Endodontie
Georges SALAMEH* Ichaï LANATI**
*Externe, UFR d'odontologie, Université Paris Descartes
**Service de médecine bucco-dentaire, Hôpital Charles Foix, AP-HP
***AHU, UFR d'odontologie, Université Paris Descartes
****Service de médecine bucco-dentaire, Hôpital Charles Foix, AP-HP
Avec l'incitation au sevrage tabagique, le chirurgien-dentiste dispose d'un outil majeur de santé publique et d'amélioration du pronostic de ses traitements. En quoi consiste l'incitation au sevrage tabagique ? Comment accompagner nos patients souhaitant arrêter de fumer ? Comment mettre en place le sevrage tabagique au cabinet dentaire ? Nous détaillerons ici l'ensemble des étapes du cycle de la dépendance afin d'accompagner au mieux le patient, quel que soit son stade...
Avec l'incitation au sevrage tabagique, le chirurgien-dentiste dispose d'un outil majeur de santé publique et d'amélioration du pronostic de ses traitements. En quoi consiste l'incitation au sevrage tabagique ? Comment accompagner nos patients souhaitant arrêter de fumer ? Comment mettre en place le sevrage tabagique au cabinet dentaire ? Nous détaillerons ici l'ensemble des étapes du cycle de la dépendance afin d'accompagner au mieux le patient, quel que soit son stade d'avancée vers le sevrage tabagique.
Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France, avec 73 000 décès prématurés par an [1] (tableau 1). L'incitation au sevrage tabagique représente donc non seulement un devoir de santé publique pour le chirurgien-dentiste, mais également un moyen d'amélioration du pronostic de ses différentes thérapeutiques, notamment parodontales et chirurgicales. Par ailleurs, il a été montré qu'un fumeur souhaitant arrêter aura 80 % de chances supplémentaires d'y arriver en étant aidé [2].
Avant de parler spécifiquement de la prise en charge des patients, il est nécessaire d'introduire le cycle de la dépendance (fig. 1) : y figurent toutes les étapes auxquelles un patient fumeur peut se situer. Le but de cet article est d'associer une prise en charge particulière à chaque étape de ce cycle.
Six stades sont à distinguer. Lorsqu'un praticien souhaite aider un patient au sevrage tabagique, il faudra qu'il identifie dans quel stade est le patient pour lui proposer un soutien psychologique et pharmaceutique (substitut nicotinique).
« Il faut bien mourir de quelque chose », « J'arrête quand je veux »
À ce stade, le patient n'envisage pas du tout l'arrêt du tabac, il ne perçoit pas son tabagisme comme un problème. Après avoir obtenu l'accord du patient pour parler de son tabagisme, le praticien peut évaluer les connaissances dont il dispose quant aux effets du tabac sur sa santé générale et sur son parodonte. Une évaluation de son niveau de dépendance peut également lui être proposée, grâce au test de Fagerstrom [8] (tableau 2). Ce texte comporte 6 questions, mais il est possible d'évaluer la dépendance grâce aux deux questions principales :
En l'absence de motivation de la part du patient, une tentative de mise en place d'un sevrage tabagique serait vouée à l'échec. Le rôle du praticien à ce stade consiste alors essentiellement à informer le patient des effets du tabac et à prodiguer des conseils d'arrêt tels que : « Je peux vous aider à arrêter de fumer, ce sera surement plus facile que d'essayer tout seul ».
« J'aimerais bien arrêter de fumer mais ce n'est pas si simple », « Je n'envisage pas d'arrêter maintenant, mais à terme ça serait bien »
À présent, le patient envisage l'arrêt, mais sa motivation actuelle ne l'a pas encore amené à prendre la décision d'arrêter. Le rôle du praticien consiste alors à renforcer cette motivation jusqu'à ce qu'il arrive de lui-même à la décision d'arrêt. Pour ce faire, le praticien peut explorer l'ambivalence du patient, c'est-à-dire mesurer avec lui les avantages qu'il perçoit de sa consommation de tabac, et les bénéfices qu'un arrêt lui procurerait. Afin de réévaluer régulièrement la motivation du patient, le praticien peut utiliser l'échelle Q-MAT, permettant de classer la motivation comme étant insuffisante (score < 6), moyenne (score de 7 à 13) ou bonne (score > 13) (tableau 3).
