Odontologie restauratrice
Mariné PETROSYAN* Marie-Paule LACOMBLET** Geneviève GRÉGOIRE***
*Docteur en Chirurgie Dentaire
**Université d'État de Médecine d'Erevan, Arménie
***Technicienne
****Faculté d'Odontologie Toulouse III
*****Professeur des Universités
******Faculté d'Odontologie Toulouse III
L'adhésion entre une zircone non traitée et un composite de collage est relativement faible du fait de l'inertie de cette céramique, de sa faible mouillabilité et de sa faible énergie de surface. Il est nécessaire de traiter l'intrados de la céramique pour optimiser son aptitude au collage et de nombreux auteurs ont proposé plusieurs pré-traitements de surface mécaniques et chimiques. Au vu de la synthèse de ces travaux, nous avons conduit des essais pour évaluer l'énergie...
L'adhésion entre une zircone non traitée et un composite de collage est relativement faible du fait de l'inertie de cette céramique, de sa faible mouillabilité et de sa faible énergie de surface. Il est nécessaire de traiter l'intrados de la céramique pour optimiser son aptitude au collage et de nombreux auteurs ont proposé plusieurs pré-traitements de surface mécaniques et chimiques. Au vu de la synthèse de ces travaux, nous avons conduit des essais pour évaluer l'énergie d'adhésion d'une zircone après différents traitements. Nous arrivons à la conclusion qu'un pré-traitement mécanique est obligatoire, associé à un pré-traitement chimique.
Aujourd'hui la zircone, céramique polycristalline, est fréquemment utilisée pour les prothèses fixées, principalement pour ses propriétés mécaniques. Bien que ces prothèses puissent être scellées avec du ciment phosphate de zinc ou du ciment au verre ionomère modifié, de nombreux auteurs préconisent l'utilisation de composites de collage, en particulier pour la qualité du joint et la résistance à la fracture. L'adhésion entre la zircone non traitée et les composites de collage est relativement faible du fait de l'inefficacité du mordançage, de l'inertie de la zircone, de sa faible mouillabilité et de sa faible énergie de surface, en particulier dans les conditions de vieillissement observées dans des essais in vitro [1, 2]. De nombreux travaux ont été conduits pour développer un ou des traitements de surface efficaces sur la zircone avant collage [3, 4]. Différents pré-traitements de surface mécaniques et chimiques ont été proposés pour réaliser la liaison entre un composite de collage et la zircone. Ils sont analysés dans des articles de synthèse sur le thème [5-7].
On préconise le sablage de l'intrados de la restauration. Il détruit la pellicule superficielle de glaçage de la céramique et permet de déposer artificiellement des particules de silice par traitement tribochimique. Mais ce sablage peut provoquer la propagation d'une fissure sous-critique dans la zircone [8] et des défauts de surface, compromettant ainsi sa résistance mécanique s'il est utilisé à pression trop forte [9-12]. Plusieurs procédés de traitement ont été étudiés comme l'attaque par infiltration sélective acide, l'irradiation laser, etc. sans résultats décisifs [13]. La réduction de la pression est donc recommandée [14]. La surface ainsi modifiée peut être conditionnée par un silane qui assure une liaison chimique avec les résines. Rappelons que le silane est un agent de couplage possédant deux groupes fonctionnels, un premier groupement qui réagit avec le verre, un second qui va se lier à la matrice résineuse du composite de collage [15] (fig. 1).
On sait qu'une taille de particules de l'ordre de 100-125 μm pour une pression de 4 à 7 bars ou une distance entre la sableuse et la céramique trop faible (20 mm) induisent l'initiation de fissures, comme nous l'avons dit, et diminuent donc les propriétés mécaniques de la céramique [11, 16-18]. En règle générale, les fabricants de zircone ne tolèrent le sablage qu'à faible pression (< 1 bar), dans un but de nettoyage uniquement. Un tel sablage permet d'éliminer d'éventuels résidus de mise en œuvre technique, telle que la pâte réfractaire, mais ne modifie pas l'état de surface de la zircone. Ce sablage à faible pression est généralement effectué au laboratoire de prothèse. Il peut cependant être réalisé au fauteuil avant collage si le cabinet dentaire est équipé d'une microsableuse [19].
