Micro-chirurgie
Paul LACCOURREYE* Romain ORLU** Catherine BESNAULT***
*AHU, Exercice libéral à Paris.
**Ancien AHU, Attaché hospitalier, Hôpital Henri Mondor, Exercice libéral à Paris.
***MCU-PH, Hôpital Henri Mondor. DIU d’Endodontie, UFR Odontologie-Montrouge, Université de Paris.
En 2001, Choukroun et al. [1] ont mis au point le Platelet Rich Fibrin ou PRF. Inspiré du Platelet Rich Plasma ou PRP [2] développé en 1997 par Whitman, le PRF issu d’une seule centrifugation sans ajout de thrombine ou d’agent extérieur est un concentré plaquettaire autologue qui regroupe dans une seule membrane de fibrine l’ensemble des constituants favorables à la...
Le Platelet Rich Fibrin (PRF) développé dans les années 2000 par Choukroun et al. est un concentré plaquettaire autologue regroupant l’ensemble des constituants favorables à la cicatrisation. Son utilisation en microchirurgie endodontique est aujourd’hui de plus en plus répandue. Son adjonction au protocole habituel a pour objectif d’améliorer la vitesse de cicatrisation mais aussi les suites post-opératoires de nos patients. Les résultats dans la littérature restent néanmoins aujourd’hui très controversés concernant un potentiel apport du PRF. Au travers d’un cas clinique, cet article illustre l’utilisation et l’apport du PRF lors d’une chirurgie endodontique a retro sur une incisive latérale maxillaire droite.
En 2001, Choukroun et al. [1] ont mis au point le Platelet Rich Fibrin ou PRF. Inspiré du Platelet Rich Plasma ou PRP [2] développé en 1997 par Whitman, le PRF issu d’une seule centrifugation sans ajout de thrombine ou d’agent extérieur est un concentré plaquettaire autologue qui regroupe dans une seule membrane de fibrine l’ensemble des constituants favorables à la cicatrisation. Il correspond à un réseau tridimensionnel de fibrine enrichi en cytokines plaquettaires et leucocytaires. Il reproduit une matrice cicatricielle ad integrum. Ses avantages sont un protocole simplifié sans manipulation chimique du sang (ajout d’anticoagulant, de thrombine…), une origine purement autologue et un coût faible pour nos patients. Néanmoins, le suivi d’une formation spécifique ainsi que l’acquisition d’un matériel adapté sont nécessaires. Le rajout d’étapes complique et rallonge la séquence clinique sans garantie actuelle sur une amélioration de la cicatrisation. Enfin, l’apprentissage d’un geste clinique (la prise de sang) auquel nous ne sommes pas formés peut se révéler délicat.
Ces concentrés plaquettaires, d’abord utilisés lors de transfusions chez des patients souffrant de thrombopénie dans les cas d’aplasie médullaire ou de leucémie aiguë, ont ensuite vu leur utilisation s’étendre lors d’actes chirurgicaux. Dans le domaine de l’odontologie, l’utilisation du PRF est aujourd’hui étendue à un grand nombre de disciplines dont la chirurgie endodontique. Son taux de succès très élevé (91 %) a permis d’étendre ses indications cliniques.
La chirurgie endodontique est un acte invasif pouvant entraîner un inconfort post-opératoire. De plus, la cicatrisation osseuse peut, dans certains cas, ne pas avoir lieu et être remplacée par une cicatrisation fibreuse (figure 1).
Pour ces raisons, le PRF ne pourrait-il pas potentialiser la cicatrisation et les suites post-opératoires ? Le cas clinique suivant illustre l’utilisation et l’apport du PRF lors d’une chirurgie endodontique sur une incisive latérale maxillaire droite.
Un patient de 39 ans en bonne santé générale est adressé par son praticien pour le retraitement endodontique de la 12. À l’examen clinique, la dent est restaurée au composite, elle présente une mobilité physiologique et un sondage parodontal normal. L’examen des tissus parodontaux ne montre pas la présence de fistule vestibulaire ou palatine. Les tests de palpation vestibulaire et de percussion axiale sont positifs.
Le patient relate que le traitement initial date d’une dizaine d’années. Suite à un épisode douloureux il y a 1 an, un retraitement endodontique par voie orthograde a été réalisé. À ce jour, la dent est toujours symptomatique.
À l’examen radiographique rétro-alvéolaire 2D (figure 2), le traitement endodontique semble satisfaisant en longueur et densité. Néanmoins, une lésion péri-apicale d’origine endodontique est objectivée. L’examen radiologique tridimensionnel (CBCT) met en évidence la présence d’une importante lésion apicale s’étendant en direction palatine (figure 3). Au vu de l’ensemble des éléments et des antécédents de traitements réalisés, une chirurgie endodontique avec adjonction de PRF est décidée. Une prescription médicamenteuse pré-opératoire à commencer le matin de l’intervention (prednisolone, amoxicilline, paracétamol et bain de bouche antiseptique) est donnée au patient.
