Clinic n° 10 du 01/10/2019

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

Depuis toujours, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes refuse d'agréer les demandes d'exercice en qualité d'associé en SEL lorsque le chirurgien-dentiste exerce également à titre individuel ou est associé d'une SEL. Après un combat juridique intense, le Conseil d'État met à mal la position du Conseil de l'Ordre et tend à considérer qu'exercer au sein de deux SEL n'est pas interdit par le code de déontologie.

Position de l'Ordre

Pour refuser d'agréer une demande de cumul d'exercice (individuel/SEL ou SEL/SEL), le Conseil national se fonde sur les dispositions de l'article R. 4113-24 CSP qui dispose que « les membres d'une société d'exercice libéral de chirurgiens-dentistes ont une résidence professionnelle commune. Toutefois, la société peut être autorisée par le Conseil départemental de l'Ordre à exercer dans un ou plusieurs cabinets secondaires si la satisfaction des besoins des malades l'exige et à la condition que la situation des cabinets secondaires par rapport au cabinet principal, ainsi que l'organisation des soins dans ces cabinets, permettent de répondre aux urgences. Pendant un an au maximum, la société peut en outre exercer dans le cabinet où exerçait un associé lors de son entrée dans la société, lorsqu'aucun chirurgien-dentiste n'exerce dans cette localité ». Le Conseil national assimile donc cumul d'exercice en SEL et cabinet secondaire. Il impose donc au demandeur au cumul de justifier que sa demande satisfait les besoins des malades et que la situation du cabinet secondaire par rapport au cabinet principal, ainsi que l'organisation des soins dans ces cabinets, permettent de répondre aux urgences.

Notre position

Pour notre part, nous soutenions que le code de santé public autorise un chirurgien-dentiste à avoir deux exercices professionnels, sous quelque forme que ce soit : « L'article R. 4127-272 permet au chirurgien-dentiste exerçant à titre libéral d'avoir deux exercices professionnels, quelle qu'en soit la forme, et ce sans faire obstacle aux règles relatives notamment au lieu d'exercice des sociétés d'exercice libéral », et que rien dans le même code n'interdit expressément un cumul d'exercice en SEL, contrairement à ce qui avait été mis en place pour les sages-femmes et les médecins. En effet, pour ces deux professions, le principe d'interdiction de cumul d'exercice (individuel/SEL et SEL/SEL) était acté par décret. Ainsi, faute d'interdiction expresse, il est tout à fait possible pour un chirurgien-dentiste d'être associé de 2 SEL et d'y exercer. Cette position rejoignait celle du ministère exprimée en 2013. Pour autant, le Conseil national de l'Ordre a fait de la résistance, contraignant le Conseil d'État à se prononcer.

Position du Conseil d'État

Même si l'arrêt rendu n'est pas très prolixe, le Conseil d'État condamne la position du Conseil national en considérant que son raisonnement est empreint d'un doute sérieux. Il donne donc raison au demandeur au cumul et sous-entend que rien dans le code de déontologie des chirurgiens-dentistes n'interdit le cumul d'exercice au sein de deux SEL. Il suspend alors le refus d'agrément opposé par l'Ordre.

(1) CE, 24 juillet 2019, no 424361.

(2) Réponse ministérielle BACQUET du 16 juillet 2013.

À RETENIR

La position de l'Ordre tendant à refuser d'agréer les demandes de cumul d'exercice (individuel/SEL ou SEL/SEL) ne repose sur aucun fondement. Un chirurgien-dentiste peut donc exercer au sein de deux SEL.