Parodontologie
AHU, Ancienne interne des Hôpitaux de ParisFaculté Paris DescartesExercice privéParis
Divers substituts du greffon conjonctif existent actuellement dans l'arsenal thérapeutique des chirurgiens-dentistes. Appréciés des patients, ils permettent de supprimer le prélèvement palatin et son risque de morbidité. Cependant, il n'existe pas à ce jour de substitut offrant des résultats cliniques semblables à ceux obtenus avec un greffon conjonctif. Tout praticien doit être capable d'appliquer des techniques de prélèvement d'un conjonctif en limitant au maximum le risque de...
Divers substituts du greffon conjonctif existent actuellement dans l'arsenal thérapeutique des chirurgiens-dentistes. Appréciés des patients, ils permettent de supprimer le prélèvement palatin et son risque de morbidité. Cependant, il n'existe pas à ce jour de substitut offrant des résultats cliniques semblables à ceux obtenus avec un greffon conjonctif. Tout praticien doit être capable d'appliquer des techniques de prélèvement d'un conjonctif en limitant au maximum le risque de morbidité au site donneur. Le choix de la technique de prélèvement influence-t-elle le risque de morbidité du site donneur ?
Le lambeau positionné coronairement associé à une greffe de conjonctif enfouie est la technique de référence pour le recouvrement des récessions unitaires [1]. Dans le cadre des récessions multiples, aucune recommandation n'a pu être établie pour définir la thérapeutique la plus appropriée mais l'apport d'un greffon autogène de tissu conjonctif associé à la technique de tunnelisation modifiée ou au lambeau positionné coronairement modifié semble améliorer les paramètres cliniques du lambeau positionné coronairement seul [2]. Cependant, le prélèvement palatin de tissu conjonctif présente un certain nombre d'inconvénients : disponibilité et qualité du tissu donneur limitées et inconstantes, temps d'intervention prolongé d'environ 15 minutes [3] mais, surtout, risque de morbidité augmenté lié à l'existence d'un second site opératoire. Cette morbidité se traduit par un risque de complications per et post-opératoires de type nécrose, saignements, douleur, gêne à la mastication et stress qui peuvent rendre nos patients réticents à réaliser des chirurgies plastiques parodontales ou laisser une mauvaise expérience pour le patient et l'amener à refuser toute autre chirurgie à venir. Des alternatives au prélèvement palatin sont développées régulièrement par l'ingénierie tissulaire pour pallier ces éventuels risques et complications. Ces matériaux de substitution, qu'ils soient autogènes (PRF), allogéniques (matrice adermique accelulaire, Alloderm®) ou xénogéniques (matrice collagénique, protéines dérivées de la matrice amélaire, Emdogain®), concourent à faciliter l'acceptation et la satisfaction de nos chirurgies par le patient. Cependant, il n'existe pas encore de substitut optimal qui égale le gold standard (conjonctif) en termes de résultats cliniques sur le long terme [4, 5]. Puisque le greffon conjonctif reste incontournable en 2019 pour le traitement des récessions parodontales, le praticien devra veiller à répondre à la problématique de la morbidité associée au second site opératoire. Pour cela, les connaissances anatomiques restent une étape incontournable tandis que les évolutions des techniques de prélèvement palatin offrent des perspectives intéressantes.
Le palais, la tubérosité et la crête édentée constituent les 3 sites de choix pour le prélèvement de tissu conjonctif.