Une céramique polycristalline, avec très peu ou sans phase vitreuse, ne peut être mordancée efficacement avec des acides minéraux à température ambiante dans un temps cliniquement significatif en raison de son inertie chimique [20]. Contrairement aux vitrocéramiques, on ne doit pas nettoyer les surfaces d'oxyde de zirconium avec un acide phosphorique.
Certains auteurs proposent des primers à base de MDP (10-methacryloyloxydecyl dihydrogen phosphate), d'autres préconisent des primers contenant des monomères fonctionnels différents ainsi que des silanes. Les agents de couplage silanes sont des molécules bi-fonctionnelles capables de créer des liaisons siloxanes avec les ions hydroxyles de la surface de la céramique et le composite de collage ; de plus, les silanes augmentent l'énergie de surface de la zircone. Les différentes études arrivent à la conclusion qu'associer des traitements chimiques à des traitements mécaniques de surface de la zircone améliore la liaison entre la céramique et le composite de collage [6, 14, 21, 22]. Ces traitements améliorent aussi la longévité de la liaison et, donc, la pérennité de l'interface [23, 24].
Au vu des connaissances actuelles, nous avons testé différents traitements de surface sur une zircone : zircone frittée, zircone sablée et zircone sablée et traitée par un primer, le Monobond Plus qui est connu pour créer une liaison phosphate stable avec la zircone, forte liaison adhésive résistante à l'hydrolyse. Nous avons évalué le coefficient d'étalement et l'énergie d'adhésion de la surface traitée avec le primer ainsi que ceux d'un composite de collage auto-adhésif à base de MDP. Les composites de collage à base de MDP sont considérés comme étant des matériaux de choix car les monomères d'ester phosphate peuvent avoir une interaction chimique avec les groupes hydroxyle de l'oxyde de zirconium [16, 25]. Ils donnent donc de meilleurs résultats que les colles contenant d'autres monomères fonctionnels [7, 26]. Cet essai peut nous permettre de savoir si la qualité de l'étalement obtenu donne un contact intime permettant l'adhésion chimique entre le primer et le composite de collage à base de MDP.
La zircone présentée ici est la ZenostarMT (Ivoclar-Vivadent). Cette zircone est à base d'oxyde de zirconium mais elle est composée également d'oxyde d'aluminium et d'oxyde d'yttrium (dans une proportion de 6,5 à 8 %). Le haut pourcentage de ce dernier optimise les propriétés optiques. Les propriétés mécaniques, notamment la résistance à la rupture, limitent l'indication de cette céramique à des restaurations unitaires ou à des bridges de 3 éléments.
L'objectif est d'étudier le coefficient d'étalement et l'énergie d'adhésion de cette zircone frittée, frittée et sablée – par un sablage doux sous pression réduite – et frittée, sablée et traitée par un agent de silanisation. Nous comparons l'énergie de surface obtenue avec les 3 préparations différentes pour mettre en évidence l'aptitude optimale au collage.
Le coefficient d'étalement et l'énergie d'adhésion (qui peut être définie comme l'énergie nécessaire pour séparer 2 surfaces) sont étudiés par mesure des angles de contact entre différents liquides tests et la surface de la zircone. Les valeurs d'angle de contact varient avec l'état de la surface, la tension superficielle du liquide et le niveau d'interaction entre le liquide et le solide.
La zircone est usinée à sec (machine-outil : Select Hybrid 5 axes, Ivoclar-Vivadent, Wieland) sous forme de disques de 13 mm de diamètre et 2 mm d'épaisseur puis subit les différents traitements. Une goutte des liquides tests est déposée sur le disque de zircone traité. Une première mesure est réalisée au temps 0 (dès le contact liquide/céramique) puis une mesure toutes les 30 secondes pendant 3 minutes. Les mesures sont faites à l'aide de l'appareil Digidrop (mesure d'angle de contact assistée par analyse d'image, GBX, France) dont le logiciel calcule la valeur moyenne des angles ainsi que le coefficient d'étalement S et l'énergie d'adhésion WA pour chaque mesure.
Les liquides tests utilisés sont l'eau, le glycérol et l'éthylène glycol (tableau 1). Ce sont des solvants polaires protiques (ils possèdent au moins un hydrogène susceptible d'intervenir dans des liaisons hydrogènes).
