Prothèse
Implantaire
Pascal AUROY* Jean-Luc VEYRUNE**
*PU-PH, laboratoire de recherche clinique en prothèse odontologique, UFR d’odontologie, Unité fonctionnelle d’implantologie orale, Clermont-Ferrand.
**PU-PH, Centre de recherche en odontologie clinique, UFR d’odontologie, Unité fonctionnelle d’implantologie orale, Clermont-Ferrand.
L’empreinte en prothèse implantaire constitue toujours une étape délicate de la thérapeutique. En effet, les préparatifs sont longs, les matériels et matériaux mis en œuvre sont multiples, les difficultés techniques nombreuses.
Lorsqu’il intervient, l’échec est d’autant plus mal ressenti qu’il n’est pas toujours immédiat, donc identifié à temps. Il se découvre souvent après l’étape de laboratoire où les moulages sont traités avant de nous revenir pour...
Malgré le développement de l’empreinte optique, l’empreinte physico-chimique en prothèse implantaire reste toujours d’actualité. De nombreuses techniques ont été décrites mais rarement les principes mécaniques, physico-chimiques ou rhéologiques qui permettent leur compréhension. Nous nous attachons à décrire non seulement les deux grandes techniques d’empreintes implantaires mais aussi les porteempreintes, les matériaux et les transferts, dans leurs caractéristiques et leurs indications. Les points de faiblesse méconnus de ces techniques sont analysés et les moyens de les contourner sont clairement présentés. Enfin, les stratégies d’optimisation des techniques d’empreinte en implantologie sont proposées.
L’empreinte en prothèse implantaire constitue toujours une étape délicate de la thérapeutique. En effet, les préparatifs sont longs, les matériels et matériaux mis en œuvre sont multiples, les difficultés techniques nombreuses.
Lorsqu’il intervient, l’échec est d’autant plus mal ressenti qu’il n’est pas toujours immédiat, donc identifié à temps. Il se découvre souvent après l’étape de laboratoire où les moulages sont traités avant de nous revenir pour validation, voire à l’essayage des armatures.
Quelle qu’en soit la cause, ces aléas ont conduit à imaginer et mettre en œuvre des techniques d’empreintes, en principe plus fiables, censées réduire les échecs. Un ressenti souvent favorable, plus fondé sur l’impression que sur la preuve, les a fait accepter mais leur validité n’a pas toujours été évaluée et reste souvent très discutée [1, 2].
Que l’empreinte soit réalisée sur des piliers ou directement sur l’implant, il existe deux grandes techniques d’empreintes en implantologie.
– La technique pick-up, dite encore emportée, à ciel ouvert ou de ramassage, au Québec, parfois dite technique directe, mais cette dernière appellation issue de l’anglais est inadaptée en français.
– La technique pop-in ou repositionnée, à ciel fermé, clipsée, snap-on, twist-lock, ou technique indirecte, appellation également inadaptée.
Les objectifs de l’empreinte sont simples. Enregistrer la position relative de l’implant ou des implants entre eux et par rapport aux éléments périphériques : parodonte marginal, dents voisines, puis antagonistes. Permettre la réalisation d’un modèle de travail fiable pour fabriquer des superstructures prothétiques implantaires adaptées et passives.
En dehors du plâtre, très fiable dimensionnellement et dont les indications d’empreintes en implantologie sont limitées à l’empreinte pick-up d’arcade édentée, les matériaux d’empreinte sont soit des hydrogels, soit des élastomères (tableau 1).
Les hydrogels, représentés en odontologie par les alginates, ont des variations dimensionnelles trop importantes et une ténacité (résistance à la déchirure) trop faible pour être utilisés dans l’empreinte implantaire. En revanche, ils sont de bons candidats pour réaliser les empreintes des arcades antagonistes sous réserve qu’elles soient stockées dans une ambiance saturée d’eau sous forme vapeur (100 % d’hygrométrie) mais sans contact avec de l’eau liquide et coulées le plus rapidement possible. Les élastomères de silicone existent sous deux formes chimiques différentes en odontologie.
