de dysfonctions cranio-mandibulaires sont décrits, en particulier sur le plan de la cinématique condylienne. Il est ensuite donné des explications sur le déclenchement des pathologies secondaires que peuvent créer ces orthèses sur les dysfonctions des articulations temporo-mandibulaires. Des conseils de prise en charge des patients avant réalisation des orthèses sont enfin proposés afin d’éviter que ces dispositifs soient à l’origine de douleurs oro-faciales et obligent le patient à interrompre son traitement.

De nombreuses études ont été réalisées sur les troubles du sommeil afin d’évaluer leur retentissement sur la qualité de vie des patients ainsi que leur participation dans le déclenchement ou l’aggravation de certaines pathologies générales. Le syndrome d’apnées/hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), caractérisé par une perturbation de la ventilation durant le sommeil, occupe une part importante de ces travaux [1, 2].

Plusieurs thérapeutiques sont préconisées pour leur prise en charge parmi lesquelles l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM). Ce traitement semble actuellement de plus en plus prescrit par les professionnels de santé afin de traiter les syndromes légers et modérés d’apnées/hypopnées du sommeil pour lesquels il a largement prouvé son efficacité [3]. Toutefois, dans un certain nombre de situations cliniques, sa mise en œuvre peut être à l’origine d’effets indésirables sur les articulations temporo-mandibulaires (ATM) qui sont le plus souvent temporaires mais parfois persistants. Il est alors indispensable de les analyser afin de les comprendre et de proposer des solutions pour les prévenir, les minimiser ou les traiter.

La prévalence des dysfonctions temporo­mandibulaires (DTM) étant élevée au sein de la population générale [4, 5], il peut y avoir une coexistence de ces troubles avec le SAHOS. C’est ainsi que, chez certains patients, l’OAM semble provoquer l’apparition ou l’accentuation de douleurs au niveau des muscles masticateurs et des articulations temporo-mandibulaires, pouvant inciter le patient à interrompre le traitement du SAHOS et à prendre le risque de voir s’aggraver les symptômes liés à cette pathologie.

Cet article est destiné à montrer les effets potentiels des OAM sur les muscles masticateurs et les ATM afin de mieux comprendre, de prévenir, voire de traiter les symptômes secondaires à leur mise en place.

PRISE EN CHARGE DES SAHOS

Différentes prises en charge thérapeutiques ont été décrites pour les SAHOS. Elles sont généralement pluridisciplinaires. Parmi elles, deux techniques principales sont utilisées : la ventilation par pression positive continue (VPPC) et les orthèses d’avancée mandibulaire (OAM). La Haute Autorité de santé fixe les recommandations d’utilisation de ces moyens thérapeutiques en fonction du degré de sévérité de l’index d’apnées/hypopnées (IAH) ainsi que du degré de somnolence diurne [6, 7]. C’est ainsi que le traitement par OAM est indiqué :

– en première intention, dans le SAHOS modéré (15 < IAH < 30) ou léger (5 < IAH < 15) symptomatique, en l’absence de risque cardiovasculaire élevé ;

– en seconde intention, en cas de refus ou d’intolérance à la VPPC.

Parmi les effets secondaires de ces dispositifs thérapeutiques, des douleurs dentaires, des migrations dentaires mais également des troubles au niveau des ATM, le plus souvent temporaires, ont été rapportés [8]. Néanmoins, dans certains cas, les douleurs entraînent l’arrêt du port de l’OAM [9].

PATHOLOGIES DU COMPLEXE MUSCULO-CONDYLO-TEMPORAL

En dehors de certaines affections assez peu fréquentes mais qui ne doivent pas être sous-estimées (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite, pathologies tumorales et traumatiques…), les troubles de l’appareil manducateur trouvent principalement leur origine dans un dysfonctionnement du complexe musculo-condylo-disco-temporal.

