Clinic n° 04 du 01/04/2021

 

Retraitement

Crina MOIS*   Christine SILVA**   Catherine BESNAULT***  


*Ancien AHU, Exercice libéral limité à l’endodontie, Paris
**Exercice libéral, Sucy-en-Brie
***MCU-PH, Hôpital Henri Mondor DIU d’Endodontie UFR Odontologie-Montrouge Université de Paris

En endodontie, la réintervention représente une part importante de l’activité clinique. Le choix entre retraitement orthograde et retraitement chirurgical doit être réfléchi pour chaque cas. Cet exercice intellectuel permet d’analyser les paramètres liés à la dent (restauration, ancrage, matériau, volume de la lésion, proximité de structures anatomiques complexes…) et ceux liés au patient (contexte médical, compliance, âge, anxiété, éventuel handicap…) en tenant...


En endodontie, la réintervention représente une part importante de l’activité clinique. Le choix entre retraitement orthograde et retraitement chirurgical doit être réfléchi pour chaque cas. Cet exercice intellectuel permet d’analyser les paramètres liés à la dent (restauration, ancrage, matériau, volume de la lésion, proximité de structures anatomiques complexes…) et ceux liés au patient (contexte médical, compliance, âge, anxiété, éventuel handicap…) en tenant également compte de nos propres compétences ou limites et de notre capacité à disposer d’un plateau technique adapté.

Les études comparant le taux de succès de ces deux techniques montrent des résultats statistiquement comparables dès lors que l’indication posée est pertinente [1]. La chirurgie endodontique, longtemps considérée comme un traitement de deuxième intention, doit être considérée aujourd’hui comme l’alter ego du retraitement orthograde.

Dans cet article, nous avons choisi d’illustrer les étapes clés du choix thérapeutique au travers de 4 cas cliniques. Ils seront exposés suivant un modèle identique mettant en avant les critères de décision thérapeutiques et l’évaluation de la faisabilité opératoire.

CAS N° 1

Anamnèse

Patiente âgée de 40 ans, en bonne santé générale, adressée pour le retraitement endodontique de la 36 en raison d’un traitement initial jugé non satisfaisant compte tenu du projet prothétique à venir.

La dent est asymptomatique et la patiente n’est pas en mesure de nous préciser l’ancienneté de son traitement endodontique, ni de nous fournir les documents radiographiques des traitements précédents.

Examen exo-buccal

L’examen clinique exo-buccal ne met pas en évidence de signes cliniques particuliers.

Examen endo-buccal

L’examen clinique endo-buccal révèle une restauration prothétique céramo-métallique, non étanche en distal, sans perte d’attache au sondage parodontal. Les tests de palpation/percussion sont négatifs et la mobilité est physiologique.

Examen radiographique

L’examen radiographique (radiographie rétro-alvéolaire 2D) (figure 1) nous confirme le manque d’étanchéité coronaire et met en évidence :

– la présence d’un ancrage radiculaire court de type screw-post dans la racine distale ;

– un traitement endodontique inadéquat (en longueur, nombre et densité) ;

– une lumière canalaire non visible dans les tiers apicaux ;

– une image radio-claire au niveau des deux premiers tiers de la racine mésiale ;

– une LIPOE latéro-radiculaire au niveau de la racine mésiale.

On note également la présence d’un bris d’instrument dans un des canaux mésiaux. L’examen complémentaire de type CBCT (radiographie volumique par faisceau conique) (figures 2 à 5) montre la présence d’un stripping dans le canal mésio-vestibulaire et d’une fausse route non perforante dans le canal mésio-lingual. Les canaux mésiaux se rejoignent dans le tiers apical présentant un seul foramen apical (figures 5 et 6).

Diagnostic

À la suite de l’analyse clinique et radiographique, le diagnostic de parodontite apicale chronique est posé. L’étiologie est considérée comme une infection intra-canalaire secondaire.