Trente disques de zircone sont préparés. La zircone est frittée (le frittage est un traitement thermique qui permet de transformer un agglomérat de grains en un solide dense). Les échantillons sont divisés en 3 groupes :
• 10 disques sans préparation (Groupe I) ;
• 10 disques sablés avec des particules d'alumine de diamètre 20 à 50 μm sous une pression de 1 bar (Groupe II) ;
• 10 disques sablés puis traités avec une fine couche du primer, agent de silanisation, le Monobond Plus (tableau 2) (Groupe III).
Une analyse de variance (ANOVA) des valeurs des angles de contact θ, du coefficient d'étalement S (mJ/m2) et de l'énergie d'adhésion WA (mJ/m2) obtenues avec les liquides tests est effectuée pour chacun des 3 groupes. Le test a posteriori de Duncan est appliqué pour évaluer les différences statistiquement significatives ou non entre les groupes testés (avec un niveau de significativité de p < 0,05).
Le composite de collage présenté ici est le SpeedCEM Plus, auto-adhésif, dont le monomère est du MDP, longue chaîne méthacrylate avec un groupement d'acide phosphorique (tableau 3).
Dix échantillons de composite de collage sont préparés entre deux lames de verre pour obtenir des surfaces planes. L'auto-polymérisation est accélérée par une photopolymérisation pendant 20 secondes à l'aide d'une lampe d'intensité lumineuse de 1100 mW/cm2.
Les résultats obtenus dans cette étude sont regroupés dans les (tableaux 4 et 5) et les figures 2 à 5.
Notons que, pour les coefficients d'étalement, plus les valeurs sont proches de 0, meilleur est l'étalement.
Les valeurs des angles de contact mesurés aux temps 60 secondes et 180 secondes ainsi que les valeurs des coefficients d'étalement S et des énergies d'adhésion des 3 groupes sont comparées statistiquement. Le test de Duncan montre que les moyennes des coefficients d'étalement et les moyennes d'énergie d'adhésion obtenues avec le groupe III (Monobond Plus) sont significativement différentes de celles des groupes I et II, que ce soit à T 60 s et T 180 s. Le groupe III est donc significativement plus apte au collage que les groupes I et II.
On note un coefficient d'étalement optimal pour la zircone sablée puis traitée avec le primer. De même, l'énergie d'adhésion est optimale après sablage puis application du primer.
Le coefficient d'étalement et l'énergie d'adhésion du composite de collage auto-adhésif à base de MDP testé sont performants.
Ces résultats s'accordent avec ceux de nombreux auteurs [5-8, 14, 21, 22, 27-36] qui préconisent des traitements de surface avec sablage et primers contenant des monomères fonctionnels tels que le MDP ou d'autres monomères d'acide phosphorique. Matinlinna et al. [37] précisent que ces silanes augmentent l'énergie d'adhésion de la zircone. Le primer que nous avons testé propose une combinaison de 3 groupes fonctionnels – le méthacrylate de silane, le méthacrylate d'acide phosphorique et le méthacrylate de sulfure – et permet d'établir une liaison solide et durable adaptée à la fois à la zircone et au composite de collage.
Ce pré-traitement mécanique obligatoire (sablage doux) associé à un pré-traitement chimique, de préférence à base de MDP ou monomère d'acide phosphorique, est le choix de traitement optimal pour la plupart des auteurs.
Sachant que la zircone traitée par le primer et le composite de collage testés présentaient de bons coefficients d'étalement et valeurs d'énergie d'adhésion permettant d'avoir un contact intime et une adhésion chimique, nous avons vérifié cette possibilité par une analyse de spectroscopie infrarouge. Le spectre du Monobond Plus (fig. 4) montre la présence de groupes O-H vers 3300 cm-1, un groupe fonctionnel C-H à 2959 cm-1, un groupe acrylate à 1450 cm-1 et Si-O-CH3 . Le spectre du SpeedCEM Plus (fig. 5) montre notamment des groupes fonctionnels Si-O, P-O, C=C, C=O qui vont pouvoir inter-réagir avec les groupes du Monobond Plus.
Il peut y avoir liaison durable entre le primer et le composite de collage par formation de pont siloxane.
La zircone sablée et traitée par le primer Monobond Plus, de même que le composite de collage à base de MDP testé présentent de bons coefficients d'étalement et valeurs d'énergie d'adhésion permettant d'avoir un contact intime et une adhésion chimique. L'analyse spectroscopique confirme le fait que leurs composants peuvent se lier chimiquement.
L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.