Santé
Docteur en chirurgie dentaire
Pratique Libérale, conventionnée
Cabinet dentaire de Grande-Synthe
Residence Reaumur
L'obésité est aujourd'hui un problème de santé publique important. Une grande partie de la population est touchée, et les patients obèses le sont de plus en plus jeunes. Il s'agit notamment de la conséquence du mode de vie actuel, une société stressée qui compense souvent, par la nourriture, un apport calorique bien plus important que les dépenses énergétiques de l'individu. L'obésité entraîne de nombreux problèmes de santé qui mettent en jeu le bien-être quotidien du...
L'obésité est aujourd'hui un problème de santé publique important. Une grande partie de la population est touchée, et les patients obèses le sont de plus en plus jeunes. Il s'agit notamment de la conséquence du mode de vie actuel, une société stressée qui compense souvent, par la nourriture, un apport calorique bien plus important que les dépenses énergétiques de l'individu. L'obésité entraîne de nombreux problèmes de santé qui mettent en jeu le bien-être quotidien du patient ainsi que son espérance de vie. C'est pourquoi beaucoup d'entre eux se tournent vers la chirurgie digestive. Le rôle du chirurgien-dentiste est important dans l'accompagnement de ce traitement.
Malgré les nombreux spots publicitaires ou les interventions dans les milieux scolaires et professionnels, beaucoup de patients n'arrivent pas à réduire leur poids ni changer leurs habitudes (fig. 1). C'est pourquoi ils se tournent vers la chirurgie bariatrique qui est pour eux le dernier moyen de trouver une solution.
La relation entre les aspects dentaires et les effets secondaires de la chirurgie bariatrique n'a pas été adéquatement rapportée dans la littérature médicale, car il y a eu peu d'études à long terme et la majorité d'entre elles ont fait l'objet de rapports de cas. L'objectif de ce travail est de montrer l'importance du rôle du chirurgien-dentiste au sein de l'équipe pluridisciplinaire. En assurant la conservation des structures dentaires permettant de rétablir la fonction et l'esthétique, le chirurgien-dentiste participe à l'amélioration de la qualité de vie et du bien-être des patients. Prévention, prophylaxie, soins, réhabilitations prothétiques, maintenance et surveillance sont essentiels au maintien de cette santé optimale.
La chirurgie bariatrique est une chirurgie viscérale digestive, pratiquée par un chirurgien viscéral, de plus en plus réalisée dans le monde. Il en existe aujourd'hui trois types majoritairement pratiqués : la sleeve, le by-pass gastrique et l'anneau gastrique. Cette chirurgie est réalisée dans le but d'entraîner une perte de poids mais aussi d'améliorer la qualité de vie et la santé des patients en diminuant les complications liées au diabète ainsi que les risques cardio-vasculaires. De plus, la prescription médicamenteuse finale est également réduite.
Le suivi médical de ces patients est pluridisciplinaire, mais bien qu'il y ait toujours un contrôle dentaire prescrit avant la chirurgie, aucun suivi postopératoire n'est habituellement réalisé. L'importance de la qualité d'une bonne santé bucco-dentaire pour le maintien d'une bonne santé générale du patient n'est alors pas suffisamment mise en évidence.
Les effets secondaires de la chirurgie bariatrique peuvent entraîner d'importants troubles buccaux : l'acidité apportée par les vomissements fréquents altère la qualité de l'émail, une mauvaise mastication par manque de réhabilitation prothétique nuit à la digestion, l'absence de suivi dentaire au long terme entraîne l'aggravation d'une maladie parodontale et de lésions carieuses potentiellement présentes en préopératoire par manque de conseils d'hygiène et nutritionnels.
Les patients sont contraints de modifier leur régime alimentaire, ce qui est souvent à l'origine de carences et nuit à la reminéralisation des tissus dentaires. De même, le système digestif peut être perturbé et provoque alors des reflux gastro-œsophagiens, seconde source d'acidité.