Décision thérapeutique

Le pronostic de ce cas est réservé (fausse route, stripping, instrument fracturé). Les facteurs décisionnels sont synthétisés dans le tableau 1.

Selon les standards de l’endodontie canadienne, l’analyse du cas appliquée à la thérapeutique par voie orthograde montre un risque élevé (figures 7 et 8). L’obtention d’un résultat prévisible reste un défi, même pour un praticien très habile (tableau 2).

Étapes du traitement

Le traitement est réalisé en deux séances.

La première séance a été dédiée à la dépose des éléments prothétiques, à la reconstitution pré-endodontique et à la révision de la cavité d’accès endodontique. Ces démarches nous ont permis d’avoir une vision optimale et un accès direct aux canaux avec la mise en évidence du stripping dans le canal mésio-vestibulaire et de la fausse route avec instrument fracturé dans la racine mésio-linguale.

La deuxième séance a comporté plusieurs étapes cliniques.

• Désobturation et mise en forme mécanique du canal distal.

• Dépose du fragment d’instrument (localisé dans la partie rectiligne du canal mésio-lingual) à l’aide d’un insert ultrasonique ET25®, Acteon.

• Après élimination des obstacles intra-canalaires, le tiers apical du canal mésio-lingual non traité a été renégocié et la perméabilité retrouvée sur tout le trajet canalaire.

• Mise en forme manuelle du tiers apical au niveau du canal mésio-lingual en raison de la courbure apicale.

• Mise en forme manuelle du canal mésio-vestibulaire afin d’éviter une sur-instrumentation au niveau de la paroi interne présentant un stripping.

• Ajustage des maîtres cônes à la longueur de travail.

• Désinfection finale avec solution d’EDTA 17 % et hypochlorite de sodium 2,5 %.

• Obturation par condensation verticale à chaud, descente en vague unique et remontée au thermo-compacteur (canaux mésio-lingual et distal), obturation avec MTA® du canal mésio-vestibulaire et obturation coronaire transitoire (figure 9).

Radiographie de contrôle post-opératoire

Le contrôle à 6 mois met en évidence une dent asymptomatique avec une cicatrisation de la lésion péri-apicale latéro-radiculaire d’origine endodontique. La reconstitution coronaire transitoire indiquée après le retraitement endodontique n’a pas été réalisée par l’omnipraticien référent (figure 10).

Discussion

Les difficultés cliniques rencontrées dans ce cas ont été nombreuses et il était essentiel de ne pas nuire davantage à cette dent, siège de plusieurs incidents iatrogènes.

La faible épaisseur des parois résiduelles de la racine mésiale, anatomiquement frêle, avec courbure et concavité non visibles à la radiographie impose dans ce cas un travail précis, guidé et sous contrôle visuel permanent [2, 3].

L’élimination des contraintes dans le tiers cervical des canaux mésiaux et le trajet canalaire plutôt rectiligne nous ont permis un accès direct et une gestion optimale du stripping, de l’instrument fracturé et la renégociation de la trajectoire canalaire.

À l’aide du microscope opératoire, une distinction entre la fausse route et la trajectoire canalaire, bloquée par le bris instrumental, a été possible. Afin de préserver au maximum les tissus restants et de prévenir une perforation, une tentative de by-pass du bris instrumental a été privilégiée dans un premier temps. Les procédures de dépose instrumentale peuvent parfois entraîner une perte considérable de la structure dentaire et des complications cliniques telles que des perforations radiculaires [4, 5]. Il est donc important d’évaluer l’impact de la dépose de l’instrument sur le pronostic afin qu’il puisse être comparé au risque d’endommagement impliqué.

La courbure importante et le faible diamètre canalaire dans cette portion du canal, non instrumentée, ne nous ont pas permis d’obtenir un by-pass, ce qui nous a contraint à la dépose du bris instrumental. Ce dernier, fracturé à la fusion des deux canaux mésiaux, bloquait également le passage dans la portion apicale commune par le canal mésio-vestibulaire.

