Clinic n° 05 du 01/05/2019

 

Reportage

Les 3 centres de santé municipaux médicaux et dentaires implantés depuis plus de 60 ans à Nanterre font partie intégrante des équipements de la ville et restent toujours une priorité pour la municipalité. Nous avons visité ces centres avec Martine Dame, chirurgien-dentiste coordinateur, qui milite pour ces structures polyvalentes qui permettent un exercice coordonné.

Anne-Chantal de DIVONNE

Depuis la station RER de Nanterre Préfecture, une petite dizaine...


Les 3 centres de santé municipaux médicaux et dentaires implantés depuis plus de 60 ans à Nanterre font partie intégrante des équipements de la ville et restent toujours une priorité pour la municipalité. Nous avons visité ces centres avec Martine Dame, chirurgien-dentiste coordinateur, qui milite pour ces structures polyvalentes qui permettent un exercice coordonné.

Anne-Chantal de DIVONNE

Depuis la station RER de Nanterre Préfecture, une petite dizaine de minutes suffit pour rejoindre le Centre médical municipal du Parc, placé aux pieds d'un ensemble de grands immeubles. Ses locaux sont partagés avec le centre culturel et social. Un espace d'accueil et de prise de rendez-vous au rez-de-chaussée se prolonge par une salle d'attente donnant accès sur plusieurs consultations : médecine générale, kinésithérapie, ORL, gynécologie, dermatologie, sage femme et sexologue. À côté de l'accueil, deux infirmières reçoivent toute la journée sans rendez-vous pour des soins, des pansements, des prises de sang... Elles effectuent aussi « le tri » des urgences. L'une d'entre elles, formée tout récemment pour la pratique avancée, effectue à mi-temps le suivi trimestriel de malades chroniques.

Au milieu des grands immeubles

Le pôle dentaire avec sa salle d'attente, ses 3 cabinets et la stérilisation est ouvert à l'étage tous les jours de 9 h à 19 h et le samedi jusqu'à 16 h 30. Trois chirurgiens-dentistes, omnipraticiens et orthodontistes sont présents toute la semaine, secondés par 3 assistantes ; une quatrième s'occupe de la stérilisation et de la prise de rendez-vous. Un des cabinets privilégie la pédodontie, surtout après l'école, le mercredi et le vendredi.

C'est ici que Martine Dame, coordinateur des centres dentaires de Nanterre et présidente de la Fédération nationale des chirurgiens-dentistes des centres de santé (FNCDCS), découvre l'exercice dans un centre municipal polyvalent en 2004, après 20 ans d'exercice en libéral. Elle ne le quitte plus. Elle apprécie justement cette polyvalence. « C'est vraiment un exercice coordonné. Quand nous avons des patients très décalés d'un point de vue social, nous pouvons appeler l'infirmière ou l'ORL qui s'en occupe tout de suite. C'est aussi intéressant quand on a des pathologies chroniques. » Et puis, les données de santé partagées avec le service médical permettent de « gagner un temps fou » !

Martine Dame commence par exercer 1 journée par semaine. « Ensuite, je suis devenue référent en matériel, puis coordinateur. Et il a fallu que je choisisse car je n'étais plus que 2 jours dans ma structure libérale. » Le choix est fait. Aujourd'hui, elle passe d'un centre à l'autre selon les jours et les remplacements des praticiens en congés, tout en gardant des espaces horaires pour assurer la gestion du personnel – 10 chirurgiens-dentistes, 5 orthodontistes et 11 assistantes dentaires –, des équipements et des fournitures. Et tout en assurant son poste d'attachée d'enseignement à l'hôpital Louis Mourier de Colombes une demi-journée par semaine ainsi qu'une journée à l'hôpital Max Fourestier de Nanterre pour les actes d'implantologie et de chirurgie orale.

En centre ville

À environ 2 km du centre du Parc, le centre de santé « historique » de Nanterre, rue Maurice Thorez, au cœur de la vieille ville, propose également une offre polyvalente. Il compte, en plus, un centre de radiologie doté d'un cone beam télécrâne et d'une panoramique ainsi qu'un laboratoire de 5 prothésistes qui fournit tous les cabinets dentaires des centres municipaux. Réparti sur deux bâtiments anciens auxquels a été adjoint un préfabriqué des années 50 pour une PMI, ce centre de santé montre aujourd'hui ses limites en termes de place et d'accessibilité...

« Tout le centre aura déménagé dans 4 ans dans des locaux neufs. La décision est prise », se réjouit Martine Dame. Les premiers coups de pioche donnés ont, sans surprise, mis à jour de nouvelles traces d'habitation humaine très ancienne. Nanterre se situe sur des terrains que les archéologues pensent être les sites les plus anciens de Paris. Il y aura donc peut-être un peu de retard... Mais les futurs locaux entièrement neufs, deux rues plus loin, sont déjà bien pensés. Ils donnent l'occasion au service dentaire, qui compte actuellement 3 fauteuils, de s'agrandir avec un 4e fauteuil pour la chirurgie orale et l'implantologie. En revanche, l'activité du laboratoire de prothèse sera externalisée. Le nouveau bâtiment prévu à énergie positive ne permet pas de le conserver. « L'avantage d'avoir un labo est de pouvoir contrôler la qualité mais c'est lourd en masse salariale et pour gérer les flux », reconnaît aussi Martine Dame. La stérilisation centrale du centre sera assurée par les assistantes dentaires pour permettre aux infirmières de dégager du temps pour les soins. La polyvalence des activités sera renforcée par l'intégration de 3 autres services actuellement répartis sur d'autres sites : l'espace santé jeune, l'antenne de prévention dans les écoles ainsi que la médecine du travail.

Des traits d'union

Alors pourquoi ne pas rationaliser l'organisation des services dentaires et rapatrier sur le nouveau site les 3 cabinets du Parc ainsi que l'unique fauteuil dentaire installé à la PMI du quartier des Pâquerettes ? « C'est une question que l'on se pose bien évidemment en tant que gestionnaire », reconnaît Martine Dame. « Mais il faut conserver ces traits d'union sociale dans ces quartiers où les commerçants ont déjà du mal à tenir. » Un cabinet de radiologie privé du quartier du Parc a déménagé à la Défense il y a 6 ans. « Si nous partons aussi, c'est une catastrophe. Nous devons être au plus près de la population. Ces centres sont des phares pour les gens. Ils viennent se faire soigner mais aussi trouver du réconfort. Pour les envoyer du quartier du Parc à l'hôpital Max Fourestier à 4 stations de bus, c'est compliqué. On n'imagine pas... Il y a un environnement social ».

Dans le quartier « un peu déshérité » des Pâquerettes, le constat est le même. « Les gens ont du mal à se rendre du côté de l'Université proche pour se faire soigner. Les enfants sont nombreux. La proximité du cabinet dentaire avec la PMI marche très bien. La PMI facilite les liens avec les mères de familles et la venue des enfants sur rendez-vous plutôt qu'en urgence. Et comme il n'y a pas d'autres chirurgiens-dentistes dans le coin, nous maintenons notre veille sanitaire », explique Martine Dame. Une pédodontiste, une orthodontiste et un omnipraticien interviennent en alternance 5 jours par semaine.

Les 3 centres fonctionnent à plein régime. Les rendez-vous sont pris à 3 semaines. Les urgences sont placées dans les « trous » d'agenda créés par les personnes qui préviennent de leur absence. Martine Dame se félicite d'avoir réussi à ramener le taux d'absence non excusé à 8 %, « grâce à un travail important d'accompagnement social ». Ces « trous » d'agenda permettent aussi de prendre des nouveaux patients.

Deux questions à Habiba Bigdade, adjoint au Maire de Nanterre

Comment caractériser la population de Nanterre ?

J'ai l'habitude de dire que, à Nanterre, nous avons un peu toute la France !

À la différence d'autres villes de la « petite couronne », Nanterre a réussi à maintenir une population du monde ouvrier grâce à une maîtrise du foncier par la ville depuis 30 ans. Des catégories socio-professionnelles supérieures s'installent du fait de la proximité avec La Défense mais on maintient aussi la population d'origine. Le quartier des Pâquerettes a été un bidonville. Il a connu une forte immigration portugaise, italienne, puis maghrébine et aujourd'hui subsaharienne. Et il y a aussi 100 000 personnes qui viennent travailler chaque jour.

Les structures de soins privées installées à Nanterre sont plus adaptées à ceux qui viennent travailler. Les structures municipales plus adaptées à la population locale qui n'a pas forcément les moyens d'accéder aux soins.

Pourquoi Nanterre s'investit-elle dans des centres de santé ?

C'est un marqueur ancien et fort de la politique de la ville en terme d'action sanitaire. Ces sites sont intrinsèquement liés à Nanterre. Nous en avons plusieurs pour répondre à un besoin de proximité des habitants. Il n'est pas possible de revenir en arrière, d'autant plus que les besoins sont importants. Nos centres de santé pallient l'insuffisance d'offres de soins.

Nous avons des centres médicaux depuis le début de siècle dernier. Ce sont les anciens dispensaires. Dans les années 50, la ville a créé une offre dentaire, c'était inédit. L'Ordre des chirurgiens-dentistes a d'ailleurs attaqué à l'époque pour concurrence déloyale. Le conseil d'État a donné raison à la ville. Et l'arrêté « ville de Nanterre » du 20 novembre 1964 a reconnu le droit aux collectivités territoriales d'avoir des centres dentaires, comme cela était déjà possible pour les centres médicaux.

Sur un budget de fonctionnement de la ville de 180 millions, la santé – prévention et consultations – atteint 7 millions, dont 6 millions pour le personnel.

Manque de bras

Mais les services dentaires manquent de bras ! « J'ai 35 heures disponibles actuellement » et beaucoup de mal à recruter, regrette Martine Dame. La rémunération, 32,80 €/h brut, manque d'attrait. Les centres souffrent aussi de l'absence d'évolution de carrière. La responsable syndicale « se bat » pour faire appliquer la grille hospitalière dans les centres. Dans ces conditions, il est difficile de rivaliser avec les nombreux centres dentaires associatifs qui ont ouvert ces dernières années et dont les rémunérations attirent les praticiens à la recherche d'un emploi salarié. Pourtant, « généralement, les praticiens apprécient notre modèle et les conditions de travail que nous proposons », regrette Martine Dame. Une jeune orthodontiste au centre Maurice Thorez a choisi les deux solutions. Elle partage depuis 2 ans et demi son activité avec un centre qui n'est « ni mutualiste, ni communal », précise-t-elle. « Là bas, je suis payée au pourcentage. L'organisation est différente. Ici, je suis moins bien payée mais le travail est plus serein. On a moins de souci à se faire. En fait, il y a un équilibre à trouver entre ce que l'on veut au niveau du travail et le salaire », reconnaît la jeune femme. Certains jeunes racontent « qu'ils font de l'abattage dans d'autres centres. Ils veulent tout de même y aller pour se faire un peu d'argent » regrette Martine Dame. « Je leur fais remarquer qu'ils vont prendre de mauvaises habitudes ! ».

La coordinatrice cherche différentes solutions. Elle s'investit beaucoup pour développer des attaches avec l'hôpital. « Entre nos centres, les plateaux techniques hospitaliers et l'université, il y a des vrais liens à tisser. Nous avons beaucoup d'anciens assistants qui travaillent chez nous. Nous pouvons proposer des stages, avoir des assistants partagés avec l'hôpital... ».

« Il y a centre et centre »

Martine Dame jette en revanche un œil très critique sur les centres dentaires associatifs qui ont ouverts à Nanterre ou à proximité. « Il y a centre et centre », affirme-t-elle. « Aujourd'hui le dentaire pur n'a pas de sens quand on parle de populations fragiles. » Historiquement des centres dentaires ont ouvert là ou il n'y avait pas d'offre de soins. Ce fut souvent le cas des centres mutualistes. Mais ceux qui « s'installent à côté de centres municipaux et qui se mettent en concurrence en termes de prix avec les libéraux, cela n'a pas lieu d'être. » La coordinatrice compte sur les négociations du deuxième accord national pour baliser enfin l'activité des centres. Le cas des centres de santé de Nanterre prouve en tout cas qu'« il y a place pour l'exercice salarié, coordonné et vertueux ».

Une prévention au plus près

Un programme de prévention visant à améliorer l'indice carieux est reconduit chaque année depuis 16 ans auprès des 9 000 enfants de toutes les écoles primaires. Des chirurgiens-dentistes enseignent le brossage et effectuent un petit dépistage de la petite section au CM2. Les enseignants travaillent ce thème en amont avec les enfants. En cas de carie ou de problème d'orthodontie, un mot invite les parents à prendre rendez-vous.

Un programme « efficace », explique Martine Dame, mais qui laisse malgré tout perdurer des poches de mauvais résultats dans certaines écoles. Depuis 3 ans, le service dentaire travaille avec les institutrices pour introduire le brossage après le déjeuner. « Ce n'est pas idéal, mais au moins les enfants se brossent les dents une fois par jour. » Dans les quartiers où la population se renouvelle rapidement, des visites de prévention sont organisées directement à la PMI : « nous avons pris le problème à la base en travaillant avec les mamans ! ».

Malgré tous les programmes, la situation carieuse de certains enfants ne s'améliore pas. Marysette Folliguet, chef de service à l'hôpital Louis Mourier de Colombes, fait le même constat et évalue à 3 % la part de ces enfants. Pour casser cette fatalité, Martine Dame a voulu monter un programme d'éducation thérapeutique du patient (ETP) conforme à l'arrêté ministériel afin de travailler directement avec la famille et/ou les personnes qui s'occupent des enfants. Sauf que la carie n'est pas répertoriée parmi la liste des maladies chroniques éligibles à l'ETP. Le programme a été refusé par l'ARS...