Les maladies parodontales et les caries dentaires sont les maladies les plus courantes de l'homme et la principale cause de perte de dents. Ces deux types d'affection peuvent conduire à des compromis nutritionnels et à des impacts négatifs sur l'estime de soi et la qualité de vie. En tant que maladies chroniques complexes, elles partagent des facteurs de risque communs, tels que la nécessité d'un biofilm de plaque pathogène, mais elles présentent des physiopathologies distinctes. Les expositions multiples contribuent à leurs voies causales et la susceptibilité implique des facteurs de risque :
• hérités : par exemple, des variantes génétiques ;
• acquis : facteurs socio-économiques, charge ou composition du biofilm, tabagisme, apport en glucides.
L'identification de ces facteurs est indispensable dans la prévention et la gestion de ces deux maladies.
L'obésité et les lésions carieuses sont des pathologies de plus en plus répandues. La première croît si rapidement que l'OMS a classé sa tendance comme une « épidémie ». Les deux sont déclenchées par de nombreux facteurs étiologiques communs bien connus, en particulier la quantité élevée de sucre ajouté depuis l'enfance. En raison de sa fermentation et de son abaissement du pH, le sucre alimentaire permet aux bactéries cariogènes d'endommager l'émail dentaire, provoquant les lésions carieuses.
La carie dentaire est fortement rencontrée chez les patients atteints de pathologies systémiques et métaboliques ; cela est dû à la dérégulation de l'homéostasie et aux effets secondaires des traitements médicamenteux.
De plus, la consommation abondante de sodas entraîne la formation d'érosions dentaires. Selon une étude de 2013, réalisée sur 64 enfants âgés de 7 à 15 ans, le résultat est le suivant : les enfants obèses étaient plus susceptibles d'avoir une érosion que les enfants en bonne santé, et avaient plus d'érosions en termes de sévérité et de zone affectée, mais pas en nombre de surfaces affectées.
Ces troubles sont directement liés à l'alimentation malsaine et au manque d'hygiène bucco-dentaire des patients souffrant d'obésité.
La parodontite est responsable d'une perte osseuse inflammatoire locale, donnant suite à une brèche infectieuse de l'os cortical alvéolaire, et pouvant entraîner une perte de dents. Une étude réalisée sur un échantillon de 582 individus (population urbaine du sud du Brésil), d'une durée de 5 ans, dénommée « Effet de l'obésité sur la progression de la perte d'attachement parodontal : une étude prospective de 5 ans basée sur la population », met en évidence la corrélation entre obésité et perte d'attache parodontale.
Dans la parodontite, la glycémie entraîne le stress oxydatif et les produits finaux de glycation avancée peuvent également déclencher un état hyperinflammatoire. C'est pourquoi la maladie parodontale est fréquente chez les patients atteints de diabète déséquilibré, pathologie métabolique fortement rencontrée chez les personnes obèses. L'obésité globale et l'adiposité centrale sont liées à des risques accrus de gingivite et à sa progression vers la parodontite. Les modifications inflammatoires du parodonte ne se limitent pas qu'à la cavité buccale, elles peuvent aussi déclencher des conséquences systémiques et aggraver un diabète par exemple.
Les symptômes de la xérostomie comprennent la sécheresse de la bouche, la douleur buccale, la gêne buccale, la dysgueusie, la dysphagie, une diminution du pH buccal, une augmentation des caries dentaires et une complication de l'infection fongique qui aggravent nettement l'environnement buccal. Les principales causes d'apparition sont les maladies systémiques et leurs médications.
Les pathologies systémiques dont sont atteints les patients obèses ont tendance à devenir chroniques, prolongeant la période d'administration du médicament, ce qui entraîne une aggravation des symptômes de la xérostomie. En conséquence, la fréquence des caries dentaires est augmentée et la maladie parodontale aggravée.
Une incidence significativement élevée de xérostomie chez les patients atteints de diabète sucré est prouvée. Ce trouble salivaire est généralement induit par la déshydratation due aux diurétiques osmotiques du traitement. Des études montrent un débit salivaire parotidien stimulé significativement plus bas chez les patients diabétiques âgés présentant un mauvais contrôle glycémique (HbA1C > 9 %) que chez ceux présentant un bon contrôle glycémique ou des sujets sains.
D'autre part, les personnes obèses ont une composition différente de bactéries salivaires et des changements dans la concentration en acide sialique, phosphore et peroxydase, ainsi qu'un débit réduit de salive stimulée qui peut favoriser non seulement la carie dentaire mais aussi la maladie parodontale.