Sa visibilité sous microscope ainsi qu’une analyse préalable du CBCT nous ont permis de réaliser une élimination dentinaire stratégique minimale et de procéder à sa dépose à l’aide d’un insert ultrasonique ET25 Satelec®, utilisé à puissance modérée. Le délabrement précédent, le trajet rectiligne du canal à ce niveau et sa position avant courbure ont également facilité sa dépose.

Au vu des courbures apicales, nous avons fait le choix de la sécurité pour la mise en forme des canaux mésiaux en travaillant en mode « manuel ».

La prise en charge du stripping a été favorisée par l’absence d’angulation canalaire au niveau de la perforation et par l’absence d’inflammation parodontale et de saignement abondant associés. Afin d’éviter une fusion importante de matériaux d’obturation dans la perforation et d’obtenir une étanchéité optimale, nous avons fait le choix d’obturer les deux tiers coronaires du canal mésio-vestibulaire avec du MTA®. Le développement des matériaux biocompatibles tels que le MTA® permet une étanchéité efficace des perforations latérales radiculaires et améliore le pronostic de ces cas [3, 6, 7].

CAS N° 2

Anamnèse

Patiente âgée de 31 ans, en bonne santé générale, adressée dans notre service pour le retraitement endodontique de la 36 à la suite d’un épisode infectieux. Le traitement initial date de moins de 2 ans. La patiente n’est pas en possession des documents radiologiques antérieurs.

Examen exo-buccal

L’examen clinique exo-buccal ne met rien en évidence.

Examen endo-buccal

L’examen clinique endo-buccal met en évidence une fistule vestibulaire en regard de la 36, dont l’ostium est localisé au niveau de la gencive attachée, non perméable au sondage, et une couronne céramo-métallique non étanche, sans perte d’attache au sondage parodontal. Le test de palpation est positif en vestibulaire, le test de percussion (axiale/transversale) est positif (gêne) et la mobilité est physiologique.

Examen radiographique

L’examen radiographique (radiographie rétro-alvéolaire 2D) (figure 11) nous confirme un manque d’étanchéité de la restauration prothétique, la présence d’un ancrage radiculaire de type inlay-core dans la racine distale, un traitement endodontique non satisfaisant en longueur associé à des images radio-claires péri-radiculaires.

Un examen complémentaire de type CBCT a été réalisé objectivant un canal distal oublié et une lésion inflammatoire péri-apicale d’origine endodontique avec fenestration de la corticale vestibulaire de la racine mésiale (figures 12 et 13).

Diagnostic

À la suite de l’examen clinique et radiologique, le diagnostic de parodontite apicale chronique fistulisée est posé avec une étiologie infectieuse secondaire.

Décision thérapeutique

La restauration prothétique non étanche et la présence d’un canal non traité ont été les paramètres de choix décisifs (tableau 3).

L’évaluation de la faisabilité du cas par voie orthograde selon les standards de l’académie canadienne d’endodontie nous situe dans un contexte préopératoire complexe avec des résultats non prévisibles même pour un praticien très habile (tableau 2, figures 14 et 15).

Étapes du traitement

Le traitement est réalisé en une seule séance avec plusieurs temps opératoires. La dépose de la restauration prothétique fixée et de l’inlay-core ainsi que l’amélioration de la cavité d’accès nous ont permis de mettre en évidence le canal disto-vestibulaire non traité. Cette étape a été suivie de la désobturation canalaire des autres canaux avec obtention de la perméabilité jusqu’aux apex, mise en forme des canaux, ajustage des maîtres cônes à la longueur de travail et obturation par condensation verticale à chaud : descente en vague unique et remontée au thermo-compacteur (figure 16).

Contrôle post-opératoire

Le contrôle post-opératoire à 1 mois met en évidence une dent asymptomatique et une cicatrisation de la fistule vestibulaire.

