Clinic n° 04 du 01/04/2021

 

Revue de presse

Internationale

Mathieu IZART  

La question de l’efficacité et de la non-nocivité de l’anesthésie des molaires mandibulaires définitives en diagnostic de pulpite est un problème récurrent de l’exercice du praticien en odontologie. Dans le cadre d’une stratégie de conservation de la vitalité pulpaire, il est de plus impensable d’envisager une anesthésie intra-pulpaire. L’anesthésie en elle-même peut alors devenir un réel défi.À cette fin, de nombreux auteurs se sont interrogés sur les différents...


La question de l’efficacité et de la non-nocivité de l’anesthésie des molaires mandibulaires définitives en diagnostic de pulpite est un problème récurrent de l’exercice du praticien en odontologie. Dans le cadre d’une stratégie de conservation de la vitalité pulpaire, il est de plus impensable d’envisager une anesthésie intra-pulpaire. L’anesthésie en elle-même peut alors devenir un réel défi.À cette fin, de nombreux auteurs se sont interrogés sur les différents outils de l’arsenal thérapeutique qui permettraient d’améliorer la qualité de l’anesthésie.

• La technique permettant d’obtenir les taux de succès les plus élevés semble être l’association entre l’anesthésie régionale au foramen mandibulaire (ARFM) et soit une anesthésie locale (vestibulaire), soit une anesthésie intra-osseuse. Les résultats d’une telle technique semblent varier de 65 à 85 %. Une fois l’anesthésie labiale obtenue et si la sensibilité pulpaire persiste, le renouvellement de l’ARFM n’augmente pas le taux de succès. Une autre technique proposée consiste à combiner une ARFM associée à une anesthésie régionale au foramen mentonnier. Prises séparément, les deux anesthésies ont des taux de succès comparables mais leur action combinée semble augmenter sensiblement le taux de succès (70 à 80 %).

• Parmi les molécules d’anesthésie, l’articaïne semble être la molécule de choix, majoritairement parce qu’elle procure un délai de latence plus court, un temps d’anesthésie plus long et qu’elle nécessiterait moins d’injections. Ceci est sans doute dû à une meilleure diffusion de l’articaïne dans les tissus, du fait de son cycle thiophène. L’adrénaline, elle, n’est là que pour empêcher la diffusion de la molécule d’anesthésie et prolonger son effet, sans être responsable d’effets négatifs (ou très rares). Les différences de concentration n’apportent pas de changement d’efficacité.

• Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pris en pré-opératoire (400 mg, 1 heure avant) semblent augmenter le taux de succès de l’anesthésie.

Un consensus global sur la technique d’anesthésie de choix sur des molaires mandibulaires atteintes de pulpite n’existe pas encore. Cependant, au vu des résultats, on pourrait considérer que la technique la plus accessible et au meilleur rapport bénéfices/risques serait la suivante : une ARFM combinée à une anesthésie locale en vestibulaire qui se prolongerait par une anesthésie au foramen mentonnier, avec de l’articaïne 4 % adrénalinée au 1/100 000, si possible en prescrivant une prise d’ibuprofène 400 mg 1 heure en amont du soin et en attendant 15 minutes entre l’anesthésie et le début du soin. L’évaluation d’une telle technique n’existe cependant pas.

Devant ces résultats, une incertitude demeure. Au mieux, l’anesthésie des molaires mandibulaires aurait un taux de succès autour de 80 %. Est-il possible d’établir une méthode d’anesthésie qui garantirait un taux de succès de 100 % lors du traitement des molaires mandibulaires en pulpite ?

À cette fin, certains auteurs se sont penchés sur l’adjonction de nouvelles molécules dans la solution d’injection. Or, depuis quelques temps déjà, le sulfate de magnésium (SM) est utilisé dans le domaine médical pour l’anesthésie générale ou des anesthésies régionales. Il semble procurer des taux de succès comparables à celui d’autres molécules d’association (opioïdes entre autres), tout en nécessitant moins d’injection ; il garantit des suites post-opératoires plus douces (notamment en augmentant le temps post-opératoire de première prise d’antalgique) et ce sans montrer d’effet secondaire. Le SM joue en effet un rôle dans la modulation des influx neuraux, dans la diminution de l’excitabilité neurale et dans la modulation de l’inflammation.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Les auteurs de la présente étude se sont donc penchés sur l’effet du SM sur l’anesthésie des molaires mandibulaires en pulpite irréversible, dans une étude clinique prospective randomisée en double aveugle.

L’étude évalue le taux de succès de l’utilisation d’une solution de lidocaïne 1,8 % et adrénalinée au 1/88 000 par rapport à la même solution additionnée de SM (1 %). Deux groupes de 34 participants (statistiquement similaires) traités par deux endodontistes ont été constitués. L’anesthésie consistait en une simple ARFM. L’anesthésie labiale ayant été obtenue, le soin a été entrepris. En cas de douleur ressentie par le patient lors du soin (au-dessus d’un certain stade sur une échelle analogique), l’anesthésie a été considérée comme un échec.

RÉSULTATS ET DISCUTION

Les résultats rapportés sont de 53 % de taux de succès de l’anesthésie pour le groupe contrôle et de 82 % pour le groupe SM, le résultat étant statistiquement significatif (p < 0,001). Comme en médecine, le SM semble donc apporter une différence significative quant à l’efficacité de l’anesthésie. Certes, l’anesthésie ne se solde encore pas ici par un succès systématique. Cependant, quelques améliorations pourraient être apportées dans le design de l’anesthésie de cette étude car, comme vu précédemment, l’ARFM seule n’est pas l’anesthésie de choix dans ce cas de figure. De plus, il pourrait être intéressant de considérer d’autres facteurs que le simple succès de l’anesthésie.

Quand bien même l’adjonction de cette molécule seule ne permettrait pas de garantir le succès de l’anesthésie, elle semble tout de même apporter des avantages non négligeables pour des effets adverses pour l’instant inexistants : diminution de la quantité requise d’anesthésie, augmentation de la durée de son effet et diminution des douleurs post-opératoires. Le SM représente donc une alternative fiable, peu coûteuse, chimiquement stable en présence de la solution d’anesthésie et sans effets indésirables pour l’organisme.

Il pourrait donc être intéressant d’évaluer l’intégration de cette molécule dans les solutions d’anesthésies à usage dentaire, même au-delà de son utilisation pour le cas précis des molaires mandibulaires en état de pulpite.

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