Revue de presse
Internationale
La Covid-19 est une pathologie qui impacte nos vies personnelles et professionnelles depuis maintenant plus d’un an. Certaines études ont déjà montré que les professionnels de santé avaient un risque accru de contracter la maladie du fait de leur proximité physique avec leurs patients. De ce fait, il paraît logique que les chirurgiens-dentistes soient à haut risque, voire à très haut risque de présenter cette pathologie respiratoire en raison de leur travail...
La Covid-19 est une pathologie qui impacte nos vies personnelles et professionnelles depuis maintenant plus d’un an. Certaines études ont déjà montré que les professionnels de santé avaient un risque accru de contracter la maladie du fait de leur proximité physique avec leurs patients. De ce fait, il paraît logique que les chirurgiens-dentistes soient à haut risque, voire à très haut risque de présenter cette pathologie respiratoire en raison de leur travail sur la sphère buccale. Alors que nombre d’inconnues étaient présentes il y a un an lors de l’émergence de cette maladie, il est désormais possible d’analyser de manière rétrospective les données acquises avec le temps afin de mieux comprendre le SARS-CoV-2.
Plusieurs questions traversent nos pensées depuis plusieurs mois. La profession a-t-elle été plus touchée que les autres professions médicales ? Y-a-t-il des actes ou des spécialités plus à risque que d’autres de contagiosité vis-à-vis du virus SARS-CoV-2 ? Cette étude française, que nous résumons, est à ce jour la première à évaluer spécifiquement le risque de contracter la Covid-19 dans la profession de chirurgien-dentiste et à apporter des réponses aux questions formulées au paragraphe précédent que l’on se pose tous.
Cette étude vise à étudier l’impact de la Covid-19 sur la santé des chirurgiens-dentistes français et à identifier des facteurs prédisposants de contracter la maladie.
Cet article est une étude rétrospective fondée sur un questionnaire en ligne, diffusé entre le 1er avril 2020 et le 29 avril 2020. Ce questionnaire réalisé sur la plateforme Google Form a été diffusé spécifiquement aux chirurgiens-dentistes et aux assistantes dentaires par le biais du conseil de l’Ordre, des doyens d’université, de sociétés scientifiques ou par les réseaux sociaux professionnels.
À partir de ce questionnaire, des tests statistiques appropriés ont été réalisés pour explorer les indicateurs de risque associés à la Covid-19. Étant donné la méconnaissance de la maladie à cette période et la sous-détection par tests PCR liée à leur pénurie, deux indicateurs ont été sélectionnés pour déterminer le statut Covid-19 des participants : la confirmation par PCR de l’infection Covid-19 ou la présence d’une symptomatologie évocatrice. De plus, les symptômes rapportés par les patients infectés par la Covid-19 ont également été analysés afin de mieux préciser quels étaient les tableaux cliniques qui pouvaient être évocateurs de cette maladie.
4 172 dentistes et 1 868 assistants dentaires ont répondu à l’enquête, ce qui représente environ 10 % des professionnels de la santé bucco-dentaire français. Ce panel est représentatif de la profession dans sa composition (âge, sexe, type d’exercice).
La prévalence de la Covid-19, fondée sur un test laboratoire PCR positif, était similaire entre les chirurgiens-dentistes (1,9 %) et la population générale (2 %) au moment de la fin de cette étude. La prévalence de la maladie était inférieure chez les assistants dentaires (0,8 %) mais leur taux de test nettement inférieur à celui des chirurgiens-dentistes à la fin de cette étude suggère finalement une sous-détection des cas de Covid-19 dans cette catégorie professionnelle. Lorsque des corrections ont été effectuées a posteriori à l’aide de modèles prédictifs, il semble que, à cette période, il n’y avait qu’un cas de Covid-19 sur deux qui était avéré par test PCR dans la population des chirurgiens-dentistes et un cas sur trois détecté dans la population des assistants dentaires. Exercer la profession de chirurgien-dentiste (avant le premier confinement) n’a donc pas été montré comme augmentant la probabilité de contracter la Covid-19 dans cette étude.
