Pathologie
Muriel DUMAY* Léonard BRAZZOLA** Irena SAILER*** Brenda MERTENS**** Robin JAQUET*****
*Ancienne interne en Médecine bucco-dentaire, CHRU de Montpellier, Exercice libéral orienté en Parodontologie, Blois.
**Chargé d’enseignement, Clinique universitaire de médecine dentaire, Département de Prothèse fixe et Biomatériaux, Responsable de l’enseignement Flux numériques et technologies CAD/CAM, Université de Genève. Exercice libéral, Lausanne.
***Responsable de la division de Prothèse fixe et Biomatériaux, Université de Genève. Pr associée adjointe, Département de Médecine dentaire préventive et restauratrice, Université de Pennsylvanie. Pr associée, Clinique de Prothèse fixe et amovible et Sciences des matériaux, Zurich. Pr honorée, Université d’Aahrus, Danemark.
****Ancienne AHU en Parodontologie, CHRU de Montpellier. Diplôme de spécialité de la European Federation of Periodontology. Exercice libéral limité à la Parodontologie et l’Implantologie orale, Montpellier.
*****Chargé d’enseignement, Clinique universitaire de médecine dentaire, Département de Prothèse fixe et Biomatériaux, Responsable de l’enseignement de l’Implantologie orale prothétique, Université de Genève. Exercice libéral, La Chaux-de-Fonds.
Dans la pratique quotidienne de l’implantologie orale, les complications implantaires représentent un événement relativement fréquent. Même si elles n’aboutissent que rarement à la perte de l’implant (0-8,3 % des implants posés [1]), cet événement reste néanmoins désagréable tant pour le patient que pour le praticien. Les implants étant liés à des structures prothétiques, chaque complication peut engendrer des frais...
Durant sa pratique, tout praticien est confronté à un moment donné à des complications implantaires biologiques ou mécaniques. Peu agréables pour le patient, ces dernières sont redoutées par le clinicien qui se retrouve souvent démuni face à ces situations parfois complexes. Grâce à l’évolution des connaissances et au recul clinique que nous possédons aujourd’hui, nous savons de mieux en mieux diagnostiquer ces complications et les prendre en charge rapidement avec des protocoles systématisés. De même, une meilleure compréhension des facteurs de risque permet de les anticiper, voire de les éviter. Le rôle du praticien est alors primordial dans la documentation et l’examen de son patient afin d’analyser les facteurs de risque potentiels. Ensuite, une planification adaptée puis un suivi régulier permettront de diminuer l’incidence des complications. Nous proposons ici une check-list pour le praticien, pointant à chaque étape du plan de traitement les éléments essentiels à évaluer afin de minimiser les risques de complications implantaires chez nos patients.
Dans la pratique quotidienne de l’implantologie orale, les complications implantaires représentent un événement relativement fréquent. Même si elles n’aboutissent que rarement à la perte de l’implant (0-8,3 % des implants posés [1]), cet événement reste néanmoins désagréable tant pour le patient que pour le praticien. Les implants étant liés à des structures prothétiques, chaque complication peut engendrer des frais conséquents induits par le temps consacré aux réinterventions (honoraires, frais de matériel, frais de laboratoire). Ces complications ont de ce fait un impact important sur la satisfaction des patients, leur qualité de vie et parfois même la relation de confiance avec leur praticien. Ainsi, l’analyse des complications liées aux implants dentaires apparaît comme un élément important permettant l’évolution des systèmes implantaires, la précision des indications, la révision des protocoles et l’amélioration du maintien à long terme des implants et de leurs suprastructures.
L’objectif de cet article est de permettre aux praticiens d’identifier les facteurs de risque à l’origine des complications implantaires afin les prévenir ou de les anticiper et, si celles-ci sont déjà présentes, de les diagnostiquer et les prendre en charge rapidement afin de limiter au maximum des destructions irréversibles.
Savoir distinguer un état de santé périimplantaire sain d’un état pathologique est indispensable. Une bonne santé péri-implantaire est caractérisée par l’absence d’érythème, d’œdème, de saignements et de suppuration au sondage (figure 1). Celle-ci peut également exister autour d’implants présentant un support osseux réduit [2] (figures 2 et 3).
Il existe deux états péri-implantaires considérés comme pathologiques : la mucosite et la péri-implantite. Ils sont définis comme des pathologies inflammatoires d’origine infectieuse associées à la présence d’une flore anaérobie Gram négatif [3]. Leur prévalence est de 19 à 65 % pour les mucosites et de 1 à 47 % pour les péri-implantites [1].