Le contrôle post-opératoire à 1 an révèle une absence de signes cliniques, une cicatrisation des lésions péri-apicales en cours mais également la présence d’une nouvelle restauration prothétique non étanche (figures 17 et 18).

Discussion

La présence d’une restauration prothétique non étanche et l’existence d’un canal non traité ont fortement contribué au choix d’un retraitement par voie orthograde.

La littérature souligne, dans les racines distales des molaires mandibulaires, la présence de deux canaux dans 30 % des cas avec une incidence des canaux oubliés de 23 % [8]. Il a été montré que le CBCT permet de détecter significativement plus de canaux que la radiographie péri-apicale : 40 % des canaux visibles en CBCT ne le seraient pas en radiographie conventionnelle [9].

La dépose de l’inlay-core, comportant un risque non négligeable de fissure/fêlure, a été réalisée par le fraisage de la reconstitution coronaire sous irrigation abondante et avec des aides optiques, selon une rainure vestibulo-linguale en son milieu jusqu’au niveau du plancher à l’aide des fraises trans-métal Dentsplay Sirona® (poire FG 19 mm). Leur long col nous a permis une meilleure visibilité et l’utilisation d’une pièce à main bague rouge (à 200 000 tours/minute, avec couple élevé) nous a aidé à garder une meilleure sensibilité tactile. Une fois ces deux portions indépendantes, un insert ultrasonique Universal Acteon® a été utilisé pour éliminer la partie mésiale. La portion corono-radiculaire distale a été ensuite réduite par fraisage et déposée à l’aide d’un insert ultrasonique ETPR Acteon® utilisé en contact avec l’élément prothétique et à puissance maximale.

Le recours à des aides optiques ainsi que l’irrigation constante avec utilisation des ultrasons associée à une réduction préalable du diamètre de l’ancrage par technique fraisée ont été les précautions mises en œuvre qui nous ont permis d’éviter le risque de fêlure radiculaire.

La prise en charge de la restauration coronaire ultérieure n’est pas toujours réalisée par le praticien ayant effectué le traitement endodontique. Comme c’est le cas ici, la cicatrisation de la LIPOE à 1 an est en cours mais, la nouvelle restauration coronaire n’étant pas étanche en distal, il y a un risque important de récidive et donc de revoir la patiente pour la même pathologie.

Un pronostic réservé post-traitement endodontique ne justifie pas un ajournement de la réalisation d’une restauration d’usage, seul témoin d’une étanchéité coronaire pérenne. La cicatrisation d’une LIPOE puis la pérennité du résultat sont obtenues par la qualité du traitement endodontique mais également par la qualité de la restauration coronaire. Salehrabi et Rotstein [10] soulignent que la persistance des restaurations coronaires provisoires ou l’absence de continuum corono-radiculaire post-traitement endodontique augmente significativement le taux d’échec thérapeutique.

CAS N° 3

Anamnèse

Patiente âgée de 43 ans, sans facteurs de risque médicaux mais présentant une intolérance à la pénicilline, adressée pour le retraitement de la 23. Elle présente une symptomatologie à la mastication et des épisodes infectieux à répétition depuis plusieurs mois. Le traitement initial de cette dent a été réalisé il y a 3 ans et la patiente est satisfaite de l’intégration esthétique de la reconstitution coronaire réalisée.

Examen exo-buccal

L’examen clinique exo-buccal ne met rien en évidence. Le visage de la patiente est symétrique sans tuméfaction.

Examen endo-buccal

La restauration prothétique de la 23 est adaptée, sans sur-contour et esthétiquement bien intégrée. Le biotype gingival est épais (figure 19).

Les tests à la palpation et à la percussion sont positifs au niveau de la 23 et négatifs au niveau des dents adjacentes et antagonistes. Le sondage parodontal de la 23 ne met pas en évidence de perte d’attache et la mobilité dentaire est physiologique.

