Réimplantation
Giulia ARCIDIACONO* Paul LACCOURREYE** Fleur BERES*** Romain ORLU**** Valentin MARCHI***** Romain Gabriel******
*AHU Paris, CES OCE, Master 1 Génétique Exercice libéral à Paris
**AHU Paris, CES OCE, Exercice libéral à Paris
***MCU-PH, Responsable du DIUE DIU d’Endodontie UFR Odontologie-Montrouge Université de Paris.
****Ancien AHU, Exercice exclusif en endodontie
*****Ancien AHU, Exercice exclusif en endodontie
******Attaché du DIUE, Exercice exclusif en endodontie
Dans l’article précédent, nous avons pu démontrer l’intérêt de l’auto-transplantation, technique endo-chirurgicale consistant à extraire la dent de son alvéole et à réaliser en extra-buccal la résection apicale, la désobturation et la ré-obturation a retro avant de réimplanter.
Cette technique a un taux de succès de 97 % à 6 mois et se stabilise à 80 % de succès à 2 ans, ce qui la rend intéressante lorsque le retraitement orthograde et/ou rétrograde a été un échec.
Pour illustrer notre propos, nous présentons deux cas cliniques d’auto-transplantation auxquels nous avons été confrontés lors de notre pratique hospitalière.
M. N. a été adressé à la consultation du DIUE en vue de la reprise du traitement endodontique de la 37 en octobre 2018 (figure 1). La dent présente alors des douleurs à la mastication, les tests de percussion et de palpation sont douloureux, un sondage ponctuel en face vestibulaire à 7 mm est observé (figure 2). La dent présente une mobilité physiologique. Un diagnostic de parodontite apicale aiguë est posé.
Le retraitement endodontique par voie orthograde est réalisé en mars 2019 : celui-ci s’avère complexe car le canal distal est très large et donc difficile à nettoyer correctement. L’anatomie canalaire de la dent semble présenter un canal C. L’obturation a été réalisée en technique monocone avec un ciment hydraulique (BioRoot® RCS, Septodont).
Le contrôle en octobre 2019 montre l’absence d’amélioration clinique, le patient décrit un épisode infectieux depuis la fin du traitement en mars. Le traitement est donc un échec.
La symptomatologie décrite par le patient et les tests cliniques n’ont pas changé. Ils se sont compliqués par la présence d’une tuméfaction vestibulaire au niveau de la gencive marginale (figure 3).
Plusieurs options thérapeutiques sont alors envisagées : deuxième retraitement orthograde, chirurgie apicale, extraction, extraction/auto-transplantation.
Le deuxième retraitement orthograde est écarté car il est peu probable que nous puissions faire mieux qu’il y a 6 mois. L’accès pour une chirurgie apicale de la 37 semble trop complexe.
Le patient étant très motivé et voulant garder à tout prix cette dent, nous lui proposons une extraction/auto-transplantation. Le traitement est accepté par le patient et une ordonnance lui est remise, prescrivant des antalgiques avec bain de bouche, brosse à dent chirurgicale et poche froide.
Voici le protocole que nous avons pu élaborer à partir de l’étude de la littérature et que nous avons appliqué pour tous les cas cliniques du DIUE.
• Mettre en place une antibioprophylaxie 1 heure avant le début de l’intervention, à continuer pendant 4 jours.
• Faire réaliser un bain de bouche à la chlorhexidine 0,2 % au patient.
• Réaliser une anesthésie locale, proscrire les anesthésies intra-ligamentaires.
• Décontaminer le sulcus à la chlorhexidine à 0,2 %.
• Mobiliser de façon douce la dent au davier pour éviter la propagation de fêlure et pour éviter une fracture radiculaire en limitant l’agression du cément et du ligament alvéolo-dentaire. À partir de l’extraction et jusqu’à la réimplantation, le temps total ne doit pas excéder 15 minutes. Éliminer à la précelle de façon délicate d’éventuels tissus de granulation fixés aux racines.
• Conserver la dent dans une solution qui respecte le pH et l’osmolarité du milieu buccal et maintenir la dent dans le davier qui l’a extraite pour préserver le ligament. En parallèle, cureter délicatement le tissu granulomateux apical (s’il existe) et rincer l’alvéole à la solution saline. Enfin, faire serrer le patient sur une compresse humide en bouche.
• Observer la dent au microscope à la recherche de fêlures ou fractures en la tenant par la partie coronaire exclusivement avec une compresse humide.
• Réséquer l’apex perpendiculairement à l’axe longitudinal de la dent à la turbine avec projection abondante de solution d’irrigation.
• Mettre en forme de façon rétrograde le long de l’axe longitudinal de la dent à l’aide d’instruments ultrasonores. Une fois réalisée la mise en forme, observer au microscope avec (selon les cas) application du bleu de méthylène à la recherche de fêlures/fractures.
• Sécher sommairement à la pointe de papier.
• Obturer avec un ciment tricalcique TotalFill® RRM Putty®
• Réimplanter la dent : aspirer le caillot sanguin formé dans l’alvéole en faisant attention à ne pas contaminer les parois alvéolaires. Réaliser une pression pour remettre la dent en place ; si une résistance est ressentie, le patient peut mordre sur la dent pour la remettre en place. Enfin, appliquer une pression digitale entre vestibulaire et lingual pour assurer la re-coaptation des tissus à la dent. Suturer (points en croix) pour stabiliser la dent réimplantée.
Ne pas mâcher sur la dent pendant 2 heures et prévoir une alimentation semi-liquide pendant 10 jours (figures 4 à 7).