Il convient de différencier les troubles d’origine purement musculaire des dysfonctionnements musculo-articulaires. Dans le premier cas, les douleurs sont occasionnées par une surcharge de travail au niveau musculaire (bruxisme, para-fonctions) tandis que, dans le second, c’est un dysfonctionnement du complexe musculo­disco-temporal exacerbé par le bruxisme qui est à l’origine de la pathologie. Cette différenciation est très importante à considérer car les symptômes sont différents et ils conditionnent une prise en charge thérapeutique spécifique. En effet, dans les pathologies purement musculaires, le complexe condylo-discal est sain et correctement organisé alors que, dans les dérangements intracapsulaires, le disque ne se trouve plus dans une position normale par rapport au condyle mandibulaire et ne joue ainsi plus son rôle protecteur des surfaces articulaires.

De nombreuses classifications des dysfonctions ont été proposées. Il est actuellement admis de se référer à la classification proposée par Giraudeau, et al. [10] qui les classent en 5 grandes catégories : les pathologies musculaires et 4 types de dérangements intracapsulaires dans lesquels le disque articulaire occupe une place différente de la normale par rapport au condyle mandibulaire et dont les signes principaux sont repris dans le tableau 1.

ORTHÈSE D’AVANCÉE MANDIBULAIRE ET PATHOLOGIES DU COMPLEXE MUSCULO-CONDYLO-DISCO-TEMPORAL

Effets de l’OAM sur les muscles masticateurs

Les OAM ont montré un effet bénéfique sur le bruxisme nocturne via une réduction de l’activité rythmique des muscles masticatoires enregistrée en polysomnographie de certains patients [11, 12].

Lors du mouvement de propulsion, induit notamment avec les orthèses d’avancée mandibulaire, les condyles mandibulaires recouverts de leurs disques articulaires se déplacent vers le bas et l’avant en restant au contact des tubercules articulaires des fosses mandibulaires. Ce mouvement se fait essentiellement sous l’influence de la contraction des muscles élévateurs de la mandibule (masséters, ptérygoïdiens médiaux, temporaux antérieurs et moyens) ainsi que des chefs inférieurs des muscles ptérygoïdiens latéraux [13]. Le nombre important de muscles impliqués lors de ce mouvement mandibulaire pourra expliquer l’intensité de certaines douleurs secondaires occasionnées par les OAM.

Une sensibilité accrue à la douleur des muscles temporaux et masséters est décrite durant les premières semaines du port de l’OAM. De plus, l’étirement forcé de ces muscles entraîne, par voie réflexe, une augmentation de leur activité pour retrouver leur longueur initiale et donc une fatigue musculaire dont la durée ne dépasse habituellement pas une heure. L’adaptation physiologique des muscles au stress induit par l’OAM fait que les symptômes douloureux ne sont plus présents au bout de 6 mois [14].

Il semblerait que ces effets soient légèrement différents en fonction du type d’orthèse utilisé [15, 16]. En effet, deux types de dispositifs sont classiquement décrits : en poussée ou en retenue.

• Dans les dispositifs en poussée (figure 1a), les biellettes sont fixées sur l’arcade maxillaire au niveau postérieur et se dirigent vers le bas et l’avant vers l’arcade mandibulaire. Ce type de dispositif induit une propulsion de la mandibule tout en favorisant une ouverture buccale. Il en résulte que le patient a tendance à serrer les dents afin de fermer la bouche, ce qui serait de nature à favoriser le bruxisme [3] et à entraîner des douleurs musculaires secondaires, par suite de la contraction des muscles élévateurs de la mandibule. En revanche, pour certains auteurs, ce déplacement mandibulaire aurait tendance à ne pas favoriser de compression des surfaces articulaires car le condyle est poussé vers le bas et l’avant, tel le mouvement physiologique.

• Dans les dispositifs en retenue (figure 1b), les biellettes sont fixées au niveau antérieur sur l’arcade maxillaire et se dirigent vers l’arrière et le bas pour de fixer sur l’arcade mandibulaire. Ce type de conception favorise la fermeture buccale mais serait de nature à favoriser les problèmes articulaires sous l’effet d’une élévation secondaire des condyles dans les fosses mandibulaires.