Les élastomères de silicone réticulant par polycondensation, facilement identifiables par l’adjonction d’environ 10 % de catalyseur dans une base de prépolymères, sont inadaptés car dimensionnellement instables. Seuls les polyvinyle-siloxanes, élastomères de silicone réticulant par polyaddition, présentent des caractéristiques de variation dimensionnelle, de reproduction des détails et de déformation qui les rendent aptes à satisfaire les objectifs de l’empreinte en implantologie. Facilement identifiables par des mélanges en proportions égales de catalyseur et de base de prépolymères, les polyvinyle-siloxanes sont des élastomères minéraux. En effet, ils sont basés chimiquement sur la cétone du silicium : la silicone (toujours au féminin puisque c’est une cétone). Ces élastomères de la silicone sont naturellement hydrophobes et présentent une forte énergie de surface qui les rend anti-adhérents par nature. Ils sont rendus hydrophiles par l’adjonction de surfactant et sont beaucoup plus stables chimiquement que les élastomères organiques (chimie du carbone) représentés par les polyéthers. Le traitement des empreintes peut donc être différé de 30 minutes à 30 jours [3, 4].
Les polyéthers sont des gels colloïdaux hydrophiles fournis en deux pâtes à mélanger, dont l’une contient la base et l’autre l’accélérateur. Ils sont commercialement représentés par l’Impregum distribué par la société 3M. Leur réticulation est inhibée par l’oxygène de l’air. Très hydrophiles, ils sont aptes à mouler des surfaces humides mais ils sont susceptibles d’être déformés par imbibition. Ils doivent donc être conditionnés dans une ambiance sèche présentant moins de 50 % d’hygrométrie et une température comprise entre 19 °C et 23 °C. En dehors des variations dimensionnelles, qui recommandent de couler les modèles entre 30 minutes et 24 heures, et d’une énergie de surface faible, qui les rend adhérents par nature, ils ont des caractéristiques physico-chimiques intéressantes qui sont heureusement complémentaires de celles des polyvinyle-siloxanes [4, 5] (tableau 2, vidéo 1).
Il doit être considéré comme le second (empreinte monophase) ou le troisième (empreinte en double mélange) matériau d’empreinte. Il a pour fonction de porter les matériaux d’empreinte en bouche, de permettre la désinsertion de l’empreinte et de maintenir les matériaux d’empreinte pour éviter leur déformation une fois l’empreinte réalisée. Qu’il soit individuel ou du commerce, il doit être parfaitement rigide et indéformable. Certains porte-empreintes du commerce en plastique ne sont pas suffisamment rigides et ne doivent pas être retenus (figure 1). En effet, le fond mais surtout les bords de ces porte-empreintes en plastique se déforment lors de l’insertion. Principalement, ils s’écartent sous la pression du matériau d’empreinte contraint entre l’intrados du porte-empreintes et l’arcade. À la désinsertion, la déformation se relaxe en comprimant le matériau d’empreinte et l’empreinte est irrémédiablement faussée. Il faut donc préférer les porte-empreintes les plus rigides et indéformables : individuels en résine, porte-empreintes métalliques du commerce éventuellement fenêtrés pour l’empreinte pick-up, à défaut porte-empreintes en plastique fabriqués par Bredent qui sont à notre connaissance les plus rigides du marché (figure 1).
Il faut aussi utiliser l’adhésif adapté au matériau d’empreinte pour tous les porte-empreintes, sauf ceux de type RimLock qui sont conçus pour fonctionner sans adhésif.
Si vous utilisez des porte-empreintes perforés, vérifiez bien que les excès de matériaux d’empreinte qui ont fusé à travers les perforations ne sont pas ressorties de ces perforations au cours de la désinsertion, auquel cas l’empreinte serait irrémédiablement déformée (figure 2).
L’empreinte globale est l’empreinte des dents ou des tissus mous adjacents ou éloignés sur l’arcade qui ne sont pas concernés directement par la reconstruction en cours. C’est-à-dire, tout ce qui ne constitue pas le ou les futurs modèles positifs unitaires sur lesquels la prothèse sera construite. L’empreinte globale peut être segmentaire, si elle n’intéresse qu’une partie de l’arcade, ou totale, si elle englobe la totalité de l’arcade. Contrairement à un abus de langage fréquent concernant les empreintes, globale n’est donc pas synonyme de totale.
