Clinic n° 06 du 01/06/2019

 

CFAO

Nicolas PITON  

À l'heure où la dentisterie numérique entame une phase de démocratisation essentiellement orientée autour de la prothèse fixée dento-portée et implanto-portée, la prothèse adjointe est une discipline moins populaire qui va capitaliser sur l'apport du numérique tant au niveau de l'ergonomie, de la rapidité que du coût de fabrication. La prothèse adjointe pourrait être la vraie bonne surprise de la technologie du numérique et largement participer à son développement...


À l'heure où la dentisterie numérique entame une phase de démocratisation essentiellement orientée autour de la prothèse fixée dento-portée et implanto-portée, la prothèse adjointe est une discipline moins populaire qui va capitaliser sur l'apport du numérique tant au niveau de l'ergonomie, de la rapidité que du coût de fabrication. La prothèse adjointe pourrait être la vraie bonne surprise de la technologie du numérique et largement participer à son développement présent et futur. Cette prothèse adjointe 2.0 devra à l'avenir être pensée au même titre que la prothèse fixe dans l'univers informatique, à savoir un objet modélisé en 3D avec ses règles de base spécifiques. Ce cas illustre le déroulement de ce flux numérique, faisant intervenir le laboratoire de prothèse français de Francesco Zammillo.

Cas clinique

Patient de 51 ans appareillé souffrant d'une pathologie cardiaque et présentant des mobilités des 11, 21, 22 et 23 avec présences de diastèmes.

L'appareil amovible existant est défectueux mais garde une certaine stabilité (fig. 1 à 4).

Certaines données seront exploitables pour aider le prothésiste dans la fabrication de la future prothèse adjointe (positionnement des incisives, taille et forme des dents...), ce qui permettra d'améliorer grandement l'intégration tissulaire et l'acceptation de la future prothèse amovible en bouche...

Décision thérapeutique

La décision thérapeutique a été prise avec le patient d'effectuer l'avulsion des dents et de prévoir la pose d'une prothèse adjointe complète provisoire immédiate le jour de l'intervention.

Cette prothèse adjointe immédiate stratégique dans un plan de traitement global permettra de passer le délai de cicatrisation dans de bonnes conditions psycho-physiologiques pour le patient, améliorant la situation pour le passage à la prothèse adjointe définitive ou un éventuel traitement implantaire.

Étapes cliniques

Étape 1 : prise d'empreinte optique

Lors d'une consultation préopératoire, nous effectuerons une prise d'empreinte optique à l'aide d'une sonde optique ou d'une caméra intra-orale. Ici, nous utilisons la Virtuo Vivo de chez Dental Wings.

Nous allons pouvoir enregistrer une « pré-empreinte » ou un pré-scannage de la situation initiale au maxillaire ; nous pourrons ainsi transmettre la situation clinique initiale au prothésiste par ce biais (fig. 5 et 6).

Nous retirons ensuite l'appareil amovible en place et prenons l'empreinte du maxillaire qui servira de modèle de travail au prothésiste (fig. 7 et 8).

Vient ensuite l'étape de l'empreinte optique de l'arcade antagoniste, ici mandibulaire (fig. 9).

L'empreinte optique du « mordu » est un enregistrement par abord vestibulaire permettant un re-positionnement de l'une par rapport à l'autre des arcades maxillaire et mandibulaire, et ce dans les trois sens de l'espace (fig. 10).

Nous passons en revue visuellement à l'écran toutes les empreintes optiques effectuées.

Nous nous retrouvons donc en possession de 4 fichiers d'empreintes au format .ply (pour simplifier, format .stl couleur) :

• le fichier pré-scan du maxillaire avec l'ancien appareil en place ;

• le fichier empreinte maxillaire de travail ;

• le fichier empreinte arcade antagoniste mandibulaire ;

• le fichier de positionnement inter-arcades.

Ces fichiers pourront être envoyés sous forme « brute » par logiciel de transfert de fichiers volumineux (we transfer, smash...) ou par commande (dans ce cas, format .xorder) via une passerelle internet sécurisée (dans ce cas, dwos connect).

Il sera adjoint à cet envoi de fichiers une « feuille de route digitale » décrivant le type de travail à effectuer, la date d'envoi, la date de pose, les documents et annotations supplémentaires d'exigences du praticien et du patient le cas échéant.

Étape 2 : conception assistée par ordinateur

– Les empreintes reçues sont contrôlées par le prothésiste sur le logiciel de conception ; cela peut être effectué de manière collégiale par écran interposé entre praticien et prothésiste via un logiciel de partage d'écran (teamviewer ou autre).

– Création d'une commande dans le module spécifique de prothèse adjointe.

– Nettoyage des éventuels artefacts gênant le travail de conception futur (comme on « dé-bulle » une empreinte au plâtre par exemple).

– Examen du repositionnement inter-arcades. Nous pouvons voir dans la fig.6 l'enregistrement des zones de réflexions muqueuses et la limite du voile du palais (fig. 11 et 12).

Les dents à remplacer sont retirées virtuellement du modèle virtuel ; les crêtes peuvent aussi, le cas échéant, être modelées à loisir afin de correspondre le plus précisément possible à la future situation clinique post-extractionnelle (fig. 13).

Il est également possible de simuler une zone de compression au niveau des zones de Schroeder par exemple, en incluant des valeurs légèrement négatives en regard de ces zones anatomiques, le but étant de pouvoir obtenir une meilleure rétention de la future prothèse amovible provisoire immédiate (fig. 14).

Dans le logiciel de fabrication, le prothésiste peut procéder au modelage de la base et des dents de l'appareil qui pourront être personnalisées au maximum. Un des grands avantages de l'utilisation des outils numériques est également de pouvoir, par exemple, surmonter aisément les contraintes liées au montage des dents du commerce sur base en cire et les adapter à des situations parfois très complexes (fig. 15 et 16).

Nous obtenons un objet unique composé de la base et des dents prothétiques dans un seul fichier de fabrication .stl ; nous choisirons l'usinage de la base en une seule pièce. Compte tenu de l'équipement du laboratoire, l'impression 3 D aurait pu également être utilisée (imprimante formlab, rapidshape, nextdent, carbon, etc.) grâce à l'arrivée des résines d'impression biocompatibles.

Le prothésiste obtient ainsi, en sortie de fabrication, un produit fini brut qu'il peut maquiller à loisir tant au niveau de la base que des dents pour obtenir le résultat esthétique qui convient afin de livrer une prothèse de qualité satisfaisante (fig. 17).

Étape 3 : pose de la prothèse complète adjointe provisoire immédiate

L'ajustage est satisfaisant, la stabilité et la sustentation également.

Nous notons une bonne rétention de la prothèse, notamment au niveau du joint postérieur ; quelques corrections au niveau des bords de la prothèse et une équilibration légère sont toutefois nécessaires (fig. 18 et 19).

Le patient repart donc avec une prothèse de bonne qualité esthétique et fonctionnelle. Lors du contrôle à une semaine, le patient confirmera la bonne intégration de cette prothèse adjointe complète « numérique ».