Clinic n° 07 du 01/07/2021

 

Dossier

Romain CHALEIL*   Aurélien THOLLOT**  


*Ancien AHU, Lyon I. DU Implantologie chirurgicale et prothétique
**DU Expertise en médecine dentaire, Paris. DU Chirurgie reconstructrice pré et péri-implantaire, Paris. CES Parodontologie, Strasbourg. Formateur et cofondateur de CTC-Formations. Exercice limité à la Chirurgie reconstructrice pré-implantaire et implantaire, Vienne.
***DU Implantologie orale, Lyon. DU Esthétique du sourire, Strasbourg. DU Carcinologie des voies aérodigestives supérieures, Lyon. DU Chirurgie reconstructrice pré et péri-implantaire, Paris. Formateur et cofondateur de CTC-Formations. Exercice limité à la Chirurgie reconstructrice pré-implantaire et implantaire, Vienne.

Un des défis majeurs de l’implantologie est la reconstruction de la crête alvéolaire dans ses dimensions horizontales et verticales. Les principales techniques de greffes osseuses utilisées sous anesthésie locale sont les expansions, les greffes autogènes avec prélèvement d’os intra-buccal et les régénérations osseuses guidées (ROG).

Lorsque les volumes sont insuffisants, une analyse spécifique des tissus durs et mous doit être réalisée en fonction des objectifs d’augmentation. Ainsi, nous classerons ces reconstructions en 3 groupes : les reconstructions 2D (horizontales), les reconstructions de l’angle osseux corono-vestibulaire en secteur esthétique et les reconstructions 3D (verticales et horizontales).

Il n’existe à l’heure actuelle pas de preuve de la supériorité d’une technique sur les autres en termes de gain osseux, même si les taux de complications diffèrent en fonction des sites et des techniques [1, 2].

La réflexion se portera donc sur l’efficience de ces procédures (maximum de résultats avec un minimum de ressources) en fonction du patient et de la situation clinique et nous considèrerons la rapidité de la mise en œuvre, le caractère invasif, le risque de complications et la durée globale du traitement.

STABILITÉ ET CELLULARITÉ

Les facteurs essentiels au succès de la greffe sont l’adhérence initiale du caillot sanguin et la stabilisation du site. Seule la stabilité du caillot sanguin permettra aux cytokines, aux facteurs de croissance et aux molécules de signalisation de jouer convenablement leur rôle. Les 4 grands piliers énumérés par Wang [3] – fermeture primaire, angiogenèse, stabilité du caillot et du volume – sont incontournables, quelle que soit la technique d’augmentation osseuse choisie.

L’appréciation de l’efficience d’une procédure reste, pour certains critères, opérateur-dépendante et donc subjective, d’où le débat perpétuel entre greffe autogène pure et ROG ; cette opposition est encore actuellement fondée sur l’absence ou non de biomatériaux. L’os autogène particulé prélevé directement sur le site ou sur la zone rétro-molaire apporte une cellularité fondamentale : facteur de croissances, BMP (Bone Morphogenetic Protein)… L’adjonction d’os minéral anorganique d’origine bovine (dans certains cas) permet de réduire la quantité de prélèvement d’os autogène et se comporte comme un échafaudage (scaffold) dans la stabilité du site greffé [4].

Pour le choix d’une technique, l’ergonomie ou la mise en œuvre du dispositif (plaquette d’os autogène, grille, membrane résorbable ou armée, plaque d’ostéosynthèse) et de son système d’accroche (vis, pins, clou vis), qui permet la stabilité du volume greffé, sont des éléments tout aussi importants.

PATIENT AU CENTRE DE LA DÉCISION

Avec l’analyse du défaut et l’efficience de la technique, il est primordial de réaliser un examen global du patient et de ne pas rester focalisé sur le défaut à corriger. Ainsi, l’âge, l’état de santé général, les allergies, les addictions, l’état parodontal, les antécédents de chirurgie mais aussi les attentes du patient pourront nous orienter vers une technique particulière lorsque plusieurs sont envisageables [5]. Pour les patients présentant certains facteurs risques (pathologies légères, passif parodontal, tabac), l’utilisation d’os autogène en coffrage semble présenter une tolérance plus élevée.