La précision de l’empreinte globale est aussi importante que celle des modèles positifs unitaires. Il convient donc, au cours de l’empreinte, d’injecter les matériaux d’empreinte (vidéo 2). au contact des faces occlusales et axiales de toutes les dents. En effet, la prise d’empreintes met à profit les caractéristiques rhéologiques différentes de deux matériaux ; l’un fluide et très thixotrope (se fluidifiant sous la contrainte), permettant d’enregistrer avec précision les détails et d’investir la totalité des surfaces même en contre-dépouille, et l’autre plus visqueux, assurant la stabilité dimensionnelle du premier.
Le matériau visqueux n’a pas la capacité d’investir avec précision les faces occlusales et axiales des dents, de sorte que les surfaces moulées par celui-ci sont incomplètes et mal définies (figure 3). Par conséquent, sur le modèle, le profil de ces dents à l’émergence est illisible et des informations précieuses sont perdues pour le technicien qui devra reproduire sans indication le profil d’émergence de la dent à reconstruire [6]. De même, les faces occlusales n’étant pas moulées en détail, les matériaux d’enregistrement de l’occlusion – qui eux iront s’insinuer au fond des sillons sur l’arcade en bouche – ne pourront pas être repositionnés exactement sur un modèle où les sillons ne sont pas suffisamment anfractueux. Le transfert de l’enregistrement occlusal sur l’articulateur sera erroné et les rapports occlusaux faussés.
Elle se pratique avec un porte-empreintes fenêtré qui permet de dévisser les vis des transferts mis en place sur les implants et de les emporter avec la masse du matériau d’empreinte à la désinsertion. C’est la technique la plus fiable (vidéo 3), toujours indiquée par défaut quand le nombre d’implants entraîne un risque accru d’erreurs [7]. Les autres techniques viennent suppléer ses contre-indications qui sont rares : ouverture buccale limitée ne permettant pas de visser les transferts pick-up, transferts interférant entre eux ou avec les dents voisines, empreintes implantaire et dentaire dans le même temps nécessitant un porte-empreintes à ciel fermé, connexion interne profonde sur plusieurs implants divergents.
Sa mise en œuvre ne présente pas de difficulté majeure mais requiert d’être attentif à quelques points cruciaux.
La plupart des systèmes implantaires ne permettent pas de visser le transfert sur l’implant si le transfert n’est pas correctement engagé dans l’implant. Cependant, certains systèmes permettant toujours de visser un transfert dont la connexion n’est pas correctement engagée dans l’implant, il faut contrôler systématiquement la bonne adaptation du transfert sur l’implant.
Ce contrôle peut être visuel si la périphérie du col de l’implant ou du pilier est accessible, tactile en s’assurant avec une sonde de la bonne continuité entre le transfert et l’implant ou le pilier, radiologique si un doute subsiste. Il existe également une méthode mécanique peu décrite et cependant fort simple. Une fois le transfert en place et la vis de transfert serrée, il suffit de dévisser d’un quart de tour la vis et de saisir le transfert afin d’essayer de le faire pivoter sur son grand axe. Si la connectique du transfert n’était pas engagée dans l’implant, la rotation du transfert sera ample et il s’engagera automatiquement dans la connexion en rentrant plus profondément dans l’implant. Si la connectique du transfert a été bien engagée dans l’implant, vous ne percevrez qu’un faible jeu axial en rotation avec des butées franches sans engagement plus profond du transfert dans l’implant.
Une fois le positionnement du transfert validé sur l’implant et le porte-empreintes fenêtré essayé en bouche, il ne reste plus qu’à injecter méticuleusement le matériau d’empreinte au contact du transfert afin qu’il investisse bien la totalité de ses surfaces jusque dans les moindres recoins de ses rétentions. Cette précaution est nécessaire car le maillon faible de l’empreinte pick-up est la liaison physico-chimique de la surface du transfert avec le matériau d’empreinte et il ne faut pas, par négligence, limiter l’étendue de cette interface en créant des bulles ou des manques au contact du transfert (figure 4). L’étude récente de l’interface entre les transferts et les matériaux d’empreinte a mis à jour de nouvelles connaissances sur lesquelles nous allons nous attarder.
L’interface entre le matériau d’empreinte et la surface du transfert est très sollicitée : parfois, lorsque la connexion entre le transfert et l’implant résiste à la désinsertion de l’empreinte ; plus souvent, lorsque l’analogue d’implant est mis en place puis vissé sur le transfert.