Ceci est confirmé par une étude comparative de ces deux modes de fonctionnement qui a été réalisée par Chèze, et al. [16]. Selon Besnainou [3], il serait donc préférable d’utiliser une orthèse en poussée en présence de pathologie articulaire et une orthèse en retenue sur un patient présentant une face longue, afin de minimiser l’ouverture buccale.

Effets de l’OAM sur une articulation temporo-mandibulaire saine

Sur une articulation temporo-mandibulaire saine, le disque articulaire accompagne le condyle tout au long du mouvement de propulsion induit par l’orthèse d’avancée mandibulaire. Le disque facilite ainsi le glissement du condyle mandibulaire contre le tubercule articulaire et amortit l’augmentation des contraintes de compression dans l’articulation qui sont induites par l’OAM. Dans cette situation, la propulsion déterminée par l’orthèse ne serait donc pas de nature à favoriser l’apparition de douleurs ou d’une pathologie articulaire (figure 2).

Effets de l’OAM en présence d’une antéposition discale de grade 1

Dans ce type de dérangement intra-­articulaire, la propulsion qui est induite par l’orthèse est suffisante pour que le condyle mandibulaire retrouve une position normale, sous le disque articulaire, entre les deux bourrelets antérieur et postérieur. Il en résulte alors que l’orthèse risque peu de déclencher l’apparition d’une symptomatologie articulaire puisque le disque se trouve correctement positionné entre les surfaces articulaires et remplit alors pleinement son rôle d’amortisseur des contraintes.

Effets de l’OAM en présence d’une antéposition discale de grade 2

Lors de ce type de pathologie, le condyle mandibulaire est situé totalement en arrière du bourrelet postérieur du disque articulaire et repose sur la zone rétro-discale (figure 3).

Dans ce cas, l’orthèse peut avoir soit un effet bénéfique, soit une action défavorable sur la pathologie articulaire, en fonction de l’importance du déplacement discal et de la propulsion provoquée par l’OAM.

Effet bénéfique de l’OAM

Si la propulsion induite par l’OAM permet de réduire la luxation condylo-discale en repositionnant le condyle sous le disque articulaire, alors elle est de nature à soulager le patient des effets négatifs de la compression articulaire qu’il présente lorsqu’il ne porte pas l’orthèse. En effet, elle agit telle une orthèse de repositionnement articulaire en replaçant le condyle sous le disque articulaire afin de retrouver une union condylo-discale. Les contraintes de compression sont donc minimisées par le disque qui joue alors pleinement son rôle d’amortisseur [8, 9, 17] (figure 4).

Malheureusement, cette action n’est produite que pendant le port de l’orthèse d’avancée mandibulaire, c’est-à-dire pendant la nuit. Lors du retrait de l’orthèse, le condyle reprend sa position en arrière du bourrelet postérieur et les claquements articulaires se font à nouveau entendre. C’est ainsi que, dans certains cas, le patient prend alors conscience de l’existence d’un problème au niveau de ses ATM et en attribue la responsabilité à l’orthèse.

Effet défavorable de l’OAM

Si le déplacement condylien induit par la propulsion de l’OAM est plus court que celui qui est nécessaire pour réduire la luxation discale, alors le condyle mandibulaire pousse le disque articulaire en avant et comprime un peu plus la zone rétro-discale déjà sollicitée par la luxation (figure 5).

Des douleurs articulaires peuvent donc apparaître en regard de la zone rétro-­discale, compte tenu de la compression des vaisseaux, des nerfs et des structures ligamentaires qui s’y trouvent. C’est alors que le patient se plaint de douleurs articulaires qui augmentent avec le port de l’orthèse, le conduisant généralement à abandonner le traitement.

Effets de l’OAM en présence d’une antéposition discale de grade 3 ou de grade 4

Dans le cas d’une antéposition discale irréductible, le disque articulaire n’est jamais rattrapé par le condyle mandibulaire. Ce dernier repose en permanence au niveau de la zone rétro-discale, ce qui induit une compression articulaire (figure 6).

