Clinic n° 06 du 01/06/2019

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

De plus en plus fréquemment, les patients saisissent les ordres professionnels d'une plainte à l'encontre des praticiens lorsqu'ils estiment avoir été mal pris en charge. Si se retrouver confronté à une plainte n'est jamais agréable, mieux vaut connaître les méandres de la procédure pour mieux l'appréhender.

Étape 1 : la conciliation

À réception de la plainte par l'Ordre, elle est transmise au praticien. Les deux parties (le patient et le praticien) sont convoquées à une tentative de conciliation. Celle-ci est obligatoire. Elle se déroule en présence de conseillers ordinaux qui vont rechercher un terrain d'entente. Lors de cette tentative de conciliation, les parties peuvent être assistées par un avocat. À l'issue de cette tentative, trois hypothèses peuvent être envisagées. Première hypothèse : la conciliation aboutit, c'est-à-dire que le patient s'est satisfait des observations apportées par le praticien. Dans ce cas, les poursuites sont abandonnées et il est dressé un procès-verbal de conciliation. La procédure prend fin. Deuxième hypothèse : le patient ne s'est pas présenté lors de la séance de conciliation. On pourrait penser que, faute de soutenir sa plainte, celle-ci devient sans objet. Malheureusement, non. La plainte est alors transmise à la chambre disciplinaire de première instance. En revanche, l'ordre départemental statuera pour savoir s'il s'associe à la plainte ou non. Troisième hypothèse : le praticien ne s'est pas présenté. La plainte est automatiquement transmise à la chambre disciplinaire de première instance et l'ordre départemental statue pour savoir s'il s'associe ou non à la plainte.

Étape 2 : audience devant la chambre disciplinaire

Quand le dossier est transmis à la chambre disciplinaire, celle-ci informe les parties de sa saisine et les invite à produire leurs observations dans un délai d'un mois. La procédure est écrite. Il faut donc déposer un mémoire écrit avec toutes les pièces justificatives dont on entend se prévaloir. L'assistance d'un avocat est possible. Malgré les délais courts laissés aux parties pour présenter leurs observations, l'instruction peut tarder un peu. C'est le Président de la chambre qui décide quand le dossier peut être examiné. Aucun document ne sera admis s'il est reçu dans les 8 jours précédant l'audience. Il faut donc parfaitement respecter les délais imposés par l'Ordre. Il n'est pas rare de voir des professionnels privés de défense car les observations ont été reçues trop tardivement. Les parties sont ensuite convoquées à une audience. Il n'est plus possible de soulever de nouveaux arguments. Seuls ceux présentés par écrit doivent être explicités. Cette audience est l'occasion pour les conseillers de poser des questions aux parties.

La décision – Le délibéré

Après avoir entendu les parties, la chambre disciplinaire délibère. Elle décide si une sanction disciplinaire doit être prononcée à l'encontre du praticien (blâme, avertissement, suspension, interdiction d'exercice). La décision doit être motivée. Si la chambre ne peut pas condamner un praticien à des dommages et intérêts (procédure d'indemnisation ou de remboursement de la victime par exemple), elle peut, en revanche, condamner le plaignant à verser des dommages et intérêts si elle estime que la plainte déposée était abusive (plainte particulièrement infondée). Il est possible de faire appel de cette décision devant la chambre nationale selon la même procédure que devant la chambre disciplinaire de première instance.

Exécution de la décision

Il doit être souligné que l'Ordre n'a pas de pouvoir de contrainte pour l'exécution de la sanction disciplinaire. S'il s'aperçoit que la sanction n'a pas été réalisée (par exemple, s'il a prononcé une interdiction temporaire d'exercer et que le praticien a quand même exercé), il peut prononcer une nouvelle sanction, plus lourde que la première... mais au terme d'une nouvelle procédure.

À RETENIR

La procédure disciplinaire comprend une première étape orale, la conciliation, qui permet souvent aux parties de se rapprocher. À défaut, la poursuite de la procédure est écrite et le praticien doit veiller à respecter très scrupuleusement les délais qui lui sont impartis pour présenter ses observations.