Au cours de cette étape, réalisée en général au laboratoire de prothèse, la liaison entre le transfert et la masse du matériau d’empreinte est sollicitée en rotation sans beaucoup de précaution. En effet, à la fin du vissage, la tête de la vis de transfert engagée dans le pas de vis de l’analogue arrive en butée sur le corps du transfert. À cet instant, l’ensemble transferts/ analogue solidarisé par la vis transmet le couple de force appliquée sur la vis par le tournevis de l’opérateur à l’interface entre le matériau d’empreinte et la surface du transfert.
Or, il a été montré que la liaison adhésive qui unit la surface du transfert à celle du matériau d’empreinte se rompt pour de faibles valeurs de couple appliquées à cette interface [8]. Dans cette étude, pour le matériau d’empreinte polyéther, la rupture de la liaison adhésive apparaît dès 15 N.cm alors que, pour les matériaux polyvinyle-siloxanes, elle apparaît à 4,8 N.cm ou 8,7 N.cm selon les produits évalués. C’est bien peu car le couple de force exercé manuellement sur un tournevis implantaire tenu entre le pouce et l’index est de l’ordre de 15 N.cm. En pratique, le déplacement irréversible du transfert dans la masse du matériau d’empreinte se produit pour des sollicitations en rotation très faibles pour les polyvinyle-siloxanes (4 à 9 N.cm) et faibles pour les polyéthers (15 N.cm). Cette différence de résistance de l’interface entre la surface du transfert et le matériau d’empreinte à la contrainte s’explique par la nature adhérente des polyéthers et anti-adhérente des polyvinyle-siloxanes. De plus, la rotation, même minime, du transfert dans la masse du matériau d’empreinte n’entraîne pas uniquement une rotation identique de l’analogue sur le modèle par rapport à la position de l’implant en bouche. En effet, en même temps, d’autres déplacements sont observés en x, y ou z à cause des déformations complexes que subit le matériau d’empreinte à l’interface, lesquelles exercent sur le transfert des contraintes d’intensité, d’orientation et de relaxation aléatoires [8] (figure 5). La position de l’analogue par rapport à celle de l’implant est donc souvent affectée en rotation et en bascule dans toutes les directions. Dès lors, le modèle issu de l’empreinte sera erroné et les dispositifs d’indexation de la connectique sur le modèle et en bouche ne seront plus en phase. Il subsistera donc des inadaptations et/ou des contraintes résiduelles plus ou moins importantes susceptibles d’être tolérées, si elles sont faibles, ou délétères, si elles sont fortes. L’adaptation et la passivité sont perdues et les conséquences mécaniques sont immédiates – impossibilité d’insérer la prothèse – ou différées – dévissage, perte ou fracture de vis, fracture du pilier implantaire –, puis biologique – mucosite, péri-implantite et perte d’ostéo-intégration.
L’architecture des transferts pick-up doit permettre à leur interface avec les matériaux d’empreinte de résister aux contraintes de désinsertion de l’empreinte et de vissage de l’analogue. Leurs rétentions doivent être dessinées pour s’opposer à ces contraintes. Les matériaux dont ils sont faits devraient être choisis en fonction de leur énergie de surface qui devrait être la plus faible possible pour optimiser leur liaison avec les matériaux d’empreinte : alliage d’aluminium ou de titane plutôt qu’acier, jamais de plastique, surface sablée plutôt qu’usinée.
Les fabricants devraient envisager ce problème avec plus de considération. Une étude en cours dans notre laboratoire de recherche montre que, pour des implants de 4 mm de diamètre, la résistance à la rupture en rotation de l’interface entre transferts pick-up et polyéther pour 12 fabricants d’implants différents varie de 9 à 17 N.cm. Et les transferts pick-up dont l’architecture est la moins performante voient la rupture de l’interface intervenir dès 3 N.cm lorsque l’empreinte est réalisée avec des polyvinyle-siloxanes.
Afin d’améliorer la liaison adhésive entre le matériau d’empreinte et la surface du transfert, certains préconisent d’utiliser un adhésif. D’un point de vue chimique, cet adhésif (mal dénommé) tente de transformer la liaison adhésive à l’interface en une liaison cohésive (il faudrait donc l’appeler « cohésif » plutôt que « adhésif »). Hélas, la liaison entre l’adhésif et les surfaces est plus résistante que la ténacité de l’adhésif luimême qui se rompt dans sa masse pour des sollicitations en rotation inférieures à 4 N.cm quel que soit le matériau d’empreinte [8]. Badigeonner la surface du transfert avec de l’adhésif fragilise drastiquement l’interface des polyéthers et affaiblit légèrement celle des polyvinyle-siloxanes. Là n’est donc pas la solution.
