Clinic n° 05 du 01/05/2019

 

PRÉVENTION

Actu

Anne-Chantal de Divonne  

Une expérimentation de prise en charge globale de prévention avec une rémunération au forfait du praticien est en négociation dans le cadre de l'article 14 de la nouvelle convention. La proposition élaborée par Les CDF, à l'étude à la CNAM, a été présentée par Catherine Mojaïsky lors de la convention du CNPS sur les nouveaux moyens de paiement le 5 avril dernier.

« La prévention et l'amélioration de l'état de santé du patient ont été au cœur de toutes les discussions conventionnelles », a rappelé Catherine Mojaïsky. Une des mesures concrètes décidées par les partenaires a été d'expérimenter un système de prévention globale des patients. Mais il fallait un mode de rémunération approprié pour le chirurgien-dentiste. La tarification classique à l'acte fondée sur la maladie n'incite pas à s'engager dans la prise en charge précoce d'un patient pour lui éviter des traitements curatifs. La solution du forfait a donc été retenue.

Pour bâtir l'expérimentation, Les CDF ont passé en revue des expériences menées dans les pays anglo-saxons et scandinaves et ont fait appel à des scientifiques, Sophie Domejean de l'Université de Clermont Ferrand – qui travaille sur le concept d'intervention minimale en cariologie encore peu répandu en France – et Marco Mazevet du King's College de Londres.

« L'idée est d'agir sur les facteurs de risque des pathologies bucco-dentaires (caries et maladies parodontales) qui sont aussi communs avec d'autres maladies chroniques comme le diabète », explique Catherine Mojaïsky. « Et de mieux utiliser les ressources pour mieux prévenir, et initier un changement de paradigme ».

Niveau de risque

Le projet prévoit d'évaluer, pour chaque patient pris en charge, 3 niveaux de risque : faible, modéré ou élevé. Et en fonction de ce niveau, de graduer un nombre de visites et leur contenu. Pour un risque faible, il est prévu une visite annuelle comprenant une évaluation, un complément radio et des actes complémentaires ainsi qu'un dialogue avec le patient pour limiter les risques. En cas de risque modéré, le patient est vu tous les 6 mois et des actes complémentaires comme des applications de vernis fluorés ou des scellements préventifs des sillons sont réalisés. Les patients à risque élevé auront 3 rendez-vous par an pendant lesquels des gestes plus importants seront réalisés tels que des applications de vernis fluorés, des scellements préventifs des faces non encore atteintes de caries et des scellements thérapeutiques des lésions carieuses à un stade où elles peuvent encore être stoppées. L'expérimentation sera menée dans un premier temps sur des jeunes de 18 et 21 ans pour lesquels existe déjà un examen de prévention.

Niveau de forfait

« Nous avons synthétisé toutes les recommandations. On a maintenant les moyens scientifiques de prévenir l'extrême majorité de la pathologie carieuse. Et on sait l'arrêter si on voit suffisamment les patients. La seule chose qui manque est la rémunération adaptée », explique Marco Mazevet.

Plusieurs systèmes de rémunération comme la tarification à l'acte, la capitation ou la rémunération à la performance pourront être combinés. Les expérimentations permettront d'ajuster le système.

Marco Mazevet est conscient que le passage « d'une tarification à l'acte à une gestion des facteurs de risque est compliqué » et interroge. « Est-ce qu'on peut demander à un professionnel de santé de s'occuper du risque et des habitudes alimentaires d'un patient qu'il va voir 2 fois 20 minutes par an ? Est-ce qu'on peut vraiment le rémunérer pour cela ? Quelle est sa part de responsabilité ? » Autant dire que cette expérimentation une fois lancée sera observée avec la plus grande attention.

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