Examen radiographique

L’examen radiographique 2D met en évidence un élargissement dans la zone apicale, une courbure radiculaire marquée, une obturation radiculaire non satisfaisante en longueur, une restauration prothétique adaptée et la présence d’un ancrage radiculaire de type inlay-core (figure 20).

La superposition des structures anatomiques rend la radiographie 2D insuffisante et indique la prescription d’un examen radiographique complémentaire (CBCT) (figure 21).

Diagnostic

À la suite de l’examen clinique et radiologique, nous pouvons poser le diagnostic de parodontite apicale chronique avec épisodes aigus et d’étiologie infectieuse primaire.

Décision thérapeutique

Les éléments issus de l’analyse clinique et radiographique nous ont permis d’établir les critères décisionnels synthétisés dans le tableau 4. Afin d’évaluer le degré de difficulté et les risques thérapeutiques de ce traitement par voie chirurgicale, nous nous sommes référés à la grille de l’Association canadienne d’endodontie (figure 22).

Le score obtenu est de 31, indiquant que le risque est très élevé. L’état pré-opératoire est très complexe et l’obtention de résultats prévisibles sera un défi, même pour un praticien expérimenté.

Étapes du traitement

• Anesthésie. L’utilisation de vaso-constricteurs contribue à l’hémostase lors de la phase chirurgicale. Une para-apicale au niveau des 22, 23, 24 et 25 et des rappels en palatin sont réalisés.

• Incision. Le tracé d’incision débute par la décharge en distal de la 25. Nous avons choisi de réaliser des incisions intra-sulculaires mais, dans ce cas, des incisions sous-marginales étaient aussi indiquées.

Élévation d’un lambeau de pleine épaisseur (figure 23).

Ostéotomie, résection apicale et curetage. L’ostéotomie et la résection sont réalisées à l’aide d’une fraise Zekrya chirurgicale montée sur turbine angulée à 45° (figure 24). L’élimination du tissu de granulation est réalisée à l’aide d’une mini-curette de Lucas.

• Préparation canalaire a retro. Nous avons utilisé les inserts AS 3D et 6D de chez Acteon® pour réaliser la rétro-préparation. Grâce à leur angulation, l’accès au canal est facilité. Cependant, la courbure radiculaire marquée n’a pas permis dans ce cas une rétro-préparation au-delà des 6 mm (figure 25).

• Obturation a retro. Séchage du canal à l’aide de pointes de papier stérile. Obturation du canal au TotalFill® RRM Fast set Putty® sur les 6 mm rétro-préparés (figure 26). Une fois l’obturation a retro réalisée, la crypte osseuse est curetée afin d’obtenir un caillot sanguin contenant les cellules pour la cicatrisation.

• Sutures. Elles ont été faites à l’aide d’un fil de suture résorbable 5/0 (Vicryl Rapide). Pour plaquer le lambeau et les papilles, des sutures suspendues ont été faites entre 22, 23, 24 et 25 et des points en O ont été faits au niveau de la décharge (figure 27).

• Radiographie de contrôle post-opératoire (figure 28).

Discussion

La dépose de la restauration prothétique, du fait de son étanchéité, de sa mise en place récente et de son intégration esthétique, est dans ce cas non recommandée. De plus, la dépose de l’inlay-core présente un risque de fêlure radiculaire non négligeable. La courbure canalaire d’environ 20° et la longueur radiculaire de 28 mm sont des facteurs qui rendent le retraitement par voie orthograde complexe et non justifié dans ce cas. Les risques liés à une microchirurgie endodontique sont ici minimes et représentés par la possibilité de développer une récession gingivale au niveau de la 23.

Les difficultés opératoires étaient prévisibles et concordent avec la grille de l’Association canadienne d’endodontie. Elles étaient principalement dues à la longueur et à l’angulation distale de la racine engendrant un réclinement haut du lambeau et un accès à l’apex complexe.

