Clinic n° 11 du 01/11/2019

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

Le service du contrôle médical de l'assurance maladie intensifie le contrôle de la facturation émise par les professionnels libéraux. Dans ce cadre, il peut être amené à demander aux professionnels la communication d'informations médicales. Le praticien peut-il s'y opposer ?

Les faits

Le service du contrôle médical a contrôlé l'activité d'un médecin généraliste, et plus particulièrement les prescriptions excluant toute substitution. Dans ce cadre, le service du contrôle médical a sollicité du médecin « les éléments de toute nature relatifs à cette exclusion ». Ce dernier a refusé sous couvert du secret médical qui, selon lui, ne peut être levé que par le patient. Certains patients n'ayant pas formellement donné leur accord et d'autres ayant expressément refusé, le médecin a refusé de collaborer. Le directeur de la caisse lui a alors infligé une pénalité financière au motif qu'il a empêché le praticien contrôleur de mener à bien sa mission en s'opposant « sans droit aux investigations de l'organisme de sécurité sociale ». La Cour de cassation donne raison à la caisse d'assurance maladie, tout en rappelant les principes directeurs du contrôle.

Les enseignements

La Cour de cassation rappelle le principe suivant : « les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission, dans le respect du secret médical ». Il s'agit de la stricte reprise de l'article L. 315-1 du code de sécurité sociale. Ainsi, selon la Cour de cassation, le secret médical ne peut être opposé aux contrôleurs qu'en ce qu'il porte sur des données qui ne sont pas « strictement nécessaires à l'exercice de leur mission ». Par exemple, en l'espèce, il s'agissait de disposer des éléments permettant d'expliquer pourquoi le médicament prescrit n'était pas substituable. Il n'y avait donc pas lieu d'accorder l'accès à l'ensemble du dossier médical du patient ou encore à l'agenda du praticien. Si le médecin s'avérait en droit d'opposer le secret médical, pourquoi a-t-il, dès lors, été sanctionné ? Parce que la Cour de cassation considère le refus du médecin généraliste comme excessif puisque « le refus de communication avait été entier et ne s'était pas limité à certains éléments d'information ». Pour la Haute Juridiction, le comportement du médecin généraliste visait manifestement non pas à préserver le secret professionnel mais à faire entrave au contrôle et à résister à toute investigation. Le secret médical était donc utilisé à mauvais escient. C'est pourquoi elle estime que la pénalité est juridiquement justifiée.

La limite

On peut reprocher que la Cour de cassation reste muette sur l'appréciation de la stricte nécessité. Cela s'explique par le fait qu'il s'agit d'une appréciation au cas par cas. Nous attirons toutefois l'attention des professionnels sur le fait que, selon nous, ce « partage » du secret médical ne peut se faire qu'avec des médecins-conseils de l'assurance maladie et non avec des agents non médecins, même assermentés. Il ne faut pas hésiter à s'opposer à une demande si elle vous paraît ne pas être strictement nécessaire au but poursuivi.

À retenir

Le service du contrôle médical dispose d'une grande liberté d'action puisqu'il peut accéder à des données médicales, sans que l'accord préalable du patient soit requis. Le médecin contrôlé doit pouvoir s'opposer à certaines demandes qui ne s'avèreraient pas strictement nécessaire à la mission.