CHOIX POUR LES AUGMENTATIONS 2D

Les différentes techniques de greffe horizontale sont largement décrites dans la littérature, avec des taux de succès similaires à celles d’implants posés dans de l’os natif [6]. La pose simultanée de l’implant est à privilégier uniquement si le défaut est favorable, ce qui diminue le nombre d’interventions. En cas de complication, la présence de l’implant dans les cas de pose simultanée amplifie le phénomène.

Expansion

L’expansion permet d’optimiser le volume existant, en positionnant l’implant entre les corticales osseuses. Cette technique demande des prérequis anatomiques importants (édentement multiple plutôt qu’encastré, corticales bien délimitées, os spongieux suffisant).

Elle est à privilégier car elle assure la pose simultanée de l’implant dans un espace médullaire très favorable (figure 1). Le temps de cicatrisation de 3 à 6 mois comprend donc systématiquement les implants. L’invasivité reste faible avec un seul site opératoire et la procédure est aujourd’hui prédictible avec l’utilisation de vis d’ostéosynthèses pour une expansion contrôlée. Elle peut être couplée à une ROG (notamment au maxillaire) (figure 2).

Os autogène

L’os autogène utilisé en coffrage présente l’avantage d’une cicatrisation rapide (3-4 mois). Il semble donc judicieux de l’utiliser lorsque l’expansion est contre-indiquée et que le prélèvement peut être fait sur la zone de chirurgie : en postérieur mandibulaire sur la ligne oblique externe, au niveau antérieur mandibulaire en mentonnier et en postérieur maxillaire avec la corticale de la tubérosité ou en utilisant la fenêtre du sinus en cas de sinus lift simultané (figures 3 à 6).

ROG

La ROG a beaucoup évolué depuis la description faite par Dalhlin en 1988 [8].

Aujourd’hui, la mise en tension de la membrane résorbable avec la Sausage Technique décrite par Urban [9] permet une stabilité accrue des particules et un maintien volumique important durant la phase de cicatrisation (figure 7). L’utilisation de tuteurs rigides augmente encore le maintien de ce volume (figure 8). Le temps de cicatrisation est environ de 6 mois mais la pose simultanée des implants peut souvent être envisagée et permet de diminuer le nombre de chirurgies. La technique est à envisager lorsqu’elle permet d’éviter le deuxième site opératoire de prélèvement autogène.

La Sausage Technique est utilisée en 2D avec une membrane résorbable.

L’utilisation de dispositif rigide non résorbable (membranes PTFE armées titane, grilles titane…) est indiquée pour les reconstructions avec une composante verticale (figure 9).

RECONSTRUCTION DE L’ANGLE CORONO-VESTIBULAIRE EN SECTEUR ESTHÉTIQUE

Bien souvent, les reconstructions antérieures maxillaires (cas esthétiques) sont imaginées comme un gain uniquement en épaisseur (2D) alors que le remodelage osseux durant la cicatrisation présente également une composante verticale avec une migration apicale du rebord osseux [10]. Pour un résultat esthétique optimal, le gain osseux doit donc se projeter en direction vestibulaire et coronaire pour former un angle idéal qui se situera en dehors du contour osseux. Cette reconstruction est donc dirigée en avant et vers le bas et ne peut se réaliser uniquement en 2D pour un soutien optimal des tissus mous et un profil d’émergence idéal.

Les dispositifs rigides (figures 10 et 11), notamment les membranes PTFE armées titane (figure 12), offrent les résultats les plus prédictibles pour la stabilité osseuse au col de l’implant, permettant ainsi de recréer un profil d’émergence optimal [11].

À l’inverse, la Sausage Technique (figure 13) et le coffrage autogène (figure 14) présentent l’avantage de ne pas nécessiter de dépose importante du dispositif, lors du deuxième temps chirurgical. Ceci permet une meilleure préservation des tissus mous, notamment des papilles, mais présente un risque plus important de diminution volumique et rend difficile une sur-correction optimale du défaut et, par conséquent, un soutien des tissus mous qui peut être insuffisant (figure 15).

