Revue de presse
Internationale
L’impression 3D prend de plus en plus de place dans nos pratiques cliniques quotidiennes avec une accélération frappante depuis le début de la crise du Covid-19 où elle s’est révélée être une arme de production à la demande extrêmement efficace.
Pendant longtemps, seules les techniques de fabrication soustractives pouvaient se retrouver au cabinet pour exploiter les empreintes intrabuccales numériques. Mais, depuis quelques années, les premières imprimantes à volume...
L’impression 3D prend de plus en plus de place dans nos pratiques cliniques quotidiennes avec une accélération frappante depuis le début de la crise du Covid-19 où elle s’est révélée être une arme de production à la demande extrêmement efficace.
Pendant longtemps, seules les techniques de fabrication soustractives pouvaient se retrouver au cabinet pour exploiter les empreintes intrabuccales numériques. Mais, depuis quelques années, les premières imprimantes à volume réduit et à utilisation simplifiée sont apparues. Ces imprimantes, d’abord à dépôt de fil (plutôt destinées au grand public) puis par photopolymérisation en cuve de résine (stéréolithographie), ont permis de réaliser dans un premier temps avec succès des modèles dentaires ou des guides chirurgicaux. Il est désormais possible d’utiliser ces résines pour la réalisation de cires calcinables, de gouttières de collage indirect, de plans de libération occlusaux, de prothèses amovibles partielles ou complètes, de restaurations provisoires de longue durée et, depuis peu, de restaurations prothétiques définitives.
Il est absolument évident que chacun d’entre nous en possèdera une dans les prochaines années tant les potentialités cliniques de cette technologie sont immenses. Cependant, la popularisation de l’impression 3D par stéréolithographie a été telle que nous nous retrouvons face à la situation paradoxale de la présence d’une multitude de produits sur le marché, certifiés biocompatibles et utilisables en bouche alors que la législation est encore évolutive, que peu d’informations sont données sur leur composition et encore moins sur leurs performances cliniques ou même in vitro. Il est donc intéressant de faire l’état des lieux des informations à notre disposition.
Le but de cet article est de faire le point sur les connaissances actuelles concernant les éléments prothétiques provisoires ou d’usage réalisables par stéréolithographie. Il est à noter que les auteurs regroupent sous le terme « stéréolithographie » les technologies d’impression par photopolymérisation laser (SLA) et par projection d’image (DLP, LCD).
La recherche systématique pour répondre à la question « Quelles sont les connaissances actuelles sur les matériaux de restauration utilisables par stéréolithographie ? » a été effectuée dans les trois bases de données internationales principales (MEDLINE/PubMed, Scopus et Web of Science). Aucune restriction temporelle n’a été appliquée et le guide PRISMA a été utilisé pour mener à bien ce travail (ce guide, accepté internationalement, a été élaboré pour réaliser des revues systématiques et des méta-analyses de qualité).
La restitution des résultats est axée sur la description des matériaux de restauration dentaire utilisés dans les études isolées, des éventuelles propriétés évaluées, des méthodes de fabrication appliquées, des imprimantes 3D utilisées et des indications cliniques de la résine utilisée.
Au total, 47 articles ont été inclus dans cette revue de littérature, 38 s’intéressant aux matériaux de restauration à base de polymères et 9 aux matériaux de restauration à base de céramique. Les études incluses ont principalement porté sur la précision dimensionnelle de l’impression (14), la résistance en flexion (corrélée au risque de fracture) (11) et la morphologie de surface (9) des structures imprimées. De nombreux autres paramètres ont également été analysés de manière plus marginale.
Certaines des études incluses (11) ont publié une preuve de concept pour démontrer l’applicabilité clinique et la possibilité d’utilisation de la stéréolithographie pour la réalisation de restauration, mais seulement 5 études ont réalisé un véritable « rapport de cas » et posé en bouche leurs restaurations imprimées. Cela souligne un intérêt croissant pour la méthode mais une faible évaluation clinique de ces impressions.
Cette revue décrit et analyse également un certain nombre de paramètres d’impression (angulation, épaisseur de couches, positionnement de la pièce sur le plateau d’impression) afin de déterminer, selon les objectifs cliniques et le type de restauration imprimée, le meilleur ratio précision/rapidité. Il apparaît également flagrant dans cette revue que l’impression 3D de polymères possède une applicabilité clinique immédiate alors que l’impression 3D de céramique nécessite encore un peu plus de temps de développement pour réellement se démocratiser.
Le développement rapide dans notre profession de la stéréolithographie est évident et représente un grand progrès technologique. La capacité de produire rapidement des dispositifs médicaux sur mesure à la demande devrait révolutionner notre pratique pour les prochaines années (modèles, provisoires, orthèses, prothèses transitoires…) et apporter encore plus de sens à la réalisation d’empreintes optiques intrabuccales du fait du faible coût d’une chaîne d’impression 3D par stéréolithographie (quelques milliers d’euros).
Cependant, avant de pleinement valider ces techniques de fabrication d’éléments prothétiques par impression 3D, une amélioration et une clarification sur la composition des résines et des procédés de fabrication certifiant le dispositif médical sur mesure sont nécessaires. De plus, il reste encore un certain nombre de points d’interrogation sur l’aspect esthétique, la résistance à l’usure et la précision dimensionnelle. L’ensemble de ces éléments peut expliquer l’absence d’essais cliniques au long cours.
La lecture de cet article de synthèse issu de l’une des plus grandes revues dentaires permet en une dizaine de minutes de faire rapidement le point sur la bibliographie existante sur l’impression 3D d’éléments prothétiques par stéréolithographie. En cela, il peut servir de base pour la construction d’un travail de synthèse sur le sujet ou pour l’approfondissement de la connaissance sur cette thématique précise.
• L’impression 3D de dispositifs médicaux sur mesure, transitoires ou d’usage, par stéréolithographie fait déjà partie du quotidien de certains chirurgiens-dentistes.
• La généralisation de cette méthode de fabrication dans nos cabinets dentaires pour la production chairside de petits éléments est évidente.
• Actuellement, les nouveautés proposées par les fabricants dépassent les capacités d’évaluation « indépendantes » de la communauté scientifique. La législation est également en cours de clarification sur ce sujet.
• Nous devons être conscients que les données actuelles de la science ne permettent pas de valider pleinement certaines indications cliniques (provisoires de longue durée, restaurations d’usage, prothèses amovibles transitoires, plan de libération occlusaux…).
• Les prochains mois verront à n’en pas douter la publication d’un grand nombre d’articles comblant ce manque d’évaluations.
Philippe FRANCOIS
MCU-PH en Biomatériaux, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau
Ont collaboré à cette revue de presse
Adrien BRUN
MCU-PH en Parodontologie, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Henri-Mondor
Charline CERVELLERA
Spécialiste qualifiée en Chirurgie orale, DDS Candidate 2021, University of California, Los Angeles Intern in Oral and Maxillofacial Surgery, Mass General Hospital/Harvard School of Dental Medicine, Boston
Vincent FOUQUET
AHU en Prothèse, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Louis-Mourier
Philippe FRANCOIS
MCU-PH en Biomatériaux, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau
Mathieu IZART
AHU en DRE, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Bretonneau
Marianne LAGARDE
AHU en Odontologie pédiatrique, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris, Service de Médecine bucco-dentaire, AP-HP, Hôpital Henri-Mondor
Matthieu MOULINIER
Exercice libéral limité à la Chirurgie orale, Ermont (95)