La mucosite est caractérisée par des signes cliniques manifestes d’inflammation avec des tissus mous péri-implantaires érythémateux, de consistance molle, et tuméfiés. Lors du sondage péri-implantaire, on constate une augmentation de la profondeur due à l’œdème, une diminution de la résistance des tissus et un saignement et/ou éventuellement des suppurations.
Radiologiquement, aucune perte osseuse supplémentaire n’est décelable après le remodelage osseux initial classique qui fait suite à la mise en place de la prothèse supraimplantaire [2].
La mucosite est le stade pathologique qui précède la péri-implantite. Son diagnostic et sa prise en charge rapide permettront de stopper son évolution. Si tel n’est pas le cas, une aggravation de l’inflammation avec une atteinte du tissu osseux sous-jacent s’installera, aboutissant à la péri-implantite.
La péri-implantite est caractérisée par une inflammation des tissus péri-implantaires associée à une perte progressive du support osseux.
Cliniquement le diagnostic peut être posé en cas de :
– saignement et/ou suppuration lors du sondage ;
– profondeur de poche > 6 mm (ou profondeur de poche augmentée par rapport à des examens antérieurs) ;
– perte osseuse > 3 mm (ou perte osseuse augmentée par rapport à des examens antérieurs) [2] (figures 4 et 5).
Tout changement au niveau des tissus péri-implantaires représente un signe d’alerte pour le praticien qui doit mettre en œuvre rapidement la thérapeutique adéquate.
Les maladies péri-implantaires sont des maladies multifactorielles et certains individus semblent être plus sujets à développer ces pathologies. Cette susceptibilité de certains patients est liée à l’existence de facteurs de risque généraux et locaux.
Les facteurs locaux vont impacter essentiellement la charge bactérienne et la pathogénicité de la flore péri-implantaire. Les facteurs de risque généraux vont plutôt affecter la réponse de l’hôte à l’infection.
Il existe aussi des facteurs extrinsèques au patient liés aux choix thérapeutiques du praticien, à sa technique opératoire et à la réhabilitation prothétique réalisée.
Tous ces facteurs ont un rôle synergique sur la réponse globale de l’hôte à l’infection bactérienne.
Le rôle du biofilm comme facteur étiologique primaire des pathologies péri-implantaires fait consensus aujourd’hui : les patients ayant une mauvaise hygiène bucco-dentaire ont 3,8 fois plus de risque de développer une pathologie péri-implantaire comparés aux patients ayant une bonne hygiène buccale [4].
Rôle du praticien. Tout doit être mis en œuvre pour que ce contrôle soit aisé pour le patient : accès facilité, matériel adapté, utilisation des brossettes inter-dentaires, conseils individualisés (figures 6 et 7).
Même si les études manquent encore concernant un lien direct de causalité, celles-ci tendent à démontrer que les patients parodontaux présentent 2,3 fois plus de risque de développer une péri-implantite, ce risque augmentant avec la sévérité des parodontites [5].
Rôle du praticien. Avant tout traitement, l’état de santé parodontal du patient doit être évalué. Un traitement étiologique efficace est entrepris si nécessaire afin de maîtriser totalement l’infection et retrouver une santé parodontale avant la mise en place d’implants. Le patient se doit aussi de suivre des séances de maintenance parodontale ; une faible implication de sa part peut laisser présager d’une motivation insuffisante pour la suite de son traitement.
Un haut niveau de preuve a été établi entre la régularité des séances de maintenance et le risque de péri-implantite. La littérature a montré que la prévalence des péri-implantites était multipliée par 2 chez les patients n’ayant aucun suivi durant les 5 ans suivant la pose de leur implant [6].
Rôle du praticien. Assurer un suivi régulier défini au cas par cas selon le profil de risque du patient. Un patient cumulant plusieurs facteurs de risque aura des intervalles de rendez-vous rapprochés. Le patient doit comprendre que ce suivi est très important pour le succès au long terme de son traitement.
Même si le niveau de preuve établi aujourd’hui entre tabac et péri-implantite reste faible, de nombreuses études ont montré une diminution du taux de succès et de survie des implants posés chez des patients fumeurs avec un risque plus élevé de complications biologiques [7]. Les patients fumeurs ont 3,6 à 4,6 fois plus de risque de développer des péri-implantites que les patients non-fumeurs [8].