Lorsque plusieurs transferts sont contigus, d’autres auteurs recommandent de les solidariser entre eux par de la résine avec ou sans renfort. Il faut alors utiliser des résines méthacryliques chémo-polymérisables fiables, garnir les rétentions des transferts en laissant un hiatus entre les masses de résine enrobant chaque transfert et attendre la polymérisation complète des masses de résine avant de les solidariser entre elles par un ultime apport de la même résine. Ce faisant, nous réduirons les contraintes inhérentes à la polymérisation de la résine qui, sinon, se libéreront à la désinsertion de l’empreinte en modifiant la position relative des implants entre eux. Cette technique, aux bénéfices très discutés, est chronophage et ne semble être pertinente que pour des restaurations de 4 à 6 implants contigus à hexagone externe [7].
– Utiliser impérativement un porte-empreintes fenêtré, rigide et indéformable.
– Privilégier la liaison adhésive entre la surface du transfert et le matériau d’empreinte. Donc privilégier des matériaux d’empreinte ayant une forte liaison adhésive avec la surface du transfert : les polyéthers. Les polyvinyle-siloxanes anti-adhérents par nature sont inadaptés à l’empreinte pick-up.
– Choisir les transferts dont les architectures et les caractéristiques de surface sont réellement optimisées pour l’empreinte pick-up et pas seulement inspirés par des considérations esthétiques ou commerciales.
– Injecter le matériau d’empreinte polyéther avec une seringue directement au contact de toutes les surfaces de toutes les rétentions du corps du transfert, sans oublier les faces vestibulaires des dents adjacentes et les faces occlusales de toutes les dents.
– Manipuler avec de grandes précautions l’empreinte pick-up lors de sa désinsertion puis avoir recourt à un étau ou une troisième main pour maintenir le porte-empreinte lorsque l’opérateur solidarise l’analogue au transfert. Cela permet de libérer les deux mains de l’opérateur : pendant qu’une main serre la vis de transfert, l’autre, en maintenant l’analogue, peut faire contre-couple et contrecarrer l’action du tournevis (figures 6 et 7).
– Appliquer le couple minimal nécessaire et suffisant à assurer la fixation de l’analogue sur le transfert pendant le traitement de l’empreinte (réalisation de la fausse gencive, coulée du modèle). Dans l’état actuel de nos connaissances, nous préconisons un couple de 5 N.cm. L’utilisation d’un tournevis dynamométrique et le maintien de l’analogue par la deuxième main permettent de respecter cette préconisation.
– Veiller également lors de la coulée du modèle à ne pas trop solliciter l’empreinte sur le vibreur car la mise en résonance de l’ensemble analogue/transfert peut également conduire à la rupture de l’interface transfert/ matériau d’empreinte.
Elle se pratique avec un porte-empreintes fermé. Les transferts vissés sur les implants restent en place et ne sont pas emportés par le matériau d’empreinte (vidéo 4). Elle est moins fiable que l’empreinte pick-up et donc réservée aux contre-indications de cette dernière [7].
La nécessité d’un porte-empreintes rigide et indéformable préconise l’utilisation de porte-empreintes métalliques préférentiellement non perforés donc de type Rim Lock sans adhésif. La mise en place du transfert sur l’implant requiert les mêmes précautions et contrôles d’adaptation que pour l’empreinte pick-up.
Le positionnement du transfert validé sur l’implant et le porte-empreintes essayé en bouche, il faut là aussi injecter méticuleusement le matériau d’empreinte au contact du transfert. L’architecture du transfert pop-in étant nécessairement moins anfractueuse et rétentive que celle des transferts pick-up, le matériau d’empreinte investit plus facilement la totalité de cette surface. Cette précaution importante doit être respectée car la remise en place de l’ensemble analogue/transfert dans l’empreinte, après sa désinsertion, sera d’autant plus précise que la totalité de la surface du transfert contribue à son repositionnement. De même, toutes les surfaces des dents adjacentes et les faces occlusales de toutes les dents de l’arcade doivent recevoir le matériau d’empreinte injecté à la seringue.
