Clinic n° 10 du 01/10/2020

 

Traumatologie

Elsa DREYFUS-SCHMIDT*   Philippe FRANÇOIS**   Pierre LAYAN***   Franck DECUP****  


*Ancienne AHU, université Paris Descartes – praticien libéral, Paris
**AHU, université Paris Descartes – hôpital Bretonneau
***Praticien libéral, Paris
****MCU-PH, université de Paris – praticien libéral, Paris

La consultation d'urgence dentaire traumatique pour l'adulte nécessite une bonne identification diagnostic et des décisions rapides pour l'application d'un protocole de traitement efficient. Le contexte particulier (perturbation de l'agenda du cabinet, choc psychologique du patient, difficultés opératoires) nous invite à être le mieux préparés possible pour ces séances cliniques. La fracture du tissu dentaire sur les dents antérieures, seule ou associée à d'autres atteintes,...


La consultation d'urgence dentaire traumatique pour l'adulte nécessite une bonne identification diagnostic et des décisions rapides pour l'application d'un protocole de traitement efficient. Le contexte particulier (perturbation de l'agenda du cabinet, choc psychologique du patient, difficultés opératoires) nous invite à être le mieux préparés possible pour ces séances cliniques. La fracture du tissu dentaire sur les dents antérieures, seule ou associée à d'autres atteintes, entraîne une gêne esthétique et fonctionnelle à laquelle les techniques et les matériaux actuels permettent de répondre favorablement.

Introduction

Le protocole de prise en charge des patients qui ont subi un traumatisme dentaire s'appuie d'abord sur un échange téléphonique, préalable à la consultation. Au cabinet, un entretien détaillé, un examen clinique et des tests complémentaires et radiographiques doivent permettre d'établir rapidement le diagnostic pour déterminer les atteintes tissulaires (émail, dentine, pulpe, alvéole) et les besoins de traitements. La mise en place d'un suivi est ensuite nécessaire pour anticiper d'éventuelles complications [1].

Au niveau des tissus dentaires, les traitements d'urgence auxquels on peut avoir recours s'appuient sur trois types de procédures : thérapie pulpaire [2], contention [3] et restauration adhésive (voir le précédent numéro de Clinic pour les deux premières).

Cet article aborde les restaurations esthétiques adhésives. L'objectif est de proposer une revue des différentes procédures cliniques – en fonction de la position de la fracture – pour faire face à l'urgence que représente le traumatisme des dents antérieures. Ces propositions de prises en charge sont illustrées par différentes solutions cliniques.

Prise en charge du patient

L'établissement d'une trace écrite du diagnostic, du traitement et des recommandations de suivi est important, compte tenu du pronostic incertain des suites de traumas et des enjeux médicaux et économiques qui peuvent y être associés [1].

Selon la situation clinique, la fracture du tissu dentaire intéresse tout ou partie de la couronne et crée d'emblée une séquelle esthétique, qui est généralement l'une des principales doléances du patient adulte. Même si elle est associée à un autre dommage biologique pulpaire, parodontale ou alvéolaire, la réhabilitation anatomique, fonctionnelle et esthétique est un des traitements prioritaires à mettre en œuvre.

Lorsqu'il y a perte de tissus dentaires par traumatisme, les objectifs initiaux sont :

– prévenir des complications infectieuses ;

– rétablir immédiatement, provisoirement ou durablement, l'esthétique et la fonction.

Les procédures opératoires proposées doivent au moins répondre à ces impératifs.

Ensuite, et selon les recommandations actuelles, les fractures amélaires ou amélo-dentinaires entraînent un besoin de contrôle après 6-8 semaines puis à 1 an.

Si elles sont associées à d'autres complications traumatiques, on se référera aux programmations de suivi adapté au diagnostic [4].

L'adhésion au service de la traumatologie

La réalisation de restaurations adhésives s'est largement démocratisée au cours des dernières années et les procédures pour les réaliser sont bien éprouvées, tant scientifiquement que cliniquement. Pourtant, bien que nos pratiques aient grandement changé, nous ne collons à l'heure actuelle pas mieux qu'il y a 20 ou 30 ans [5]... Cependant, nous disposons de protocoles plus sûrs, plus simples, validés scientifiquement et cliniquement, que nous présentons dans cet article.

