Clinic n° 04 du 01/04/2021

 

Revue de presse

Internationale

Charline CERVELLERA  

La surface des implants dentaires étant difficile à décontaminer, il est important de contrôler les infections péri-opératoires, autour des implants, afin de garantir leur ostéo-intégration.

L’utilisation des antibiotiques en implantologie est controversée et, à ce jour, il n’existe aucun consensus sur l’antibioprophylaxie ou l’antibiothérapie lors de la pose d’implants chez le sujet sain. Devant l’augmentation importante du nombre d’implants posés et la perte...


La surface des implants dentaires étant difficile à décontaminer, il est important de contrôler les infections péri-opératoires, autour des implants, afin de garantir leur ostéo-intégration.

L’utilisation des antibiotiques en implantologie est controversée et, à ce jour, il n’existe aucun consensus sur l’antibioprophylaxie ou l’antibiothérapie lors de la pose d’implants chez le sujet sain. Devant l’augmentation importante du nombre d’implants posés et la perte progressive d’efficacité des antibiotiques due aux résistances, l’objectif de cette revue systématique était d’évaluer si l’antibioprophylaxie réduit l’échec implantaire précoce et les infections post-opératoires chez le sujet sain bénéficiant d’une pose d’implant.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Cette revue de la littérature avait pour but de répondre à la question suivante : « Est-ce que l’utilisation des antibiotiques réduit à la fois le taux d’échec et les infections post-opératoires associées à la cicatrisation des implants chez les patients sains ? ».

Les critères PICO étaient les suivants :

– patient (P) : patients sains bénéficiant d’une pose d’implant ;

– intervention (I) : prise d’antibiotiques en pré-opératoire, en intra-opératoire, en post-opératoire ou en combinaison ;

– contrôle (C) : prise d’un placebo ou absence d’antibiotique ;

– résultats (O) : échec implantaire précoce (absence d’ostéo-intégration avec mobilité et/ou infection de l’implant nécessitant sa dépose dans les 6 mois post-insertion) et/ou infection péri-implantaire (toute complication incluant une suppuration, une fistule ou un abcès).

Une recherche électronique par mots-clés a été réalisée dans MED-LINE via Pubmed, CENTRAL (Cochrane Central Register of Controlled Trials), Scopus et les bases de données Web of Sciences, sélectionnant les études publiées entre janvier 1990 et juin 2019 qui ont été analysées par 2 examinateurs.

Les critères d’inclusion étaient les suivants :

– études cliniques randomisées ;

– un minimum de 20 patients inclus ;

– description détaillée de la prise d’antibiotiques.

Les critères d’exclusion étaient les suivants :

– études sur les mini-implants et/ou les mini-vis orthodontiques ;

– études sans placebo ou sans groupe contrôle « absence d’antibiotique » ;

– études incluant des patients nécessitant une antibioprophylaxie à cause d’une pathologie (endocardite infectieuse) ;

– études évaluant une antibiothérapie locale.

L’index de Higgins et le test de Chi2 ont permis d’évaluer l’hétérogénéité des études. Une synthèse quantitative des données obtenues a été réalisée. Le risque relatif et son intervalle de confiance de 95 % ont été calculés ; les différences entre les groupes ont été analysées en utilisant le test de l’inverse de la variance et une valeur de p > 0,05. Enfin, pour évaluer la puissance et ajuster les erreurs de types 1 et 2, une analyse séquentielle des essais a été réalisée.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Après sélection et évaluation des articles, 9 articles ont été retenus pour collection des données et analyse quantitative, incluant 1 984 patients et 3 588 implants au total, avec 885 patients (1 617 implants) n’ayant pas reçu d’antibiotique ou ayant reçu un placebo avant chirurgie et 1 099 patients (1 971 implants) ayant reçu des antibiotiques dont 791 patients (1 533 implants) ayant reçu une antibioprophylaxie (2 g d’amoxicilline) avant chirurgie.

Un échec implantaire précoce a été reporté chez 64 patients (71 implants) du groupe placebo/absence d’antibiotique et chez 20 patients (23 implants) du groupe avec antibioprophylaxie.

La méta-analyse et l’analyse séquentielle des essais ont été réalisées à l’échelle des patients et à l’échelle des implants pour l’échec implantaire précoce uniquement : à l’échelle des patients, l’échec implantaire est de 1,82 % (groupe avec antibiotique) contre 7,24 % (groupe placebo/sans antibiotique) ; à l’échelle des implants, l’échec implantaire est de 1,22 % (groupe avec antibiotique) contre 4,19 % (groupe placebo/sans antibiotique). Ces résultats montrent une différence significative dans la réduction de l’échec implantaire précoce associée à l’utilisation des antibiotiques (RR = 0,32, p > 0,001 à l’échelle des patients ; RR = 0,31, p > 0,001 à l’échelle des implants) et sont confirmés par l’analyse séquentielle des essais. Si la puissance à l’échelle des patients reste insuffisante pour tirer des conclusions définitives, celle à l’échelle des implants représente un niveau de preuve élevé.

Les données concernant les infections péri-implantaires n’ont pas pu être analysées car il n’existe pas de critères précis sur le diagnostic d’un site chirurgical infecté et les auteurs ont utilisé des critères différents. Malgré ses limitations, cette revue systématique de la littérature, avec méta-analyse et analyse séquentielle des essais, confirme que l’utilisation des antibiotiques en pré ou post-opératoire prévient l’échec implantaire précoce. La molécule de choix suggérée est la pénicilline et, en cas d’allergie, le choix d’un macrolide n’est pas recommandé en antibioprophylaxie à cause de son activité uniquement bactériostatique. En raison du nombre croissant de résistances aux antibiotiques, leur utilisation doit être limitée à des indications précises et des mesures d’asepsie strictes doivent être mises en place afin de prévenir les infections péri-opératoires. Lorsque des antibiotiques sont nécessaires, l’utilisation de probiotiques peut être recommandée pour limiter les effets indésirables. Enfin, cette étude suggère d’effectuer des études cliniques randomisées pour s’intéresser à la relation entre l’utilisation des antibiotiques et la perte osseuse marginale qui augmente le risque de péri-implantite.

Pertinence Clinique

Cette revue systématique de la littérature ainsi que d’autres publications récentes remettent en question les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (AFSSAPS, 2011) préconisant l’absence de prescription antibiotique pour la pose d’implants chez le sujet sain.

En gardant à l’esprit que les antibiotiques doivent toujours être prescrits avec précaution, et dans un souci d’exercer la chirurgie implantaire selon les données acquises de la science, l’antibioprophylaxie pré ou post-chirurgicale peut être bénéfique afin de réduire le risque d’échec implantaire précoce et d’augmenter les chances de succès des traitements implantaires chez nos patients.

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