Les troubles temporo-mandibulaires sont des affections très fréquentes caractérisées par la douleur et le dysfonctionnement des muscles masticateurs, de l'articulation temporo-mandibulaire et de ses structures associées.
Il a été démontré que ces troubles sont associés à diverses affections douloureuses comme la fibromyalgie, la douleur au cou et la douleur généralisée du corps. Sachant que l'obésité est associée à certaines formes de douleur chronique (en majorité articulaires), elle est associée à la prévalence des douleurs de l'articulation temporo-mandibulaire.
L'obésité correspond à un état d'inflammation chronique de bas degré, associé à l'élévation des cytokines et des marqueurs inflammatoires, et à la présence de macrophages infiltrants dans le tissu adipeux blanc des individus obèses. Même si tous les mécanismes ne sont pas clarifiés, le gain de poids et l'hypertrophie des adipocytes entraînent la compression des vaisseaux sanguins dans le tissu adipeux blanc, ce qui nuit à l'apport d'oxygène.
Ce mécanisme entraîne une hypoxie locale et la mort de certains adipocytes. Ce scénario déclencherait une cascade de réponses inflammatoires et aussi le processus d'angiogenèse pour la formation de nouveaux vaisseaux. En outre, les preuves soutiennent le rôle du tissu adipeux comme un organe endocrinien dynamique qui sécrète des cytokines pro-inflammatoires et une variété de médiateurs inflammatoires, déclenchant un état pro-inflammatoire systémique.
Plusieurs marqueurs inflammatoires communs sont élevés dans l'obésité et lorsque l'articulation temporo-mandibulaire est douloureuse, de là se dégage le lien de cause à effet.
De plus, l'obésité et la douleur temporo-mandibulaire partagent certains facteurs de risque : des travaux ont montré le lien entre le trouble temporo-mandibulaire douloureux chronique et la céphalée primaire, en particulier la migraine.
L'obésité, elle, est associée à des crises de céphalées plus intenses et constitue un facteur de risque pour la chronicité de la migraine. Ainsi, l'obésité augmente la fréquence de la migraine qui, à son tour, peut contribuer à la douleur de l'articulation temporo-mandibulaire.
Ajoutés à cela, la dépression et les symptômes somatiques non spécifiques ont des associations bidirectionnelles bien définies avec l'obésité et dans le syndrome de l'ATM douloureuse, la prévalence élevée de ces pathologies a également été démontrée.
La chirurgie bariatrique est officiellement reconnue comme une option thérapeutique pour les patients avec un indice de masse corporelle (IMC) ≥ à 35 kg/m2 dont le diabète de type 2 est insuffisamment contrôlé par un traitement médical optimal.
Toutes les interventions sont réalisées par cœlioscopie, sous anesthésie générale. Il existe trois techniques principales (fig. 2) :
• l'anneau gastrique ;
• le by-pass gastrique ;
• la sleeve.
La chirurgie ne peut être envisagée qu'en deuxième intention après échec d'un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant 6 à 12 mois. Cela chez des patients bien informés, ayant compris et accepté la nécessité d'un suivi médical et chirurgical à long terme, et chez des patients ayant bénéficié d'une évaluation et d'une prise en charge préopératoire pluridisciplinaire. Cette évaluation pluridisciplinaire, qui doit au minimum être réalisée par un chirurgien, un médecin spécialiste de l'obésité, un psychiatre ou un psychologue (qui doit nécessairement être membre de l'équipe pluridisciplinaire) et une diététicienne, a pour objectif d'aboutir à une discussion et à une concertation pluridisciplinaire. Ceci afin de déterminer pour chaque patient le rapport bénéfice-risque de l'intervention et l'indication ou la contre-indication de la chirurgie. Idéalement, cette concertation pluridisciplinaire doit avoir lieu au cours d'une réunion physique entre les intervenants. L'importance de cette évaluation pluridisciplinaire se justifie par le fait que l'obésité est une pathologie chronique d'étiologie multifactorielle, dont la prise en charge nécessite un abord global à long terme.