Dans la majorité des cas, pour les restaurations directes et donc aussi en traumatologie, cette adhésion s'effectue à l'aide du couple adhésif-composite.

Le principe de l'adhésion aux tissus dentaires pour le couple adhésif-composite repose essentiellement sur la pénétration de l'adhésif dans les porosités créées dans les tissus dentaires calcifiés. Ces microrétentions mécaniques sont soit créées à l'aide d'un mordançage à l'acide orthophosphorique à 37 % (systèmes adhésifs dits « mordançage-rinçage »), soit créées par des monomères acides fonctionnels directement contenus dans le système adhésif (système adhésif auto-mordançant).

Elles sont éventuellement complétées, selon les systèmes adhésifs, par des liaisons chimiques entre des monomères fonctionnels et les tissus minéralisés de la dent (notamment les ions calcium).

Selon l'utilisation ou non d'acide orthophosphorique, et la séparation ou non en deux flacons du primer et de l'adhésif, un certain nombre de temps cliniques sont nécessaires pour l'utilisation de l'adhésif.

Récemment, des systèmes adhésifs simplifiés (contenant des monomères acides fonctionnels utilisables avec ou sans application préalable d'acide orthophosphorique), appelés adhésifs « universels », sont apparus sur le marché et possèdent de bons taux de succès à moyen terme.

Tous ces types d'adhésifs ont été utilisés dans la littérature pour des cas de traumatologie (tableau 1).

Parfois, des matériaux dits « avec potentiel-adhésif », plus tolérants à l'humidité (type ciments verre-ionomères), c'est-à-dire ne nécessitant pas l'application d'un adhésif avant leur mise en place, peuvent être amenés à être utilisés dans les situations « extrêmes » ou en cas de temporisation.

Plusieurs grands intérêts peuvent être trouvés dans ces thérapeutiques adhésives, notamment en traumatologie où se mêlent besoins de préservation tissulaire, de rapidité, d'efficacité et d'étanchéité.

– le premier et le plus intéressant de tous est l'économie tissulaire. En effet, grâce à l'adhésion, il est possible de tendre dans une grande majorité des cas vers une dentisterie minimalement invasive, ne nécessitant pas de rétention macro-mécanique obtenue par friction ;

– le second est la capacité de restaurer définitivement ou transitoirement des pertes de substances, mêmes volumineuses, en une seule séance, selon le temps disponible pendant la consultation d'urgence. Cela permet un vrai service rendu fonctionnel et esthétique au patient ;

– enfin, l'utilisation d'un adhésif permet de sceller hermétiquement les tissus dentaires, grâce à sa pénétration dans les tissus durs, afin d'éviter l'agression de la pulpe face aux stimuli microbiens, thermiques ou chimiques.

Tous ces points sont illustrés et détaillés plus précisément pour chacune des situations cliniques qui seront présentées et discutées dans l'article.

Protocoles de traitement restaurateur

Fracture amélaire [4]

Les fractures amélaires sont des pertes de structures intéressant uniquement l'émail. L'impact esthétique est le plus souvent dû à la géométrie asymétrique de la zone fracturée ou par comparaison avec la dent controlatérale. Dans les situations où la perte de substance est minime, et si les contacts occlusaux sont défavorables à un comblement (bord libre travaillant en flexion), une régularisation du bord incisal et un polissage sont indiqués, avec le consentement du patient. La mise en place d'un composite de petite étendue dans ces situations présente un taux de fracture récidivant important. L'utilisation de disques à polir (type pop-on) de différentes granulométries peut remplir cet objectif.

Si le volume de la perte de substance est trop important pour être simplement poli, une restauration composite peut alors être envisagée en biseautant l'émail (face linguale si possible) pour augmenter la surface de collage et ainsi la rétention micromécanique de la restauration adhésive (fig. 1).

Fracture coronaire supra-gingivale [4]

Les fractures amélo-dentinaires simples concernent l'émail et la dentine, elles sont dites complexes si la pulpe est impliquée. Les conséquences pulpaires et leur prise en charge ne seront pas abordées ici [2].