Dans cette situation clinique, le port d’une OAM est de nature à déclencher ou à amplifier des douleurs au niveau des articulations temporo-mandibulaires. En effet, lors de la propulsion, le condyle pousse le disque articulaire toujours plus vers l’avant et exerce ainsi une compression articulaire importante qui provoque un écrasement de la zone rétro­discale contre le tubercule articulaire (figure 7). Il est alors facile de penser que cela peut provoquer les douleurs articulaires constatées cliniquement et qui sont responsables de nombreuses doléances douloureuses de la part des patients qui cessent secondairement de porter leur orthèse.

FAVORISER LA COHABITATION DTM/OAM

Compte tenu des multiples effets secondaires potentiels que peut engendrer le port d’une orthèse d’avancée mandibulaire, il semble indispensable d’établir un diagnostic occlusal précis et approfondi avant d’initier ce traitement.

Examen musculo-articulaire

L’objectif de cet examen est d’évaluer l’état de santé de l’appareil manducateur afin d’identifier en amont les répercussions néfastes que peut occasionner l’OAM sur l’occlusion dentaire, sur les muscles masticateurs et particulièrement sur les articulations temporo-mandibulaires. Sa réalisation systématique permettrait de limiter les effets secondaires de ces appareillages et d’améliorer la prise en charge des patients traités par une OAM. À son terme, le praticien doit être capable de dire avec certitude si le patient est exempt de pathologie ou s’il présente une dysfonction douloureuse ou asymptomatique et d’en préciser la nature.

En première intention, il convient de faire une anamnèse complète afin de connaître les antécédents du patient tant sur le plan dentaire que musculo-articulaire. Y-a-t-il ou y a-t-il eu des douleurs musculaires et/ou articulaires ? Dans l’affirmative, il est impératif de se renseigner sur leur nature afin de pouvoir en tenir compte pour la réalisation de l’orthèse d’avancée mandibulaire. Le problème majeur se situe dans le cas d’une réponse négative. En effet, l’absence de signe clinique n’est nullement synonyme de bonne santé des articulations temporo-mandibulaires car nombre de pathologies sont asymptomatiques par suite d’un équilibre progressivement installé. Ce n’est qu’à l’occasion d’une modification de cet état que se révèle alors la pathologie. Les OAM sont particulièrement efficaces pour favoriser la décompensation d’une pathologie latente et silencieuse à cause des contraintes qu’elles exercent sur les muscles et les articulations temporo-mandibulaires.

Les arcades dentaires sont observées afin de noter les éventuelles anomalies d’organisation. Un examen minutieux de l’appareil manducateur est ensuite nécessaire. Pour cela, une palpation des différents muscles masticateurs (masséters, temporaux, ptérygoïdiens médiaux…) et cervicaux (sterno-cléido-mastoïdiens, trapèzes et postérieurs du cou) est réalisée afin d’apprécier la présence de contractures et de douleurs éventuelles. Celles-ci sont complétées par une palpation externe des articulations temporo-­mandibulaires ainsi que par une palpation intra-­auriculaire. Cette dernière peut donner des renseignements précieux car elle permet de percevoir des ressauts, parfois très légers et inaudibles au stéthoscope, qui se produisent dans les articulations temporo-mandibulaires et peuvent être la manifestation d’une perturbation du complexe condylo-disco-temporal.

Les articulations temporo-mandibulaires sont écoutées au stéthoscope afin de percevoir les éventuels bruits (claquements, crépitations, bruits de compression articulaire…). En leur présence, il convient de regarder leur localisation par rapport au degré d’ouverture de la bouche ainsi qu’au cours de la propulsion afin de pouvoir déterminer le grade de la pathologie condylo-disco-temporale. Leur absence n’est pas toujours synonyme d’absence de pathologie articulaire. En effet, dans les luxations discales de grade 3, le disque articulaire étant toujours en avant du condyle au cours de la cinématique mandibulaire, il n’existe plus de bruit audible. Ce silence articulaire peut amener le praticien à considérer les articulations comme étant saines alors qu’il n’en est rien. Dans ce cas, en réalisant une OAM, il peut alors déclencher l’apparition d’une symptomatologie douloureuse par suite d’une modification d’un équilibre précaire. Des antécédents de bruits articulaires doivent alors orienter le praticien à considérer que les articulations ne sont plus saines et l’amener à rechercher l’existence d’une lésion de grade 3 asymptomatique.