Cette technique consiste à la mise en place d'un anneau de silicone autour de la partie très haute de l'estomac. Cet anneau est relié par un cathéter à un petit boîtier placé sous la peau. Ce boîtier permet ce que l'on appelle le resserrage de l'anneau, d'où son caractère « ajustable » ou « modulable » en fonction de la perte de poids. Une simple injection de sérum physiologique dans le boîtier remplira alors progressivement l'anneau.
Le but de la mise en place de cet anneau autour de l'estomac est d'atteindre par resserrages successifs le seuil suffisant d'augmentation de la pression intragastrique déclenchant les réflexes de satiété stimulant le centre hypothalamique. Cela diminue ainsi la quantité d'aliments ingérés par les patients. Toute la nourriture qui sera absorbée après l'intervention le sera de la même façon qu'avant ; il n'y aura pas de modification au niveau des fonctions digestives. Le degré de serrage de l'anneau en postopératoire est apprécié par le chirurgien en fonction de la clinique comprenant :
• la perte de poids ;
• l'appréciation du degré de dysphagie (difficulté à s'alimenter).
Le by-pass consiste en une approche mixte à la fois restrictive, par la création d'une poche gastrique (environ 15-20 ml) par agrafages vertical et horizontal, et malabsorptive, par le court-circuit du duodénum et de l'anse bilio-pancréatique grâce au montage d'une anse de Roux-en-Y.
L'intervention dure de 2 à 3 heures en général. Avec une procédure cœlioscopique, la récupération intégrale sur le plan physique est obtenue dans un délai de 15 jours à 3 semaines à partir de l'intervention.
La sleeve gastrique consiste en la réduction de 70 à 80 % du volume gastrique par la résection en manchon le long de la petite courbure de l'estomac. Cette technique est donc purement restrictive, non réversible. C'est une section « verticale » de la grosse tubérosité gastrique (qui est la partie de l'estomac qui se dilate lors des prises alimentaires), laissant en place un tube gastrique.
L'intervention dure de 1 heure 30 à 2 heures en général. Avec une procédure cœlioscopique, la récupération intégrale sur le plan physique est obtenue dans un délai de 15 jours à 3 semaines à partir de l'intervention.
L'état de santé bucco-dentaire doit être régulièrement contrôlé dans le cadre du traitement des patients atteints d'obésité et de diabète de type 2, car cela peut avoir des effets majeurs sur leur santé globale et l'évolution de leur maladie.
De plus, le chirurgien-dentiste reçoit de façon fréquente des patients adressés par des praticiens de différentes spécialités pour une recherche de foyers infectieux bucco-dentaires. Selon la SFCO (Société Française de Chirurgie Orale), celle-ci est demandée par le spécialiste correspondant dans plusieurs circonstances :
– lors d'un état général particulier, afin de prévenir l'apparition d'une infection secondaire ou bien pour stabiliser une pathologie générale ;
– afin de rechercher l'origine d'une infection secondaire ;
– avant l'instauration d'une thérapeutique physique (radiothérapie) ou médicale (chimiothérapie, thérapies immunosuppressives) susceptible de favoriser ou d'aggraver un processus infectieux ;
– afin de préparer le patient à une intervention chirurgicale.
Seuls les foyers infectieux d'origine bactérienne sont traités dans ces recommandations. Par ailleurs les pathologies infectieuses muqueuses et salivaires en sont exclues.
Un bilan bucco-dentaire doit obligatoirement être composé d'un examen clinique (interrogatoire, sondage parodontal, tests de vitalité, percussion, palpation des chaînes ganglionnaires...) ainsi que d'un examen radiographique panoramique. Si un doute existe lors de la lecture de l'examen panoramique, l'examen radiographique doit être complété par d'autres examens, comme une tomographie volumique à faisceau conique (Cone Beam) ou des clichés rétro-alvéolaires.
Le choix de la thérapeutique retenue doit prendre en compte :
– l'observance prévisible aux manœuvres d'hygiène et aux visites de contrôle ;
– le risque lié à l'abstention thérapeutique ;
– la morbidité inhérente à chaque solution thérapeutique ;
– le bénéfice attendu de chaque proposition thérapeutique sur la qualité de vie ;
– le pronostic vital du patient lié à l'affection générale.