En revanche, la procédure de scellement de la plaie dentinaire doit être systématique dès que la dentine est exposée. Son objectif est de stopper les communications entre le milieu extérieur septique et la pulpe. Le scellement de la plaie dentinaire consiste à appliquer un adhésif, avant si possible de coller le fragment dentaire fracturé (fig. 2) (pour la procédure clinique, voir encadré 1).

Dans certaines situations, le fragment conservé par le patient n'est pas entier. S'il est possible de le repositionner, les manques pourront être comblés avec un composite de restauration de la teinte correspondante.

À défaut, dans les situations où le fragment dentaire n'a pu être conservé, le traitement consiste à mettre en place un composite de restauration provisoire mono-teinte. Si le praticien dispose d'une séance plus longue et souhaite améliorer le résultat esthétique, il peut opter pour la technique du cut back avec utilisation de composite teinte émail et dentine (présentation dans le cas clinique no 1).

Il est également possible de guider la réalisation du composite en s'aidant d'une clé en silicone (cas clinique no 2).

En fonction du temps disponible pour la réalisation du composite, du résultat obtenu et de la doléance du patient, une séance de stratification plus longue peut toujours être planifiée dans un second temps.

Encadré 1

Procédure de recollage d'un fragment dentaire conservé [7, 8] :

– réhydratation du fragment dentaire dans du sérum physiologique quelques instants. Le choix d'une solution plus spécifique ou d'un temps de réhydratation important ne semble pas déterminant ;

– anesthésie locale para-apicale ;

– mise en place du champ opératoire ;

– mordançage à l'acide phosphorique 37 % et rinçage de la dent fracturée et du fragment ;

– application d'un adhésif sur la dent et le fragment. Élimination du surplus au spray d'air intense (10 secondes). Polymérisation ;

– application d'un composite fluide sur la dent et mise en place du fragment (fig. 2) ;

– retrait des excès au pinceau et polymérisation ;

– polissage ;

– vérification de l'occlusion ;

– suivi clinique à 8 semaines et à 1 an.

Fracture corono-radiculaire

Pour les fractures coronaires et corono-radiculaires, des points essentiels de la prise en charge de l'urgence esthétique sont le repositionnement et la stabilisation du fragment coronaire fracturé, en le fixant au fragment apical et/ou aux dents adjacentes. Une cicatrisation acceptable sera obtenue au niveau du parodonte lésé.

Les traitements à terme de ces fractures, complexes et pluridisciplinaires (extrusion, avulsion, implants...), peuvent être différés de quelques semaines sans conséquence sur le pronostic [5].

Collage aux dents adjacentes

Plusieurs procédures sont réalisables en fonction de la situation clinique. Trois exemples sont décrits dans les cas cliniques (fig. 18 à 31) :

– Collage aux deux dents adjacentes au composite fluide (cas clinique no 3), à l'aide d'une clé de positionnement (cas clinique no 4) :

Avant la dépose du fragment fracturé, il est parfois possible d'enregistrer sa position réalisée à l'aide d'une clé de positionnement avec un matériau rigide (par exemple à l'aide de digue liquide ou d'un silicone transparent à haute dureté shore). Elle permet d'enregistrer la position de la dent fracturée par rapport aux dents adjacentes pour s'assurer de son bon replacement pendant la procédure adhésive.

Selon la durée nécessaire de la fixation de la dent fracturée aux dents adjacentes, le choix du matériau d'assemblage peut s'orienter vers le Superbond® pour une durée plus longue. La dépose est en revanche plus délicate. En effet, cette colle capable de tolérer une légère humidité per-opératoire a tendance à se déformer très légèrement lorsqu'elle est mise sous contrainte, ce qui peut la rendre intéressante dans cette indication malgré un temps long de prise et une manipulation délicate [6-8].

– Collage à une seule dent adjacente au composite en présence d'un diastème (cas clinique no 5) :

Dans les cas de diastème inter-incisif, et en présence d'un traumatisme sur l'une des incisives centrales, il est possible de solidariser le fragment fracturé seulement à l'incisive latérale adjacente, à l'aide d'une « ailette » palatine réalisée en composite.