Avant l’intervention, une prise de sang permettant d’obtenir quatre tubes est réalisée. Les tubes sont ensuite centrifugés afin d’obtenir le PRF. Plusieurs protocoles impliquant une variation des temps et des vitesses de centrifugation sont décrits dans la littérature pour obtenir le PRF. Notre choix s’est porté sur une vitesse de rotation de 1 200 tours/min pendant 8 minutes permettant l’obtention de A-PRF (Advanced PRF pour sa plus grande concentration en monocytes). Le PRF obtenu est ensuite stocké sur une plaque de métal stérile permettant l’obtention de plug (figure 4). Un positionnement entre deux compresses stériles permet l’obtention de membranes. Suite à une anesthésie para-apicale (1/100 000) et un rappel palatin, un lambeau de pleine épaisseur de mésial de 11 à distal de 13 après incision intra-sulculaire et incision de décharge en mésial de 11 (dans le frein) est réalisé (figure 5).
Après mise en évidence de la fenestration de la corticale vestibulaire en regard de 12, cette dernière est élargie à l’aide d’une fraise boule carbure de tungstène montée sur contre-angle bague bleue. La lésion péri-apicale est curetée à l’aide de curettes de Lucas. La racine est ensuite réséquée sur 3 mm à l’aide d’une fraise Zekrya chirurgicale sur contre-angle bague rouge (figure 6).
Une rétro-préparation sur 3 mm puis 6 mm du canal est effectuée à l’aide des inserts de chirurgie endodontique AS3D et AS6D (Acteon). Un contrôle visuel à l’aide d’un micro-miroir permet de vérifier l’élimination complète du matériau d’obturation. Le canal séché est ensuite obturé sur 6 mm au ciment biocéramique TotalFill Putty RRM (FKG dentaire) (figure 7).
La crypte osseuse est alors comblée de PRF sous forme de plug, puis deux membranes de PRF permettant de recouvrir l’intégralité de la fenêtre osseuse sont ensuite positionnées en vestibulaire (figure 8).
Le lambeau est enfin suturé au fil 6.0 résorbable (points suspendus pour les papilles entre 11-12 et 12-13 et points en O pour la décharge) (figure 9).
Une radiographie rétro-alvéolaire post-opératoire permet de contrôler la qualité de la résection et de l’obturation a retro (figure 10).
Lors du contrôle à 6 mois puis à 1 an, la dent est asymptomatique. L’examen des tissus parodontaux met en évidence une cicatrisation gingivale de qualité sans récession. L’examen radiographique rétro-alvéolaire montre une cicatrisation osseuse de la lésion (figures 11 à 13).
Initialement, le PRF dénommé L-PRF pour sa forte concentration en leucocytes était obtenu à partir d’une centrifugation de 2 700 tours/min pendant 12 minutes. Les protocoles ont ensuite évolué. Le A-PRF et le A-PRF+ ont alors fait leur apparition avec pour objectif d’augmenter la teneur en leucocytes au sein de la matrice fibrinaire en diminuant la force centrifuge. Ghanaati et al. [3] dans leur étude montrent une plus grande concentration en leucocytes dans l’A-PRF par rapport au L-PRF, cette plus grande concentration en leucocytes le rendant plus actif dans la stimulation osseuse. Fujioka-Kobayashi et al. [4] observent quant à eux une augmentation de l’activité cellulaire des fibroblastes au contact du PRF. Une augmentation de 200 % de la migration cellulaire à 24 heures est observée pour le L-PRF et de 300 % pour l’A-PRF et l’A-PRF+. La variation des paramètres de centrifugation (vitesse et durée de centrifugation) en faveur du low speed concept (faibles vitesses de centrifugation) augmente la libération des facteurs de croissance et l’activité (différenciation et prolifération) des cellules fibroblastiques.
Dans le domaine de la chirurgie endodontique, plusieurs études dans la littérature se sont alors intéressées à l’apport potentiel du PRF. Deux paramètres principaux ont été évalués : la cinétique de la cicatrisation et l’amélioration des suites post-opératoires. Les résultats dans la littérature apparaissent contradictoires.
L’étude la plus récente de Soto-Peñaloza et al. [5] en 2019 ne montre pas de différence statistiquement significative concernant la perception de la douleur post-opératoire. Une différence statistiquement significative sur l’altération des activités de la vie quotidienne est objectivée. Pour les auteurs, l’utilisation de l’A-PRF+ sous forme de membrane lors d’une chirurgie endodontique constitue une méthode sûre et abordable améliorant le confort des patients.
Angerame et al. [6], dans leur étude-pilote en 2015 portant sur 11 patients, montrent une différence significative concernant la perception de la douleur post-opératoire après application de PRF sous forme de caillot dans la crypte osseuse. Cette dernière est réduite dans les premières heures post-opératoires. Concernant l’œdème post-opératoire, les résultats de leur étude ne montrent pas de différence significative.
Enfin, en 2018, l’étude clinique randomisée sur 50 patients de Meschi et al. [7] montre que l’application de L-PRF n’améliore pas de manière statistiquement significative le confort des patients (douleur post-opératoire, activités de la vie quotidienne, symptômes douloureux et prise de médicaments) après une chirurgie endodontique.