L'assainissement de la cavité buccale commence par le débridement des surfaces dentaires au cours d'une séance de détartrage, à l'aide des ultrasons. Celui-ci est accompagné si nécessaire d'un surfaçage sous-gingival ainsi que d'un rinçage des poches parodontales. Cela permet de réaliser les divers actes suivants dans un environnement propre, diminuant le risque infectieux par la baisse de la charge bactérienne présente.
Avant toute chirurgie, dont la chirurgie bariatrique, il est indispensable de procéder à l'éradication des foyers infectieux dentaires tels que les lésions carieuses et lésions péri-apicales, ainsi que les extractions des dents non conservables.
Évidemment, les actes chirurgicaux destinés à assainir la cavité buccale doivent être réalisés au plus tôt, de façon à ce que la cicatrisation gingivale soit acquise avant l'apparition du risque infectieux supplémentaire.
Lorsque les patients présentent un risque infectieux particulier, la cicatrisation muqueuse après avulsion dentaire nécessite un délai minimum d'une semaine. Elle doit être contrôlée par un examen clinique. Tant qu'une plaie n'est pas refermée, le risque infectieux est susceptible d'être majoré dans des situations particulières. C'est le cas chez certains patients obèses atteints de diabète non équilibré (hémoglobine glyquée > 7 %).
Dans ces situations, une antibioprophylaxie doit bien entendu être instituée avant le geste invasif, mais également poursuivie jusqu'à la cicatrisation de la muqueuse (antibiothérapie).
De plus, il est nécessaire de rétablir un coefficient masticatoire minimal, exprimé en pourcentage d'efficacité masticatoire et basé sur le schéma dentaire du patient. Son score reflète la capacité du patient à adopter une alimentation normale (> 75 %), molle ou mixée.
Son calcul est simple : chaque dent « ayant une antagoniste » se voit attribuer une valeur de 1 à 5 % selon un barème prédéfini (tableau 1).
Il varie de 100 % chez un patient ayant 32 dents à 0 % chez un édenté total. Il est de 90 % après extraction des dents de sagesse [52]. Concernant la chirurgie bariatrique, le coefficient masticatoire minimal requis afin d'autoriser l'intervention est de 60 %. Lorsqu'une (ou plusieurs) dent est manquante, il convient de n'intégrer dans le calcul du coefficient de mastication ni sa valeur propre, ni celle de la dent antagoniste. Ceci est à appliquer dans tous les cas où le contact entre les dents antagonistes n'est plus assuré.
A contrario, les prothèses présentes en bouche, qu'elles soient fixes ou amovibles, se verront affecter de la valeur des dents qu'elles remplacent, mais seulement si elles assurent complètement leur rôle.
À la suite de l'examen clinique de la denture, le calcul du coefficient masticatoire du patient est donc réalisé en totalisant les valeurs attribuées à chacune des dents. L'idéal est de réaliser la totalité des soins ainsi que la réhabilitation prothétique (si elle est nécessaire) avant l'intervention chirurgicale, puis d'instaurer un suivi régulier. Si cela n'est pas réalisable dans le temps imparti, que le patient nécessite une réhabilitation prothétique mais que son coefficient masticatoire est au moins de 60 %, les foyers infectieux seront éradiqués en priorité et les prothèses seront réalisées en postopératoire.
À la suite de l'intervention, l'estomac est réduit de façon importante et ne peut contenir qu'une petite quantité d'aliments. Le patient doit alors totalement modifier ses habitudes alimentaires et suivre des conseils diététiques très stricts pendant 4 semaines.
Le suivi chirurgical permettra également d'évaluer s'il est nécessaire de proposer un geste esthétique (abdominoplastie) au patient en cas d'excès de peau suivant la perte de poids ou bien en cas d'amaigrissement inhomogène.
L'état buccal des patients souffrant d'obésité peut se modifier après la chirurgie bariatrique.
En effet cette intervention risque d'avoir des effets secondaires altérant la santé bucco-dentaire. Certains travaux ont démontré qu'il pourrait y avoir une augmentation du risque de maladies parodontales, de caries dentaires, d'hypersensibilité dentinaire et de xérostomie après une chirurgie bariatrique.