La tubérosité a l'avantage d'offrir un tissu conjonctif dense, épais, avec la meilleure densité en collagène et une faible proportion de tissu glandulaire et graisseux [6]. Par sa composition, le greffon tubérositaire serait moins sensible à la rétraction post-opératoire et offrirait une meilleure stabilité dimensionnelle. En revanche, il ne répondrait pas aussi bien à la revascularisation au cours des phases précoces de cicatrisation. Par conséquent, une cicatrisation de première intention est à envisager [7]. Très peu d'études comparent les résultats cliniques du prélèvement tubérositaire versus palatin. Dellavia et al., en 2014, montrent des résultats à 1 an supérieurs en termes de gain de volume des tissus mous en regard des dents en présence d'un greffon tubérositaire par rapport à un greffon palatin [8]. Les auteurs rapportent, dans certains cas, des résultats esthétiques moins satisfaisants en présence d'un conjonctif tubérositaire du fait d'une réaction hyperplasique. Une récente étude randomisée contrôlée compare au niveau d'un implant le gain de volume, le gain de tissu kératinisé et l'esthétique en présence d'un prélèvement palatin ou tubérositaire de tissu conjonctif [9]. Les résultats révèlent, à 3 mois post-opératoires, une absence de différence significative entre les deux types de prélèvement en termes de gain de volume des tissus mous et de pink esthetic score (indice qui évalue le résultat esthétique des tissus mous péri-implantaires dans le secteur antérieur maxillaire) ainsi qu'un gain de tissu kératinisé supérieur avec un tissu conjonctif issu de la tubérosité. Un suivi à long terme est nécessaire pour confirmer ces résultats.
Le prélèvement tubérositaire est associé à une faible morbidité post-opératoire (moins de douleur, moins de risque hémorragique car peu vascularisé) mais présente une surface limitée et un volume variable [10]. L'absence de la dent de sagesse, voire de la deuxième molaire, est le préalable nécessaire pour orienter notre choix vers un prélèvement tubérositaire (fig. 1 à 3).
La crête édentée lorsqu'elle existe est plutôt réservée à des greffons de faible épaisseur [11].
Le palais est le site privilégié dès lors qu'un greffon nécessite des dimensions suffisantes en longueur mésio-distale et en épaisseur.
Notons que la muqueuse masticatrice palatine est constituée d'un épithélium ortho-kératinisé, de 0,3 mm d'épaisseur, et de 2 tissus conjonctifs sous-épithéliaux distincts : la lamina propria et la couche sous-muqueuse.
• La lamina propria (plan conjonctif superficiel) est située sous l'épithélium palatin. C'est un tissu épais et résistant grâce à une matrice extracellulaire abondante, riche en fibres collagéniques de type I et II et pauvre en fibres de type V et VI ainsi qu'en fibres élastiques. Cette couche se divise elle-même en une zone papillaire qui s'invagine dans la couche épithéliale sus-jacente et une zone réticulée dense et épaisse.
• La couche sous-muqueuse (plan conjonctif profond) relie et attache fermement la lamina propria au périoste du palais osseux sous-jacent. C'est un tissu conjonctif qui contient du tissu adipeux dans la partie antérieure du palais (au niveau des prémolaires / canines) et glandulaire dans la partie postérieure du palais osseux (molaire) ainsi qu'une innervation et une vascularisation [7] (fig. 4).
La localisation optimale du prélèvement palatin se trouve dans le meilleur compromis entre la gestion du risque anatomique que représentent les éléments vasculo-nerveux et la recherche d'un greffon de qualité en quantité (longueur et épaisseur) suffisante.
Seul le paquet vasculo-nerveux constitué de l'artère grande palatine et du nerf grand palatin émergeant au niveau du foramen grand palatin doit être impérativement préservé au cours du prélèvement pour prévenir un risque hémorragique. Par conséquent, il est important de situer l'emplacement du foramen grand palatin ainsi que le parcours possible de l'artère grand palatine. La position du foramen grand palatin se situe dans plus de 70 % des cas dans la région de la troisième molaire mais il peut se trouver également dans la région de la deuxième molaire à la jonction entre le palais osseux vertical et horizontal [12].
L'artère chemine ensuite dans la gouttière palatine et finit par s'anastomoser en avant avec l'artère naso-palatine. D'un point de vue anatomique, la zone de prélèvement préférentielle se situe de la canine à la première molaire mais peut être étendue, si nécessaire, de préférence dans la région antérieure du palais. La distance moyenne entre les branches principales de l'artère grande palatine et la gencive marginale palatine varient selon les études de 12 mm [13] à 15 mm [14] au niveau de la première molaire. L'étude de Monnet-Corti et al., en 2006, conclut qu'il devrait être possible de prélever en toute sécurité dans la région prémolaire un greffon conjonctif mesurant 5 mm de hauteur dans tous les cas et 8 mm de hauteur chez 93 % des patients en se situant à 2 mm du collet [14]. La hauteur de la voûte palatine est aussi à évaluer car plus elle est plate, plus l'artère palatine sera proche de la gencive marginale [15].
