Dossier
MCU-PH, Faculté de Chirurgie dentaire de Strasbourg. Exercice libéral, Strasbourg.
Le diagnostic des dyskinésies dento-articulaires (DDA) et les propositions thérapeutiques envisageables constituent la préoccupation majeure de l’occlusodontiste. Une nosologie clinique n’est pas facile à élaborer.
Le diagnostic des DTM (dysfonctions temporo-mandibulaires), des DCM (dysfonctions cranio-mandibulaires), des DAM (dysfonctions de l’appareil manducateur) ou, selon une terminologie récente proposée par Marcel Le Gall, des DDA (dyskinésies dento-articulaires) ainsi que les propositions thérapeutiques actuellement envisageables, constituent la préoccupation majeure de l’occlusodontiste. Une nosologie clinique claire et suffisamment simple sans devenir simpliste n’est pas facile à élaborer et demeure encore une entreprise à la recherche de consensus et de validation.
Le Lexique d’occlusodontologie du CNO définit brièvement et sans autre précision le dysfonctionnement de l’appareil manducateur (DAM) comme « l’expression symptomatique d’une myo-arthropathie de l’appareil manducateur »[1]. Les symptômes les plus fréquemment observés en clinique sont la douleur, le bruit et le blocage bouche fermée. Ils réfèrent, d’une part, aux modifications structurelles de l’ATM que l’on peut suspecter immédiatement et, d’autre part, à l’analyse de la qualité de l’OIM et du cycle de mastication selon les principes élaborés par Jean-François Lauret et Marcel Le Gall au siècle dernier [2-4]. D’où la proposition d’une terminologie plus ciblée sur la cinématique dento-articulaire, les DDA.
– l’ATM et particulièrement la bonne coaptation du disque sur la tête du condyle vérifiable objectivement par l’examen clinique, l’axiographie et l’IRM [5, 6] (figures 1, 2 et 3) ;
– les faces occlusales, essentiellement celles des premières molaires (M1) qui comportent des guidages d’entrée et de sortie de cycle en direction centripète (et surtout pas centrifuge), marqués au papier d’occlusion [7] ;
– les muscles masticateurs facilement palpables et « scorables » selon leur accessibilité (figure 4).
Elle est variable et s’inscrit dans un long catalogue dont le point commun est que tout le monde la comprend. Du syndrome de Costen en 1934 au SADAM en 1970, puis aux DAM, DCM, DTM et tout récemment aux plus modestes DDA, les éléments perturbés restent les mêmes (figure 5).
L’unique cotation retenue et prise en charge par la CCAM dans le cadre d’un traitement des DDA est HBLD018, opposable ; le diagnostic fait partie de la consultation.
L’étiopathogénie des DDA reste un domaine de controverses. Certains auteurs contestent le rôle de l’occlusion, d’autres lui accordent dans leur grande magnanimité un éventuel rôle de cofacteur, d’autres encore privilégient la génétique, l’hérédité, l’endocrinologie, voire la dimension psychique ou psychosociale… Mais la préoccupation centrale, quasiment obsessionnelle, relevant de la compétence exclusive de l’occlusodontiste, telle qu’elle a été préconisée par Slavicek et Mack depuis les années 80 se formule ainsi : « Où est le disque articulaire, dans quel état est-il, que puis-je entreprendre ? » [5, 8-13].
Les classifications issues du monde universitaire et médical sont toujours d’une qualité remarquable par leur professionnalisme [14-16]. Leur exhaustivité permet de différencier une réaction douloureuse d’un muscle à la palpation en réflexe d’éclissage, en courbatures ou en spasmes. Les classifications tiennent compte des traumatismes, des tumeurs autant que des céphalées de tension, des perturbations oculaires, des troubles de la posture ou des acouphènes. Mais elles ne relèvent souvent pas de notre compétence (figures 6 et 7).
Les classifications cliniques restent par conséquent plus adaptées à l’exercice quotidien.
• Pour être facilement adoptée, une classification doit rester simple, claire, équilibrée, logique, facilement mémorisable et limitée à l’essentiel.
• La distinction entre articulaire et musculaire est a priori séduisante mais déséquilibrée au profit de la partie articulaire. Même équipé d’un TENS, l’examinateur est démuni quant à l’analyse des manifestations musculaires (douleur d’intensité 0, 1, 2 ou 3 et localisée à tel muscle). En revanche, les renseignements diagnostiques et thérapeutiques sur le disque articulaire sont plus aboutis grâce à l’axiographie ou l’IRM ; certes, le muscle est l’élément mobilisateur du disque mais muscles et disque ne sont pas individualisables. En outre, la proportion muscle/disque n’est pas quantifiable à cause de la subjectivité et de la variabilité de l’intensité de la douleur alors que la cinématique discale est répétitive, voire constante.
La classification proposée par Farrar-McCarty et Okeson, reprise par Slavicek et Cardonnet puis par presque tous les cliniciens, répond à la question « où est le disque articulaire ? » [8, 9]. Le terme de luxation, déplacement d’une surface articulaire par rapport à une autre, est souvent remplacé par le terme plus précis de déplacement discal (encadré 1).
La classification suit l’évolution de la pathologie à la fois sur le plan chronologique et sur le plan de la gravité de l’atteinte [10-13]. Elle est simultanément applicable en clinique, en axiographie, en radiologie, en chirurgie. De surcroît, elle est compréhensible par le patient, le faisant ainsi collaborer à son éventuel traitement. En gardant l’immuable critère de la position du disque, elle évalue clairement l’efficacité de l’occlusodontiste (une dissociation discale permanente est quasiment irrécupérable, une capsulite est facilement soignable) par rapport à celle de collaborateurs disposant de critères différents qui ne nous sont pas familiers (ostéopathie, posturologie, kinésithérapie, socio-psychologie, etc.).
Les classifications des pathologies de l’ATM sont nombreuses et d’excellente qualité. Cependant, le choix d’une classification reposant sur la localisation d’un disque solidaire des muscles masticateurs et tributaire de la qualité des contacts et des guidages occlusaux répond précisément aux attentes des occlusodontistes à la recherche de données objectives ou quantifiables, susceptibles d’apprécier un résultat thérapeutique.
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
1. Capsulite, rétrodiscite, distension, compression, hyperlaxité, subluxation
2. Luxation réductible LR = DDR
3. Luxation non réductible LNR = DDP
a) aiguë LNRA = DOPA
b) chronique LNRC = DDPC
4. Arthrite – Arthrose – Ankylose fonctionnelle