La cavité buccale fait physiologiquement et anatomiquement partie intégrante du tube digestif et les éventuels effets négatifs de la chirurgie bariatrique peuvent se manifester dans le cadre de la santé bucco-dentaire comme les caries dentaires, l'usure dentaire, les altérations des muqueuses (comme des ulcères palatins) et les maladies parodontales.
Nausées et vomissements surviennent généralement après une chirurgie bariatrique. Majoritairement, les habitudes alimentaires dysfonctionnelles, telles que la suralimentation, manger trop vite ou ne pas bien mâcher les aliments sont responsables de ces complications. Une acidification de la cavité buccale est alors entraînée et les tissus dentaires sont alors plus vulnérables à l'apparition de lésions carieuses et de lésions d'usures érosives.
Une étude transversale a été réalisée au Brésil afin de comparer la prévalence des caries dentaires, des maladies parodontales et des usures dentaires chez les patients obèses et obèses morbides et de corréler les conditions de santé bucco-dentaire avec le flux salivaire. La prévalence des maladies bucco-dentaires était similaire chez les patients sévèrement obèses candidats à la chirurgie bariatrique et chez les patients ayant subi celle-ci. Néanmoins, la prévalence des poches parodontales était plus élevée dans le groupe opéré.
Les patients soumis à une chirurgie bariatrique peuvent être considérés comme un groupe à risque élevé de caries dentaires, car ils se nourrissent bien souvent avec de faibles portions mais en fréquence plus élevée, et les aliments ingérés sont fréquemment de texture molle car elle est mieux tolérée par leur organisme. Ces deux paramètres (la fréquence de l'alimentation et le type d'aliments) sont associés à la formation de plaque bactérienne, agent étiologique primaire dans les caries dentaires et maladies parodontales.
Entre les personnes obèses et celles ayant subi une chirurgie bariatrique, la différence significative en ce qui concerne la perte osseuse alvéolaire peut être associée à des carences en vitamines ou en minéraux, comme l'hypocalcémie souvent rencontrée en postopératoire.
Le chirurgien-dentiste doit agir pour maintenir la bonne santé bucco-dentaire de ses patients, et cela en commençant par délivrer les bons conseils pour lutter contre les effets secondaires néfastes de la chirurgie bariatrique. Cela s'inscrit dans un contexte global de prévention, mais aussi dans la prise en charge précoce des troubles oraux entraînés par l'intervention.
Le praticien connaît son patient ainsi que ses besoins, il a réalisé un examen clinique complet et effectue un suivi régulier chez ce dernier. Il faudra adapter les prescriptions à l'état bucco-dentaire postopératoire et privilégier selon l'UFSBD (Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire) :
– un brossage deux fois par jour avec une brosse à dents à poils souples ;
– l'utilisation d'un dentifrice fluoré ;
– l'utilisation de brossettes interdentaires chaque soir ;
– l'utilisation d'un bain de bouche en complément d'hygiène afin de lutter contre la maladie parodontale (naissante ou existante) ainsi que l'apparition des lésions carieuses. En effet, si le patient présente de nombreux soins, des malpositions dentaires, des prothèses, ou a subi un traitement parodontal, l'UFSBD conseille d'utiliser un bain de bouche deux fois par jour, lors des brossages ;
– la mastication d'un chewing-gum sans sucre après chaque prise alimentaire.
Le matériel prescrit sera accompagné de conseils d'utilisation adaptés et il est nécessaire de s'assurer que le patient les a bien assimilés et de faire une démonstration. Il faut éduquer de façon thérapeutique le patient, il doit être motivé et observant afin de maintenir une hygiène buccale optimale.
Le chirurgien-dentiste doit également délivrer des conseils nutritionnels à son patient, dans le but de diminuer les risques d'apparition de lésions carieuses, mais aussi les troubles salivaires.
Il faut préférer les aliments encourageant la mastication, conseiller de sucer un bonbon sans sucre, de mâcher un chewing-gum sans sucre pour stimuler le flux salivaire. Une hydratation suffisante à l'eau pure est essentielle. Il peut parfois être nécessaire de prendre contact avec le nutritionniste, comme avec tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire prenant en charge le patient.
