Dossier
Yohann FLOTTES* Lucie SMADJA** Garance BOUDIN*** Martin GLORIFET**** Philippe FRANÇOIS***** Élisabeth DURSUN******
*Interne en Médecine bucco-dentaire, Université de Paris. Hôpital Henri Mondor, Créteil.
**Externe en Médecine bucco-dentaire, Université de Paris. Hôpital Henri Mondor, Créteil.
***AHU, Université de Paris. Hôpital Henri Mondor, Créteil.
****MCU-PH, Unité de Recherche en biomatériaux innovants et interfaces (URB2i, UR 4462), Université de Paris. Hôpital Bretonneau, Paris.
*****PU-PH, Unité de Recherche en biomatériaux innovants et interfaces (URB2i, UR 4462), Université de Paris. Hôpital Henri Mondor, Créteil.
L’hypominéralisation molaire-incisive est un défaut qualitatif amélaire en denture permanente. Des atteintes semblables à l’hypominéralisation molaires-incisives peuvent se retrouver en denture temporaire et sont nommées DMH (Decidious Molar Hypomineralization) ou encore HSPM (Hypomineralized Second Primary Molars). Avec une prévalence entre 2,9 et 21,8 %, un patient aurait 5 fois plus de risque de développer une MIH s’il présente une HSPM. La nécessité de diagnostiquer précocement ces lésions apparaît évidente pour une prise en charge efficace.
Des défauts semblables aux MIH (Molar Incisor Hypomineralization) s’observent sur les dents temporaires, notamment les secondes molaires (figure 1), et sont nommés DMH (Decidious Molar Hypomineralization) ou HSPM (Hypomineralized Second Primary Molars). Leur prévalence avoisine les 5 % [1]. Si, dans la majorité des cas, il s’agit de simples dyschromies, des fractures amélaires avec exposition dentinaire et développement de lésions carieuses peuvent se produire.
L’objectif de cet article est de faire le point sur ces atteintes, puis de présenter différents types de prise en charge, en cas d’atteinte sévère.
Les critères diagnostiques des HSPM sont les mêmes que ceux des MIH : opacités démarquées, pertes amélaires post-éruptives, lésions carieuses ou restaurations atypiques. Ces atteintes concernent le maxillaire comme la mandibule, touchent préférentiellement les faces vestibulaires puis occlusales [2] et sont le plus souvent des opacités amélaires à bordure nette, de couleur blanc-crème ou jaune, voire marron [3]. Plus le nombre de dents concernées est important, plus l’atteinte est sévère [4]. À noter que les canines temporaires peuvent également être touchées (figure 2).
Il est décrit que l’âge favorable de diagnostic est 5 ans car les secondes molaires sont toutes présentes et l’enfant est suffisamment coopérant pour une bonne observation [5]. Toutefois, un âge plus précoce serait pertinent car d’importantes destructions peuvent déjà avoir eu lieu à cet âge. L’étiologie reste indéterminée. Cependant, la minéralisation de ces dents entre la 15e semaine de la vie intra-utérine et l’âge de 12 mois peut suggérer une exposition au facteur causal pendant la période pré ou péri/post-natale (figure 3). Ce facteur pourrait correspondre au même que celui affectant les premières molaires permanentes dont la minéralisation a lieu entre la naissance et 3 ans. D’ailleurs, les études tendent à dire que les HSPM seraient un facteur prédictif de MIH [6].
La période la plus sensible semble être la première année de la vie, au niveau de la fenêtre recoupant le moment de formation des canines et secondes molaires temporaires et celui des incisives et molaires permanentes. L’atteinte des pointes canines temporaires (zone d’initiation de la minéralisation) pourrait suggérer une fenêtre plus large, commençant à 5-6 mois mais, dans ce cas, les incisives temporaires pourraient être touchées, ce qui n’est pas décrit. De la même façon, la présence de défauts sur la moitié incisale des incisives et une possible atteinte de toute la couronne des premières molaires permanentes pourraient suggérer une fenêtre prolongée jusqu’à 2-3 ans.
En cas de perte de substance limitée, une restauration directe en résine composite ou au ciment verre ionomère est réalisée. Lorsque le traitement ne peut s’effectuer par restauration directe, plusieurs options thérapeutiques sont possibles (tableau 1), selon la situation clinique et le patient (figure 4).