Des tests de motilité mandibulaire sont réalisés (ouverture active, ouverture passive, rétropulsion forcée…) afin de tester les articulations temporo-mandibulaires dans leurs limites fonctionnelles. Des douleurs doivent alerter sur des dysfonctions présentes ou latentes.

Une appréciation de la cinématique mandibulaire est réalisée à l’aide du diagramme de Farrar qui permet de visualiser de façon rapide et relativement précise si une dysfonction musculaire ou articulaire est présente ou latente. Il s’agit de mesurer l’amplitude des déplacements du dentalé (point inter-incisif mandibulaire) lors de la réalisation des deux diductions droite et gauche (réalisées en bouche fermée) et de celle de l’ouverture buccale maximale. La normalité montre des diductions d’amplitudes équivalentes (10 à 12 mm) associées à un mouvement d’ouverture buccale rectiligne qui est environ 4 fois plus grand que celui des diductions (rapport 1/4) (figure 8a, 8b).

Une pathologie musculaire se manifeste souvent par des mouvements de diduction qui présentent des amplitudes légèrement diminuées mais équivalentes. Le mouvement d’ouverture buccale est quant à lui plus petit (25 à 30 mm) et latéro-dévié (figure 8c).

Ce diagramme est à distinguer de celui dans lequel les amplitudes des deux diductions sont différentes et associées à une ouverture buccale latéralisée. En effet, ce dernier est caractéristique d’une luxation discale aiguë (figure 8d) dans laquelle le disque articulaire est luxé en avant du condyle et l’empêche de réaliser sa translation ainsi que la diduction controlatérale. Dans les pathologies articulaires de grade 2, le mouvement d’ouverture buccale est dévié du côté de la luxation discale et se recentre une fois la recapture du disque réalisée. Il existe toujours une asymétrie des déplacements de diduction (figure 8e).

Enfin, une attention toute particulière doit être portée en présence de diductions importantes (supérieures à 12 mm) associées à un mouvement d’ouverture buccale rectiligne, très ample et dépassant le rapport de 1/4 (50 mm et plus). Ce type de diagramme peut tromper le praticien qui peut le considérer comme étant normal, d’autant qu’il n’est pas accompagné par des bruits articulaires. Il est en fait la manifestation d’une luxation discale de grade 3 (figure 8f).

Toutefois, bien que très facile et rapide à réaliser, le diagramme de Farrar ne permet pas d’apprécier l’état de santé de chaque articulation temporo-mandibulaire. En effet, les déplacements du dentalé sont la résultante des mouvements simultanés des deux articulations. Il permet donc d’orienter rapidement le praticien de façon assez nette sur l’existence éventuelle et la nature d’une dysfonction mais n’est pas assez précis pour déterminer l’état de chaque articulation.

Ce dernier ne peut être observé de façon précise et fiable qu’au moyen d’une analyse axiographique. Cet examen devrait être réalisé systématiquement avant toute instauration d’un traitement par OAM car c’est une analyse instrumentale qui permet de contrôler de façon objective l’intégrité du complexe condylo-disco-temporal et d’identifier les éventuelles pathologies articulaires présentes et totalement asymptomatiques. Considérée à tort par les praticiens comme étant difficile à réaliser, l’analyse axiographique est malheureusement peu pratiquée dans les cabinets dentaires. Son utilisation pourrait toutefois éviter de nombreux échecs thérapeutiques lors de la confection des OAM.

L’analyse axiographique consiste à étudier les déplacements condyliens, dans le plan sagittal, au cours des mouvements de propulsion, de diduction et d’ouverture buccale. Pour être considérés comme normaux, les mouvements doivent être réguliers, de forme arrondie, exempts de ressaut et superposés durant les premiers millimètres. Le trajet de propulsion est plus haut et court que celui de la diduction non travaillante, lui-même plus court et plus haut que celui de l’ouverture buccale. Ils doivent présenter une certaine angulation par rapport au plan de référence axio-orbitaire (figure 9).