Concernant les vomissements, le chirurgien-dentiste doit conseiller à son patient de boire un verre d'eau pure, qui effectuera un premier rinçage de la cavité buccale et permettra de rééquilibrer le pH, puis d'attendre 30 à 60 minutes avant de se brosser les dents avec un dentifrice fluoré (ce délai permettant au pH buccal de redevenir neutre avant l'action abrasive du brossage).
Si besoin est, le praticien peut procéder à l'application professionnelle d'une thérapeutique complémentaire à haute teneur en fluor comme notamment le vernis fluoré. Afin de soulager les troubles gingivaux rencontrés et/ou les sensibilités dentaires du patient, un dentifrice adapté peut également être prescrit.
Il faudra veiller à maintenir un coefficient masticatoire le plus efficace possible : si une dent venait à être extraite, il faudrait systématiquement envisager son remplacement. La surveillance ainsi que les vérifications périodiques des éléments de prothèses déjà présents en bouche sont primordiales à leur maintien dans le temps.
L'association du fait d'être édenté et d'avoir un mauvais état de santé bucco-dentaire pourrait conduire à un isolement social sévère et une solitude de l'individu, au point de ne plus se préoccuper de son état de santé et d'éviter les visites médicales, dont celles chez le chirurgien-dentiste.
La santé bucco-dentaire affecte fortement le bien-être, de l'enfance à la fin de l'âge adulte. L'édentation causée par la mauvaise santé buccale complique la mastication, provoquant une mauvaise assimilation de la nutrition, et entrave la prononciation et l'esthétique, générant des difficultés interpersonnelles. Plus les activités sociales se limitent, plus le sentiment d'isolement et de solitude, le stress et la dépression s'amplifient tandis que le bonheur diminue.
Ce constat provient d'une étude de 2017 réalisée sur 15 716 adultes coréens âgés de 35 ans et plus, souffrant de stress, dépression et idées suicidaires. Il est admis que pour l'interaction sociale et le bien-être général, une bonne santé orale est essentielle. La santé bucco-dentaire est un phénomène dynamique influencé par de nombreux facteurs qui se modifient dans le temps et peuvent entraîner des émotions positives et négatives.
La maintenance d'une santé bucco-dentaire optimale est une première prévention contre les maladies chroniques orales et permet l'amélioration des conséquences des processus inflammatoires chroniques. C'est pourquoi la prise en charge des patients atteints d'obésité et de diabète nécessite une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé médicaux et dentaires.
Le suivi régulier du patient à vie permettra de déceler précocement les lésions carieuses débutantes, de maintenir fonctionnels les anciens soins et les éléments de prothèses encore présents en bouche. Les différents rendez-vous seront l'occasion de revoir avec le patient les méthodes de brossage, vérifier l'équilibre des différentes pathologies chroniques et maintenir une bonne relation de confiance patient-praticien.
Mme L.S a été rencontrée lors d'une consultation à la clinique de la faculté d'odontologie de Lille. Lors de cette consultation, un panoramique dentaire a été réalisé (fig. 3 et 4) environ 1 an après l'intervention chirurgicale (by-pass). Quelques années avant la pose du premier anneau gastrique qui a échoué, de nombreux soins dentaires étaient déjà nécessaires, comme les soins carieux sur 12, 14, 15, 17, 38, 35, 33, 47 et 48 (fig. 5).
Malheureusement, l'état dentaire de la patiente n'a fait que se dégrader dans le temps. Nous supposons que cela est dû à un manque d'hygiène dentaire mais aussi à la morphine prise sous forme de « sucette » pour le traitement de la fibromyalgie. De plus, les vomissements à répétition ont amené un pH acide en continu dans la cavité buccale de la patiente, ce qui est un facteur de détérioration des tissus dentaires supplémentaire.
Lors de cette consultation a été décidée pour plan de traitement la réalisation d'une prothèse amovible totale maxillaire ainsi qu'une prothèse amovible totale mandibulaire stabilisée par deux boutons-pression sur 33 et 43.