RECONSTRUCTION 3D

L’objectif des augmentations verticales est de positionner des implants dans une position en adéquation avec le projet prothétique mais surtout de retrouver des conditions muco-gingivales favorisant une hygiène optimale. Le seuil de tolérance à l’erreur des augmentation 3D est plus bas que celui des augmentations horizontales. Les 2 techniques principales sont l’os autogène en coffrage et les ROG armées (figures 16 à 18).

La fixation du dispositif assurant la stabilité de la greffe 3D est le moment critique des procédures d’augmentations verticales [2]. Le choix de la procédure en fonction du site, de la nature de l’édentement, de la présence ou non de pic osseux ou, enfin, des objectifs précis de la greffe va influencer de façon très importante l’ergonomie et la rapidité d’exécution des différentes phases chirurgicales (figure 19).

CONCLUSION

La volonté de conserver au maximum les dents existantes et de recréer les volumes perdus s’inscrit totalement dans la philosophie clinique du gradient thérapeutique, retardant toujours au maximum les solutions radicales afin de conserver des options thérapeutiques de secours en cas d’échecs.

Le choix de la technique de greffe osseuse doit prendre en compte la triade : patient dans sa globalité, objectif volumique à atteindre, efficience d’une technique en fonction de la situation clinique. La reconstruction de l’os n’a pas pour seul objectif un bon positionnement des implants selon le projet prothétique ; il permet aussi le soutien des tissus mous, indispensable au succès fonctionnel et esthétique des restaurations tout comme les tissus mous sont le garant de la stabilité de l’os greffé. C’est le principe de dualité tissulaire qui doit absolument être respecté.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Milinkovic I, Cordaro L. Are there specific indications for the different alveolar bone augmentation procedures for implant placement? A systematic review. Int J Oral Maxillofac Surg 2014;43:606-625.
  • 2. Urban IA, Montero E, Monje A, Sanz-Sánchez I. Effectiveness of vertical ridge augmentation interventions: A systematic review and meta-analysis. J Clin Periodontol 2019; 46 (suppl. 21):319-339.
  • 3. Wang HL, Boyapati L. « PASS » principles for predictable bone regeneration. Implant Dent 2006;15:8-17.
  • 4. Herford AS. Nguyen K. Oral complex bone augmentation in alveolar ridge defects. Maxillofacial Surg Clin N Am 2015;27:227-244.
  • 5. Urban IA, Jovanovic SA, Lozada JL. Vertical ridge augmentation using guided bone regeneration (GBR) in three clinical scenarios prior to implant placement: A retrospective study of 35 patients 12 to 72 months after loading. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24:502-510.
  • 6. Giovanni E. Long-term biological complications of dental implants placed either in pristine or in augmented sites: A systematic rewiew and meta-analysis. Clin Oral Impl Res 2018; 29 (suppl. 16):294-310.
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  • 8. Dahlin C, Linde A, Gottlow J, Nyman S. Healing of bone defects by guided tissue regeneration. Plast Reconstr Surg 1988;81:672-676.
  • 9. Urban IA, Nagursky H, Lozada JL, Nagy K. Horizontal ridge augmentation with a collagen membrane and a combination of particulated autogenous bone and anorganic bovine bone-derived mineral: A prospective case series in 25 patients. Int J Periodontics Restorative Den. 2013;33:299-307.
  • 10. Schenk RK, Buser D, Hardwick WR, Dahlin C. Healing pattern of bone regeneration in membrane-protected defects: A histologic study in the canine mandible. Int J Oral Maxillofac Implants 1994;9:13-29.
  • 11. Grunder U. Implantologie de la zone esthétique. Charenton-le-Pont : Quintessence International, 2017.

Liens d’intérêts

Romain Chaleil et Aurélien Thollot déclarent des liens d’intérêts avec Dentsply Sirona en tant que conférenciers. Les auteurs déclarent que le contenu de cet article ne présente aucun lien d’intérêts.

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