Un greffon conjonctif de qualité est constitué d'une proportion majoritaire de lamina propria aux dépens de la sous-muqueuse. C'est donc un greffon riche en collagène, dense et dépourvu de tissu adipeux et glandulaire. Les dimensions des différentes couches du tissu conjonctif sous-épithélial varient fortement d'un patient à l'autre. La proportion de lamina propria peut varier de 21,1 à 100 % du greffon [16]. Le conjonctif superficiel du palais (riche en lamina propria) semble avoir un potentiel d'induction de la kératinisation des cellules épithéliales, contrairement au conjonctif profond, et influence directement le gain de tissu kératinisé [17]. De plus, une forte densité en collagène rend le greffon moins sujet à la rétraction post-chirurgicale et assure donc une plus grande stabilité dimensionnelle dans le temps [18].
L'épaisseur de la muqueuse palatine varie d'un patient à un autre mais aussi d'un site à un autre chez un même patient [19]. L'épaisseur des tissus mous de la zone tubérositaire est la plus importante avec plus de 4 mm, suivie par la fibro-muqueuse palatine en regard des deuxièmes molaires et prémolaires avec une moyenne de 3 mm [20]. L'épaisseur tend à augmenter depuis la canine à la deuxième prémolaire (3,81 mm en moyenne), puis à diminuer au niveau de la première molaire (3,13 mm en moyenne) et de nouveau à augmenter au niveau de la deuxième molaire. Enfin, l'épaisseur s'accroît progressivement en allant du rebord gingival vers le raphé médian [19].
Cliniquement, le praticien peut apprécier l'épaisseur de la fibro-muqueuse palatine par une mesure sous anesthésie à l'aide d'une sonde parodontale ou d'une lime endodontique munie d'un stop en silicone et, même, tenter de distinguer la lamina propria de la sous-muqueuse par la différence de résistance tactile à la pénétration de la lime [21].
En résumé, la zone de prélèvement palatin de choix qui concilie épaisseur de muqueuse palatine disponible et risques anatomiques se situe entre la canine et la racine mésiale de la première molaire à une distance de 2 mm du rebord marginal [11]. Mais cette zone, bien que sécurisante, est moins satisfaisante d'un point de vue qualitatif du conjonctif si l'on recherche un conjonctif dense en collagène. Elle contient plus de tissu adipeux et glandulaire que la zone située entre la face distale de la seconde prémolaire et la deuxième molaire. Mais, attention tout de même, cette zone de prélèvement plus postérieure peut limiter les techniques de prélèvement avec un lambeau d'accès car l'épaisseur au niveau de la première molaire se révèle fréquemment insuffisante. La seconde molaire est une source idéale en tissu conjonctif prétendument de haute qualité mais nécessite dès lors un greffon de faible dimension apico-coronaire du fait de la proximité avec les éléments vasculo-nerveux [21] (fig. 5).
Les techniques de prélèvement palatin de tissu conjonctif ont évolué au fil des décennies afin de minimiser les douleurs post-opératoires et de réduire le risque de complications tout en garantissant un volume adéquat de greffon conjonctif.
Les premières techniques de prélèvement palatin décrites, comme la trappe [22], ont l'avantage d'offrir à l'opérateur débutant une bonne visibilité et une maîtrise du volume de greffon prélevé mais elles nécessitent le recours à 1 (variante en L de la trappe) ou 2 incisions de décharge. En théorie, la trappe et sa variante assurent une cicatrisation de première intention mais des nécroses sont rapportées, notamment si le lambeau d'accès est trop fin ou si le rapport entre la base du lambeau et la taille de la zone pédiculée est défavorable [23].