– Collage renforcé avec une contention fibrée (cas clinique no 6) :

Dans les situations de fractures radiculaires ou corono-radiculaires chez l'adolescent ou le jeune adulte, quand le fragment radiculaire ne peut pas être conservé, il est souvent intéressant dans un premier temps de le conserver in situ pour éviter la perte de volume osseux alvéolaire et tissulaire, en attendant que la solution implantaire soit envisageable. La couronne, si elle est intacte, peut être utilisée pour réaliser un bridge collé avec contention palatine fibrée Everstick®.

L'intermédiaire de bridge remplaçant la dent fracturée peut être réalisé intégralement au composite (cf. procédé du fabricant (fig. 3.6 et 3.7)), mais il s'agit d'une procédure longue et délicate aux résultats très praticien dépendant.

Encadré 2

Procédure d'utilisation de l'Everstick® :

– mise en place du champ opératoire et de ligatures si nécessaire ;

– positionnement de la fibre pour adapter sa longueur (fig. 3.1) ;

– préparation tissulaire des dents adjacentes et de la couronne conservée pour le collage : sablage, rinçage, mordançage à l'acide phosphorique 37 %, rinçage abondant et séchage délicat, application d'un adhésif et polymérisation (fig. 3.2, 3.3) ;

– passage de fil interdentaire de part et d'autre de la dent traumatisée à laisser en place ;

– application d'un lit de composite flow sur la face palatine de la couronne, positionnement de la fibre, plaquage de la fibre et polymérisation ;

– application de composite flow sur les faces palatines des dents adjacentes, positionnement de la fibre, maintien, plaquage en utilisant le fil dentaire laissé en place de chaque côté de la dent traumatisée et polymérisation (fig. 3.4) ;

– application d'un composite de restauration de recouvrement, polymérisation ;

– polissage sous digue ;

– contrôle de l'occlusion et retouches.

Assemblage au fragment apical

Quand l'assemblage du fragment fracturé avec le fragment apical est encore possible, il n'est pas toujours simple à réaliser, et nécessite de gérer au mieux les rapports au parodonte pour assembler dans de bonnes conditions.

Quatre illustrations cliniques décrivent les procédures possibles dans des situations différentes :

– assemblage adhésif et recollage d'un fragment dentaire intra-oral (cas clinique no 7) ;

– assemblage après gingivectomie, avec rebasage de la couronne naturelle et adjonction d'un tenon provisoire (cas clinique no 8) ;

– assemblage avec gingivectomie et réalisation d'une couronne provisoire (cas clinique no 9) ;

– avulsion des fragments fracturés, collage extra-oral et réimplantation (cas clinique no 10).

La mise en place du champ opératoire, associé à l'utilisation de téflon, quand c'est possible, permet de repousser la gencive et de recoller le fragment fracturé (comme présenté dans le cas no 7 de fracture corono radiculaire de la 12 (fig. 35).

Il existe également des instruments pour éliminer le tissu gingival en le cautérisant et pour rendre accessible le fragment radiculaire : le bistouri électrique, la fraise « thermacut » sur contre angle bague rouge et sans eau, et le laser. Leur utilisation est illustrée dans les cas cliniques no 8 et 9.

Dans les situations où le fragment coronaire n'a pas été conservé, ou n'est pas exploitable, une restauration provisoire en résine est réalisée selon différentes techniques : technique « boulette », isomoulage au silicone avant dépose de la couronne fracturée, ou utilisation d'une coque en polycarbonate type couronne ion (fig. 4 et 5).

Le traitement d'une fracture radiculaire haute sous osseuse par collage extra-oral puis réimplantation est parfois possible, comme illustré dans le cas clinique no 10. Il est décrit pour la première fois par Masaka en 1989. D'autres auteurs ont également proposé cette technique pour gérer les fractures longitudinales complètes (fig. 52 à 59).

Conclusion

Comme l'illustrent les cas cliniques présentés dans l'article, les thérapeutiques adhésives et le couple adhésif-composite (parfois associé à la résine ou à des fibres de renforcement) permettent de gérer l'extrême majorité des situations d'urgence traumatiques des tissus dentaires.

Bien que certaines des techniques présentées puissent paraître complexes ou longues, elles permettent de tendre vers la préservation tissulaire et de répondre à la demande esthétique et fonctionnelle du patient. Ces procédures servent aussi à temporiser pour réévaluer les suites biologiques de la plaie pulpo-dentinaire et parodontale.