Il s’agit de couronnes préfabriquées, en nickel-chrome (Ni-Cr) ou en zircone, à adapter à la dent à restaurer, puis à sceller. Leurs indications concernent les lésions carieuses étendues et les anomalies de structure [7]. Elles offrent une bonne longévité, garantissant la protection des tissus dentaires, sans augmenter l’inflammation gingivale [8].
Enzo, 8 ans, présente un RCI élevé, une MIH sévère et des HSPM, notamment sur la 85 (figure 5). La difficulté de stabilisation du RCI, le délabrement important et sa faible compliance ont été les arguments en faveur d’une CPP en Ni-Cr. Après éviction carieuse et traitement pulpaire, les faces proximales et occlusale sont préparées (figure 6).
La CPP est adaptée, par découpe en proximal, jusqu’à son intégration dans le plan occlusal puis scellée (figure 7). Les dents mandibulaires étant plus visibles que les maxillaires, une CPP en zircone aurait pu être réalisée en cas de demande esthétique.
Les restaurations partielles en CFAO, idéalement en technique directe, permettent aussi de restaurer des dents avec HSPM sévères [9], quand les conditions de collage (limites supra voire juxta-gingivales) et de préparation (épaisseur pour le matériau de 1,5 à 2 mm) peuvent être respectées. La taille de la tête de la caméra intra-buccale peut limiter son utilisation chez les plus jeunes, même si l’empreinte optique est mieux acceptée qu’une empreinte conventionnelle.
Charlie, 4 ans, présente un RCI élevé, une maladie carieuse active et des HSPM, notamment sur la 55. Après anesthésie, pose de digue, curetage carieux et pulpotomie, la dent est préparée sans tissu hypominéralisé sur son pourtour cervical (figure 8). La digue est déposée, les empreintes optiques du secteur, de l’antagoniste et de l’occlusion sont réalisées.
La pièce prothétique est modélisée (figure 9) (à noter qu’il n’existe pas de banque de données pour la morphologie des dents temporaires), puis usinée à partir d’un bloc de résine composite. Ce matériau permet des épaisseurs fines, se polit facilement et permet, si nécessaire, des réparations ultérieures.
La pièce est insérée et contrôlée. La digue est repositionnée, l’insertion de la pièce est recontrôlée, puis elle est collée avec une résine composite photopolymérisable. L’occlusion est corrigée après dépose de la digue (figure 10).
Une résine composite fluide de haute performance conjuguant résistance mécanique et esthétique, injectée dans un moule préformé en l’occurrence fabriqué à partir d’une résine d’impression 3D [10], constitue une dernière alternative.
Naomi, 7 ans, présente une MIH sévère et une HSPM, notamment sur la 75 (figure 11). Après une empreinte conventionnelle scannée (qui aurait pu être optique), puis un wax-up numérique (figure 12), un moule virtuel est conçu. Le wax-up est imprimé, de même que le moule, dans une résine translucide (figure 13).
Le moule est rebasé sur le modèle à l’aide d’un silicone transparent pour une fine adaptation et une reproduction optimale en bouche. Ce moule s’étend aux dents adjacentes pour assurer une bonne stabilité et est perforé par fraisage au niveau occlusal, pour permettre l’injection ultérieure de la résine composite.
Après anesthésie et pose de la digue, la lésion carieuse est curetée avec fraisage conservateur des défauts amélaires (jusqu’à obtention d’un tissu dur). Après mordançage sélectif de l’émail et rinçage, de l’hypochlorite de sodium est appliqué sur les bords amélaires pendant 1 minute (figure 14), afin d’enlever le surplus de protéines de l’émail hypominéralisé, puis rincé.
Un adhésif universel est appliqué sur toute la surface préparée. Le moule est positionné et la résine composite fluide injectée, puis photopolymérisée (figure 15). Après dépose du moule et de la digue, la restauration est polie et l’occlusion contrôlée (figure 16).
Il est primordial de détecter toutes les opacités sur les secondes molaires temporaires. Le diagnostic précoce des HSPM permet de limiter les délabrements. Par ailleurs, il convient d’informer les parents de probables MIH et d’instaurer une étroite surveillance de l’éruption des premières molaires permanentes afin de dépister et de prendre en charge précocement leurs éventuelles atteintes, pour assurer un meilleur pronostic.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.