À l’heure de la dentisterie minimalement invasive, ce principe s’applique également à l’endodontie et doit être notre leitmotiv. Le retraitement par voie rétrograde s’avère ici être le traitement le moins invasif.

L’évolution des inserts, des matériaux d’obturation et des aides optiques tel le microscope ont permis de changer le paradigme de la chirurgie endodontique [11]. Il s’agit non plus de faire une simple résection apicale mais bien de réaliser un traitement ou retraitement endodontique par voie rétrograde.

La rétro-préparation est essentielle pour obtenir un résultat fiable et reproductible. L’objectif est l’élimination du matériau d’obturation et de la dentine infectée, la désinfection canalaire et l’aménagement d’un espace permettant une obturation étanche [12]. La Toronto Study indique que, lorsque le canal est préparé et obturé sur toute sa longueur, le taux de succès est de 100 % [13]. Des inserts de 9 mm de chez Actéon® peuvent nous aider à rétro-préparer jusqu’au tenon radiculaire lorsqu’il y en a un. Cependant, en fonction de l’angulation radiculaire, cet insert ne peut pas toujours être utilisé comme dans le cas présenté ci-dessus. L’angulation de la racine ne permettait pas une rétro-préparation « sûre » jusqu’au tenon radiculaire.

Cette thérapeutique est fiable et reproductible mais demande au praticien de s’équiper d’un plateau technique spécifique (inserts ultrasoniques diamantés, microscope opératoire, micromiroirs, micro-fouloirs adaptés pour la condensation du matériau d’obturation…) [14].

CAS N° 4

Anamnèse

Patient âgé de 58 ans, sans antécédents médicaux, adressé pour le retraitement endodontique de la 26. Au cours de l’anamnèse, le patient indique qu’une résection apicale a été réalisée il y a 3 ans. À ce jour, il présente des douleurs à la mastication et des douleurs spontanées depuis plusieurs semaines.

Examen exo-buccal

L’examen exo-buccal ne met rien en évidence.

Examen endo-buccal

Les tests de palpation et percussion sont positifs, sans perte d’attache au sondage parodontal et la mobilité est physiologique. En regard de la 26, une tuméfaction vestibulaire est présente, sans ostium fistulaire. La dent est restaurée par une couronne d’usage cliniquement satisfaisante (figure 29).

Examen radiographique

La radiographie rétro-alvéolaire 2D permet d’objectiver (figure 30) :

– une racine mésiale courte, réséquée, sans matériau radio-opaque dans le tiers apical ;

– une image radio-claire centrée sur la racine mésiale ;

– une couronne d’usage adaptée ;

– un ancrage radiculaire volumineux en palatin ;

– une obturation des racines distale et palatine non satisfaisante en longueur et densité (< 2 mm de l’apex radiologique).

Le CBCT met en évidence un canal MV2 non traité, une fenestration de la corticale vestibulaire en regard de l’apex mésial, un épaississement de la muqueuse sinusienne en regard de la dent et une résection bien nette (figure 31).

Diagnostic

Le diagnostic de parodontite apicale chronique associée à un abcès secondaire avec une étiologie infectieuse primaire est posé.

Décision thérapeutique

Les éléments issus de l’analyse clinique et radiographique nous permettent d’établir des critères décisionnels pour prendre notre décision thérapeutique (tableau 5). Comme dans les cas précédents, nous nous sommes référés à la grille de l’Association canadienne d’endodontie afin d’évaluer les risques liés à une réintervention chirurgicale (figure 32). Le score obtenu est de 42. L’état pré-opératoire est très complexe et l’obtention de résultats prévisibles sera un défi, même pour un praticien expérimenté.

Étapes du traitement

• Anesthésie. Une para-apicale au niveau des 24, 25 et 26 et des rappels en palatin sont réalisés.

• Incision. Le tracé d’incision débute par la décharge en distal de la 26 (figure 33). Nous avons choisi de réaliser des incisions intra-sulculaires.