Des tracés allers et retours non réitératifs sont le plus souvent révélateurs d’une dysfonction musculaire par suite d’une mauvaise coordination des contractions musculaires (figure 10a).

En présence d’une luxation discale de grade 1 ou 2, l’axiographie permet de visualiser exactement la zone de recapture discale, ce qui présente un avantage incontestable pour positionner le condyle en avant dans la fosse mandibulaire lors de la réalisation de l’OAM, notamment lorsque les bruits émis par les articulations sont peu audibles. En effet, en présence d’une antéposition discale de grade 1 ou 2, la position de recapture condylo-disco-temporale peut être mesurée sur les tracés axiographiques, ce qui permet de choisir la taille des ailettes de titration et donc l’avancée mandibulaire afin d’obtenir le repositionnement du condyle sous le disque articulaire. Ceci a pour effet principal de minimiser les contraintes au sein de l’articulation temporo-mandibulaire concernée par la pathologie, durant toute la durée du port de l’orthèse occlusale. Il en résulte alors une disparition de la compression articulaire qui serait générée si les biellettes n’étaient pas de longueur suffisante (figure 10b).

Enfin, l’avantage majeur de cette analyse axiographique est qu’elle permet notamment de différencier de façon irréfutable une articulation saine d’une articulation asymptomatique présentant une luxation discale de grade 3. En effet, dans ces articulations pathologiques, les déplacements condyliens, qui se réalisent sans aucun bruit audible, ne présentent pas les mêmes caractéristiques que les déplacements normaux. Deux types de tracés peuvent être décrits. Dans les premiers, le disque articulaire, qui est totalement en avant du condyle mandibulaire, se déforme sous l’influence des pressions générées par le condyle et s’oppose à la recapture condylo-discale. Les tracés sont alors assez verticaux par rapport au plan de référence et plus concaves que dans le cas normal (figure 10c). Dans les seconds, le disque étant usé par les pressions condyliennes excessives répétitives, il présente un bourrelet postérieur très aminci qui ne perturbe plus les déplacements condyliens. Les pressions intra-articulaires permanentes déterminent alors un remaniement des surfaces articulaires condylienne et temporale qui se traduit par des tracés plats et exempts de courbure par rapport au plan de référence (figure 10d).

Enfin, l’axiographie permet également de révéler certaines dysfonctions articulaires totalement asymptomatiques (figure 10e). Ce patient ne présentait aucun bruit à l’auscultation au stéthoscope et sa cinématique mandibulaire était très peu perturbée. La réalisation d’une OAM dans ce contexte est de nature à décompenser la pathologie en déclenchant l’apparition de douleurs avec l’augmentation des contraintes sur le disque articulaire bloqué en avant du condyle mandibulaire.

Le bilan clinique doit être complété par un examen radiographique. La radiographie panoramique permet de visualiser les articulations temporo-mandibulaires et de constater les éventuels remaniements condyliens secondaires à des pressions excessives rencontrées lors des dysfonctions articulaires.

Les scanners et cone beam (CBCT) permettent d’étudier très précisément les surfaces osseuses condyliennes mais ne donnent pas d’indication sur la position des disques articulaires dans les fosses mandibulaires.

L’IRM est considérée comme étant l’examen de référence pour l’analyse de la position et de la morphologie du disque articulaire (mise en évidence de perforations ou de déformations). Toutefois, en présence d’une luxation de grade 1 ou 2, la position de recapture condylo-discale est très difficile à mesurer [18], ce qui n’aide pas beaucoup le praticien pour déterminer la taille idéale des biellettes de titration.

Mise en condition musculo-articulaire et réalisation de l’OAM

Après avoir réalisé le diagnostic, il convient de mettre en place un traitement occlusal par orthèse adaptée à la pathologie éventuellement constatée avant de pouvoir débuter le port de l’OAM [19, 20].

