Clinic n° 11 du 01/11/2019

 

FLUOR

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Malgré les preuves scientifiques, l'invasion de « fake news » et la vague de dentifrices « bio », voire « faits maison », ont remis en question l'intérêt et l'efficacité du fluor pour lutter contre la carie. L'UFSBD demande une réactualisation des recommandations sur le fluor et souhaite mener un travail de pédagogie pour le réhabiliter.

« Les professionnels de santé publique doivent s'emparer des nouveaux médias pour faire apparaître le consensus scientifique » qui existe sur le fluor, a lancé Nolwen Le Pourriel, chirurgien-dentiste au centre hospitalier de Mayotte, lors du colloque organisé le 4 octobre au ministère de la Santé par l'UFSBD, pour « rétablir les vérités » sur le fluor. Comme les vaccins, le fluor est attaqué par les « fake news ». À tel point que, aux États-Unis, une chercheuse de Harvard a établi que la très grande majorité des publications sur les réseaux sociaux est opposée à l'introduction de fluor dans l'eau potable. Dans les médias grand public, 85 % des publications sont neutres vis-à-vis de la fluoration de l'eau. Pour étayer leurs propos, les détracteurs du fluor reprennent des informations plus ou moins scientifiques, les déforment et en font des vérités, analyse la praticienne.

Pourtant, que reprocher au fluor ?

Une enquête du Comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux (CSRSE) de la Commission européenne conclut à l'impossibilité d'établir des liens clairs entre le fluorure et le cancer des os, ou d'autres risques suggérés par les détracteurs tels que des effets neurologiques ou reproductifs. En réalité, le risque d'une surexposition au fluor aboutit, au pire, à une tache inesthétique sur la dent appelée fluorose dentaire. Un symptôme sans commune mesure avec ceux de la fluorose osseuse qui est une maladie professionnelle des travailleurs du fluor.

Rôle majeur en prévention

Études scientifiques à l'appui, Sophie Doméjean, PU-PH à l'Université de Clermont-Ferrand, affirme que le fluor est « un acteur majeur de la prévention ». Apporté de manière topique, il a à la fois un rôle de « reminéralisation et d'antibactérien ». Pour être efficace, la teneur en fluor du dentifrice doit être au minimum de 1000 ppm. Chez les jeunes de moins de 6 ans, il s'agit donc de veiller à « agir sur la quantité » de pâte fluorée utilisée à chaque brossage afin d'écarter le risque de fluorose, ajoute Michèle Muller-Bolla, PU-PH à l'Université de Nice. Pour les enfants à risque carieux élevé, la concentration en fluor peut cependant être relevée dès 2 ans et portée à 1 400 ppm dès 3 ans. À partir de 6 ans, il est recommandé d'utiliser un dentifrice à 1 400 ppm. Et ce niveau peut encore être relevé pour les personnes à risques. Autre recommandation : recracher le dentifrice en excès mais sans rincer la bouche après brossage. « Le fluor va ainsi agir à distance des repas », explique le professeur d'odontologie pédiatrique qui préconise au minimum 2 brossages par jour (l'idéal étant 3) pour maximiser le temps d'exposition au fluor. En cas de risque carieux élevé, le chirurgien-dentiste peut appliquer un vernis à 20 600 ppm minimum qui est plus efficace qu'un gel professionnel (5000 à 12 300 PPM).

« Il est temps de faire évoluer les recommandations » de l'Afssaps, a lancé Sophie Dartevelle. La présidente de l'UFSBD demande aussi d'inscrire les dentifrices fluorés dans la catégorie des produits bénéfiques pour la santé. Cette responsable est consciente de « l'énorme travail de pédagogie » en faveur du fluor à mener vers le grand public, les institutionnels et les professionnels de santé. Compte tenu du développement de la maladie carieuse, renforcer l'exposition au fluor est le « seul moyen réaliste de réduire le fardeau de la carie », affirme Benoît Varenne, responsable de la santé orale à l'OMS. Mais le recours au fluor « n'évitera pas de s'attaquer aussi à la cause des maladies carieuses », le sucre. Prochain grand combat de l'OMS.

(1)Cf. notre article « Dentifrices et vernis fluorés » Clinic 2018 ; 39 : 329-336.