Pathologie
Émile BOYER AHU* Bénédicte MARTIN** Yvan BEDOUIN*** Martine BONNAURE-MALLET**** Vincent MEURIC*****
*Université de Rennes 1, CHU de Rennes, Pôle Odontologie
**Professeur associé, Université de Rennes 1, INSERM 1241
***MCU-PH, Université de Rennes 1, CHU de Rennes, Pôle Odontologie
****PU-PH, Université de Rennes 1, CHU de Rennes, Pôle Odontologie
*****MCU-PH, Université de Rennes 1, CHU de Rennes, Pôle Odontologie
L’implantologie est aujourd’hui une technique de choix pour remplacer des dents absentes. Cette technique est en pleine évolution à la fois dans la conception, la fabrication et les matériaux utilisés. En France, chaque année, 100 000 implants sont posés (données de l’industrie). Si les implants ont un taux de succès de 97 % à 8 ans [1], et ce indépendamment de la taille et de la forme de l’implant, de la qualité de l’os...
Les techniques de culture bactérienne, de microscopie et de biologie moléculaire utilisées jusqu’en 2012 dans les études des flores bactériennes orales ont montré que les biofilms liés aux maladies implantaires étaient semblables à ceux retrouvés dans les maladies parodontales. Les parodontopathogènes « classiques » Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia et Treponema denticola étaient considérés comme les principaux agents pathogènes des péri-implantites. En utilisant les nouvelles technologies de séquençage à haut débit (NGS), les études récentes montrent des flores distinctes entre sites implantaires et dentaires, avec des genres prédominants tels que Butyrivibrio, Eubacterium ou Campylobacter dans le biofilm péri-implantaire. Par ailleurs, plusieurs espèces, y compris des espèces précédemment insoupçonnées et des organismes inconnus, sont uniquement retrouvées dans les sites implantaires. Enfin, il semble que le complexe rouge de Socransky (P. gingivalis, T. denticola, T. forsythia) soit rarement abondant dans le biofilm des péri-implantites. Ainsi, chaque entité clinique possède sa propre signature microbiologique, et chaque signature est unique. La prise en charge des maladies péri-implantaires reste, comme pour les maladies parodontales, l’élimination mécanique du biofilm installé. Cependant, les travaux utilisant les résultats obtenus par NGS permettront demain de modéliser in vitro des biofilms péri-implantaires et d’évaluer l’importance des propriétés structurales et de surface des dispositifs implantés à l’échelle macroscopique, microscopique et nanoscopique (par exemple la forme du col implantaire, la topographie, la composition chimique et l’énergie de surface) dans leur développement.
L’implantologie est aujourd’hui une technique de choix pour remplacer des dents absentes. Cette technique est en pleine évolution à la fois dans la conception, la fabrication et les matériaux utilisés. En France, chaque année, 100 000 implants sont posés (données de l’industrie). Si les implants ont un taux de succès de 97 % à 8 ans [1], et ce indépendamment de la taille et de la forme de l’implant, de la qualité de l’os et de l’acte chirurgical antérieur [2], l’émergence de maladies péri-implantaires est observée, pouvant aboutir à la perte totale de l’implant. L’étiologie des maladies péri-implantaires est mal connue, bien que très souvent l’étiologie microbienne soit retenue. Il a également été montré l’effet potentiellement néfaste des contraintes mécaniques excessives sur l’os péri-implantaire [3].
Deux pathologies distinctes affectent l’implant : la péri-implantite et la mucosite péri-implantaire. Il est admis que les péri-implantites sont des maladies induites par le biofilm qui se forme entre l’implant et les tissus de soutien (c’est-à-dire la muqueuse et l’os). Les maladies péri-implantaires sont donc, dans la majorité des cas, des maladies inflammatoires à composante microbienne. La mucosite péri-implantaire induite également par le biofilm est décrite comme une lésion inflammatoire au niveau de la muqueuse autour de l’implant, alors que la péri-implantite atteint en plus le support osseux [4]. Ces définitions ont été retenues par consensus lors du « Seventh European Workshop on Periodontology » [5].