Dans la littérature, de nombreux cases reports illustrent l’utilisation de PRF au cours d’une chirurgie endodontique. Pawar et al. [8] montrent une cicatrisation complète à 8 mois d’une lésion péri-apicale sur une incisive centrale maxillaire (21) après obturation a retro sur 3 mm à la Biodentine et comblement de la crypte osseuse au PRF. Pour Singh et al. [9], il faut environ 6 mois pour une régénération complète de l’os lors d’une chirurgie apicale avec application du PRF. Ils observent que, sans PRF, le temps de régénération est en moyenne de 1 an. Néanmoins, une cicatrisation plus précoce n’est pas nécessairement le gage d’une cicatrisation plus complète. Au-delà de la vitesse de cicatrisation, le problème qui reste posé est celui du taux de succès à moyen et long terme.
De nombreux auteurs associent le PRF à un autre matériau en chirurgie endodontique. Shivashankar et al. [10] combinent le PRF à l’hydroxyapatite comme matériau de comblement de la crypte osseuse. À 2 ans, ils obtiennent une cicatrisation complète de la lésion. Pour les auteurs, l’association de ces deux matériaux répond le mieux aux 4 facteurs primordiaux dénommés PASS (P : fermeture primaire, A : angiogenèse, S : stabilité, S : sutures) à rechercher lors d’une cicatrisation osseuse.
Les résultats de ces cases reports montrent une bonne cicatrisation osseuse après mise en place de PRF en association ou non avec autre matériau. Cependant, l’association avec un matériau ayant un potentiel rôle ostéo-inducteur représente un biais important concernant l’évaluation propre de l’apport du PRF.
De plus, le volume initial du kyste, paramètre essentiel de la cinétique de cicatrisation, n’est pas pris en compte dans les cases reports. Enfin, la période de suivi est relativement courte (de 6 mois à 2 ans) et il n’existe aucune comparaison avec un cas témoin (sans PRF ni substitut osseux). Le protocole de certains des cases reports n’est pas en accord avec les données actuelles de la science : choix du matériau d’obturation a retro non adapté, absence d’obturation a retro, absence de résection apicale.
En outre, dans de nombreux articles, l’analyse radiographique est réduite à une radiographie rétro-alvéolaire. Vidhale et al. [11] diffèrent même le contrôle à 3 mois après la chirurgie par une radiographique panoramique. L’analyse pré-opératoire (par CBCT) permettant de mesurer le volume initial de la lésion et le contrôle 3D permettant d’objectiver son évolution ne sont quasiment jamais réalisés. C’est pourquoi ces cases reports ne permettent pas de conclure sur l’apport du PRF et sa systématisation lors d’une chirurgie endodontique.
Les études plus poussées avec un plus haut niveau de preuves scientifiques restent limitées. Karan et al. [12] en 2020, dans leur étude prospective randomisée standardisée portant sur 33 patients de 18 à 50 ans en bonne santé générale, ne montrent pas un apport statistiquement significatif du PRF. La rétro-préparation et l’obturation a retro constituent pour eux le facteur clé de la réussite d’une chirurgie endodontique afin d’assurer un nettoyage et une étanchéité apicale dès lors que cette dernière n’a pas été assurée par le traitement orthograde.
Angerame et al. [6] en 2020, dans leur étude pilote qui se fonde sur la classification de Molven et al., montrent une amélioration statistiquement significative de la cicatrisation osseuse à 2 et 3 mois post-opératoires grâce à l’utilisation du PRF. Ce dernier permettrait d’accélérer la cicatrisation dans les premiers mois post-opératoires. Dans cette étude, un contrôle radiographique à partir du 6e mois est réalisé afin d’objectiver une cicatrisation apicale, délai au bout duquel l’étude ne montre pas de différence significative avec et sans application de PRF.
Dans la plupart de ces études, les dents concernées n’étaient que des monoradiculées avec des lésions de petite taille. La corticale vestibulaire coronairement au défaut osseux, facteur prédictif primordial lors d’une chirurgie endodontique, était présente dans tous les cas. Dans ces situations cliniques, les études montrent des taux de succès élevés pour la chirurgie endodontique et la question de l’intérêt d’utiliser du PRF sous différentes formes (plug dans la crypte osseuse et membrane pour recouvrir la corticale vestibulaire) peut alors se discuter.
Le PRF, développé depuis les années 2000, a connu un essor grandissant dans le domaine odontologique. Dans le domaine chirurgical, il permettrait une amélioration du confort post-opératoire et une cicatrisation osseuse plus rapide. Son utilisation en chirurgie endodontique est de plus en plus répandue. De nombreux case reports, sans comparaison avec un cas témoin, montrent un potentiel effet positif sur la cinétique de cicatrisation osseuse. Les études avec un haut niveau de preuve scientifique sont quant à elles peu nombreuses et donnent des résultats contradictoires. Le PRF semble n’avoir qu’un effet restreint sur les lésions de faible volume. Il serait intéressant d’étudier son apport pour les lésions osseuses de volume important. En l’absence d’études de ce type, rien ne permet actuellement de conclure à un quelconque apport du PRF en chirurgie endodontique.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.