Rôle du praticien. Proposer, lors de la prise en charge, des protocoles de sevrage et orienter les patients vers des médecins addictologues. Dans les situations très complexes avec un manque de motivation du patient, le praticien est en droit de refuser la chirurgie s’il juge que le succès thérapeutique peut être compromis.
Les niveaux de preuves scientifiques sont encore faibles et sans consensus concernant le lien entre diabète et maladie péri-implantaire (consensus Chicago 2018). Il apparaît que les patients diabétiques de type 2 non équilibré ont 2,7 fois plus de risque de développer une péri-implantite [9].
Rôle du praticien. Encourager le patient à mener un mode de vie « sain » favorisant la stabilité de son diabète, avec une alimentation équilibrée et un suivi médical adéquat. Il est préférable que le diabète soit maîtrisé avant la pose des implants.
C’est un constat fait ces dernières années par certains auteurs : les implants placés dans des sites avec des tissus mous épais (> 2 mm) ont une résorption osseuse crestale 2 à 5 fois plus faible que dans des sites avec des tissus fins [10]. Plusieurs revues systématiques rapportent également une relation entre l’épaisseur des tissus et la préservation de l’os marginal péri-implantaire [11, 12].
Rôle du praticien. Identifier le phénotype du patient. En présence de tissus mous fins, il est recommandé de passer par des techniques d’augmentation tissulaire.
L’absence de gencive kératinisée attachée autour des implants n’est pas considérée comme un facteur de risque direct de développer des mucosites ou péri-implantites, lorsque le contrôle de plaque est bon. Néanmoins, on considère qu’une hauteur de gencive kératinisée supérieure à 2 mm permet au patient d’effectuer un brossage efficace et moins douloureux. Elle améliore aussi l’herméticité de la muqueuse péri-implantaire, limitant sa mobilisation via des tractions musculaires et l’apparition de récessions [13, 14]. Une quantité inadéquate de gencive kératinisée est significativement associée à une augmentation de l’inflammation gingivale péri-implantaire [15] (figure 8).
Rôle du praticien. Évaluation de la quantité de gencive kératinisée. Si celle-ci est jugée insuffisante, elle peut être renforcée par des greffes épithélio-conjonctives à différentes étapes du traitement.
Des preuves existent suggérant que, lorsqu’une infection endodontique est présente sur la dent extraite à remplacer ou sur les dents voisines du site implantaire, l’implant est plus à risque de développer une lésion apicale.
Une lésion apicale implantaire est détectée dans 8 à 13 % des cas sur des implants remplaçant une dent avec lésion apicale. C’est le cas pour 25 % des implants ayant des dents voisines infectées endodontiquement [16].
Rôle du praticien. S’assurer que l’environnement du site implantaire et les dents adjacentes sont exempts de pathologies périapicales. Il est recommandé d’attendre au minimum 4 semaines de cicatrisation après un traitement endodontique avant de placer un implant et de maintenir une distance minimale entre un implant et l’apex d’une dent traitée endodontiquement [7].
Une implantation immédiate est possible suite à l’extraction d’une dent présentant une pathologie pe?ri-apicale si un nettoyage minutieux de l’alvéole avec un rinçage est réalisé. Si ce protocole strict est respecté, le taux de survie de ces implants est similaire à celui d’implants posés sur un site exempt d’infection préalable [17].
La présence d’excès de ciment dans les tissus péri-implantaires est fortement associée à la mucosite qui serait elle-même un facteur de risque pour la péri-implantite [18]. Difficilement détectables cliniquement et radiologiquement, les excès agissent comme un corps étranger et favorisent la rétention de plaque dentaire, induisant une inflammation des tissus péri-implantaires (figure 9).
Rôle du praticien. Favoriser les prothèses transvissées quand cela est possible. Ne sceller que lorsque le joint prothétique est accessible et assure une élimination correcte du ciment [19].
Les couronnes supra-implantaires ayant un profil d’émergence supérieur à 30° par rapport à l’axe de l’implant ont 2 fois plus de risque de développer une péri-implantite. Ceci s’explique par une difficulté d’accès à l’hygiène buccale [20].
Rôle du praticien. La structure prothétique supra-implantaire doit favoriser le contrôle de plaque et faciliter l’accès au nettoyage péri-implantaire.
