Endodontie
Roch VEYSSEYRE* Antoine GALIBOURG** Loïc MOURLAN*** Aïcha ZARDI**** Franck DIEMER*****
*Pratique privée
**Toulouse
***Ex-AHU
****Faculté de chirurgie dentaire de Toulouse
*****CHU de Toulouse
******AHU-PH
*******Faculté de chirurgie dentaire de Toulouse
********CHU de Toulouse
*********Pratique privée
**********Tunis
***********PU-PH
************Faculté de chirurgie dentaire de Toulouse
*************Institut Clément Ader, Toulouse
Moins de 25 % des dents antérieures traumatisées développent une oblitération pulpaire à des degrés plus ou moins importants. Le niveau de calcification pulpaire dépend de l'ampleur de la luxation et du stade de formation des racines. La plupart des études suggèrent que l'incidence de la nécrose pulpaire de ces dents est comprise entre 1 et 16 %. L'examen histologique des pulpes des dents présentant une oblitération pulpaire n'a révélé aucun signe d'inflammation en...
Moins de 25 % des dents antérieures traumatisées développent une oblitération pulpaire à des degrés plus ou moins importants. Le niveau de calcification pulpaire dépend de l'ampleur de la luxation et du stade de formation des racines. La plupart des études suggèrent que l'incidence de la nécrose pulpaire de ces dents est comprise entre 1 et 16 %. L'examen histologique des pulpes des dents présentant une oblitération pulpaire n'a révélé aucun signe d'inflammation en l'absence de signe clinique et radiographique. Le traitement endodontique ne doit être initié qu'une fois la nécrose pulpaire démontrée par une pathologie péri-apicale et/ou des symptômes cliniques. La dyschromie seule n'est pas un élément qui permet d'indiquer le traitement endodontique de la dent. Si un traitement radiculaire s'avère nécessaire, les dents présentant une oblitération de la pulpe relèvent de la catégorie de risque élevé dans les critères d'évaluation de cas de l'Association américaine d'endodontie (2010). Ceci est montré par de nombreux rapports de cas dans la littérature qui soulignent les difficultés rencontrées lors du traitement de telles dents. La micro-endodontie guidée peut donc constituer un atout considérable lors de ces thérapeutiques complexes où les aides visuelles ainsi qu'une grande maîtrise du geste opératoire ne garantissent pas toujours le succès immédiat de la thérapeutique endodontique. L'usage de guide en endodontie reste tout de même une pratique récente [1]. Peut-on considérer ces guides comme l'avenir des thérapeutiques endodontiques complexes ? Sont-ils fiables ? Présentent-ils des risques ?
La réalisation des traitements endodontiques sur dents aux canaux pulpaires calcifiés est considérée comme à haut niveau de difficulté, particulièrement lorsque la lumière canalaire ne commence à être visible qu'à partir du tiers apical [2-4] (fig. 1 et 2).
Dans ce cas, l'endodontie devient très opérateur-dépendante et expose le patient à des risques d'erreurs procédurales pouvant compromettre le résultat du traitement. Ce risque d'erreur iatrogène (délabrement coronaire important, perforation), voire d'échec endodontique suggère de repenser l'approche vers l'endodonte minéralisé [5-7]. Une option thérapeutique pourrait être la microchirurgie endodontique qui permettrait d'éviter tout délabrement coronaire lié à l'aménagement de la voie d'accès endodontique mais qui nécessite un plateau technique spécifique.
Pour surmonter ces difficultés et optimiser les résultats, des guides imprimés en 3D, reposant sur les mêmes principes de conception et de fabrication que pour la chirurgie implantaire guidée, ont été adaptés dans les cas endodontiques complexes. En effet, ce guide endodontique est un guide directionnel qui amènera le foret ou la fraise dans le canal radiculaire jusqu'à obtenir la perméabilité avec une lime manuelle. De plus, il permettrait de limiter le délabrement dentaire [7]. Cette procédure serait très peu invasive. On parle ainsi de micro-endodontie guidée.
