Clinic n° 04 du

 

CFAO

Nicolas PITON  

Le cabinet est équipé d'une caméra optique et d'une unité d'usinage in situ qui permet de réaliser des restaurations pour lesquelles toutes les étapes sont gérées au même endroit, de façon immédiate ou en différé. Dans ce deuxième process, on parle de CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) semi-directe. Techniquement, cette réalisation fait appel à une étape d'empreinte optique, une modélisation sur un logiciel spécifique et la fabrication par...


Le cabinet est équipé d'une caméra optique et d'une unité d'usinage in situ qui permet de réaliser des restaurations pour lesquelles toutes les étapes sont gérées au même endroit, de façon immédiate ou en différé. Dans ce deuxième process, on parle de CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) semi-directe. Techniquement, cette réalisation fait appel à une étape d'empreinte optique, une modélisation sur un logiciel spécifique et la fabrication par une usineuse dans le cabinet. Illustration du déroulement de ce flux numérique par un cas clinique : réfection des restaurations de 6 dents antérieures en céramique.

Cas clinique

Nous prenons en charge une patiente de 49 ans dont le motif de consultation est une forte demande d'amélioration de l'esthétique de son sourire. Elle ne présente pas d'antécédents particuliers. L'analyse du sourire sur les photographies pré-opératoires montre que le cadre des lèvres et l'orientation des axes sont normaux. En revanche, les reconstitutions coronaires de type couronnes périphériques en céramo-métal à recouvrement vestibulaire ont un aspect esthétique défavorable. Les proportions, la teinte et le rapport avec le parodonte constituent les principaux critères à modifier. La gencive est inflammatoire, malgré une hygiène correcte de la patiente. La partie cervicale des couronnes montre un manque d'adaptation des limites laissant apparaître les racines des dents et une coloration « bleutée » laissant suspecter une réaction à l'oxydation du métal (fig. 1).

Il n'existe pas de perte de dimension verticale ; il y a un bon positionnement inter-arcade malgré la présence de zones d'édentements postérieures, la patiente ne désirant les compenser ni par de la prothèse adjointe (barrière psychologique forte), ni par des implants (aspect financier trop important).

Nous remarquons également la présence de diastèmes inter-dentaires que la patiente veut fermer et une relative dysharmonie de positionnement du bloc incisivo-canin.

Il est à noter le bon suivi de la ligne du sourire par les reconstructions, information qui sera transmise aisément au prothésiste à l'aide d'un pré-scan.

Décision thérapeutique

Le choix thérapeutique convenu avec la patiente est de reprendre les traitements et reconstitutions corono-radiculaires directes des 6 dents antérieures maxillaires, avec une période test sous couronnes provisoires effectuées par iso-moulage.

Étapes cliniques

Étape 1. Les reconstitutions corono-radiculaires ont été effectuées au composite et tenon fibré en méthode directe sur les 12, 11, 21 et 22 ; nous garderons les inlay-cores sur 13 et 23 (fig. 2).

Les restaurations prothétiques de 43 et 26 et les bords libres du secteur incisif à l'aide de reconstitution composite G-aenial de GC par stratification seront faites dans un deuxième temps.

Étape 2. Suite à l'étape provisoire permettant la cicatrisation du parodonte et la validation du projet esthétique, l'empreinte définitive peut être réalisée. Le matériel utilisé pour l'empreinte optique est une caméra intra-orale (dentalwings) de première génération, donc avec poudrage obligatoire. La technologie repose sur la projection de points dont nous ne détaillerons pas le principe mais qui est illustrée ici par la sonde optique intra-orale et la projection de points sur une dent poudrée lors de la prise d'empreinte (fig. 3 et 4). Comme pour une empreinte classique, pour un bon déroulement de l'empreinte optique, il est nécessaire de ne pas avoir de salivation, de saignements résiduels, etc. Le passage de la sonde optique se fera à distance focale des dents (entre 1 et 1,5 cm par rapport à la zone ciblée) et préparations selon un mouvement et une stratégie de scannage correspondant au type de sonde utilisée. La difficulté majeure dans les empreintes du secteur antérieur est le « passage d'arche » (changement de plan entre sagittal et frontal) qui peut parfois provoquer une déformation difficile à voir. La solution se trouve sans doute dans la stratégie de scannage que nous aborderons dans une prochaine rubrique. La prise d'empreinte de l'arcade du haut et du bas et du mordu en position d'occlusion en intercuspidie maximal (OIM) par abord vestibulaire sera effectuée à la suite.