La jonction pilier/implant est un site à risque important de percolation bactérienne et d’inflammation, favorisant ainsi une lyse osseuse péri-implantaire [21] (figure 10). L’objectif est d’éloigner cette jonction de l’os péri-implantaire, que ce soit horizontalement ou verticalement. Le concept de platform-switching crée un décalage horizontal du joint pilier/implant via l’utilisation d’un pilier de diamètre inférieur au diamètre de l’implant [22]. De même, les implants dits Tissue Level, de par leur conception avec un col trans-gingival, assurent un décalage vertical du joint pilier/implant (figure 11).
Ces deux systèmes montrent des résultats similaires concernant leur impact sur la stabilité de l’os péri-implantaire ; ils doivent donc être choisis en fonction de la situation clinique [23].
Rôle du praticien. Aujourd’hui, les recommandations tendent vers l’utilisation d’implants dits Bone Level à connexion interne de type platform-switching pour les réhabilitations prothétiques des secteurs esthétiques. Il est ainsi plus aisé de masquer le col grisé de l’implant en profondeur et de développer un profil d’émergence optimal de la restauration au travers de l’épaisseur des tissus mous. Pour les secteurs postérieurs, les implants de type Tissue Level seront préférés pour une question de résistance mécanique et de facilité d’accès à la connexion.
Le rôle de l’occlusion dans la perte osseuse péri-implantaire est souvent abordé dans la littérature. On parle de contraintes excessives s’exerçant sur la prothèse supra-implantaire et transmises à l’interface os/implant.
Les preuves scientifiques concernant son rôle dans la perte osseuse péri-implantaire sont encore limitées. Cependant, dans un environnement péri-implantaire inflammatoire, la surcharge occlusale pourrait être un facteur aggravant de la perte osseuse [24].
Rôle du praticien. Au moment de la planification, il faut diminuer la surcharge de l’interface os/implant en agissant sur des paramètres tels que le nombre et la répartition des implants, le design des structures prothétiques et le schéma occlusal afin d’obtenir une répartition favorable de la charge.
Le positionnement tridimensionnel d’un implant a un impact esthétique et fonctionnel sur le long terme. Il influence notamment la préservation des tissus durs et des tissus mous ainsi que la restauration prothétique finale. Un implant mal positionné possède un fort risque de développer une péri-implantite [20].
Rôle du praticien. L’implant doit être placé en fonction du projet prothétique établi. Une analyse des éléments anatomiques du site opératoire doit être effectuée avec notamment une imagerie 3D si nécessaire.
Tous les composants des structures implantoportées (implants, piliers, vis de connexion, prothèses) sont susceptibles de se fracturer [25]. Dans la littérature, il est très difficile d’obtenir des revues systématiques estimant les pourcentages d’échecs implantaires en raison de l’hétérogénéité des applications cliniques (prothèses fixes/amovibles, restaurations unitaires/ponts, extensions, etc.), de la variabilité de la durée de l’évaluation clinique et de la diversité des systèmes existants. Une revue n’incluant que des articles publiés après 2000 présente un taux de survie des implants de 98,1 % après une période d’évaluation de 5 ans [26]. Les taux de fracture implantaire sont de 0,08-0,5 % à 5 ans [26, 27] et de 1,8 % à 10 ans [27]. Les complications conduisant à la perte des implants sont donc majoritairement d’ordre « biologique ». Par ailleurs, les complications mécaniques impliquant des composants prothétiques sont souvent réparables ou conduisent à un remplacement de la structure prothétique.
Les complications mécaniques peuvent se subdiviser en 4 catégories : le dévissage des vis ou des piliers, les fractures des composants implantaires (implant, vis, piliers), les fractures d’armatures ou de céramique cosmétique (chipping) et les descellements des restaurations prothétiques (fracture du ciment de scellement).
Le dévissage des vis (ou piliers) est une complication fréquente rencontrée avec les reconstructions fixes sur implants avec une incidence annuelle de 1,82 % (1,22-2,73) et un taux de 8,7 % (5,9-12,8) à 5 ans [26]. Il apparaît que les vis de fixation subissent significativement plus de dévissage que les piliers implantaires destinés au scellement [26].
Afin de diminuer l’incidence de ces dévissages, il est impératif de mettre les vis en pré-tension. Les éléments ainsi connectés assurent un transfert optimal des charges occlusales de la couronne vers l’implant [28]. Chaque fabriquant définit des couples de serrage spécifiques qu’il faut impérativement respecter.
Rôle du praticien. En cas de dévissage, les patients se présentent avec une mobilité de la structure prothétique. Il est important d’agir rapidement pour des questions inflammatoires et surtout pour éviter une usure de la connectique interne de l’implant induite par la mobilité du pilier.
