Clinic n° 10 du 01/10/2021

 

Chirurgie

Implantaire

Nicolas BOUTIN  

Co-gérant de SAPOImplant.Co-fondateur et co-gérant du LISC. Exercice libéral exclusif en Chirurgie buccale implantaire.

Les outils numériques en implantologie rendent les traitements plus rapides, plus sûr, plus précis.

Un logiciel de planification est aujourd’hui indispensable à l’étude de faisabilité des traitements implantaires, à la sélection des patients et au placement des implants dans leur enveloppe osseuse. Une fois cette réflexion aboutie, la difficulté est de transposer le positionnement « virtuel » des implants sur un logiciel au moment de la chirurgie.

Les guides chirurgicaux sont devenus une aide précieuse au placement des implants dans l’os. La littérature est riche d’études de précision de ces guides [1]. Cependant, la conceptualisation d’un guide chirurgical demande de l’expérience, de la manipulation, des temps de conception hors fauteuil et, finalement, un coût non négligeable.

La chirurgie assistée par navigation est proposée depuis les années 2010 et rend la chaîne numérique plus simple et plus fluide, tout en gardant la précision de mise en place chirurgicale des implants. Son principe de fonctionnement repose sur le repérage, dans la zone du champ opératoire, par deux caméras placées au-dessus du patient, d’un point fixe positionné sur le patient, d’un tracker vissé sur le manche du contre-angle d’implantologie et d’une plaque en titane de calibration de la longueur des forets utilisés. Le repérage par triangulation de points sur ces différents éléments permet de suivre sur un écran en temps réel le positionnement et le déplacement du foret superposé à la planification.

CAS CLINIQUE

Femme de 80 ans dont la demande est une réhabilitation maxillaire complète fixe. Elle présente d’anciennes restaurations, une racine en 13 et un édentement non compensé secteur 2. La gencive kératinisée est de type épais.

L’examen radiologique rétro-alvéolaire montre une parodontite évoluée, la présence de caries et de fractures radiculaires sous sa restauration prothétique (figure 1).

Le traitement proposé consiste en la mise en place de 4 implants en extraction/implantation immédiate, avec mise en charge immédiate d’un bridge complet provisoire en résine PMMA usinée, issu d’une empreinte optique post-chirurgicale.

Une empreinte optique de situation initiale pré-chirurgicale (maxillaire, mandibulaire et occlusion) est enregistrée (Carestream 3600) (figure 2).

Lors du cone beam (Carestream 8100), la patiente porte en bouche, sur son bridge sans mobilité, une cale en résine thermo-formable (X clip) contenant 3 billes radio­opaques, qui permettra à la fois d’y fixer le tracker (point fixe sur le patient) et de transposer la position du clip sur le logiciel grâce à ces billes. (NB : L’évolution du protocole permet aujourd’hui de se passer du cone beam, X clip en bouche, grâce au développement d’une sonde (X mark) qui permet le repérage de points remarquables en bouche directement au début de la chirurgie).

Une fois le CBCT réalisé, celui-ci va pouvoir être superposé, grâce à la présence des dents sur les deux fichiers, au fichier .stl de l’empreinte optique initiale. Ainsi, sur un même fichier numérique apparaîtront, en superposition, l’os du patient, sa muqueuse et ses dents, ce qui permettra de réaliser numériquement (par le laboratoire de prothèse ou directement par le praticien sur le logiciel) un projet prothétique (figure 3). C’est seulement à cette étape que la planification des implants et des piliers multi-unit sera réalisée (logiciel DTX studio) en tenant compte des obstacles anatomiques (sinus et fosses nasales), des volumes osseux, de l’épaisseur de la muqueuse, du projet prothétique.

La planification peut être alors directement exportée dans le logiciel X guide permettant la navigation (figure 4). Avant la chirurgie, tous les trackers doivent être calibrés selon un protocole décrit pour le X guide, étape indispensable à la précision du système, qui prend environ 5 minutes (figure 5). Après avoir positionné le clip thermoformé sur lequel est fixé, sur les dents immobiles secteur 1, le mandrin qui maintient le tracker fixe sur le patient, la chirurgie peut débuter. L’intérêt est de réaliser de petites incisions puisque les volumes osseux n’ont pas besoin d’être visibles par l’opérateur qui se fie à la vision de son foret sur l’écran de contrôle, en rapport avec sa planification (figure 6).