La conception et la production d'objets imprimés en 3D reposent sur l'échange d'informations numériques entre les technologies d'imagerie 3D, de planification virtuelle 3D et d'impression 3D. La digitalisation de cette chaîne comprend trois étapes importantes :
• numérisation du volume osseux à partir des données radiologiques et de la surface dentaire à partir d'une empreinte optique ;
• conception assistée par ordinateur du guide endodontique : planification et simulation du traitement grâce à des logiciels informatiques ;
• fabrication du guide endodontique avec une technologie d'impression 3D.
L'aménagement de la voie d'accès endodontique se fera à l'aide du guide puis les étapes suivantes du traitement endodontique seront réalisées classiquement sans le guide.
L'objectif principal du guide endodontique est d'atteindre avec précision l'accès aux entrées canalaires. La micro-endodontie guidée est fondée sur les principes de la chirurgie implantaire guidée. Elle nécessite une planification à l'aide d'un examen tomographique à faisceau conique (CBCT) petit ou moyen champ et d'une empreinte optique [8-10]. Cette empreinte optique peut être intra-orale ou réalisée avec un scanner de table (ou même avec le CBCT segmenté du modèle en plâtre). Cette endodontie guidée nécessite donc une planification reposant sur l'association de deux examens numérisés. Le premier correspond aux volumes osseux et dentaire sous format DICOM. Le deuxième correspond à la surface dentaire sous format STL ou PLY. Pour cela, les données des images 3D des numérisations radiologiques ainsi que celles du modèle intra-oral sont associées et exportées au niveau des logiciels de planification virtuelle 3D. Les logiciels de planification des guides endodontiques sont, pour le moment, ceux utilisés en implantologie. Ainsi, la réalisation du guide endodontique commence par la visualisation du trajet canalaire sur lequel seront superposés le foret et la bague de guidage virtuels correspondants. Par la suite, la conception virtuelle du guide est élaborée (fig. 3). Dans la plupart des cas de calcification pulpaire, la lumière canalaire ne commence à être visible qu'à partir du tiers moyen, voire du tiers apical. Par conséquent, la profondeur de forage est importante. Il existe aujourd'hui sur le marché plusieurs fraises qui s'adaptent parfaitement à l'endodontie guidée. Les concepteurs de logiciels pour implantologie proposent également des forets qui peuvent s'adapter à l'endodontie guidée. Cependant, le plus petit diamètre proposé est de 1 mm. Les bagues de guidage sont soit fabriquées sur mesure, soit préfabriquées. Elles sont ajoutées par la suite au guide imprimé avec un ajustement par friction dans un logement dédié. L'adaptation de la bague de guidage et du foret (ou de la fraise de forage intra-canalaire) est primordiale.
Une fois le guide imprimé, il sera essayé sur l'arcade et son insertion sera contrôlée (stabilité, appui sur les dents adjacentes...) (fig. 4). Le point central de la future voie d'accès sera repéré sur la face occlusale de la dent avec un système de marquage de type mine graphite. La cavité guide sera alors réalisée dans l'émail avec une fraise boule diamantée sur turbine ; le guide sera ensuite inséré puis la trépanation effectuée. Des radiographies (centrées et excentrées) sont réalisées en cours de progression. Une fois la longueur de trépanation atteinte, une lime manuelle k-10 est insérée pour perméabiliser l'entrée canalaire.
La mise en forme canalaire et l'obturation endodontique faisant suite restent inchangées [11] et sont réalisées sans le guide, après avoir posé une digue étanche.
L'endodontie guidée semble être une technique prometteuse. Cependant, elle est uniquement documentée par des rapports qui ne sont pas tous codifiés par un protocole strict. Plusieurs points restent donc à améliorer.
Cette technique n'est réalisable qu'au niveau d'une racine droite ou dans la partie droite d'une racine à courbure apicale. L'accessibilité au niveau des molaires avec cette technique pourrait ne pas être possible en raison du manque d'espace nécessaire à la fois pour le guide et pour le foret dans la région postérieure. Une ouverture buccale très large, d'au moins trois doigts (distance généralement décrite en implantologie), est nécessaire pendant une durée relativement longue (temps d'installation du guide et de réalisation de la trépanation). Cependant, un cas clinique (présenté par Lara-Mendes et al.) d'une molaire supérieure calcifiée a été effectué avec succès [11].