Protocole de fixation :
– réglage de l’occlusion et des points de contact ;
– première phase de vissage définitif au couple recommandé, puis fermeture provisoire de l’accès occlusal ;
– deuxième phase de vissage définitif au couple recommandé, puis fermeture définitive de l’accès occlusal (les deux phases sont espacées de 2 semaines).
La fracture d’un implant est la seule complication mécanique provoquant la perte définitive d’un implant. Avec une incidence annuelle de 0,02-0,11 % et un taux de 0,08-0,5 % à 5 ans [26, 27], elle est la complication mécanique la plus rare. La faible incidence des fractures et la diversité des paramètres à étudier rendent toute corrélation difficile ; il est donc recommandé d’évaluer le risque au cas par cas [29]. Ainsi, il apparaît que la localisation dans les secteurs postérieurs, les faibles diamètres implantaires (3,75 mm), la surcharge mécanique liée au design prothétique et les structures « vissées » sont les facteurs corrélés positivement avec l’incidence des fractures implantaires [30, 31] (figures 12 à 15).
Les implants en zircone présentent un taux d’échec précoce significativement plus important que les implants en titane (taux de survie à 1 an de 92 %) [32]. La présence de microcracks de surface induits par le processus de fabrication (usinage) est un élément qui augmente le risque de fracture [33, 34] (figure 16). Les implants en zircone de diamètre réduit ont un taux de survie très significativement inférieur à celui de leurs homologues en titane ; leur utilisation clinique n’est dès lors pas recommandée [34]. Il est à préciser que les implants en zircone sont actuellement majoritairement fabriqués en « une pièce » (monobloc implant + pilier) en raison des limitations techniques du matériau ; dans les systèmes « deux pièces », la présence d’une connectique interne fragilise beaucoup la zircone (figure 17).
Rôle du praticien. La fracture d’un implant conduit en principe à la dépose de l’implant. Dans le cas où l’accès à l’intérieur de l’implant est encore possible, l’utilisation d’un « tourne-à-gauche » est indiquée (figure 18a). Dans le cas contraire, l’utilisation d’un trépan sera nécessaire (figure 16c) : cette intervention très traumatique provoque une perte de volume osseux massive au niveau du site implantaire et complique ou exclut une pose d’implant ultérieure. Dans le cas où il existe une alternative prothétique, il peut être préférable de laisser le fragment d’implant fracturé en place (figure 12d).
Les fractures des vis et piliers présentent une incidence annuelle de 0,56 % et un taux de 2,8 % à 5 ans [26], statistique incluant tous les types de reconstructions prothétiques. Les vis de fixation subissent significativement plus de fractures que les piliers implantaires destinés au scellement [26].
Cliniquement, il faut considérer l’incidence négative que peuvent avoir les propriétés mécaniques des céramiques conjuguées à un diamètre réduit, notamment dans un concept de connexion type platform-switching, surtout en zone postérieure (figure 19).
Rôle du praticien. Si la fracture est « haute » (figure 20a) et que la vis est accessible, l’utilisation des ultrasons en sens anti-horaire est indiquée. Lorsque la vis casse « profondément ou dans le filetage » (figures 20b et 21) et que les ultrasons restent sans effet, il existe des kits comprenant une douille de guidage associée à un foret et un mini-tourne-à-gauche (figure 18).
La comparaison des restaurations sur implants entièrement céramique au gold standard céramo-métallique montre des taux d’échecs et de complications similaires pour les restaurations unitaires [35] mais significativement supérieurs pour les ponts réalisés entièrement en céramique [36]. Cela s’explique par la ténacité de la zircone 10 fois inférieure à celle des métaux [37], ce qui la rend beaucoup plus sujette à la propagation de fissures pouvant aboutir à des fractures. Ainsi, concernant la taille des connexions, on recommande une surface minimale de 6 mm2 pour les armatures métalliques et de 16 mm2 pour les armatures en zircone, qui sont par conséquent beaucoup plus volumineuses.
Les fissures apparaissent lorsque des tensions sont présentes dans l’armature. Ces tensions sont principalement causées par une insertion non passive de la restauration. Ce manque de passivité concerne surtout les ponts et est d’autant plus probable que la distance entre les piliers augmente (figure 22). Elle est principalement due à une imprécision de l’empreinte ou du modèle ainsi qu’à des points de contact trop forts, modifiant l’axe d’insertion.
Lors de l’utilisation d’implants à connexion de type cone-in-cone (figure 23a), il existe un risque d’enfoncement du pilier qui peut engendrer l’apparition tardive de zones de tension dans l’armature [38].