À la fin de la chirurgie, les scan bodies (transferts d’empreintes numériques) sont vissés sur les piliers multi-unit, afin d’enregistrer la position des implants par caméra optique. L’empreinte post-chirurgicale peut être réalisée. La caméra ayant besoin de repères existants pour démarrer et enregistrer les scan bodies des dents remarquables, immobiles et n’empêchant pas la mise en place des implants sont conservées tout au long de la chirurgie et seront extraites en fin de traitement, une fois l’empreinte post-chirurgicale terminée : ici, la canine maxillaire gauche, les deux incisives centrales et les deux prémolaires droites.

Ainsi, 4 fichiers .stl vont être envoyés au laboratoire de prothèse après la chirurgie : les empreintes maxillaire et mandibulaire pré-chirurgicales, l’occlusion, l’empreinte maxillaire post-chirurgicale, selon le protocole de flux numérique décrit par Cannas, Boutin et Tran [2].

Le prothésiste va superposer, grâce à la présence des dents, l’empreinte post-chirurgicale maxillaire à l’empreinte pré-chirurgicale, en occlusion avec la mandibule. Il va également, après avoir effacé les dents extraites, superposer aux scan bodies une bibliothèque de scan bodies virtuels associés à une bibliothèque d’implants virtuels (tout comme une réplique d’implant vissé à un transfert physique).

Il obtient ainsi le positionnement des implants après la chirurgie sur une arcade édentée en occlusion avec l’arcade mandibulaire.

Le travail de design du bridge provisoire va être réalisé (logiciel Exocad). Ce travail de conception prend environ 30 minutes (figure 7). Il sera validé par le praticien avant usinage par partage d’écran.

L’usinage du bridge provisoire en résine PMMA est alors lancé (environ 1 h 30 d’usinage) (figure 8), puis il est poli et renvoyé en clinique pour vissage (figure 9). Depuis de nombreuses années, les bridges PMMA sur multi­unit sont livrés sans ti-base, le vissage se faisant directement sur pilier.

CONCLUSION

L’apport de la navigation dans le flux numérique en implantologie permet une certaine fluidité par l’évitement des étapes de réalisation des guides chirurgicaux souvent chronophages dans leur conception. La littérature montre une précision de la navigation intéressante et comparable à celle de la chirurgie guidée [3]. En terme économique, les appareils de navigation, bien qu’onéreux, ne demandent pas plus d’investissement que l’achat de guides, d’imprimantes et de résine sur le long terme. Cependant, cet outil demande un changement complet d’ergonomie et de protocole d’intervention, le chirurgien ne regardant plus son patient mais un écran. Il demande donc une courbe d’apprentissage importante et n’est pas conseillé à des implantologistes débutants.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Gillot L, Cannas B, Friberg B, Vrielinck L, Rohner D, Pettersson A. Accuracy of virtually planned and conventionally placed implants in edentulous cadaver maxillae and mandibles: A preliminary report. J Prosthet Dent 2014;112:798-804.
  • 2. Cannas B, Boutin N, Tran ML. Impression 3D et pédagogie. Information Dentaire 2014;9.
  • 3. Block MS, Emery RW, Lank K, Ryan J. Implant placement accuracy using dynamic navigation. Int J Oral Maxillofac Implants 2017; 32:92-99. [doi: 10.11607/jomi.5004. Epub 2016 Sep 19]

CHIRURGIE IMPLANTAIREPAR NAVIGATION

Congrès de l’ADF – Atelier de TP C45

Mercredi 25 novembre 2021, 9 h-12 h

Responsable scientifique : Nicolas Boutin

Intervenants : Philippe Laperche, Olivier Henry-Savajol, Jacques Vermeulen, Bernard Cannas, Marc Baranes, Catia Pereira, Jean-Michel d’Agrosa, Philippe Russe.