Clinic n° 05 du 01/05/2019

 

Dermatologie buccale

Philippe Lesclous  

Une patiente de 73 ans consulte pour une instabilité de ses prothèses amovibles partielles (PAP), en particulier la mandibulaire, qui ont été réalisées il y a de nombreuses années.

Antécédents

Cette patiente a été opérée d'un anévrisme de l'aorte en 2014 traité depuis par acétylsalicylate de lysine (anti-agrégant plaquettaire). Ses autres antécédents médicaux sont une hernie discale, une hypertension artérielle stabilisée (Périndopril, inhibiteur de...


Une patiente de 73 ans consulte pour une instabilité de ses prothèses amovibles partielles (PAP), en particulier la mandibulaire, qui ont été réalisées il y a de nombreuses années.

Antécédents

Cette patiente a été opérée d'un anévrisme de l'aorte en 2014 traité depuis par acétylsalicylate de lysine (anti-agrégant plaquettaire). Ses autres antécédents médicaux sont une hernie discale, une hypertension artérielle stabilisée (Périndopril, inhibiteur de l'enzyme de conversion ; spironolactone, diurétique), une hypercholestérolémie (Pravastatine, hypolipidémiant) et une hypothyroïdie (lévothyroxine sodique, hormones thyroïdiennes). Par ailleurs, cette patiente présente une allergie aux pénicillines.

Examen clinique

L'examen clinique permet de visualiser des PAP maxillaire et mandibulaire inadaptées (fig. 1). Une fois les prothèses ôtées, des crêtes flottantes mandibulaires postérieures, en particulier à droite, sont bien visualisées (fig. 2).

Prise en charge

La chirurgie pré-prothétique a été réalisée sous anesthésie locale. Sur chaque crête, deux incisions en biseau sont réalisées. Les tissus sont réséqués en quartier d'orange. Des sutures par points simples permettent de joindre les berges sans tension (fig. 3). Une prothèse amovible mandibulaire transitoire est mise en place immédiatement afin de guider la cicatrisation.

Les fragments gingivaux sont envoyés au laboratoire d'anatomopathologie afin d'être analysés.

Résultats de l'examen histologique

L'épithélium de surface est de morphologie normale. Une prolifération tumorale bénigne est détectée dans le chorion à l'aide d'une coloration standard HES (hématéine, éosine, safran). Les cellules présentes sont d'aspect fusiforme et monomorphe. Elles sont disposées sur un fond fibrillaire riche en collagène. Des filets nerveux hypertrophiques sont aussi détectés (agrandissement × 100) (fig. 4).

En immunohistochimie, les cellules sont marquées par l'anticorps anti-Ps100 caractéristique des cellules de Schwann en l'occurrence (agrandissement × 100) (fig. 5).

L'analyse conclut à une tumeur nerveuse bénigne de type neurofibrome et non pas à une hypertrophie épithélio-conjonctive beaucoup plus « conventionnelle » dans les crêtes flottantes gingivales sous-prothétiques.

Commentaires

Les neurofibromes sont des tumeurs nerveuses bénignes. Ils résultent de la prolifération d'éléments conjonctifs de la gaine de Schwann au sein d'un tissu collagénique. Le neurofibrome peut être solitaire, comme dans le cas présent, ou bien multiple dans le cas d'une neurofibromatose de type I (von Recklinghausen). L'aspect clinique n'est pas spécifique. La lésion se présente le plus souvent sous la forme d'un nodule recouvert d'une muqueuse d'allure normale, ce qui est le cas ici. Une surveillance clinique régulière, semestrielle durant un an puis annuelle, s'impose pour intercepter toute récidive.

Conclusion

Même si la chirurgie pré-prothétique est un acte chirurgical courant, le praticien doit rester vigilant et toujours envoyer les pièces opératoires en analyse anatomopathologique. Un processus tumoral bénin comme dans le cas présent, voire malin, n'est jamais à exclure.

À lire

  • Kuffer R, Lombardi T, Husson-Bui C, Courrier B, Samson J. La muqueuse buccale, de la clinique au traitement. Med'Com Editions, 2009.