La gestion des urgences traumatiques incite parfois à repousser ses limites et à faire preuve de créativité thérapeutique au service du patient. Le soulagement physique et psychologique de ce dernier à l'issu de la séance est aussi une belle satisfaction professionnelle pour le praticien.

Liens d'intérêts :

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Remerciements :

Remerciements pour les cas cliniques aux docteurs Anthony Atlan, Yohann Chue et Maxime Drossart.

Cas clinique no 1 (Dr Pierre Layan)

Restauration directe par stratification composite et utilisation de la technique de cut back

Une jeune étudiante s'est fracturée l'incisive centrale maxillaire gauche et doit assister au mariage de sa sœur le lendemain. Il s'agit d'une fracture amélo-dentinaire complexe (fig. 6).

Après une anesthésie locale para-apicale et la mise en place du champ opératoire, la gestion du tissu pulpaire, le protocole de collage est appliqué (fig. 7) :

– mordançage à l'acide phosphorique 37 % et rinçage ;

– application d'un adhésif sur la dent et polymérisation.

Positionnement d'une matrice métallique postérieure courbée en proximal. Son insertion dans le sens vertical « mime » la convexité naturelle proximale de l'incisive (fig. 8).

Réalisation des parois proximales au composite, puis polymérisation (fig. 9).

Le but est de recréer une situation simple où seule la face vestibulaire de la dent reste à réaliser.

Application d'une masse dentine pour valider la forme. Polymérisation (fig. 10).

Réalisation cut back direct dans la masse dentine : il s'agit de retirer du composite en fraisant, tout en dessinant la micro-anatomie (fig. 11).

Application d'une masse émail. Polymérisation et maquillage (fig. 12).

Résultat final après polissage et dépose de la digue (fig. 13).

Cas clinique no 2 (Dr Pierre Layan)

Restauration composite avec utilisation d'une clé en silicone (± séance stratification selon temps disponible)

Un jeune patient de 20 ans chute dans les escaliers et se fracture l'incisive centrale maxillaire gauche (fracture amélo-dentinaire simple) (fig. 14).

Après une anesthésie locale para-apicale et la mise en place du champ opératoire, le protocole de collage est appliqué (mordançage à l'acide phosphorique 37 %, rinçage de la dent fracturée, application d'un adhésif sur la dent et polymérisation) (fig. 15).

Réalisation de la clé en silicone : un silicone à prise rapide est utilisé pour enregistrer la situation de la fracture. Un bistouri, ou une fraise, est utilisé pour sculpter dans le silicone le négatif de l'anatomie de la dent intacte au niveau de la fracture. Ainsi, le composite peut être appliqué pour reconstruire la face palatine plus simplement. Réalisation de la face palatine de la restauration avec un composite teinte émail appliqué sur la clé en silicone, et polymérisation en gardant la clé en place.

La clé est ensuite retirée, et les apports successifs de composite appliqués en plusieurs incréments. La dernière couche peut être modelée et lissée au pinceau pour améliorer le résultat final (fig. 16).

Résultat final après polissage et dépose de la digue (fig. 17).

Cas clinique no 3 (Dr Maxime Drossart)

Collage du fragment fracturé aux deux dents adjacentes

Un patient d'une quarantaine d'années se présente au cabinet avec une fracture radiculaire du tiers cervical de l'incisive latérale droite dépulpée (fig. 18).

Le fragment coronaire est déposé (fig. 19).

Un adhésif M&R est appliqué sur les faces proximales de l'incisive latérale, de l'incisive centrale et de la canine (fig. 20 et 21). Le fragment repositionné est collé par du composite fluide aux dents adjacentes (fig. 8 et 9), en veillant à appliquer du matériau au niveau des embrasures pour augmenter la surface de collage disponible et donc la rétention micromécanique.

Résultat final après collage aux dents adjacentes et réglages de l'occlusion en statique et dynamique (fig. 22).

Cas clinique no 4 (Dr Anthony Atlan)

Collage du fragment fracturé aux deux dents adjacentes à l'aide d'une clé de positionnement

Enregistrement de la position du fragment coronaire avec une clé en digue liquide (fig. 23).