Une fois la dent de M. N. extraite, un sillon vestibulaire entre ses racines mésiales et distales est objectivé au microscope : il pourrait expliquer le sondage ponctuel en face pleine de la dent. Il a donc été obturé à l’aide d’un CVI en parallèle du traitement classique décrit dans le protocole (figure 8).
Une fois la dent réimplantée, bien que sa mobilité soit très limitée, un point en croix est réalisé pour la maintenir en place avant le contrôle de cicatrisation à 1 semaine (figures 9 et 10).
Le patient est revu à 1 semaine pour déposer le point de suture. La mobilité était physiologique, aucune douleur n’a été ressentie par le patient pendant la semaine, une légère tuméfaction était apparue pendant 48 heures et s’était résorbée seule. Un carnet de contrôle est mis en place avec le patient à 6 mois et 1 an.
Le contrôle à 6 mois a été réalisé en juin 2020 : le patient ne présentait plus de douleur au niveau de la 37. Aucun abcès n’avait eu lieu pendant la période.
Les tests de percussion et de palpation étaient négatifs et la mobilité physiologique.
Une petite récession gingivale vestibulaire est apparue, rendant visible une partie du CVI présent dans le sillon vestibulaire.
La poche parodontale en face pleine de vestibulaire n’avait quant à elle pas disparu.
Une radiographie rétro-alvéolaire de contrôle a été réalisée qui semble montrer un début de cicatrisation osseuse. Un CBCT a été réalisé qui confirme un début de cicatrisation osseuse (figure 11).
Mme A, en bonne santé générale, est adressée pour le retraitement par voie chirurgicale de la deuxième molaire maxillaire gauche (27) (figure 12). La patiente relate un antécédent de traitement endodontique ayant entraîné une fracture instrumentale. La patiente a alors été adressée à un endodontiste exclusif pour envisager la dépose du bris d’instrument. Ce rendez-vous n’ayant pas permis la dépose de l’instrument, la patiente a été adressée au service d’endodontie de l’hôpital Henri Mondor pour envisager une chirurgie endodontique a retro.
À l’examen clinique, la dent est symptomatique. Les tests de percussion axiale et de la palpation vestibulaire sont positifs. La dent ne présente pas de perte d’attache au sondage, une mobilité physiologique et est restaurée transitoirement au CVI.
A l’examen radiographique rétro-alvéolaire, une image péri-apicale est mise en évidence. Les racines MV, DV et P sont obturées. Un bris d’instrument est objectivé dans la racine MV au niveau du tiers moyen empêchant la mise en forme, la désinfection et l’obturation du tiers apical. (figure 13).
L’examen CBCT met en évidence une lésion apicale englobant les trois racines (MV, DV et P) ; la corticale vestibulaire en regard de la lésion est intacte (figure 14).
Plusieurs options thérapeutiques sont alors envisagées : deuxième retraitement orthograde, chirurgie endodontique a retro, extraction, extraction/réimplantation.
Le deuxième retraitement orthograde est écarté car il est peu probable que nous puissions faire mieux que le premier spécialiste. L’accès pour une chirurgie apicale de la 27 semble trop complexe (orientation palatine de la dent qui nécessite de retraiter les trois racines et destruction de la corticale vestibulaire intacte).
La patiente étant très motivée et voulant garder à tout prix cette dent, nous lui proposons une extraction/auto-transplantation. Le traitement est accepté par la patiente et une ordonnance d’antalgiques, de bain de bouche, d’une brosse à dent chirurgicale et d’une poche froide lui est remise.
Après anesthésie para-apicale et rappel palatin, la dent est extraite de façon le plus atraumatique possible. L’alvéole d’extraction n’ayant pas été curetée, une compresse stérile est mise en bouche afin de la protéger.
La dent maintenue dans le davier est alors réséquée à l’aide d’une fraise Zekrya chirurgicale sur contre-angle bague rouge sans eau. Une irrigation externe à l’aide de sérum physiologique est effectuée pendant la résection (figures 15 et 16).
Une rétro-préparation des trois canaux (MV, DV et P) sur 3 mm puis 6 mm à l’aide des inserts AS3D et AS6D est réalisée (figures 17 et 18).
La dépose du bris d’instrument lors de cette rétro-préparation a pu être effectuée (figure 19).
Les canaux séchés sont obturés au ciment biocéramique TotalFill RRM Putty (figures 20 à 22). La dent est ensuite réimplantée. Cette dernière ne présentant pas de mobilité, aucun moyen de contention n’a été réalisé.
Une radiographie rétro-alvéolaire post-opératoire permet d’objectiver le bon repositionnement de la dent ainsi que la résection et l’obturation a retro (figure 23).
La patiente est revue en contrôle à 1 semaine : la mobilité était physiologique, aucune douleur ni gonflement n’a été ressenti par la patiente pendant la semaine.
Lors du contrôle à 6 mois, la dent est asymptomatique. L’examen des tissus parodontaux met en évidence une cicatrisation gingivale de qualité sans récession. L’examen radiographique rétro-alvéolaire montre une cicatrisation osseuse de la lésion (figure 24). Une réhabilitation prothétique de la dent à l’aide d’un overlay en céramique Emax a été réalisée par la suite.
L’auto-transplantation apparaît donc comme une technique endo-chirurgicale qui peut permettre la survie d’une dent sous réserve que cette technique complexe soit maîtrisée et appliquée uniquement lors de situations cliniques spécifiques (motivation du patient, racines fusionnées, échec thérapeutique).
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.