Parmi les facteurs de risque explorés, les maladies rénales chroniques et l’obésité étaient corrélées à un risque accru de présenter un test PCR positif, alors que les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) et l’utilisation des transports en commun (alors que les masques étaient en pénurie) étaient associées à un risque accru de présenter une forme symptomatique de Covid-19.
L’analyse plus détaillée des résultats, dans les sous-catégories, a permis de mettre en évidence qu’avoir une pratique limitée à la parodontologie était associée à une probabilité plus élevée de présenter une forme symptomatique de la Covid-19. Ainsi, les instruments ultrasonores, utilisés par les parodontistes sur la plupart de leurs patients et générant des projections de salive et d’aérosols, sont fortement suspectés de majorer le risque de transmission du SARS-CoV-2.
La pratique de l’endodontie exclusive était associée à un risque plus faible de présenter un test PCR positif possiblement lié à l’utilisation d’un champ opératoire pour la réalisation des actes ainsi qu’à un plus faible nombre de patients. Concernant la réduction de l’activité imposée par les autorités lors du premier confinement, elle semble avoir eu un impact extrêmement favorable sur les diagnostics PCR de Covid-19 ainsi que sur les formes symptomatiques parmi les professionnels de la santé bucco-dentaire. Cela peut s’expliquer par la limitation des soins aux simples urgences ne pouvant être différées et à l’augmentation de la téléconsultation limitant drastiquement le nombre de patients consultés.
Enfin, une atteinte psychologique importante était à noter à la fin de cette étude dans le moral des professionnels de la santé bucco-dentaire.
Bien que les professionnels de la santé bucco-dentaire ne présentent pas un risque plus élevé que le reste de la population générale de développer la Covid-19, des indicateurs de risque spécifiques pourraient exister comme la pratique de la parodontologie (via une aérosolisation créée par les instruments ultrasonores). Enfin, cette étude a été réalisée au mois d’avril 2020 et ce risque a pu évoluer au cours de ces derniers mois.
Les résultats de cette étude permettent d’apporter un certain nombre de réponses ou de confirmations concernant les procédures mises en place pour se protéger professionnellement lors de la pratique de la médecine bucco-dentaire.
• Les mesures de protection « généralistes » utilisées quotidiennement avant la première vague (masque chirurgical, lunettes, gants) semblent avoir eu un impact protecteur dans notre environnement professionnel à risque.
• Les nouvelles mesures de protection obligatoires et plus spécifiques (utilisation de masques FFP2, surblouses, sur-chaussures, visières) ne peuvent que renforcer notre protection et ainsi limiter encore plus le risque de contamination professionnelle.
• L’aérosolisation semble s’affirmer comme une réelle problématique dans nos cabinets : ainsi, l’utilisation des turbines et des inserts ultrasonores devrait être limitée à un strict minimum à la lecture de cette étude.
• Réduire son activité en favorisant des séances de soins plus longues pourrait avoir un effet limitant sur le risque de contamination au cabinet dentaire.
La Revue de presse est coordonnée par
Philippe FRANCOIS
AHU en Odontologie conservatrice et Endodontie, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris
Ont collaboré à cette revue de presse :
Adrian BRUN
MCU-PH en Parodontologie, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris
Charline CERVELLERA
Spécialiste qualifiée en Chirurgie orale DDS Candidate 2021, University of California, Los Angeles
Philippe FRANCOIS
AHU en OCE, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris
Martin GAUDINAT
Interne DESCO, Hôpital Pitié Salpêtrière, APHP, Paris
Mathieu IZART
Attaché en OCE, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris
Marianne LAGARDE
AHU en Odontologie pédiatrique, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris
Matthieu MOULINIER
Exercice libéral limité à la chirurgie orale, Ermont
Alexandre PIERGA
Attaché en OCE, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris Exercice libéral privé, Paris 6e