La particularité de l’empreinte pop-in réside dans la nécessaire rupture de l’interface entre la surface du transfert et le matériau d’empreinte au cours de la désinsertion, puis dans l’obligation de repositionner exactement le transfert muni de son analogue dans la masse du matériau d’empreinte avant la coulée du modèle. Cette désinsertion/réinsertion du transfert dans la masse du matériau d’empreinte doit être facilitée par les caractéristiques physico-chimiques du matériau d’empreinte et l’architecture du transfert.
Le matériau d’empreinte doit impérativement être élastique pour accepter les déformations inhérentes à la désinsertion du transfert et à sa réinsertion (déformation sous contrainte). Il doit récupérer l’intégralité de sa déformation élastique sans délai (déformation rémanente) et ne pas subir de déformation permanente. Au regard de ces considérations physico-chimiques, l’élastomère le plus adapté est le polyvinyle-siloxane (tableau 1).
Afin de faciliter la désinsertion et la réinsertion et d’éviter que le matériau d’empreinte adhérant à la surface du transfert ne soit déchiré par ces manœuvres, il faut que le matériau d’empreinte soit le moins adhérent possible à la surface du transfert. De ce point de vue également, les élastomères de silicone qui présentent une forte énergie de surface et sont donc anti-adhérents par nature sont les plus adaptés. Les polyéthers, qui sont plus sensibles aux déformations sous contrainte, les récupèrent moins bien et, étant adhérents par nature, sont inadaptés à l’empreinte pop-in pour laquelle nous préconisons l’usage exclusif de polyvinyle-siloxanes.
L’architecture et l’état de surface du transfert pop-in doivent également faciliter sa désinsertion et sa réinsertion. De ce point de vue, les fabricants nous donnent globalement satisfaction. Mais, dans le détail, subsiste un point crucial qui n’est pas toujours pris en compte : c’est la présence au sommet de la vis du transfert de la contrepartie en creux de l’extrémité du tournevis appelée « l’empreinte de la vis » (figure 8). Quelle que soit sa forme, elle est plus facilement envahie par le matériau d’empreinte, de sorte que, après la désinsertion, il subsiste, au fond de la forme en creux du transfert dans l’élastomère, le moulage en positif de l’empreinte de la vis. Or, la position relative des dispositifs anti-rotationnels du corps du transfert et celle de l’empreinte de la vis ne sont pas automatiquement corrélées. En effet, la position de la tête de la vis par rapport au plan anti-rotationnel du corps du transfert dépend du moment où la vis du transfert vissée dans l’analogue arrive en butée sur le corps du transfert. Ce n’est pas exactement la même position horaire lorsque la vis du transfert est vissée sur l’implant et lorsqu’elle est vissée sur l’analogue, notamment parce que le couple de serrage n’est pas nécessairement le même. Par conséquent, l’ensemble analogue/transfert/vis de transfert qui est réinséré dans le matériau d’empreinte ne retrouve pas exactement sa place car la tête de la vis n’occupe pas la même position par rapport au plan anti-rotationnel du transfert que celle qu’elle occupait lorsqu’elle était vissée sur l’implant et qu’elle a été moulée en bouche par le matériau d’empreinte. En général, le moulage en positif au fond du logement du transfert ne parvient pas à rentrer dans sa contrepartie en négatif sur la tête de la vis (l’empreinte de la vis). Le transfert ne peut pas reprendre la position qu’il occupait avant la désinsertion (figure 8). Parfois, le moulage positif et la contrepartie négative de l’empreinte de la tête de vis se remettent en place grâce à l’élasticité du matériau mais contraignent le transfert dans une position erronée. Dans les deux cas, le transfert est déplacé et, puisqu’il n’y a aucun moyen de le vérifier, le modèle de travail sera irrémédiablement faussé à l’insu des opérateurs.
Certains fabricants conscients de ce problème proposent des vis de transfert pop-in sans empreinte qui sont serrées manuellement ou avec une clé à tube lisse qui s’engage par friction sur la tête de la vis (Zimmer-Biomet, transfert d’empreinte twist lock pour implants Certain) (figures 9 à 12).