À la suite de ces deux chirurgies, pose d'un anneau gastrique puis by-pass, la patiente a perdu près de 60 kg en 3 ans et se sent aujourd'hui très heureuse. Malgré tout, on relève dans le questionnaire le regret de ne pas avoir bénéficié de conseils pour sa santé bucco-dentaire ainsi que d'un suivi régulier chez le chirurgien-dentiste, car cette patiente a souffert de nombreux effets néfastes postopératoires comme des vomissements à répétition.
La prise en charge au cabinet dentaire du patient bénéficiant d'une chirurgie bariatrique est un sujet d'actualité au regard de l'augmentation du nombre d'interventions réalisées de nos jours. Les chirurgiens-dentistes seront amenés à rencontrer de plus en plus de patients nécessitant un examen bucco-dentaire préopératoire et il est essentiel de les renseigner à ce sujet afin de connaître les points importants du suivi et les soins à prodiguer dans cette situation. De nombreux articles concernant la chirurgie bariatrique sont apparus ces dernières années dans la presse grand public et aujourd'hui se pose la question de la qualité du suivi de ces patients.
Le degré d'importance de la santé bucco-dentaire est totalement différent du point de vue du chirurgien-dentiste ou de celui du patient. Ce dernier a pour seul objectif la perte de poids et l'amélioration de ses pathologies chroniques potentiellement présentes (diabète, hypertension, etc.) et n'apporte pas le même intérêt à la conservation de ses dents en parfait état.
Le chirurgien-dentiste, lui, a pour intérêt de rétablir une santé bucco-dentaire optimale ainsi qu'un coefficient masticatoire d'au moins 60 %. Il a conscience des conséquences digestives et des changements de régime alimentaire qu'impose ce genre d'interventions. Son objectif principal est d'apporter au patient une mastication efficace permettant la réduction du bol alimentaire, étape primordiale de la digestion.
Le chirurgien-dentiste considère comme « sérieuse » la présence de nombreuses lésions carieuses, d'une parodontite, d'un édentement important, d'acidité buccale apportée de façon quotidienne.
Il est essentiel d'instaurer une éducation thérapeutique à l'hygiène bucco-dentaire. Il faut rendre le patient acteur de sa santé orale et l'impliquer dans son programme de soins, son suivi au long terme.
La chirurgie bariatrique relevant d'une prise en charge multidisciplinaire, le bilan médical complet préopératoire et le suivi spécialisé postopératoire à vie sont d'une importance capitale. Ils sont d'ordre psychologique/psychiatrique, nutritionnel, endocrinologique et enfin dentaire. Différentes techniques permettent l'amélioration de la qualité de vie du patient, une réduction des pathologies générales telles que le diabète de type 2 (sucré) et les troubles cardio-vasculaires. Bien évidemment, le résultat de l'opération dépend d'une bonne observance du patient.
Le nombre croissant de procédures bariatriques rend nécessaire la bonne compréhension de leurs effets secondaires. Cette chirurgie entraîne diverses altérations anatomiques et physiologiques, et certaines d'entre elles affectent l'intégrité de la cavité buccale.
Le suivi dentaire est un élément essentiel, tant en préopératoire qu'en postopératoire. Une bonne santé bucco-dentaire et une mastication efficace sont des éléments essentiels au maintien d'une bonne santé générale et d'une bonne intégration sociale de l'individu.
La relation entre les aspects dentaires et les effets secondaires de la chirurgie bariatrique n'a pas été adéquatement rapportée dans la littérature médicale, car il y a eu peu d'études à long terme et la majorité d'entre elles ont fait l'objet de rapports de cas. Mais ce travail prouve l'importance du rôle du chirurgien-dentiste au sein de l'équipe pluridisciplinaire. En assurant la conservation des structures dentaires permettant de rétablir la fonction et l'esthétique, le chirurgien-dentiste participe à l'amélioration de la qualité de vie et du bien-être des patients. Prévention, prophylaxie, soins, réhabilitations prothétiques, maintenance et surveillance sont essentiels au maintien d'une santé optimale.
Bien sûr, développer la prévention reste le moyen le plus efficient pour réduire les besoins en soins bucco-dentaires. C'est pourquoi l'équipe pluridisciplinaire devrait être informée des risques oraux encourus à la suite d'une telle chirurgie et en informer son patient.