Étape 3. Conception assistée par ordinateur. Les images obtenues par le logiciel le sont sous forme de fichiers appelés fichiers.stl. Une fois enregistrés, ils seront examinés immédiatement sur l'écran de contrôle comme cette capture du haut, du bas et du mordu (fig. 5). Nous pourrons instantanément vérifier les axes d'insertion, la présence de contre-dépouilles, la distance de réduction par rapport au pré-scan et en fonction du cahier des charges du matériau mais également la distance inter-dentaire des préparations par rapport aux dents antagonistes. Si l'examen attentif révèle des défauts de préparation, les retouches pourront être faites très ponctuellement par correction en bouche et l'empreinte pourra être modifiée très aisément et très rapidement. En effet, il suffit de reprendre une empreinte optique de la zone modifiée pour que le logiciel permette à la nouvelle partie de l'image de se recaler spontanément à la place de l'ancienne. Après avoir complété la date d'envoi, le type de travail et les observations éventuelles, des photos peuvent également être adjointes au fichier d'envoi. Dans le cas décrit, la prise de teinte et les observations seront instantanément prises par le prothésiste, présent au cabinet. Les fichiers seront envoyés via le réseau local pour ce cas mais ils peuvent être également envoyés à l'extérieur par réseau internet via une passerelle sécurisée. Les empreintes numériques reçues par le laboratoire seront examinées et traitées dans le logiciel de modélisation selon une séquence déterminée. C'est la conception assistée par ordinateur :

• vérification du bon positionnement inter-arcade dans tous les plans de l'espace ;

• détermination des limites, de l'espace ciment ;

• détermination des axes d'insertion ;

• des morphologies de dents seront proposées comme base de travail que le prothésiste mettra en forme comme il le souhaite en fonction des règles esthétiques et fonctionnelles en tenant compte des observations et recommandations du praticien

Étape 4. Usinage semi-direct. Une fois le travail de modélisation terminé et validé, on obtient des fichiers.stl de fabrication qui seront transférés par réseau ou clé USB dans l'ordinateur gérant l'usinage qui va déterminer des protocoles de fraisage pour obtenir la forme escomptée. Pour ce cas, l'usineuse utilisée est celle présente au cabinet. Mais la pose des couronnes ne s'est pas faite dans la même séance. La séquence est donc qualifiée de « semi-directe ». Le matériau utilisé sera de la céramique à base de zircone ivoclar vivadent IPS e.max zircad MT ; les couronnes seront monolithiques sans stratifications et sans élaboration de modèles physiques. Il s'agit de se fier à la précision de l'empreinte optique, de l'usinage et ainsi de réduire les sources d'erreur pour se concentrer sur le résultat esthétique.

Étape 5. Essayage et assemblage des restaurations. L'essayage des prothèses est validé tant au niveau de la stabilité, de l'adaptation, de la fonction que de l'esthétique du sourire (fig. 6). Après accord de la patiente, nous avons procédé au scellement des couronnes à l'aide de fuji plus de CG (fig. 7 et 8). Le suivi à 2 ans montre une intégration durable des restaurations réalisées (fig. 9 et 10).

Discussion

L'utilisation de l'empreinte numérique et de la conception des restaurations par ordinateur n'est pas obligatoirement liée à une séance « tout en un ». Le recours à une technique « semi-directe », c'est-à-dire que l'ensemble des étapes est réalisé au cabinet mais que l'on recourt à deux séances (empreinte puis assemblage), reste une option confortable, d'organisation plus simple car tout le temps de réflexion nécessaire peut être pris pour réaliser la modélisation et la conception.

L'intérêt de l'empreinte optique reste valable. Il se trouve dans le confort du patient, dans le contrôle intermédiaire des préparations, dans la transmission et l'archivage facile des données. Elle nécessite un temps d'apprentissage et la même rigueur de préparation que pour les empreintes classiques.

L'intérêt de la conception réalisée au cabinet réside dans le contrôle des paramètres du flux de réalisation numérique et la validation immédiate du travail avant usinage. Ce travail est long et précis. Il a tout intérêt à être délégué, même sur place, au prothésiste quand cela est possible.