Dossier
Caroline ALVARADO* Audrey CHANLON** Nicolas FOUGERONT*** Hélène GIL**** Roland DRAUT***** Arek SULUKDJIAN******
*Kinésithérapeute et Ostéopathe. DU Rééducation maxillo-faciale, Faculté de Montpellier. Exercice exclusif en Rééducation maxillo-faciale.
**PH, Consultations douleurs orofaciales, Hôpital Edouard Herriot, Lyon.
***Centre municipal de Santé, La Plaine Saint-Denis. Attaché à la consultation Troubles fonctionnels oro-faciaux, Hôpital Charles-Foix, Ivry-sur-Seine.
****Kinésithérapeute maxillo-faciale, Chargée d’enseignement à l’UFR d’Odontologie Montrouge, à l’École Supérieure d’Orthodontie, à l’Association de Prévention en Odontologie Pédiatrique, en IFMK et chez Assas Formation Continue.
*****DU Troubles fonctionnels oro-faciaux, Techniques de rééducation maxillo-faciale, Dermato-vénérologie de la muqueuse buccale. Exercice libéral, Luxembourg.
******Dr en Pharmacie, Dr en Chirurgie dentaire, Université Paris Descartes. DU Techniques de rééducation maxillo-faciale, Université de Montpellier.
L’aspect multifactoriel et les fréquentes comorbidités somatiques et psychologiques impliquent une prise en charge multidisciplinaire des dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM). Les recommandations actuelles orientent vers une prise en charge initiale efficace, non invasive et sur mesure selon le patient. L’objectif est de permettre au patient d’être acteur de sa prise en charge avec des « auto-soins » de manière à s’adapter et à s’auto-motiver. L’autonomie est l’objectif principal afin d’obtenir une bonne observance et une pérennité des résultats [1].
Concernant la prise en charge des DTM à l’aide de thérapeutiques dites « non occlusales », les praticiens disposent de multiples options :
– éducation du patient, réassurance et autonomie ;
– kinésithérapie maxillo-faciale ;
– prise en charge comportementale ;
– traitements pharmacologiques ;
– prise en charge posturale ;
– hypnose.
Un dialogue patient-praticien constructif est une aide précieuse au diagnostic. Les connaissances du praticien sont la base de réflexion pour établir un diagnostic mais la parole du patient est indispensable pour le valider.
Ainsi, il a été montré que les para-fonctions rapportées par les patients ainsi que les bruits articulaires étaient de meilleurs indicateurs que l’examen clinique. Le patient et son auto-évaluation sont plus prédictifs que notre démarche, même standardisée [2]. Des explications simples et éventuellement accompagnées de schémas sont importantes afin de dédramatiser la situation.
La plupart des DTM douloureuses aiguës sont prises en charge assez simplement et un faible pourcentage se chronicise. Les facteurs stress, anxiété, catastrophisme et kinésiophobie risquent de faire glisser le patient vers une douleur chronique. Une prise en charge précoce et des propos rassurants seront le meilleur moyen de prévenir cette chronicisation.
Pour les DTM, des revues systématiques de la littérature et des méta-analyses tendent à prouver que la rééducation fonctionnelle est efficiente [3]. Cependant, les programmes de rééducation sont très hétérogènes, ce qui rend leur comparaison délicate, et il n’existe toujours pas de standard définissant le meilleur programme à adopter. De plus et à la différence des cervicalgies, on n’a pas encore prouvé que la rééducation dans les DTM modifiait les activités musculaires douloureuses. Cependant, à partir des connaissances et hypothèses décrites dans les cervicalgies, il est possible de proposer des suggestions quant aux effets possibles de la rééducation dans les DTM [4] (figure 1, tableau 1).
Dans le cadre de la prise en charge des DTM, il n’est pas rare que soit évoquée l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Or, la nature hétérogène des « dysfonctionnements temporo-mandibulaires » ainsi que celle des « thérapies cognitivo-comportementales » imposent une analyse nuancée de la preuve scientifique actuelle. En pratique, nombre d’outils cognitivo-comportementaux existent déjà dans le cadre des traitements usuels des DTM. Leur efficacité ayant été montrée par des études fondées sur des preuves scientifiques, il importe pour les odontologistes de les utiliser fréquemment et de manière conséquente. Il s’agit, de surcroît, de méthodes non invasives et non-irréversibles. Quant aux comorbidités psychologiques importantes (épisode dépressif caractérisé d’intensité moyenne à forte, trouble obsessionnel compulsif ou anxieux invalidant), il est préférable d’inclure au concept thérapeutique un praticien disposant de formation et d’expérience psychothérapeutique confirmée.
Les traitements pharmacologiques font partie depuis longtemps de l’arsenal thérapeutique lors du traitement des douleurs des DTM (tableau 2).
La méthodologie est difficilement rigoureuse à ce sujet, notamment à cause de l’absence de tests diagnostiques fiables. Actuellement, il n’existe pas ou que peu d’études cliniques pour valider cette prise en charge, qui ne peut être isolée mais doit s’inclure au sein d’une prise en charge pluridisciplinaire. Cet aspect pourra faire partie d’un article ultérieur.
Les études sont contradictoires, notamment à cause de différents biais liés à la pratique qui reste très praticien-dépendante [5, 6]). Pour autant, une étude de 2009 montre une diminution de 50 % de l’intensité douloureuse après 4 séances de 1 heure d’hypnothérapie. Et les patients ont développé des stratégies de réinterprétation des sensations douloureuses. L’apprentissage de l’autohypnose rend le patient autonome et acteur de sa prise en charge [7].
La prise en charge des patients présentant des DTM nécessite en amont une consultation rigoureuse et empathique afin de déterminer le profil somatique et psychologique du patient. Chaque patient est unique et il est nécessaire d’adapter son discours et son suivi au cas par cas. Les DTM aiguës sont de prise en charge classique et relativement simple. Mais, comme il a été évoqué, il faut repérer les patients aux profils particuliers. Certains présentent déjà des comorbidités qu’il faudra repérer et d’autres sont susceptibles de développer rapidement de telles pathologies. Ainsi, on peut considérer d’emblée ces derniers comme des patients « chroniques » sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre les 3 mois qui déterminent habituellement l’aspect chronique d’une pathologie. Dans tous les cas, leur prise en charge sera plus complexe et multidisciplinaire et les objectifs seront raisonnables et raisonnés pour éviter l’impasse thérapeutique. L’écoute, la réévaluation régulière et le dialogue au sein d’une équipe de praticiens de différentes spécialités sont les clés de la prise en charge de ces patients qui doivent se sentir entendus et accompagnés.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.