Lorsque les muscles et les ATM ont été mis en condition, l’OAM peut être réalisée. En présence d’une luxation discale de grade 1 ou 2, il est nécessaire de déterminer la longueur des biellettes de titration de telle sorte que les condyles soient situés sous les disques articulaires afin que ces derniers puissent remplir complètement leur rôle d’amortisseur des contraintes articulaires. En présence de luxations de grade 3 ou 4, il est impératif de ne pas propulser la mandibule de façon excessive afin d’éviter une compression de la zone rétro-discale contre le tubercule articulaire de la fosse mandibulaire. C’est ainsi que, dans certains de ces cas, le port d’une orthèse d’avancée mandibulaire peut présenter une contre-indication relative.

En outre, en présence de deux luxations discales de grade 1 ou 2, avec présence de claquements articulaires droit et gauche se produisant de façon décalée au cours du mouvement de propulsion ou d’ouverture buccale, il devient alors possible d’adapter de façon différentielle la taille des biellettes afin que les deux articulations retrouvent une position subnormale dans la position propulsive. Ceci n’est toutefois possible qu’à la condition que le décalage entre les deux positions de recapture condylo-discales soit faible car cela se manifeste cliniquement par une légère latéro-déviation mandibulaire.

Il est toutefois important de préciser que l’adaptation de la longueur des biellettes, donc de la titration, ne peut se faire qu’en parfait accord avec le pneumologue, en particulier lors de l’augmentation de leur longueur pour les OAM travaillant en retenue. En effet, cette action minimise légèrement la titration par une légère diminution de la propulsion mandibulaire.

Enfin et parallèlement au traitement occlusal, il est également impératif de sensibiliser le patient sur la nécessité de réaliser un travail sur la gestion du stress. En effet, ce dernier joue un rôle majeur dans le déclenchement des phénomènes douloureux, notamment par la dérégulation du système réticulaire qu’il est apte à générer [13]. Le port d’une orthèse d’avancée mandibulaire est très souvent à l’origine de nombreuses interrogations des patients sur leur capacité à pouvoir supporter cet appareillage et sur son efficacité, ce qui est de nature à entretenir un certain état d’anxiété. Ceci minimise ainsi les chances de sa bonne acceptation et augmente le risque de voir apparaître des douleurs si elles étaient absentes ou de les amplifier si elles étaient déjà présentes avant la réalisation de l’orthèse.

CONCLUSION

Lorsqu’une OAM doit être réalisée sur un patient qui présente un SAHOS, il semble impératif de ne la poser qu’après avoir effectué un bilan complet de l’état de santé de l’appareil manducateur. En effet, le seul fait de ne pas présenter de bruit articulaire lors de l’ouverture et de la fermeture de la bouche est très loin d’être satisfaisant et suffisant pour apprécier le bon fonctionnement des articulations temporo-mandibulaires et du système musculaire et pour conclure que le patient ne présente pas une DTM. En dehors de toute manifestation douloureuse au niveau de la sphère oro-faciale, il semble toutefois indispensable de réaliser ce bilan complet afin de s’assurer que le patient ne présente pas une dysfonction asymptomatique. De plus, en présence d’une pathologie discale, il permet de diagnostiquer très précisément sa nature et de la prendre en considération afin de la traiter en amont pour que l’orthèse puisse être posée dans des conditions plus favorables. Il permet également d’adapter la titration (importance de l’avancée mandibulaire) en fonction de la position de recapture condylo-discale lorsque cette dernière est réalisable.

Ce ne peut être qu’en respectant ces principes de base que les orthèses pourront être mieux tolérées par les patients et non pas abandonnées rapidement après l’apparition de douleurs musculaires et/ou articulaires.

Si, en dépit de la réalisation d’un diagnostic complet et après avoir pris en compte une éventuelle pathologie lors de la réalisation de l’orthèse, le patient ne la supporte pas, alors il convient de se mettre en rapport avec le pneumologue afin de recourir à un autre mode thérapeutique, en particulier par ventilation par pression positive continue.

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Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.