Rôle du praticien.
• Respecter les dimensions minimales recommandées pour le matériau choisi.
• S’assurer de l’insertion passive de la restauration, ne jamais forcer.
• Régler minutieusement les points de contact interproximaux.
• Pour les ponts, favoriser une connexion stable verticalement (flat-to-flat) (figure 23b).
La fracture de céramique cosmétique est la complication la plus fréquente avec 13,5 % d’incidence [39]. Elle est en partie expliquée par la faible sensibilité à la pression masticatoire au niveau des implants, 8,7 fois inférieure à celle des dents naturelles [40].
Une armature soutenant la céramique cosmétique permet de supporter la charge masticatoire (figure 24).
La relative faiblesse des céramiques feldspathiques explique également la fréquence du chipping. Il est primordial d’éviter toute source de tension dans la céramique en respectant les protocoles de fabrication.
Le réglage d’occlusion est primordial. Une céramique résiste beaucoup mieux lorsqu’elle mise en compression plutôt qu’en tension. Les contacts dans les zones de tension potentielles (périphérie de la table occlusale, crêtes a-proximales) doivent être évités (figure 25). Après le réglage, il faut rétablir un état de surface poli miroir [41]. Une surface présentant des aspérités est plus propice à l’apparition d’amorces de fissures.
Rôle du praticien.
• Design adéquat de l’armature.
• Réglage minutieux de l’occlusion et contrôles réguliers.
• Polissage miroir.
Si le chipping est la complication la plus fréquente, elle n’aboutit pas forcément à un échec de la restauration. En effet, en fonction de sa taille et de sa localisation, la zone de fracture peut être polie ou réparée avec du composite (figures 26 et 27).
Le concept de structures monolithiques est une approche actuelle pour éviter le chipping. Ces restaurations sont réalisées en une pièce dans un seul et même matériau, principalement du lithium disilicate ou de la zircone. La restauration peut être directement vissée dans l’implant (connexion céramique) ou être collée sur une base en titane (connexion métallique). La zircone, plus résistante que la lithium disilicate mais moins esthétique, semble être le matériau idéal. Le développent des zircones multicouches, plus transparentes dans la zone incisale, permet d’améliorer l’esthétique. Néanmoins, cette transparence s’accompagne d’une diminution non négligeable de la résistance de la zircone (figure 28).
Bien que prometteuse, cette approche monolithique n’a pour l’instant aucune validation scientifique in vivo. Il est important de bien respecter les indications fournies par les fabricants et de se limiter à des éléments de courte portée.
Le descellement est rarement critique et implique peu de coûts de réparation. Le respect de 2 principes de base en prothèse fixe classique, rétention et stabilisation, permet de limiter son incidence. Ces principes sont assurés par une hauteur suffisante du pilier implantaire et par une parfaite adaptation de l’armature. La stabilité rotationnelle des couronnes peut également être assurée en réalisant de grandes surfaces de contact avec les dents adjacentes. Lors du réglage de l’occlusion, il faut éviter les points de contact trop excentrés et en latéralité (figure 25).
Rôle du praticien.
• Vérifier l’adaptation et la stabilité des armatures lors des essais cliniques.
• Augmenter la rétention en sablant pilier et intrados.
• Utiliser un ciment adhésif seulement si un contrôle des excès de ciment est réalisable.
• Effectuer un réglage minutieux de l’occlusion.
Afin de déterminer si un patient est éligible pour un traitement implantaire, la difficulté réside dans la capacité à mesurer les risques de complications biologiques et mécaniques.
Du point de vue des complications biologiques, Heitz-Mayfield, et al. [42] ont développé en 2020 un outil d’aide au diagnostic à destination des praticiens appelé Implant Disease Risk Assessment (IDRA) qui permet d’évaluer les patients à risques de développer une périimplantite (figure 29).
Pour mesurer le risque d’apparition d’une complication mécanique, il sera demandé au praticien d’avoir une excellente connaissance du mode de fracture, des propriétés des matériaux et du comportement mécanique des connexions et des suprastructures.
Ensuite, une planification prothétique puis chirurgicale tenant compte des spécificités systémiques et locales de chaque patient sera établie. Après un assainissement de la situation, les procédures chirurgicales et prothétiques pourront être réalisées. Finalement, un suivi rigoureux et personnalisé sera effectué afin de prévenir l’émergence de complications ultérieures (figure 30).
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.