Dans les années 80, le prélèvement de conjonctif s'accompagnait d'un bandeau épithélial d'environ 1,5 à 2 mm de largeur et comprenait 2 incisions horizontales et 2 incisions verticales [24]. Mais, rapidement, les incisions verticales ont été réduites à leur minimum, juste assez pour avoir accès au tissu donneur sous-jacent [25]. L'intérêt résidait dans la facilité d'exécution ainsi que dans l'assurance d'avoir une épaisseur suffisante (1 à 1,5 mm) de tissu conjonctif mais l'inconvénient majeur était de ne pas recouvrir le site donneur intégralement et donc de cicatriser par seconde intention (fig. 6 et 7).
De nos jours, 2 techniques distinctes et fréquemment utilisées pour prélever des greffons conjonctifs palatins ont été proposées : la technique de l'incision unique de Hürzeler et Weng (1999) [26] et la technique du prélèvement épithélio-conjonctif désépithélialisé [18].
Le protocole débute par une incision unique horizontale avec une lame no 15 perpendiculaire à la surface du palais. Cette première incision est à une distance minimale de 2 mm des collets des dents et à une profondeur de 1 à 1,5 mm. Pour donner de la visibilité à l'opérateur, l'incision doit s'étendre dans le sens mésio-distal d'une longueur de 4 mm de plus que la longueur souhaitée du greffon. Les incisions suivantes se poursuivent à l'aveugle sous la surface de la muqueuse afin de créer un lambeau d'accès d'épaisseur partielle constante et de taille suffisante. Pour cela, il est important d'augmenter progressivement l'angle de la lame jusqu'à ce qu'elle soit parallèle à la surface du palais. Apicalement, il est sécurisant vis-à-vis du risque de l'artère grande palatine de ne pas étendre le lambeau à plus de 10 mm de la jonction émail-cément. Après cela, la taille du greffon est définie par l'exécution de 2 incisions horizontales et de 2 incisions verticales à l'intérieur de l'enveloppe créée. Pour favoriser les chances de cicatrisation par première intention, il peut être judicieux de placer l'incision coronaire interne environ à 1 mm apicalement à la première incision horizontale. Ainsi, le lambeau d'accès repose sur une surface conjonctive bien irriguée plutôt que sur l'os ou le périoste. Selon la quantité de tissu disponible, le greffon pourra être prélevé avec le périoste à l'aide d'un décolleur ou par une incision décalée supplémentaire effectuée au-dessus du périoste. Des sutures parallèles et horizontales en bretelles croisées sont recommandées par les auteurs pour fermer la plaie [26] (fig. 8 à 10).
La technique consiste à prélever un greffon épithélio-conjonctif à l'aide d'une dissection en épaisseur partielle dont les mesures mésio-distal et apico-coronaire correspondent à celles du greffon conjonctif désiré mais avec une épaisseur supplémentaire de 0,5 mm correspondant à l'épithélium. Le greffon d'environ 1,5 mm d'épaisseur totale est placé sur une compresse stérile imbibée de sérum physiologique. Il est ensuite désépithélialisé à l'aide d'une lame 15 ou 15c neuve orientée parallèlement à la surface externe du greffon. L'aspect plus rugueux de l'épithélium en contraste avec l'aspect plus lisse du tissu conjonctif aide l'opérateur à n'éliminer que l'épithélium afin de préserver le maximum de tissu conjonctif. Les aides optiques sont très fortement recommandées pour distinguer l'épithélium du tissu conjonctif et retirer intégralement tout l'épithélium.
Par la suite, la plaie palatine peut être protégée par des pansements palatins comme des membranes de collagène ou des gazes de cellulose. Des sutures de compression en bretelles ancrées aux tissus mous apicalement à la zone de prélèvement palatin sont réalisées (fig. 11 à 13).
Une bonne gestion de la protection de la plaie palatine participe à diminuer la morbidité de nos interventions.