Par ailleurs, la chaîne de réalisation du guide endodontique combine et transforme plusieurs données numériques et comprend plusieurs étapes. On peut donc s'attendre à un léger décalage entre la planification et l'exécution. L'impression 3D peut présenter des aberrations dimensionnelles au cours de l'impression ou du post-traitement. Le mauvais positionnement du guide ou un mauvais recalage des données volumiques et surfaciques peut entraîner des différences amplifiées entre l'angulation prévue et l'angulation finale de la fraise. Une étude réalisée sur modèle ex vivo a conclu que ce problème pouvait être causé par une erreur de planification, d'impression du guide chirurgical, d'insertion de la douille (tube guidant le foret) ou de la non-adaptation des diamètres du foret et de la douille, voire d'une longueur de guidage trop faible. Ainsi, lorsque aucune perméabilisation n'est possible au niveau théorique de jonction entre l'espace endodontique et le forage, le contrôle radiographique s'impose. Ces radiographies permettent de mettre en évidence la déviation avec l'axe planifié.
Dans le cas simulé de l'étude, une légère déviation angulaire (mesurée à 3,94o dans le plan vestibulo-palatin et 7,60o dans le plan mésio-distal) a empêché la localisation du canal dentaire (fig. 5). L'effleurement du canal radiculaire n'était ni perceptible au cours du forage, ni accessible aux limes manuelles pré-courbées. L'extrémité du forage se retrouve finalement à 1,30 mm de canal pulpaire.
Dans un tel cas, compte tenu de l'absence de perforation, la réalisation d'un nouveau guide s'impose pour re-localiser l'entrée canalaire (fig. 6). Cette nouvelle trépanation est plus délicate et nécessite un appui pariétal plus important car le foret a tendance à s'orienter vers la zone du premier forage.
Des fissures dentinaires peuvent résulter de l'utilisation de forets lors de la préparation des cavités d'accès. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer l'incidence de l'utilisation de forets en profondeur sur la dentine.
Enfin, les cas présentés dans la littérature préconisent un accès avec retrait du bord incisif dans les dents antérieures. Cependant, un accès conventionnel au niveau de la face palatine est tout à fait possible, empêchant l'usure inutile du bord incisif [12]. L'utilisation d'un ensemble de fraises séquentielles avec une très petite tête et des longueurs croissantes permet un bon ajustage de la tige dans le cylindre en métal. Cette approche garantirait la préservation de la dentine coronaire et empêcherait un affaiblissement inutile de la racine. Si l'usage des guides permet une instrumentation moins traumatisante, la visualisation des surfaces dentaires intéressées n'est plus possible, ce qui peut aboutir à des erreurs. Il convient donc d'être particulièrement prudent. Pour cela, une fenêtre de vérification de la bonne adaptation du guide sur l'arcade dentaire sera au minimum prévue (fig. 4). L'axe de trépanation ne peut être contrôlé visuellement ni ajusté en cours de trépanation. La réalisation de radiographies de contrôle peut aussi s'avérer nécessaire en cas de doute. Elles seront réalisées selon deux axes pour tenter d'appréhender la position du foret dans le volume dentaire car des déviations de l'axe de forage ainsi que d'éventuelles perforations sont toujours à craindre [13, 14].
Le traitement endodontique des dents présentant des calcifications est associé à un taux d'échec élevé de 71 %. Certaines études ont montré que la technique d'endodontie guidée constitue un outil précis et reproductible qui remplace les compétences de visualisation mentale et d'exécution technique tout en réduisant le temps et les risques du traitement. Plusieurs études ex vivo ont comparé par superposition les cavités d'accès planifiées virtuellement et celles réalisées grâce au guide endodontique. Les meilleurs résultats ont été retrouvés dans l'étude de Connert et al., avec un écart d'angle moyen de 1,59 au niveau des dents antérieures mandibulaires. La différence moyenne à la base de la fraise dans le sens mésio-distal est de 0,12 mm. Dans les directions vestibulo-linguale et apico-coronale, ces valeurs sont respectivement de 0,13 mm et 0,12 mm. Au sommet de la fraise, la différence moyenne est de 0,14 mm en mésio-distal. Dans le sens vestibulo-lingual et apico-coronal, ces valeurs sont respectivement de 0,34 et 0,12 mm. L'amélioration de précision de l'étude de Connert et al. a été obtenue par un meilleur ajustement de la fraise à la bague de guidage et par l'emploi d'instruments miniaturisés d'un diamètre de 0,85 mm. Cependant, il s'agit d'une étude ex vivo réalisée sur des dents sans calcifications complètes [15]. L'influence de la calcification sur la précision reste incertaine.