« Je veux arrêter de fumer »
La motivation importante du patient l'a amené à prendre la décision d'arrêt du tabac. Plusieurs points sont à explorer par le praticien afin d'évaluer la difficulté du sevrage à venir. Il s'agit notamment de l'évaluation du soutien de l'entourage, de la détection d'éventuelles co-dépendances (par exemple surveiller que l'addiction au tabac ne se déporte pas sur l'alcool lors de l'arrêt), ou encore de l'évaluation des comorbidités anxieuses ou dépressives qui accentuent l'intensité des symptômes de sevrage. Enfin, convenir d'une date d'arrêt avec le patient a montré son efficacité dans la pérennité du sevrage tabagique [10].
« Ça y est, je ne fume plus... »
Le patient a arrêté de fumer, il est alors crucial de l'aider à maîtriser les symptômes de sevrage. En première intention, il est indiqué de recourir aux substituts nicotiniques, qui augmente le taux d'abstinence à long terme de 50 % à 70 % [11], et que les chirurgiens-dentistes peuvent prescrire depuis 2016. Depuis 2019, le plafond des 150 € annuels est supprimé à la faveur d'un remboursement à hauteur de 65 % par la sécurité sociale. Parmi les différentes formes de substituts nicotiniques, nous nous intéresserons aux formes à libération prolongée (timbre/patch) ainsi qu'aux formes à action rapide (comprimés/pastilles à sucer, comprimés sublinguaux ou gommes à mâcher) (tableau 4).
Une règle empirique est utilisée dans le domaine du sevrage tabagique selon laquelle une cigarette fumée équivaut à 1 mg de nicotine absorbé [9]. Évidemment, cette approximation ne permet pas un dosage précis, il faudra adapter la posologie en fonction de l'intensité de la dépendance physique du patient (Test de Fagerström) et des symptômes de sevrage.
La stratégie de prescription consiste à prescrire un patch, qui délivrera la majorité de la nicotine, et d'y associer des substituts oraux en cas d'envie impérieuse de fumer (fig. 2).
Selon les recommandations de la HAS, cette phase de traitement initial s'étale de 6 à 12 semaines [9], il faudra ensuite mettre en place un sevrage progressif en diminuant les doses toutes les 3-6 semaines [9] (exemple : passer d'un patch de 21 mg à 14 mg, puis plus tard à 7 mg). La HAS recommande également de contrôler à une semaine pour réévaluer les posologies en fonction de symptômes de sevrages (tableau 5).
« Vous savez, je suis heureux d'avoir réussi à arrêter, j'espère tenir »
À ce stade, il est important de valoriser les efforts du patient, et l'encourager à renforcer son engagement. Le praticien peut lui présenter par exemple tous les bénéfices que le patient est en passe d'atteindre[9] (fig. 3). Dans le cadre d'un traitement parodontal, il peut également lui être rappelé que la réponse au traitement des anciens fumeurs est supérieure à celle des fumeurs [12]. Afin de lutter contre les dépendances psychologique et environnementale (liées aux habitudes et à l'environnement du fumeur), la méthode des colonnes de BECK [9] permet au patient d'envisager des solutions pour se dissocier des habitudes et des situations à risque (tableau 6).
« J'ai recommencé à fumer, je m'en veux tellement »
Devant cette sensation de culpabilité suite à une rechute, il est nécessaire de dédramatiser la situation sans la banaliser pour autant, et comprendre les raisons de cette rechute. Chaque essai rapproche le patient d'un arrêt définitif, l'important étant d'être capable de réengager le cycle autant de fois que nécessaire.
Certains patients évoquent par eux même le recours à des méthodes alternatives (hypnose, acupuncture...). Celles-ci n'ont pas montré d'efficacité supplémentaire par rapport aux TNS. On ne peut donc pas les plébisciter auprès des patents, néanmoins, en raison de l'absence de nocivité de ces méthodes, libre au patient de les expérimenter si il en exprime le souhait [9].
Le site internet de tabac-info-service[10] met à disposition des patients des informations pratiques pour faciliter leur sevrage. Il met également à disposition des praticiens des outils permettant d'appréhender l'accompagnement psychologique et thérapeutique des patients.
Pour terminer, grâce aux différents moyens de première intention présentés ici, le chirurgien-dentiste peut entamer la prise en charge du tabagisme chez ses patients. Néanmoins, il est important de rappeler que l'accompagnement des patients vers un sevrage tabagique est une spécialité à part entière. En présence d'une forte dépendance, de comorbidités anxieuses ou dépressives, ou encore après un échec de sevrage, il est préférable d'adresser le patient à un tabacologue. Celui-ci pourra éventuellement avoir recours à des traitements médicamenteux de seconde intention (CHAMPIX et ZYBAN).
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.