Le risque de saignement post-opératoire peut être prévenu par des sutures en treillis associées à l'utilisation de pansements hémostatiques résorbables comme des gazes de cellulose oxydée (Surgicel®) ou des compresses de collagène (Pangen®) qui stabilisent le caillot sanguin. L'inconfort et la gêne à la mastication durant la première semaine post-opératoire peuvent être atténués par l'apposition d'un pansement chirurgical sans eugénol (Coe Pack) ou par le port d'une plaque palatine thermoformée avec ou sans crochet préparée en amont au laboratoire.
- Antibiotiques : en toute rigueur, une antibiothérapie n'est pas nécessaire à la suite d'une chirurgie plastique parodontale. Elle pourra être recommandée pour les indications de l'antibioprophylaxie sur le plan général (Prescription des antibiotiques en pratique buccodentaire. ANSM, septembre 2011).
- Antalgiques de pallier I pendant 3 / 4 jours : AINS (3 fois 400 mg par jour) ou paracétamol (3 fois 1 g par jour).
- Antiseptiques : bain de bouche de chlorhexidine 0,12 ou 0,2 % (3 fois par jour pendant 7 à 15 jours à démarrer 24 h après l'intervention pour ne pas agresser le caillot initial).
- Gel à la chlorhexidine (0,2 %).
- Hygiène : bain de bouche à base de chlorhexidine doux, passif, sans gargarisme, 3 fois par jour, à démarrer 24 h après l'intervention + application d'une noisette de gel à la chlorhexidine sur les zones opérées après brossage + aucun brossage sur les zones opérées pendant 15 jours puis reprendre le brossage manuel souple progressivement à l'aide d'une brosse à dents post-chirurgicale.
- Alimentation : alimentation froide, molle, non épicée, non vinaigrée + ne pas mastiquer du côté opéré.
- Œdème : application d'une poche de glace sur la joue du côté opéré en discontinue toutes les 5 à 10 minutes le jour de l'opération.
- Ne pas fumer.
- Ne pas consommer d'alcool, ne pas cracher, ne pas faire d'activité sportive ni prendre l'avion pendant 1 semaine.
La technique de prélèvement épithélio-conjonctif est classiquement décrite comme plus invasive, plus morbide que les techniques de prélèvement avec lambeau (trappe, incision unique) du fait d'une cicatrisation par seconde intention.
Des études prospectives comparatives rapportent une incidence de douleur au site donneur à 3 jours post-opératoires 2 fois plus élevée chez les patients avec un prélèvement épithélio-conjonctif comparés aux patients avec une technique de prélèvement par lambeau [27 28]. Cependant des études cliniques récentes apportent des résultats contradictoires.
L'étude randomisée contrôlée de Zucchelli et al. (2010) [18] ne montre pas de différence en termes de suites opératoires (douleur, inconfort et saignements post-opératoires) entre un protocole de prélèvement épithélio-conjonctif et la technique de la trappe décrite par Edel en 1974. Le stress et la gêne à la mastication ressentis par le patient sont cependant plus importants avec un prélèvement épithélio-conjonctif. Des nécroses ou déhiscences du lambeau d'accès sont rapportées chez 28 % des patients avec un prélèvement en trappe. L'étude précise que la consommation d'antalgiques est augmentée en présence d'un greffon de plus grandes dimensions et dans les cas de déhiscence ou de nécrose du lambeau d'accès mais qu'elle n'est pas corrélée au type de cicatrisation (primaire ou secondaire).
De plus, la douleur post-opératoire est moindre si le palais osseux reste protégé par 2 mm de tissus mous résiduels (constitués d'une partie de la sous-muqueuse et du périoste). L'étude de Burkhardt et al. (2015) confirme qu'après un prélèvement épithélio-conjonctif, la perception douloureuse du patient est positivement corrélée à la profondeur de la plaie, autrement dit à l'épaisseur du greffon, et non à la surface de prélèvement [29].
Le prélèvement épithélio-conjonctif désépithélialisé trouve toute son indication en présence d'une faible épaisseur de fibro-muqueuse palatine en exposant le patient à des risques de douleurs et de complications post-opératoires moindres.
