Clinic n° 12 du 01/12/2019

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

Dans un arrêt récent du 16 mai 2019 (No18/01038), la Cour d'appel de Versailles rappelle l'étendue du devoir d'information pesant sur le chirurgien-dentiste. Il rappelle notamment que méconnaît son obligation le praticien qui n'a pas informé le patient des traitements alternatifs à celui réalisé. L'occasion de revenir sur cette obligation.

Sur quoi porte l'information ?

L'obligation d'information est large. Elle doit porter sur l'état de santé du patient (présence d'infection dentaire, de nécrose...), les investigations ou actions proposées, le rapport bénéfice/risques fréquents ou graves normalement prévisibles, les autres solutions possibles, les conséquences prévisibles en cas de refus de soins, le coût des soins proposés.

Comment délivrer l'information ?

L'information doit obligatoirement être délivrée oralement. Il faut en effet que le praticien explique directement au patient les choix thérapeutiques proposés au regard de l'état de santé du patient. Néanmoins, il faut que le praticien puisse prouver qu'il a délivré cette information. C'est pourquoi les juristes préconisent de conserver une trace écrite de cette information (fiches de consentement éclairé signé, devis signé, brochures d'information, schémas explicatifs).

Comment prouver que l'information a été délivrée ?

L'analyse de la jurisprudence permet de constater ce sur quoi les experts se fondent pour apprécier si l'information a été délivrée. En premier lieu, ils vont rechercher les informations dans le dossier médical (devis daté et signé au moins 15 jours avant les soins, échanges oraux retranscrits dans le dossier clinique, nombre de consultations, la présence de schémas annotés, de radiographies annotés). Ils vont également rechercher si le praticien a demandé l'avis d'un confrère (échanges de courriers). La compréhension des informations données est également scrutée (présence d'un traducteur, du représentant légal du majeur protégé, des parents du mineur). Enfin, l'expert peut apprécier les témoignages fournis par le praticien, que ce soit par d'autres patients ou par son assistant dentaire.

Quelles sanctions en cas de défaut d'information ?

La gravité de la faute est appréciée au cas par cas. Dans le cas connu par la Cour d'appel de Versailles, il a été constaté que le praticien n'avait « pas été informé de l'existence de traitements alternatifs (soit une éviction carieuse a minima pouvant permettre la conservation de la vitalité pulpaire, soit un coiffage pulpaire direct pouvant éviter un traitement de racine plus délabrant) au traitement définitif appliqué, puisque le docteur A n'allègue pas l'avoir fait, alors qu'il ne discute ni leur existence ni leur indication. » Ils concluent à un préjudice d'impréparation évalué à 3 000 € (somme due au patient), et non à une perte de chance de refuser le traitement. L'absence d'information donne naissance à un préjudice autonome, qui est généralement réparé entre 1 000 et 3 000 €. Par exemple, l'insuffisance d'information sur les risques de l'intervention est fautif. Il est toutefois tenu compte des effets de ce défaut d'information. Dans le cas précité, il n'était pas démontré que, correctement informé, le patient aurait choisi une autre zone de prélèvement pour sa greffe. Il n'y a donc pas de préjudice. Dans le cas où un praticien n'a pas suffisamment insisté sur les risques de l'intoxication tabagique sur la durée de vie des implants alors que ce risque est connu et fréquent, le praticien a été condamné à verser 2 000 € au patient pour compenser le préjudice lié à l'insuffisance de sensibilisation de la patiente aux risques induits par son tabagisme.

À retenir

L'obligation d'information est une obligation indispensable pesant sur le praticien. Il doit pouvoir démontrer avoir délivré cette information au patient. Les juges vérifieront que ce défaut d'information a eu une incidence sur le choix opéré par le patient. Le comportement du patient est pris en compte et peut limiter la responsabilité le praticien.