Dans cette revue, après des généralités sur la flore buccale, les preuves de l’origine infectieuse des mucosites péri-implantaires et des péri-implantites seront décrites, suivies d’une analyse de la littérature décrivant les différences et les similarités entre les microbiotes des maladies parodontales et ceux des maladies péri-implantaires. Le rôle des états de surface implantaires dans la maturation du biofilm sera succinctement évoqué. Une conclusion déterminera les défis à relever dans le futur.
Dans la cavité buccale, un individu adulte hébergerait environ 250 à 300 espèces bactériennes différentes [6], auxquelles il faut ajouter les virus, les protozoaires et les levures. Chaque individu a ainsi dans la cavité buccale sa propre flore microbienne, laquelle comprend environ 10 milliards d’éléments microbiens. Cette flore est encore appelée « microbiote ».
Les technologies d’étude du microbiote ont rapidement évolué ces dernières années : culture et identification, PCR (Polymerase Chain Reaction) grâce à des sondes ADN spécifiques, puis clonage et séquençage ADN. Depuis 2010, les nouvelles technologies de séquençage à très haut débit (NGS) permettent de visualiser rapidement et à moindre coût l’ensemble du microbiote. Les travaux réalisés avec les NGS utilisent soit le pyroséquençage (454 Roche), soit le séquenceur par terminateur réversible (MiSeq Illumina). Tous deux permettent la lecture de plusieurs millions de séquences en parallèle et sans a priori, contrairement aux techniques de PCR classiques qui ciblent des bactéries spécifiques et déjà connues. Les NGS sont fondées sur le « code barre » représenté par les variations de l’ARN ribosomal 16S (ARNr 16S). Chaque espèce bactérienne possède son propre ARNr 16S. Le séquençage des ARNr 16S sans distinction permet de classer l’ensemble des bactéries sous forme d’OTU (unité taxonomique opérationnelle), y compris les espèces non cultivables et les espèces microbiennes inconnues. Citons par exemple les membres du phylum TM7 qui auraient un rôle dans la maladie parodontale [7] (figures 1 et 2).
Le microbiote buccal est propre à chaque individu mais il est différent selon le site de la cavité buccale. La flore microbienne adhérente à la surface dentaire est différente de celle retrouvée sur les surfaces muqueuses. En effet, au niveau des muqueuses, l’épithélium se renouvelle et la couche superficielle des cellules épithéliales se desquame et est déglutie avec les bactéries qui ont adhéré à sa surface. Au niveau de la surface de la dent et à la surface de l’implant, il n’y a pas de desquamation et, en l’absence d’élimination (par brossage par exemple), le biofilm augmente en épaisseur et voit sa composition modifiée en fonction des nutriments disponibles. Constituée de plusieurs espèces bactériennes, l’architecture des biofilms est complexe. Elle fait aujourd’hui l’objet de modélisations mathématiques obtenues in vitro qui permettent de comprendre la dynamique d’un biofilm en fonction du substrat [8]).
Sur les 700 espèces bactériennes retrouvées dans la cavité buccale, 400 sont susceptibles de coloniser le biofilm. À l’état sain, les bactéries vivent en symbiose dans la cavité buccale. En conséquence, le microbiote indigène est considéré comme une composante discrète et inséparable des programmes de développement homéostatique. Des ruptures de l’homéostasie de l’interface hôte-microbiote conduisent à des pathologies. Le microbiote buccal en déséquilibre ou dysbiotique, organisé le plus souvent en biofilm, peut être responsable des pathologies parodontales ou carieuses [6]. Ce biofilm est soumis aux contraintes de l’environnement comme le pH, la température, la pression en oxygène, les nutriments disponibles et son support d’attache. L’implant métallique procure un support différent de celui de la dent naturelle, y compris dans des conditions saines. Le biofilm se forme sur la pellicule acquise exogène (PAE) constituée d’éléments salivaires ; après 30 minutes, la composition de la PAE sur la surface d’un implant est différente de celle se déposant sur une dent [9]. Ainsi, pour l’implant, la croissance du biofilm est dépendante d’une PAE spécifique et de la rugosité de la surface implantaire [10].
Plusieurs travaux antérieurs à 2012 ont montré des similitudes microbiennes entre les maladies péri-implantaires et les maladies parodontales [11-15] et ont confirmé l’origine bactérienne des maladies péri-implantaires (voir infra). Cependant, les résultats des thérapies parodontales appliquées aux pathologies péri-implantaires sont restés modestes [16], avec des taux élevés de récidive [17, 18], ce qui suggère que les sites dentaires et implantaires peuvent être microbiologiquement différents et présenter une réponse inflammatoire différente [19, 20].
Il est admis aujourd’hui que les deux maladies implantaires, mucosites péri-implantaires et péri-implantites, sont des maladies infectieuses. Les toutes premières preuves proviennent de travaux de Rams et al. qui ont utilisé la microscopie par contraste de phase et la microscopie électronique en transmission pour examiner le biofilm prélevé à la surface d’implants mandibulaires [21, 22]. Au niveau des sites implantaires sains, le biofilm est constitué majoritairement de bactéries de type coccus, tandis que le biofilm prélevé dans la poche d’un implant avec une perte osseuse est constitué d’un grand nombre de spirochètes. Mombelli et al. ont examiné par culture et en microscopie les flores prélevées autour des sites implantaires malades et sains ; ils démontrent un nombre élevé de colonies, avec une abondance de bactéries anaérobies et à Gram négatif, ainsi que de bactéries fusiformes et motiles dans les flores prélevées au niveau des implants « malades » par rapport à la flore bactérienne de type coccus de l’implant sain [23]. Les études chez l’animal confirment l’étiologie microbienne des maladies péri-implantaires. Ces dernières sont provoquées par l’accumulation de plaque dentaire autour de l’implant posé chez le chien Beagle [24, 25] ou chez le singe [26].
Enfin, la dernière preuve de l’étiologie infectieuse des mucosites péri-implantaires et des péri-implantites est l’amélioration de leur prise en charge par antibiothérapie locale ou systémique ; elle diminue les signes cliniques et réduit le nombre de bactéries anaérobies incluant les parodontopathogènes [27]. Cependant, la lésion péri-implantaire récidive rapidement [17, 18]. L’élimination mécanique du biofilm autour de l’implant atteint de mucosite péri-implantaire entraîne une réversibilité de la lésion, ce qui n’est pas le cas dans les péri-implantites [28].
La maladie péri-implantaire est précédée par une accumulation de biofilm dans le sillon péri-implantaire. Le biofilm induit une réponse pro-inflammatoire qui entraîne l’inflammation muqueuse et la résorption de l’os. La maladie peut être provoquée chez plusieurs modèles animaux après accumulation de plaque dentaire et les signes cliniques et histologiques sont semblables à ceux observés chez l’Homme. Les antimicrobiens ont un effet modeste sur le profil bactérien du biofilm. Ce profil est, par ailleurs, différent lorsque l’étiologie retenue lors de l’échec du traitement implantaire est la surcharge traumatique [29].
Les mucosites péri-implantaires et les péri-implantites montrent plusieurs similitudes cliniques avec les maladies parodontales : respectivement la gingivite et la parodontite. La mucosite péri-implantaire comme la gingivite sont réversibles. La péri-implantite à la fois cliniquement et histologiquement présente de nombreux points communs avec la parodontite : perte d’os, réponse inflammatoire. Le tabac et le diabète non équilibré sont des facteurs de risque communs. De plus, il est démontré que la parodontite est un facteur contribuant à la péri-implantite [30]. Plusieurs études confirment que les antécédents de maladie parodontale augmentent le risque de péri-implantite par rapport aux sujets en bonne santé parodontale [31-33]. Ce risque est encore augmenté lorsqu’il n’y a pas de prise en charge thérapeutique de la maladie parodontale existante [32].
La plupart des travaux antérieurs à 2012 concluent que la composition du biofilm prélevé dans la poche parodontale est identique à celle prélevée dans la poche péri-implantaire. Ces travaux ont utilisé des approches ciblées, telles que la culture bactérienne [34], les techniques d’hybridation ADN-ADN [35, 36] ou de PCR [37] et ont permis d’identifier les agents pathogènes parodontaux dans le sillon péri-implantaire. Par conséquent, un paradigme de similarité microbienne dans ces deux habitats peut être proposé. Les études montrent que les bactéries de la poche péri-implantaire sont essentiellement des bactéries anaérobies et à Gram négatif. Les résultats obtenus par biologie moléculaire précisent que les bactéries parodontopathogènes du complexe rouge de Socransky (Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia, Treponema denticola) [38] sont retrouvées en plus grande quantité dans la poche péri-implantaire que dans les sillons gingivaux ou les sites implantaires sains.
Cependant, des résultats contradictoires ont également été publiés. Une évaluation longitudinale du microbiote autour des implants chez des sujets traités pour une parodontite a révélé des différences significatives dans l’abondance des bactéries mobiles entre les sites parodontaux et péri-implantaires un an après leur mise en charge prothétique [39]. La présence de parodontopathogènes au niveau du site implantaire n’était ni indicative, ni prédictive de la maladie péri-implantaire. Par des méthodes de culture bactérienne, Staphylococcus aureus est détecté dans la poche péri-implantaire dès la fin de la chirurgie de pose de l’implant, la fréquence de détection augmentant un an après la pose de l’implant [40]. Ces travaux ont été corroborés par une étude utilisant des sondes moléculaires en 2014, laquelle conclut que S. aureus est un colonisateur des sites péri-implantaires sains et malades [41]. De plus, un taux élevé de S. aureus est détecté dans la poche péri-implantaire alors qu’il est très faible autour d’une dent saine ou d’un implant « sain » [41, 42]. Par ailleurs, des bactéries entériques sont aussi détectées dans des sites de péri-implantites. Lors d’une étude menée par culture bactérienne, la fréquence de détection de bactéries entériques telles que Enterobacter et Klebsiella augmentait significativement en cas de péri-implantite (30 % des sites échantillonnés), en comparaison avec des implants sains (8 % des sites échantillonnés) [43].
À partir de 2011, l’utilisation de méthodologies moléculaires sans a priori s’est développée. L’équipe de Izumi et al. a utilisé les régions conservées du gène de l’ARNr 16S et construit des bibliothèques de clones pour identifier de manière exhaustive les microbiotes de sites péri-implantaires sains et malades et de poches parodontales chez 6 patients [44]. Cette approche a permis de détecter la présence de bactéries précédemment non cultivées et inconnues et d’évaluer la richesse et la diversité bactérienne. Le microbiote de la péri-implantite est ainsi plus riche et plus diversifié que celui des poches parodontales et des implants « sains » [44]. Ces travaux ont également montré une faible prévalence des bactéries du complexe rouge au niveau des péri-implantites. Dans une étude de 2013, 333 taxons différents ont été identifiés à partir de 799 clones séquencés ; 231 taxons (69 %) sont des phylotypes non cultivables, dont 75 (soit près de 23 % des taxons détectés) sont nouveaux. Les nombres de taxons bactériens identifiés sur les sites de péri-implantite et de parodontite sont respectivement de 192 et 148. La composition microbienne de la péri-implantite est plus diversifiée par rapport à celle de la parodontite. Fusobacterium spp. et Streptococcus spp. sont prédominants, à la fois dans la péri-implantite et la parodontite, alors que des bactéries telles que Parvimonas micra sont détectées uniquement dans la péri-implantite [45].
Les comparaisons des microbiotes des sites dentaires, implantaires, sains ou malades sont encore peu nombreuses dans la littérature. L’équipe de Kumar est pionnière dans cette recherche et utilise les NGS. L’équipe a analysé des échantillons de plaque sous-gingivale et sous-muqueuse recueillis de parodontite, péri-implantite, sites sains parodontaux et péri-implantaires (10 patients par groupe) [46]. Les résultats montrent que chaque entité clinique a une signature microbiologique unique. Contrairement aux résultats obtenus par clonage, Kumar et al. montrent que les biofilms de sites péri-implantaires ont une diversité nettement inférieure à celle des sites parodontaux sous-gingivaux sains ou malades. Plusieurs espèces, y compris des espèces précédemment insoupçonnées et des organismes inconnus, ont été uniquement retrouvées dans les sites péri-implantaires. Les espèces prédominantes dans les communautés péri-implantaires (saine et malade) appartiennent aux genres Butyrivibrio, Campylobacter, Eubacterium, Prevotella, Selenomonas, Streptococcus, Actinomyces, Leptotrichia, Propionibacterium, Peptococcus, Lactococcus et Treponema. La maladie péri-implantaire est associée à des niveaux inférieurs de Prevotella et Leptotrichia et des niveaux plus élevés de Actinomyces, Peptococcus, Campylobacter, Streptococcus (non-mutans), Butyrivibrio et Streptococcus mutans par rapport aux sites implantaires sains. Les communautés de sites implantaires sains montrent des niveaux inférieurs de Prevotella, Streptococcus, Lactobacillus, Selenomonas, Leptotrichia, Actinomyces par rapport aux biofilms associés à la parodontite et des niveaux plus élevés de Peptococcus, Mycoplasma, Eubacterium, Campylobacter, Butyrivibrio et Treponema. Ainsi, le microbiote péri-implantaire diffère de celui retrouvé à la fois dans les situations de santé ou de maladie parodontale. Les maladies implantaires sont des maladies microbiologiquement hétérogènes avec des espèces essentiellement à Gram négatif.
Dans une autre étude utilisant la même technologie, la même équipe a cherché à identifier le degré de similitude entre les microbiotes péri-implantaires et les microbiotes parodontaux adjacents [47]. Des échantillons de biofilms sous-gingival dentaire et péri-implantaire ont été recueillis auprès de 81 individus partiellement édentés avec ou sans maladie parodontale et avec ou sans péri-implantite. L’état de la dent ou de l’implant voisin a été pris en compte dans l’étude. 523 espèces ont été identifiées. 60 % des individus partagent moins de 50 % de toutes les espèces entre leurs biofilms parodontal et péri-implantaire. Lorsque les espèces du complexe rouge sont détectées dans les poches parodontales, seulement 37 % des biofilms des implants voisins hébergent ces espèces. Ainsi, il est probable que les espèces présentes dans les poches parodontales « contaminent » les sites implantaires voisins. Cependant, pour les espèces abondantes, il existe bien deux niches écologiques différentes ; les résultats suggèrent que les bactéries présentes dans les poches parodontales ne survivent pas dans les sites péri-implantaires sains ou malades [47].
L’utilisation de méthodologies moléculaires sans a priori permet de montrer la diversité des microbiotes, d’identifier des bactéries non cultivables, voire inconnues, et de spécifier des associations non suspectées antérieurement entre la maladie et l’état sain [48]. En utilisant ces approches, même si certains résultats sont contradictoires, il devient évident que les microbiotes de la parodontite et de la péri-implantite sont différents dans leur composition. Ces différentes compositions sont vraisemblablement liées aux différentes niches écologiques et aux différents environnements que procure la dent ou l’implant. La surface dentaire (c’est-à-dire émail/cément) et la surface implantaire métallique ou céramique favorisent l’adhésion de certaines espèces bactériennes et, en conséquence, la maturation des biofilms est différente.
Les implants dentaires offrent des surfaces de colonisation qui sont différentes de la dent, que ce soit en termes de morphologie, de matériau, de rugosité ou d’énergie de surface. Tous ces paramètres influencent le comportement bactérien, comme la forme des bactéries par exemple (figures 3 et 4). La colonisation est également influencée par la topographie [49]. L’implant, bien que surmonté d’une couronne dentaire, a une morphologie différente de la dent. Par ailleurs, les biofilms formés sur des implants en alliage de titane ne présentent pas les mêmes caractéristiques que ceux observés sur les implants en zirconium ou autres [50]. Les études de colonisation bactérienne sont, en règle générale, réalisées in vitro. Il n’existe pas à notre connaissance d’étude chez l’Homme de microbiomes par NGS sur ces différents alliages ou matériaux, à l’exception de l’étude récente de Cassio do Nascimento (2016), qui montre que le microbiome péri-implantaire est différent entre l’implant zircone et l’implant titane [51]. L’état et l’énergie libre de surface sont aussi des facteurs qui influencent la composition des microbiomes organisés en biofilms [52].
Sur le plan clinique, il faut retenir que les maladies péri-implantaires sont des maladies infectieuses dues à un microbiote différent de celui des maladies parodontales [53]. Leur prise en charge consiste, comme pour les maladies parodontales, à éliminer mécaniquement le biofilm installé [53]. Le recours à l’antibiothérapie contre les bactéries du complexe rouge (P. gingivalis, T. denticola, T. forsythia) ne se justifie pas. Ces bactéries parodontopathogènes sont rarement abondantes dans le biofilm des péri-implantites, même lorsque celles-ci sont sévères. Si ces bactéries sont présentes, il s’agit le plus souvent d’une contamination provenant de la poche parodontale de la dent adjacente.
Les maladies péri-implantaires, comme les maladies parodontales, sont la conséquence d’une modification de la composition des microbiotes sains autour de la dent ou de l’implant. Plusieurs questions restent posées pour comprendre cette modification conduisant à la dysbiose et donc à la maladie :
• quels sont les principaux éléments déclencheurs de la dysbiose ?
• quels facteurs contrôlent la stabilité de la communauté dans la santé ou dans la maladie ?
• les changements de microbiome sont-ils réversibles, et si oui, comment [54] ?
Les résultats attendus des nouvelles technologies de séquençage, leurs analyses et leurs mises à disposition à la communauté scientifique internationale permettront de caractériser la distribution biogéographique des espèces responsables de la maladie parodontale et péri-implantaire, d’identifier des cibles thérapeutiques préventives ou curatives. Pour réaliser ces objectifs, il est nécessaire d’avoir des fiches cliniques harmonisées et des protocoles standard de collecte des échantillons, de méthodes d’analyse, d’outils de calcul de ratio bactéries saines/bactéries pathogènes [55], etc. Ces facteurs sont d’une importance majeure pour une comparaison future entre les études longitudinales cliniques à long terme et leur combinaison potentielle dans les méta-analyses.
Les NGS sont encore peu utilisées pour l’analyse des microbiotes de la cavité buccale. Aussi, il est encore possible de généraliser des gold-standards d’études cliniques. Les modèles in vitro ou in vivo chez l’animal sont des approches utiles mais restent insuffisants, compte tenu de la diversité des microbiomes de la cavité buccale chez l’Homme : 700 espèces bactériennes différentes constituant ce que nous devrions appeler le « bactériome », auxquelles il faut ajouter les virus/phages (virome), les champignons (mycome) et le nouveau phylum des bactéries ultra-petites regroupées sous le nom de « candidate phyla radiation » (CPR) auquel appartient le groupe TM7. Ces 3 groupes restent peu explorés alors que, vraisemblablement, des interactions doivent exister [56] entre eux et les microorganismes connus. L’exploration du microbiome buccal a donc un plein avenir.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts concernant cet article.