En effet, d'une part la technique de l'incision unique tout comme celle de la trappe nécessite un lambeau d'accès suffisamment épais (0,3 à 0,5 mm d'épithélium et au minimum 0,5 mm de tissu conjonctif) pour ne pas se nécroser. Si le lambeau d'accès se nécrose, la cicatrisation par seconde intention qui s'ensuit présente des suites post-opératoires généralement plus sévères que celle d'un prélèvement épithélio-conjonctif du fait d'une surinfection plus propice en présence de tissus nécrotiques [21]. D'autre part, les techniques de prélèvement avec lambeau d'accès en présence d'une fibro-muqueuse palatine fine imposent un prélèvement profond avec le risque de léser des vaisseaux sanguins et des fibres nerveuses des couches profondes. Elles ne peuvent garantir une épaisseur suffisante de tissus mous résiduelle pour protéger le palais [18] et génèrent ainsi plus de douleurs post-opératoires. Enfin, en présence d'une fibro-muqueuse palatine fine, la technique de l'incision unique entraîne un risque de prélever un greffon de qualité médiocre car riche en tissu glandulaire et adipeux. Le prélèvement épithélio-conjonctif permet d'obtenir le tissu conjonctif le plus superficiel composé de l'intégralité de la lamina propria contrairement aux techniques de prélèvement à l'aveugle où le lambeau d'accès comprend une épaisseur de conjonctif superficiel [7]. C'est cette couche de tissu conjonctif sous-épithélial qui est la plus dense en collagène, garantissant au greffon une meilleure adaptation sur le site receveur et une meilleure stabilité dimensionnelle dans le temps [16, 18].
La mesure de l'épaisseur de la fibro-muqueuse palatine et l'épaisseur désirée du greffon conjonctif sont des critères à prendre en compte pour définir la technique de prélèvement palatin de choix en termes de morbidité pour le patient.
Indications des techniques de prélèvement conjonctif [21] :
• Pour un greffon conjonctif de 1 mm (indication de recouvrement radiculaire), la fibro-muqueuse palatine doit avoir une épaisseur d'au moins 2,5 mm qui comprend 2 mm de tissu conjonctif (1 mm pour le greffon / 0,5 mm pour le lambeau d'accès / 0,5 mm pour protéger l'os) et 0,5 mm d'épithélium.
• Pour un greffon conjonctif de 2 mm (indication de recouvrement de bandeau métallique de couronnes), la fibro-muqueuse palatine doit avoir une épaisseur d'au moins 3,5 mm qui comprend 3 mm de tissu conjonctif (2 mm pour le greffon / 0,5 mm pour le lambeau d'accès / 0,5 mm pour protéger l'os) et 0,5 mm d'épithélium (fig. 14).
Indications du prélèvement épithélio-conjonctif désépithélialisé :
• Pour un greffon conjonctif de 1 mm (indication de recouvrement radiculaire), présence d'une fibro-muqueuse palatine d'une épaisseur inférieure à 2,5 mm.
• Pour un greffon conjonctif de 2 mm (indication de recouvrement de bandeau métallique de couronnes), présence d'une fibro-muqueuse palatine d'une épaisseur inférieure à 3,5 mm.
Le prélèvement épithélio-conjonctif désépithélialisé peut bien sûr être indiqué en présence d'une muqueuse palatine épaisse si le site greffé nécessite le recours à un tissu conjonctif très riche en collagène avec un potentiel d'induction de la kératinisation. Mais, dans ce cas, la morbidité pourrait être supérieure à celle de la technique de l'incision unique, notamment si le greffon nécessite d'être épais.
Minimiser la morbidité des chirurgies plastiques parodontales est un facteur essentiel pour obtenir la satisfaction des patients et participe pleinement au succès de la chirurgie. De nos jours, deux techniques de prélèvement sont recommandées : l'incision unique et le prélèvement épithélio-conjonctif désépithélialisé. Une bonne maîtrise de leurs indications et de leurs protocoles ainsi que la gestion des risques anatomiques garantissent une faible morbidité pour le patient. Les suites post-opératoires dépendent aussi de l'expérience du praticien et du profil du patient (fumeur, âge, état général, observance des conseils post-opératoires...).
L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.