PARODONTIE
Dossier
Elise AUBER* Marc SANTUCCI** Emmanuel BELHASSEN*** Marie-Laure COLOMBIER****
*Ancien AHU, exercice libéral limité à la parodontie à Saint-Germain-en-Laye.
**Ancien AHU, exercice libéral à Fourchambault.
***AHU, exercice libéral à Charenton-le-Pont.
****PU-PH. UFR Odontologie-Montrouge, faculté de santé, université de Paris. Service de médecine bucco-dentaire, hôpital Louis-Mourier AP-HP – Colombes.
Les récessions gingivales se définissent comme une migration apicale des tissus mous au-delà de la jonction amélo-cémentaire. Au maxillaire, la principale indication de traitement est l’esthétique alors qu’à la mandibule, la modification du phénotype gingival permet d’éviter l’évolutivité des récessions. L’analyse détaillée de la situation muco-gingivale et dentaire est un préalable indispensable pour définir les objectifs de traitement et choisir la technique chirurgicale appropriée.
Les récessions gingivales sont fréquentes dans le secteur antérieur mandibulaire du fait des conditions anatomiques (corticales osseuses fines, déhiscences osseuses, dents en vestibulo-position). Le praticien est donc amené régulièrement à proposer au patient une chirurgie plastique parodontale.
La classification de Chicago 2017 propose une approche diagnostique des récessions (figure 1) associée au phénotype gingival et à l’état de surface radiculaire (figure 2).
Elle se fonde sur la classification de Cairo (2011) [1] avec trois types de récessions dont le critère d’évaluation est la perte d’attache en vestibulaire comparée à la perte proximale.
Associée à la récession, l’épaisseur gingivale est prise en compte (fine ≤ 1 mm ou épaisse > 1 mm) de même que la hauteur de gencive résiduelle. Concernant l’état de surface dentaire, la visualisation de la jonction émail-cément et la présence d’une lésion cervicale seront appréciées.
Cette évaluation clinique permet de déterminer l’indication de thérapeutiques muco-gingivales en prévention de l’apparition de récession dans certains cas de gencive fine, comme en cas d’évolution d’une récession ou de doléances du patient (esthétique, hypersensibilité).
En rapport avec cette nouvelle classification, le pourcentage de recouvrement possible est d’autant plus faible que la classe augmente : ainsi, en comparaison avec la classification de Miller (1985) [2], un recouvrement complet est attendu dans les RT1 (classes I et II de Miller) ; il peut être obtenu pour les RT2 (classe III de Miller) en fonction de la perte tissulaire proximale ; dans les RT3 (classe IV de Miller), le recouvrement total n’est pas réalisable.
Le secteur antérieur mandibulaire peut être considéré comme délicat à gérer chirurgicalement car on y observe fréquemment une gencive fine avec des déhiscences osseuses, un vestibule étroit, des freins et brides et une musculature mentonnière tonique. La multiplicité des récessions complique la gestion des tissus mous et leur cicatrisation, avec des problématiques spécifiques : une surface avasculaire plus étendue – alors que l’apport vasculaire est plus limité du fait de l’étroitesse des surfaces osseuses interdentaires périostées – et de nombreuses variations anatomiques (figure 3).
La greffe épithélio-conjonctive (cas clinique A, figures 4 à 6) est la technique initiale conventionnelle de gestion des récessions mandibulaires. Elle répond parfaitement à l’indication d’un gain en hauteur et en épaisseur de tissu kératinisé et combine d’emblée la frénectomie et l’approfondissement du vestibule. Elle trouve toute son indication dans le traitement des récessions RT3 où le recouvrement n’est pas possible et où l’on recherche essentiellement un renforcement gingival.
En revanche, son potentiel de recouvrement radiculaire moyen est limité avec un taux de 43 à 53 % et un taux de recouvrement radiculaire complet de 8,6 à 11 % [3].
Cette technique est aussi décriée pour des résultats esthétiques insuffisants avec un aspect de « rustine » qui n’assure pas un bon fondu tissulaire avec les tissus mous adjacents contrairement à la greffe de conjonctif enfoui.
Néanmoins, sa mise en œuvre rapide et simple, contrairement aux techniques de lambeaux positionnés coronairement ou de tunnels avec greffon conjonctif nécessitant une courbe d’apprentissage plus longue, en fait une technique encore très largement répandue dans le traitement des récessions gingivales multiples à la mandibule.
La technique du tunnel (cas cliniques B, C [4], D [5] et E, figures 7 à 23) est une autre approche de la gestion des récessions gingivales multiples antérieures mandibulaires. Le tunnel avancé coronairement modifié [6] et le lambeau positionné coronairement modifié [7] offrent les meilleurs résultats en termes de taux de recouvrement radiculaire complet dans le traitement des récessions multiples [8]. Lorsqu’un potentiel de recouvrement est possible, la technique du tunnel est une approche chirurgicale fiable [9] et sécurisante face au risque de récessions profondes cachées difficilement détectables cliniquement.
Contrairement au lambeau positionné coronairement modifié, la technique du tunnel préserve les papilles interdentaires. La laxité du lambeau est obtenue par une dissection des fibres musculaires et conjonctives au niveau de la partie interne et superficielle du lambeau. Le greffon palatin est glissé dans le tunnel puis stabilisé par un jeu de sutures. Le lambeau tunnelisé est positionné coronairement par des sutures suspendues autour des points de contact.
L’évaluation de la perte d’attache proximale est utilisée dans la nouvelle classification pour déterminer le type de récession et pour prédire le recouvrement radiculaire. Les greffes de conjonctif enfoui associées à des designs de lambeaux mini-invasifs constituent une approche prédictible pour traiter les récessions antérieures mandibulaires.
Marie-Laure Colombier déclare des liens d’intérêts avec Procter & Gamble, les autres auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant cet article.