• Élévation du lambeau. Le décollement de pleine épaisseur débute par les papilles de 24 et 25 et se poursuit en direction apicale en commençant par la jonction entre l’incision de décharge et l’incision intra-sulculaire de la 26 (figure 34).

• Curetage de la crypte osseuse. La résection avait déjà été faite au cours de la première intervention, 3 ans auparavant. Comme objectivé sur le CBCT, il n’y avait plus de corticale osseuse en regard de la racine mésiale. Un curetage de la crypte osseuse a été réalisé grâce à des mini-curettes de Lucas et de Gracey (figure 35).

• Rétro-préparation. Elle a été faite à l’aide des inserts AS 3, 6 et 9 D de chez Actéon® (figure 36).

• Obturation a retro. Elle a été réalisée au TotalFill® RRM Fast set Putty® (figure 37).

• Saignement de la crypte osseuse. La crypte osseuse est curetée afin d’obtenir un caillot sanguin et récolter les cellules de la cicatrisation dans ce site (figure 38).

• Sutures. Elles sont suspendues entre 24-25 et par des points en O au niveau de la décharge en distal de la 26 (figure 39).

• Radiographie post-opératoire (figure 40). À 10 jours, une petite récession gingivale est visible au niveau de la 26. À 1 mois, la tuméfaction vestibulaire a disparu. À 6 mois, la dent est asymptomatique et fonctionnelle.

Discussion

La réintervention par voie rétrograde est dans ce cas la thérapeutique la moins invasive permettant une économie tissulaire et d’éviter les risques de fêlures liés à la dépose de l’ancrage volumineux en palatin. De plus, la résection de la racine mésio-vestibulaire lors de la première intervention ayant créé un diamètre apical large, l’obturation par voie orthograde était rendue complexe.

L’étiologie de l’échec semble être l’absence de rétro-préparation et d’obturation apicale lors de la première intervention. Les études sur le sujet mettent en évidence que les taux d’échecs augmentent en absence d’obturation a retro et de rétro-préparation correcte [15].

Les taux de succès d’une microchirurgie à la suite d’un échec de chirurgie traditionnelle sont de 92,9 % [15]. Cette réintervention est donc fiable et reproductible.

En devenant microchirurgicale, cette intervention a pour but l’économie tissulaire tout en gardant les principes de l’endodontie. Dans ce cas, nous avons pu traiter la problématique du patient en étant le moins invasif possible grâce à un accès ponctuel et très précis au niveau de la racine mésiale, permettant par ailleurs des suites post-opératoires moins désagréables pour le patient.

Le choix du matériau d’obturation a retro peut se porter sur deux familles de matériaux : les ciments oxyde de zinc-eugénol (EBA ou IRM) ou les biocéramiques. Les taux de succès après une obturation aux biocéramiques sont compris entre 85 et 95 % [16].

Nous avons choisi d’obturer les canaux au TotalFill® RRM fast set pour ses propriétés bioactives permettant la régénération osseuse et la formation de cément mais également pour sa facilité de mise en œuvre clinique. La formule prête à l’emploi permet un gain de temps qui est un paramètre indispensable lors de microchirurgie endodontique. Sa consistance putty est idéale pour la condensation du matériau et sa prise est rapide (20 minutes).

Cependant, les études sur le sujet montrent qu’il n’existe pas de différence significative concernant le taux de succès entre les matériaux d’obturation a retro.

CONCLUSION

L’objectif de cet article était d’analyser et de pondérer les différents paramètres susceptibles d’influencer le choix de la voie d’abord du retraitement endodontique au travers de 4 cas cliniques.

L’évolution du plateau technique et des matériaux place aujourd’hui l’abord chirurgical sur la même marche que l’accès orthograde et ne lui laisse plus le second rôle.

C’est la précision de l’analyse pré-opératoire qui conduira au choix raisonné de la voie d’abord, adaptée à chaque cas clinique en accord avec le patient.

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Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.