Clinic n° 07 du 01/07/2020

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

La permanence des soins est une obligation pour les praticiens et ils doivent s'y soumettre. À défaut, ils sont susceptibles de commettre une faute déontologique. Toutefois, dans un arrêt récent, le Conseil d'État a rappelé comment devait être exécutée cette obligation.

La permanence des soins

Aux termes de l'article R. 6315-7 du code de la santé publique : « Une permanence des soins dentaires, assurée par les chirurgiens-dentistes libéraux, les chirurgiens-dentistes collaborateurs et les chirurgiens-dentistes salariés des centres de santé, est organisée dans chaque département les dimanches et jours fériés. Les chirurgiens-dentistes y participent dans le cadre de leur obligation déontologique prévue à l'article R. 4127-245 ». Celle-ci est organisée par secteur, par le conseil départemental, pour une durée minimale de trois mois. Ainsi, le conseil départemental établi un tableau sur lequel il précise le nom et le lieu de dispensation des actes de chaque chirurgien-dentiste (article R. 6315-9 du même code). L'organisation de la permanence des soins constitue donc un pouvoir propre de l'Ordre, agissant dans le cadre de ses missions de service public. À notre sens, en élaborant ce tableau, il utilise ses pouvoirs administratifs et rend donc une décision administrative qui s'impose à tous. C'est pourquoi l'article R. 4127-245 du code de la santé publique rappelle que « Il est du devoir de tout chirurgien-dentiste de prêter son concours aux mesures prises en vue d'assurer la permanence des soins et la protection de la santé. Sa participation au service de garde est obligatoire ». Plus qu'un devoir, il s'agit donc d'une obligation déontologique.

Les dérogations

Pour autant, l'article précité rappelle également que « des exemptions peuvent être accordées par le conseil départemental de l'ordre, compte tenu de l'âge, de l'état de santé et, éventuellement, de la spécialisation du praticien ». Une nouvelle fois, seul l'Ordre peut apprécier, au cas par cas, si un praticien peut être écarté des mécanismes de garde mis en place. Cela a conduit le Conseil d'État à rappeler « qu'un chirurgien-dentiste ne peut, sans méconnaître ses obligations déontologiques, s'abstenir délibérément de participer à la permanence des soins dentaires organisée par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, lorsqu'il ne bénéficie pas d'une exemption accordée sur le fondement de l'article R. 4127-245 du code de la santé publique ». En d'autres termes, en refusant de se soumettre au tableau des gardes, sans bénéficier d'une dérogation de l'Ordre, le chirurgien-dentiste se met en faute.

L'appréciation de la faute

C'est ce qu'a eu a jugé le Conseil d'État. M. B, chirurgien-dentiste salarié d'un centre de santé à Strasbourg, n'a pas assuré une garde de soins dentaires pour laquelle il était programmé. Le conseil départemental a porté plainte et la chambre disciplinaire de première instance lui a infligé la sanction de l'avertissement. Contestant cette sanction, le chirurgien-dentiste a fait appel, mais son appel a été rejeté. Il s'est donc pourvu en cassation devant le Conseil d'État. Or, ce dernier constate que M. B. avait alerté à plusieurs reprises le Conseil départemental de ce que son employeur avait refusé de mettre à sa disposition les moyens propres à lui permettre d'assurer effectivement sa garde dans le centre de santé où il exerce comme salarié, et avait demandé à ce qu'une solution soit trouvée. En effet, son employeur avait tout simplement refusé d'ouvrir le centre pour un seul praticien sur une journée. Dans la mesure où M. B. avait alerté le conseil départemental de la situation, avait sollicité de ce dernier une solution alternative, le Conseil d'État a considéré qu'il « ne pouvait être regardé comme s'étant délibérément abstenu de participer à la permanence des soins dentaires ». Il annule donc la sanction prononcée à l'encontre de M. B. En d'autres termes, la faute ne sera reconnue que si le caractère délibéré de l'abstention est démontré.

1 CE, 29 mai 2020, no 422956, mentionné aux Tables du recueil Lebon.

À RETENIR

Tous les chirurgiens-dentistes doivent participer à la permanence des soins et ils ne peuvent refuser. Il s'agit d'une obligation déontologique pour laquelle ils ne peuvent solliciter une exemption qu'en raison de leur âge, de leur état de santé, voire de leur spécialisation. Seule une non-participation du fait d'un élément extérieur et non imputable au praticien (ex : locaux professionnels inaccessibles suite à une inondation), est susceptible de l'exempter de son obligation, sous réserve d'en informer préalablement le conseil départemental afin qu'une solution soit trouvée.