Fragment coronaire déposé (fig. 24).

Préparation des tissus des dents adjacentes et du fragment pour le collage selon le protocole choisi (tableau 1).

Contention de la dent traumatisée aux deux dents adjacentes, maintenues par la clé de positionnement, avec du composite fluide en interproximal et polymérisation (fig. 25).

Cas clinique no 5 (Dr Pierre Layan)

Collage à une seule dent adjacente au composite (présence d'un diastème)

Un patient d'une soixantaine d'années, après avoir trébuché sur le trottoir, se présente en urgence avec une fracture radiculaire du tiers moyen de l'incisive centrale maxillaire gauche anciennement dépulpée (fig. 26).

Fragment coronaire déposé après anesthésie locale para-apicale et anesthésie des tissus mous (fig. 27).

Préparation des tissus des dents adjacentes et du fragment pour le collage selon le protocole choisi (fig. 28) (tableau 1).

Réalisation d'une ailette palatine au composite pour solidariser le fragment fracturé à la dent adjacente (fig. 29).

Résultat final après vérification et retouche des contacts en statique et en dynamique (fig. 22 et 30).

Cas clinique no 6 (Dr Yohann Chue)

Collage sous digue avec Everstick®

Une jeune patiente de 20 ans déclare être tombée sur le menton en sortant d'un bar au petit matin. L'examen exo-buccal révèle un hématome au niveau du menton. L'examen endo-buccal révèle des fractures amélo-dentinaires de l'incisive latérale supérieure droite permanente et de l'incisive supérieure centrale gauche permanente, sans exposition pulpaire, ainsi qu'une fracture radiculaire du tiers moyen communiquant avec le milieu buccal.

Le fragment coronaire est solidarisé aux dents adjacentes à l'aide d'une fibre Everstick® selon le protocole du commerçant présenté ci-dessous (fig. 31a).

Vue vestibulaire finale après réalisation du collage de la dent fracturée (fig. 31b).

Cas clinique no 7 (Dr Pierre Layan)

Assemblage adhésif et recollage sous champ opératoire, téflon d'un fragment dentaire intra-oral

Le patient a heurté une pierre en tombant lors d'un trek en Malaisie et est reçu trois jours après le traumatisme. Il présente une fracture corono-radiculaire complexe de l'incisive latérale maxillaire droite et des fêlures de l'incisive centrale maxillaire droite (fig. 32).

Anesthésie locale. Enregistrement de la position du fragment coronaire avec une clé en silicone transparent (Memosil 2®, de Kulzer, ou Exaclear®, de GC).

Mise en place du champ opératoire (fig. 33).

Dépose du fragment coronaire (fig. 34).

Mise en place de téflon pour repousser la digue et la gencive, ici plaqué en utilisant en plus du Telio® (fig. 35).

Gestion de la pulpe (pulpotomie). Préparation des tissus pour le collage.

Collage du fragment coronaire au fragment apical avec du composite, maintenu par la clé de positionnement, et polymérisation (fig. 36).

Résultat final après dépose de la digue, élimination des excès de colle à la fraise flamme et réglage de l'occlusion (fig. 37).

Cas clinique no 8 (Dr Maxime Drossart)

Assemblage avec gingivectomie, rebasage de la couronne naturelle et adjonction d'un tenon provisoire

Le patient se présente en urgence avec une fracture corono-radiculaire de l'incisive maxillaire latérale gauche (fig. 38).

Après anesthésie locale para-apicale et des tissus mous, avulsion du fragment fracturé (accompagné de son tissu pulpaire) (fig. 39).

Utilisation du bistouri électrique autour de la racine pour repousser la gencive et accéder aux limites dentaires (fig. 40).

Traitement de la couronne naturelle extraite : retirer le tissu pulpaire, évider pour placer de la résine, positionner le tenon provisoire dans la racine pour l'utiliser comme couronne provisoire et rebasage (fig. 41).

Vue palatine et vestibulaire de la situation finale après scellement de la couronne et réglage de l'occlusion (fig. 42 et 43).