À défaut d’accastillage implantaire prenant en compte ce problème, il faudra obstruer l’empreinte de la vis avec de la cire après avoir mis en place le transfert en bouche, préalablement à l’injection du matériau d’empreinte. Puis, après la désinsertion, il faudra dégager la cire en bouche afin de pouvoir engager le tournevis pour libérer le transfert.
Enfin, sur les transfert pop-in de certains systèmes implantaires, nous avons pu observer que la remise en place du transfert dans la masse du matériau d’empreinte était perturbée par leur surface insuffisamment polie qui freine leur insertion et par l’emprisonnement d’air au fond du moulage. Contrairement aux transferts pick-up qui gagneraient à être sablés, les transferts pop-in doivent être systématiquement polis miroir afin de glisser sur la surface du matériau d’empreinte lors de leurs désinsertion et réinsertion. Le risque d’emprisonner de l’air au fond du moulage – interdisant alors aux transferts de reprendre leur place initiale dans la masse du matériau d’empreinte – peut être aisément contrecarré en déposant une goutte d’eau dans le moulage du transfert avant de réinsérer l’ensemble transfert/analogue dans l’empreinte désinsérée. L’eau prend la place de l’air, lubrifie l’interface entre le transfert et le matériau d’empreinte et sera complètement expulsée par le transfert grâce à l’énergie de surface élevée et la forte résistance à la déformation sous contrainte des polyvinyle-siloxanes.
– Utiliser impérativement un porte-empreintes fermé, rigide et indéformable.
– Privilégier des matériaux d’empreinte ayant une faible liaison adhésive avec la surface des transferts : les polyvinyle-siloxanes. Les polyéthers, trop adhérents, sont inadaptés à l’empreinte pop-in.
– Choisir des transferts pop-in dont la tête des vis est exempte de logement pour l’extrémité du tournevis.
– Injecter le matériau d’empreinte polyvinyle-siloxane avec une seringue directement au contact de toutes les surfaces du corps du transfert, les faces vestibulaires des dents adjacentes et les faces occlusales de toutes les dents.
– Veiller à ce que l’ensemble transfert/analogue soit bien repositionné dans le logement qu’il occupait au cours de l’empreinte, éventuellement en le remplissant d’eau.
Les empreintes physico-chimiques en implantologie sont désormais des techniques fiables si l’on utilise des porte-empreintes adaptés ainsi que des protocoles validés et que l’on respecte les caractéristiques physico-chimiques des matériaux d’empreinte.
L’empreinte pick-up est la technique de référence qui donne d’excellents résultats dans presque tous les cas pour peu qu’elle soit réalisée avec des porte-empreintes rigides ainsi que des élastomères polyéther et que les opérateurs cliniciens ou techniciens de laboratoire aient comprit l’importance de l’interface entre les transferts et le matériau d’empreinte et la respectent.
Aux limites des indications de l’empreinte pick-up se trouve l’empreinte pop-in. Moins fiable à cause des aléas du nécessaire repositionnement des transferts dans la masse du matériau d’empreinte, elle peut être néanmoins optimisée en utilisant les polyvinyle-siloxanes et en préférant des formes de transfert adaptées à ses spécificités.
Quelle que soit la technique d’empreinte, la qualité des transferts devrait être un critère de choix du système implantaire au même titre que les connectiques, l’architecture ou l’état de surface des implants.
De nos jours, l’empreinte physico-chimique en implantologie est concurrencée par les empreintes optiques, bien qu’il soit impossible de recommander l’une ou l’autre tant le niveau de preuve de leur efficience in vivo est faible [9]. Mais elle reste d’actualité pour les nombreux praticiens qui ne sont pas équipés de caméras.
Vidéo 1 Adhésion des polyéthers versus polyvinyle-siloxanes. bit.ly/3iLcSb9
Vidéo2 Malaxage des polyvinyle-siloxanes. bit.ly/3iLcSb9
Vidéo 3 L’empreinte pick-up. bit.ly/3iLcSb9
Vidéo 4 L’empreinte pop-in. bit.ly/3iLcSb9
Pascal Auroy déclare des liens d’intérêts avec Dentsply Sirona et Zimmer Biomet en tant qu’expert. Jean-Luc Veyrune déclare n’avoir aucun liens d’intérêts. Les auteurs déclarent que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts.