Chirurgie implantaire
Éléonore VALLERON* Simon GALAIS** Stéphane MILLIEZ***
*AHU, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Exercice libéral, Paris
**Exercice libéral, Nouvelle Calédonie
***PA, Hôpital Henri Mondor, AP-HP Exercice libéral limité à l’implantologie, Paris
Les patients présentant des édentements postérieurs anciens disposent d’une hauteur osseuse fréquemment limitée en dessous du sinus maxillaire ou au-dessus du canal mandibulaire. Des techniques de reconstructions osseuses verticales existent pour recréer des conditions anatomiques compatibles à la pose d’implants de longueur standard (10 à 15 mm) mais avec des suites postopératoires pouvant être importantes [1]. Depuis les années...
Les greffes osseuses verticales ont longtemps représenté l’option thérapeutique de référence pour le traitement de l’édentement partiel dans les secteurs postérieurs résorbés. Ces thérapeutiques invasives ont souvent des suites postopératoires non négligeables. Les patients sont aujourd’hui demandeurs de traitements plus rapides, moins coûteux et moins contraignants. L’utilisation d’implants courts (de longueur intra-osseuse inférieure ou égale à 8 mm) se dessine comme une alternative thérapeutique intéressante. Cette revue de la littérature, fondée sur les publications des 6 dernières années, relate l’état actuel des connaissances sur les implants courts. Sont-ils suffisamment fiables et pérennes afin de diminuer le recours aux greffes verticales ? Quels en sont les facteurs de succès et d’échec ? Les résultats sont-ils les mêmes pour le maxillaire et pour la mandibule ? Un cas clinique permet d’illustrer la démarche décisionnelle.
Les patients présentant des édentements postérieurs anciens disposent d’une hauteur osseuse fréquemment limitée en dessous du sinus maxillaire ou au-dessus du canal mandibulaire. Des techniques de reconstructions osseuses verticales existent pour recréer des conditions anatomiques compatibles à la pose d’implants de longueur standard (10 à 15 mm) mais avec des suites postopératoires pouvant être importantes [1]. Depuis les années 80, les implants de longueur réduite sont apparus comme une alternative à ces greffes osseuses. Les études les plus anciennes sur les implants dits « courts » étaient fréquemment associées à des taux d’échecs augmentés [2]. Nombre de praticiens étaient réticents à leur utilisation, notamment pour des raisons biomécaniques. Par transposition avec les concepts prothétiques dentaires prônant la nécessité d’un rapport couronne/racine dentaire maximum de 1/1, on a aussi considéré qu’un rapport couronne/implant (ou « C/I-R ») excédant cette valeur viendrait compromettre la pérennité de la restauration prothétique.
Une étude biomécanique publiée en 2003 a permis d’affirmer qu’une diminution de la longueur n’influençait pas les contraintes mécaniques transmises à l’implant, concentrées au niveau des 3 mm cervicaux [3]. Concernant les contraintes transmises à l’os, un implant court engendre moins de stress osseux [3], qui diminue d’autant plus en augmentant le diamètre de l’implant [4]. La géométrie de l’implant représente le principal paramètre biomécanique influençant [5]. En 2009, un groupe de consensus de l’Académie européenne d’ostéo- intégration a publié un article acceptant un C/I-R de 2/1 comme n’augmentant pas la perte osseuse crestale [6].
La revue systématique de la littérature de 2006 de Renouard et Nisand [2] nous fournit aujourd’hui un consensus sur la définition de l’implant court : l’implant court présente une longueur intra-osseuse inférieure ou égale à 8 mm. Cette définition a été largement reprise dans les publications dès lors. Selon les auteurs, 4 paramètres sont associés à des taux d’échec augmentés pour les implants courts et expliquent les mauvais résultats des études précédentes :
– l’utilisation d’implants à surface usinée ;
– les sites osseux de très faible densité et de volume réduit ;
– l’utilisation de protocoles chirurgicaux non adaptés à la densité osseuse ;
– un faible niveau d’expérience des praticiens.
Des implants de longueur encore plus réduite sont apparus, les implants dits « extra-courts » ou « ultra-courts », définis comme étant de longueur intra-osseuse strictement inférieure à 6 mm [7].
Aujourd’hui, est-ce que les implants courts, voire extra-courts, représentent une option fiable et pérenne permettant de diminuer le recours aux greffes verticales ? Quels sont leurs facteurs de succès et d’échec ? Existe-t-il une différence entre le maxillaire et la mandibule ?
Pour notre revue systématique de la littérature, nous avons utilisé les recommandations du groupe PRISMA [8]. Leur publication en 2009 dans PubMed a été référencée au 16 juillet 2018 plus de 33 000 fois (source PubMed). Les études incluses dans cette revue de la littérature devaient répondre aux critères suivants :
– études publiées à partir de 2012 ;
– études accessibles sur la plate-forme PubMed, avec un résumé correspondant aux critères IMRAD « introduction - matériel et méthode - résultats - discussion » ;
– études sur des sujets humains vivants ;
– implant court défini comme inférieur ou égal à 8 mm ;
– site d’implantation postérieur mandibulaire et/ou maxillaire ;
– prothèse implantaire fixée ;
– taux de survie clairement rapportés ou calculables à partir des données de l’article ;
– absence de conflits d’intérêt.
Deux équations de recherche ont été réalisées, en distinguant le maxillaire et la mandibule.
Au maxillaire l’équation était : « (dental AND short AND implant AND maxilla AND (posterior OR (crown-to-implant ratio) OR prospective OR graft)) ».
À la mandibule l’équation était : « (dental AND short AND implant AND mandible AND (posterior OR (crown-to-implant ratio) OR prospective OR graft)) ».
La sélection des articles a été réalisée selon les figures 1 et 2.
Nous avons trié les études en plusieurs catégories :
– les études longitudinales analysant des données sur les implants courts uniquement ;
– les études comparatives entre les implants courts et les implants standard en site greffé ;
– un pool d’études portant sur les implants extra-courts.
Les études analysent :
– les échecs implantaires et/ou prothétiques ;
– les complications biologiques et/ou prothétiques ;
– la MBL (Marginal Bone Loss) ou perte osseuse péri-implantaire : elle représente un facteur clé permettant d’évaluer la pérennité de l’ensemble implant/prothèse et donc le succès implantaire. Elle a été introduite par Albrektsson en 1986 puis modifiée par Zarb en 1993. Parmi les critères de succès d’un implant, on retrouve une MBL inférieure à 1 mm la première année, puis inférieure à 0,2 mm par an après 1 an de mise en charge [9] ;
– souvent, l’influence ou non du C/I-R sur cette MBL.
Les résultats des études ont été retranscrits dans les tableaux 1, 2 et 3.
Dans les études, le taux de survie et la MBL correspondent à la dernière mesure réalisée, avec le plus de recul. Pour certaines études longitudinales, le recul correspond à une moyenne calculée par les auteurs sur un pool d’implants analysés, de même que les taux de survie et la MBL correspondant. Pour les études comparatives, il a été indiqué si les différences étaient statistiquement significatives ou non.
La distinction entre le maxillaire et la mandibule a été faite quand les données de l’article permettaient de calculer les valeurs séparément.
Les greffes osseuses verticales permettent d’augmenter la hauteur osseuse disponible au-dessus des obstacles anatomiques principaux, le sinus maxillaire et le nerf alvéolaire inférieur, et sont utilisées pour permettre la pose d’implants de longueur standard.
Au maxillaire, les taux de survie d’implants standard placés dans des sinus greffés par voie latérale ou par abord crestal ont été rapportés par une revue systématique de la littérature publiée en 2013 par Del Fabbro et al. [34]. Sur les 6 500 implants standard placés dans des sinus greffés par abord latéral, le taux de survie implantaire était de 93,7 % au-delà de 3 années de mise en fonction. Concernant les 2 149 implants placés dans des sinus greffés par voie crestale, le taux de survie implantaire était de 97,2 %. À la mandibule, Elnayef et al. [35] ont publié en 2017 une revue systématique et une méta-analyse de 52 articles comparant les taux de succès, taux de complications et gains osseux moyens des principales techniques de reconstruction verticale mandibulaire, à savoir la greffe d’apposition verticale, la régénération osseuse guidée, la distraction osseuse et la greffe de bloc en inlay. Leurs résultats sont regroupés dans le tableau 4.
Ainsi, les greffes osseuses représentent une solution fiable avec un fort recul clinique de presque 40 ans. Cependant, ce sont des thérapeutiques qui engendrent pour le patient d’importantes suites postopératoires - telles que douleurs, hémorragies, hématomes, tuméfactions ou paresthésies - ainsi que certaines complications - comme par exemple les expositions de greffons et/ou de membranes, les résorptions osseuses ou les fractures osseuses - pouvant mener à leur échec [1]. Pour la plupart, ces complications rallongent la durée du traitement et en augmentent le coût. Par ailleurs, les greffes osseuses peuvent être contre-indiquées dans certaines situations, notamment en cas d’antécédents de pathologies sinusiennes, d’échecs de greffes ou de contre-indications à la chirurgie. Tous ces facteurs dessinent les indications des implants courts.
Lors de notre revue de littérature, deux types d’études ont été retrouvés, principalement longitudinales (tableau 1) et comparatives (tableau 2).
D’après les résultats du tableau 1, les 9 études longitudinales sur les implants courts nous rapportent des taux de survie de 90 à 100 %, acceptables et comparables aux taux de survie des implants standard placés dans l’os natif. La perte osseuse péri-implantaire (MBL) autour des implants courts est de 0,07 mm à 1,4 mm pour des périodes de suivi allant de 1 à 10 ans. Ces taux ont été retrouvés sur des implants à surface rugueuse, en concordance avec les conclusions de l’étude de Renouard et Nisand de 2006 [2].
Les 10 études comparatives analysées regroupées dans le tableau 2 sont pour la plupart des études contrôlées randomisées. Le groupe témoin correspond aux patients qui ont subi une greffe sinusienne par abord latéral au maxillaire et une apposition osseuse verticale à la mandibule avec un bloc osseux d’origine bovine puis, après un délai de cicatrisation respecté, la pose d’implants de longueur standard. Le groupe contrôle correspond aux patients ayant reçu directement des implants courts. Parfois, ces deux techniques sont réalisées chez un même patient édenté bilatéralement (split-mouth design), c’est-à-dire recevant d’un côté une greffe et la pose d’implant de longueur standard et de l’autre la pose directe d’implants courts, ce qui permet aux auteurs de faire des analyses dans des situations strictement comparables [19]. Ces études retrouvent des taux de survie des implants courts de l’ordre de 95 à 100 %, ne présentant pas de différence statistiquement significative par rapport aux implants longs. Seule une étude de Felice et al. [22] retrouve des résultats en deçà, que les auteurs expliquent par la pose trop supra-crestale de leurs implants, courts comme longs. La MBL autour des implants courts est acceptable, de l’ordre de 0,1 à 1 mm, sur des périodes de suivi allant jusqu’à 5 ans. Elle est toujours inférieure ou égale à la MBL des implants longs, et de manière statistiquement significative pour la moitié [19, 20, 22, 25, 28], que ce soit au maxillaire ou à la mandibule. Enfin, la plupart des études retrouvent des taux de complications plus faibles pour les implants courts [19, 20], dont certains de manière significative [22, 23, 25]. Cela s’explique par l’affranchissement des complications liées aux greffes mais aussi par la pose de ces implants courts dans des os natifs non greffés.
Une méta-analyse publiée en 2017 sur 983 implants chez 516 sujets, comparant des implants = 8 mm à des implants > 9,3 mm en site greffé, confirme ces résultats et ne retrouve pas de différences statistiquement significatives à 5 ans sur les taux d’échecs implantaires avec une MBL de 0,57 mm [36]. Les implants courts enregistrent 34 % de complications en moins par rapport aux longs. Le rapport couronne/implant (ou C/I-R) est calculé dans la plupart des études : elles n’ont pas mis en évidence d’influence avec la perte osseuse péri-implantaire [14, 37] ou le taux de survie [16].
Dans certaines études, les auteurs retrouvent même des valeurs de MBL significativement diminuées lorsque le C/I-R augmente. Ils amorcent comme explication que l’augmentation du C/I-R des implants courts pourrait contribuer à stimuler la formation osseuse péri-implantaire [38, 39].
Si le C/I-R ne semble pas jouer de rôle négatif sur la MBL, l’augmentation de la hauteur de couronne clinique, que les auteurs appellent CHS (Crown Height Space), indépendamment de la longueur implantaire, a été relevée comme un paramètre influençant la MBL [13]. La CHS, définie comme la distance entre la crête alvéolaire et le plan d’occlusion, agirait à partir d’un certain seuil comme bras de levier, augmentant considérablement les contraintes transmises au niveau du col implantaire et de l’os adjacent, que l’implant soit court ou long. Une CHS de 15 mm a été admise dans une conférence de consensus comme une valeur seuil représentant un risque d’échec à la thérapeutique implantaire [40], en concordance avec les études biomécaniques sur le sujet [41]. Avec les bons résultats obtenus sur les implants courts, les auteurs sont allés plus loin en développant des études sur des implants dits extra-courts (< 6 mm). Leurs résultats, retranscrits dans le , sont tout à fait prometteurs à court terme en termes de survie implantaire, de 91 à 97 % environ, sans différence statistiquement significative par rapport aux implants longs posés en site greffé. Les taux de complications sont plus faibles pour les implants extra-courts, et de manière statistiquement significative à la mandibule [32, 33]. La MBL autour des implants extra-courts est toujours inférieure à celle des implants longs, et de manière statistiquement significative dans les études les plus récentes [32]. L’augmentation ici extrême du C/I-R n’influence pas la perte osseuse péri-implantaire. Néanmoins, il n’existe que peu d’études à ce jour, le recul clinique est faible (de 1 à 5 ans) et ces implants ont tous été posés par une même équipe chirurgicale expérimentée, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions fiables. Les auteurs soulignent l’importance de la sélection du patient et d’un chirurgien expérimenté à la pose de ces implants. Les implants extra-courts pourraient être indiqués comme thérapeutique de compromis dans les cas de résorptions osseuses extrêmes ou lorsque les greffes osseuses sont compliquées ou contre-indiquées.
Les limites majeures des études de la revue de littérature sont les échantillons parfois faibles de patients inclus ainsi que le faible recul clinique. Celui-ci ne dépasse pas 10 ans et le questionnement principal est l’extrapolation des résultats à 15, 20, 30 ans, et même à toute une vie. Puisque la longueur de l’implant est diminuée, la perte de quelques millimètres osseux autour d’un implant court telle que défini par Albrektsson et al. [9] aura-t-elle des conséquences plus importantes que sur un implant plus long ? Les études à court terme existant aujourd’hui ne vont pas dans ce sens mais un suivi dans le temps est nécessaire pour tirer des conclusions sur la pérennité des implants courts, et notamment la MBL.
Certaines études non retenues dans notre revue de littérature vont plus loin puisqu’elles comparent les résultats des implants placés dans des os pouvant recevoir des implants standard mais sur lesquels les auteurs ont choisi de poser des implants courts d’un côté et standard de l’autre. À 5 ans, les auteurs ne retrouvent pas de différence significative en termes de MBL et de taux de survie implantaire [42, 43]. L’intérêt d’un tel traitement réside dans la possibilité de réintervention et de préservation du capital osseux : en cas d’échec, la dépose sera plus aisée après la perte d’un implant de 4 mm que de plus de 8 mm, et les auteurs ont réalisé parfois la pose d’un nouvel implant dans la même séance clinique [31].
De ces études nous pouvons lister les avantages et inconvénients des implants courts, regroupés dans le tableau 5.
L’analyse des articles nous a permis de faire ressortir certains critères participant aux succès des implants courts. Ceux-ci permettent notamment de relever des différences entre le maxillaire et la mandibule.
Le paramètre clé d’échec ou de réussite des implants courts est la stabilité primaire. Elle est garante d’une bonne ostéo-intégration et dépend d’une conjoncture de plusieurs facteurs, notamment de la densité osseuse [44].
À la mandibule, l’os est en général de type II ou III selon la classification de Lekholm et Zarb mais l’os du maxillaire postérieur est un os de faible qualité (III, voire IV) [45]. En 2006, das Neves et al. [46] ont étudié 33 articles sur les facteurs d’échecs des implants courts. Sur les 9,7 % d’échecs implantaires recensés pour les implants courts de 7 mm, plus de la moitié (54,9 %) est survenue avant la mise en fonction et un quart durant la première année suivant la mise en fonction. Deux tiers des échecs étaient associés à un site implantaire de faible densité osseuse, avec une majorité d’implants perdus au niveau du maxillaire édenté. L’association d’implants courts et d’os de faible qualité serait responsable d’une diminution de la stabilité primaire et donc d’un taux d’échecs primaires augmenté [2]. Nunes et al. [37] ont aussi rapporté que les échecs sur les implants courts étaient généralement précoces et viendraient d’un défaut d’ostéo-intégration dû à une mauvaise préparation chirurgicale. L’analyse rigoureuse du CBCT permet d’évaluer la densité osseuse avant la pose des implants afin d’adapter le traitement et de repérer d’éventuelles contre-indications à la pose d’implants courts dans des sites de trop faible qualité osseuse [47]. D’un point de vue chirurgical, aucun consensus n’a permis de dicter un protocole de forage à suivre pour les implants courts, qui dépend souvent des chirurgiens réalisant les études. Néanmoins, nous retenons 2 critères communs essentiels lors de la préparation chirurgicale : la nécessité d’un sous-forage adapté à la densité osseuse, afin d’obtenir une bonne stabilité primaire [37], et l’utilisation précautionneuse de butée, pour sécuriser le forage en profondeur et éviter de l’ovaliser [32]. Si plusieurs auteurs ont rapporté la pose d’implants plus courts dans les cas d’échecs de greffes ou de gain osseux trop faible pour permettre la pose d’implants standard [31, 32], celle-ci ne doit pas se faire aux dépens de la stabilité primaire de l’implant court. Placer un implant court dans un forage prévu pour un implant plus long entraîne des taux d’échecs beaucoup plus importants [2].
La pérennité de l’ensemble implant court/ prothèse dépend de la maintenance parodontale et d’une hygiène rigoureuse. Au maxillaire, malgré une hauteur coronaire plus importante, 93,8 % des patients ont rapporté dans une étude être très satisfaits quant à la capacité à nettoyer leur prothèse supportée par des implants courts [48]. À la mandibule, l’hygiène orale a été décrite comme excellente sur 65 % des implants de 4 mm de hauteur [30]. La gestion des embrasures prothétiques, la motivation du patient, et la maintenance parodontale sont des facteurs clés pour éviter les survenues de péri-implantites plus rapidement désastreuses pour le patient dans le cas des implants courts.
L’aspect des tissus mous péri-implantaires n’est quasiment jamais mentionné dans les études. Or, dans les cas des implants courts, nous sommes souvent face à des maxillaires et mandibules très résorbés comportant des défauts muqueux, avec parfois une épaisseur et une hauteur de tissu kératinisé très faibles. Si la greffe osseuse peut être évitée par les implants courts, il n’en est pas forcément de même pour la greffe mucogingivale.
Concernant les coûts et les durées de traitement, une étude de Bechara et al. [48] nous rapporte que la pose d’implants de 6 mm au maxillaire représente un temps moyen quasiment 2 fois inférieur (59 %) à celui d’un implant standard combiné à une élévation du plancher sinusien; il en est de même pour le coût moyen par implant (52 %). Pour les patients, la perception du coût du traitement est significativement en faveur des implants courts (84,4 % des patients très satisfaits contre 55 % dans le groupe « implants standard »).
Enfin, le paramètre esthétique peut influencer la prise de décision thérapeutique. La zone postérieure mandibulaire est moins concernée car généralement non visible lors du sourire. Seule une étude rapporte l’aspect esthétique en affirmant que les patients le trouvent excellent [30]. Les figures 3 et 4 nous montrent les vues radiographique et clinique d’une patiente ayant reçu, à la suite de deux échecs de greffe osseuse mandibulaire, des implants courts avec couronne clinique augmentée dans le secteur 4. La patiente n’est pas gênée esthétiquement et l’hygiène bucco- dentaire est possible. Au maxillaire en revanche, et en particulier chez des patients présentant des sourires gingivaux, cela pourrait représenter une contre-indication à la pose d’implants courts et une indication aux augmentations osseuses de type greffe d’apposition. Le non-alignement des collets ou une fonte osseuse au niveau des corridors buccaux peut en effet compromettre le résultat esthétique. Les principales différences retrouvées entre la mandibule et le maxillaire ont été regroupées dans le tableau 6. Pour ce qui est de la prothèse sur implant court, il est difficile de proposer un consensus. Les études comparent des implants courts avec des schémas prothétiques différents : des prothèses solidarisées ou non, des bridges ou des couronnes solidarisées. Tous ces paramètres peuvent induire des biais dans la MBL, les taux de survie/succès implantaires et les taux de survie prothétique, qui sont parfois mal définis ou confondus par les auteurs. Néanmoins, les études que nous avons incluses dans notre revue de littérature nous fournissent toutes des résultats similaires, alors que les reconstructions prothétiques diffèrent.
D’un point de vue purement biomécanique, une étude in vitro réalisée en 2017 conclut que la solidarisation des implants courts a tendance à réduire la zone affectée par les contraintes au sein de l’os cortical vestibulaire et à les diminuer de près de 20 %, ce qui n’est pas le cas pour les implants longs [49].
Cliniquement, une seule étude nous montre que les variations de la taille de la table occlusale et le déplacement de l’émergence occlusale du pas de vis ne semblent pas jouer de rôle dans le MBL [13], mais la présence de cantilever entraînerait une perte osseuse de plus du double comparée à son absence [50]. Le choix du type de prothèse va dépendre du sens clinique du praticien, en s’aidant d’un projet prothétique préalablement établi.
Afin d’aider le praticien dans son choix de traitement, nous avons réalisé un guide clinique concernant la prise de décision face à un patient présentant, dans la zone postérieure, une hauteur osseuse au-dessus du NAI ou au-dessous du sinus maxillaire inférieure à 10 mm. Ces critères correspondent aux facteurs d’échecs retrouvés dans les études. L’arbre décisionnel est représenté dans la figure 5.
Les figures 6 à 13 illustrent la démarche thérapeutique lors du cas clinique d’une patiente présentant une hauteur osseuse résiduelle faible dans les secteurs postérieurs. Grâce à l’analyse des données cliniques et radiographiques, la patiente a reçu conjointement des implants courts, extra-courts, des greffes sinusiennes et des implants de longueur standard.
Au maxillaire, les implants courts représentent une alternative fiable et peu invasive qui permet de réduire le recours aux techniques de reconstruction osseuse verticale. Elle est particulièrement intéressante lorsque les greffes sinusiennes sont contre-indiquées. Cependant, l’absence de stabilité primaire suffisante est la principale complication et cette thérapeutique est à éviter dans des situations d’os très peu dense et de résorption extrême. Gardons à l’esprit que les procédures d’élévation du plancher sinusien demeurent une thérapeutique de choix à fort recul clinique et avec des complications limitées.
À la mandibule, les implants courts représentent une alternative équivalente, voire supérieure aux greffes osseuses, qui enregistrent les mêmes taux de survie avec moins de complications, pour une durée de traitement et un coût diminués. Néanmoins, leur recul clinique est plus faible que pour les greffes osseuses verticales et ce sujet sera à actualiser dans les prochaines années pour en tirer des conclusions fiables.
Les implants courts s’appuient aujourd’hui sur des supports scientifiques valables. Sans être un automatisme, le praticien doit toujours les considérer comme une option thérapeutique et les intégrer dans la prise de décision.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts concernant cet article.
Aux Drs P. Derquenne et G. Aldié.