Cas clinique no 9

Assemblage avec gingivectomie et couronne provisoire

Mr S., 54 ans, se présente au cabinet en urgence avec une fracture corono-radiculaire de l'incisive centrale maxillaire droite (dépulpée ultérieurement) suite à un choc contre une porte. Une fois le parodonte aménagé, l'isomoulage réalisé en début de séance avant dépose du fragment fracturé est utilisé pour créer la couronne provisoire avec adjonction d'un ancrage radiculaire (tenon provisoire) (fig. 44).

Après anesthésie des tissus mous et réalisation d'un isomoulage, avulsion du fragment fracturé (fig. 45 et 46).

Utilisation d'une fraise thermacut autour de la racine pour espacer le parodonte (fig. 47).

Réalisation de la couronne provisoire en résine avec l'isomoulage et avec tenon provisoire dans la racine (fig. 48).

Situation finale après réglage de l'occlusion et scellement de la couronne provisoire avec un ciment provisoire type Durelon® (fig. 49).

Après un mois de cicatrisation, les tissus sont stables. La situation peut être réévaluée sereinement (fig. 50).

Cas clinique no 10 (Dr Anthony Atlan)

Avulsion des fragments fracturés, collage extra-oral et réimplantation

Un jeune patient de 19 ans se présente après avoir reçu au football un coup de pied au niveau du visage. Après examen clinique et radiologique, il est établi que l'incisive centrale maxillaire gauche présente une fracture radiculaire du tiers cervical (fig. 51).

Mise en évidence radiologiquement de la fracture radiculaire de la 21 (fig. 52).

Après anesthésie locale para-apicale, décollement d'un lambeau (fig. 53).

Avulsion du fragment coronaire (fig. 54).

Fragment coronaire extrait avec le tissu pulpaire (fig. 55).

Vue occlusale du fragment radiculaire restant après l'avulsion du fragment coronaire (fig. 56).

Avulsion du fragment radiculaire avec des techniques non traumatiques : piezotome et lime K de grand diamètre (fig. 57).

Après décontamination bactérienne des fragments dentaires, traitement endodontique à la biodentine, mordançage des surfaces radiculaires, rinçage, application adhésive et polymérisation, le collage des deux fragments est réalisé aux composites (avec une manipulation délicate des fragments dentaires avec une compresse) (fig. 58).

Les excès de composite sont éliminés et la dent réimplantée. Une contention semi-rigide est collée aux dents adjacentes selon le protocole précédemment décrit et le tout est contrôlé par un cliché radiologique (fig. 59).

Des antibiotiques sont prescrits.

À lire

  • [1] Dreyfus-Schmidt E, Glatigny S, Viennet P, Decup F. Traumatologie dentaire chez l'adulte. Une prise en charge spécifique. Clinic 2018;39:33-43.
  • [2] Glatigny S, Dreyfus-Schmidt E, Jouanny G. Traumatismes dentaires adultes et thérapies pulpaires associées. Clinic 2018;39:319-327.
  • [3] Dreyfus-Schmidt E, Decup F. Traumatismes alvéolo-dentaires adultes et contention. Clinic 2019;40:177-187.
  • [4] Andersson L, Andreasen JO. Guidelines for the management of traumatic dental injuries. 1. Fractures and luxations of permanent teeth. Int Assoc Dent Traumatol 2017;39:17-18.
  • [5] Pashley DH, Tay FR, Breschi L, Tjäderhane L, Carvalho RM, Carrilho M, Tzevergil-Mutluay A. State of the art etch-and-rinse adhesives. Dent Mater 2011;27:1-16.
  • [6] Garcia FCP, Poubel DLN, Almeida JCF, Toledo IP, Poi WR, Guerra ESN, Rezende LVML. Tooth fragment reattachment techniques: a systematic review. Dent Traumatol 2018;34:135-143.
  • [7] Poubel DLN, Almeida JCF, Dias Ribeiro AP, Maia GB, Martinez JMG, Garcia FCP. Effect of dehydration and rehydration intervals on fracture resistance of reattached tooth fragments using a multimode adhesive. Dent Traumatol 2017;33:451-457.
  • [8] Maia GB, Pereira RV, Poubel DLN, Almeida JCF, Dias Ribeiro AP, Rezende LVML, Garcia FCP. Reattachment of fractured teeth using a multimode adhesive: effect of different rewetting solutions and immersion time. Dent Traumatol 2020;36:51-57.