La précision obtenue avec le guide en endodontie semble dépasser celle des procédures guidées en implantologie orale. Les résultats moins favorables obtenus en implantologie orale sont attribués au fait que le modèle est parfois uniquement soutenu par la muqueuse. La résilience de la muqueuse est une source d'imprécision et d'ajustement incertain. Enfin, contrairement à l'endodontie guidée, plus d'un foret est nécessaire pour la préparation du site implantaire.
Cependant, comme en implantologie, l'absence de contrôle visuel direct sur la dent contraint à se reposer totalement sur le guide. Ainsi, des erreurs semblables à celles décrites en implantologie peuvent se retrouver en endodontie [13, 14]. Selon Cassetta et al., les erreurs intrinsèques des guides stéréolithographiques représentent 62,2 % des erreurs potentielles en chirurgie implantaire guidée [14].
Les principales erreurs qui peuvent conduire à une absence de localisation pulpaire sont des erreurs de planification de l'axe de forage, des erreurs lors de la fabrication du guide ainsi qu'une hauteur disponible en bouche insuffisante pour le système de guidage. Ce point est critique car l'espace disponible en bouche est limité et il est nécessaire de pouvoir positionner le guide contenant une douille métallique (de 5 à 8 mm de long) et la tête du contre-angle tenant le foret. Il sera donc plus facile d'envisager l'endodontie guidée sur les dents antérieures, certes plus sujettes aux traumatismes et donc aux calcifications canalaires secondaires, que sur les prémolaires ou molaires.
S'il est possible dans certains cas d'utiliser un système guidé de grande longueur, on constate que le risque de déviation angulaire théorique diminue et tend à se stabiliser vers des valeurs très acceptables de 0,26oà 11,00 mm, dans la mesure où il existerait des forets de trépanation assez longs.
Enfin, en cas de micro-endodontie guidée sur plusieurs dents contiguës, il est préférable de réaliser un guide par dent plutôt qu'un guide pour l'ensemble de dents, ceci afin de privilégier les fenêtres de visualisation et de limiter les risques d'erreurs de positionnement.
Les nouvelles possibilités de réalisation des guides imprimés, déjà largement utilisés en implantologie, ont été transposées en endodontie. Ces guides peuvent être utiles en endodontie chirurgicale mais, surtout, pour accéder lors du traitement orthograde à un endodonte minéralisé quand celui-ci est éloigné de la face occlusale.
Dans ce cas, la micro-endodontie guidée permet de traiter de manière peu invasive les cas de calcifications pulpaires. Elle permet de s'affranchir de la nécessité d'un plateau technique important (microscope par exemple). Cependant, les risques de butée, voire de perforation, restent bien présents et ne peuvent être constatés que tardivement dans la procédure endodontique. Il est donc impératif de s'assurer de la bonne procédure de réalisation d'un guide endodontique qui est similaire à celle d'un guide implantaire. Chaque étape doit être contrôlée, à savoir : le recalage de la surface par rapport au volume dentaire, l'impression du guide et son adaptation grâce à des fenêtres de visualisation, le bon positionnement de la douille de guidage. Le positionnement du guide doit être unique et reproductible. Pour limiter les risques de mobilisation du guide lors de la phase de trépanation, l'utilisation de vis d'ostéosynthèse reste envisageable et doit être discutée lors de la planification si un risque d'instabilité du guide existe (faible nombre de dents, appuis muqueux majoritairement présents) [11, 16, 17]. Dans ce cas, ce traitement est particulièrement invasif et son bénéfice par rapport à un traitement sous aide optique est incertain.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.